Livv
Décisions

CA Montpellier, 4e ch. civ., 18 septembre 2025, n° 24/01504

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Domofinance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soubeyran

Conseillers :

M. Bruey, Mme Franco

Avocats :

Me Perrin, Me Ramahandriarivelo, Me Ngo, Me Auffret de Peyrelongue

JCP [Localité 7], du 23 janv. 2024, n° 2…

23 janvier 2024

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS:

1. Selon bon de commande du 24 août 2019, M. [W] [M] et Mme [F] [M] (ci-après les époux [M]) ont confié à la société Zephir Energie la pose et la fourniture d'une installation photovoltaïque pour le prix de 15 000 €, suite à un démarchage à domicile.

2. Le même jour, les époux [M] ont souscrit auprès de la société Domofinance un contrat de crédit affecté d'un montant de 15 000 €, au taux fixe de 3,87%, remboursable en 120 mensualités.

3. Par jugement du 8 mars 2021, la société Zephir Energie a été placée en liquidation judiciaire et Me [T] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.

4. Considérant que l'installation n'était pas rentable, les époux [M] ont par actes du 22 juillet 2022 fait assigner les sociétés Zephir Energie et Domofinance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Perpignan afin de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de prêt.

5. Par jugement du 23 janvier 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Perpignan a :

- Prononcé la nullité du contrat de vente du 24 août 2019 liant M. [M] et Mme [M] à la société Zephir Energie;

- Ordonné au liquidateur de la société Zephir Energie, Me [T], de faire procéder à la dépose des panneaux, dans les six mois de la signification de la présente décision, à défaut M. [M] et Mme [M] pourront faire leur affaire personnelle de l'installation ;

- Prononcé la nullité subséquente du contrat de crédit du 24 août 2019 liant M. [M] et Mme [M] à la société Domofinance ;

- Débouté la société Domofinance de sa demande en restitution du capital versé, soit la somme de 15 000 € avec déduction des échéances déjà versées, à l'encontre de M. [M] et Mme [M] ;

- Dit que la société Domofinance a commis diverses fautes lors du déblocage des fonds la privant du droit d'obtenir le remboursement du capital prêté ;

En conséquence,

- Dit qu'il appartiendra à la société Domofinance de restituer à M. [M] et Mme [M] les mensualités payées jusqu'à ce jour, soit 7 652,89 € et en tant que de besoin la condamner à s'exécuter ;

- Condamné solidairement Me [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Zephir Energie et la société Domofinance aux dépens ;

- Condamné solidairement Me [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Zephir Energie et la société Domofinance à payer à M. [M] et Mme [M] la somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Rappelé que l'exécution provisoire assortit de droit la présente décision.

6. La société Domofinance a relevé appel de ce jugement le 18 mars 2024.

7. Par dernières conclusions remises par voie électronique le 9 décembre 2024, la société Domofinance demande en substance à la cour, au visa des articles 9 du Code de procédure civile et 1134 et 1147, 1184, 1315 et 1338 du Code civil, L312-48 du Code de la consommation, de :

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a privé la société Domofinance de son droit d'obtenir le remboursement du capital prêté,

Statuant à nouveau :

- Débouter les époux [M] de leurs demandes telles que dirigées contre la société Domofinance,

- Condamner solidairement les époux [M] à payer à la société Domofinance, au titre des remises en état et restitution du capital mis à disposition, la somme de 15 000 € avec déduction des échéances déjà versées, avec garantie due par la société Zephir Energie en application de l'article L312-56 du Code de la consommation,

- les condamner à payer à la société Domofinance la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

8. Par dernières conclusions remises par voie électronique le 5 mars 2025, les époux [M] demandent en substance à la cour de :

- Dire et juger la société Domofinance recevable en son appel mais mal fondée ;

- Confirmer le jugement du 23 janvier 2024 en toutes ses dispositions ;

En tout état de cause :

- Déclarer les époux [M] recevables en leurs demandes;

- Débouter la société Domofinance de toutes ses demandes fins et conclusions ;

- Condamner la société Domofinance à payer aux époux [M] la somme de 4 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner la société Domofinance aux entiers frais et dépens de la présente procédured'appel.

9. Vu l'ordonnance de clôture en date du 22 mai 2025.

10. Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

- Sur la nullité du contrat de vente

11. L'article L.221-5 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'espèce dispose notamment que, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes:

1° les informations prévues aux articles L.111-1 et L. 111-2;

2° lorsque le droit de rétractation existe les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractat, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en conseil d'Etat.

12. L'article L. 111-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable énonce notamment : « Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L.112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ainsi que s'il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'État.

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.'

13. L'article L.221-9 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L.221-5. Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier a l'exercice de son droit de rétractation. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L.221-5.

14. Enfin, aux termes de l'article L.242-1 du Code de la consommation, les dispositions de l'article L.221-9 du même code sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

15. Le premier juge a justement relevé l'irrégularité du bon de commande en ce qu'il ne mentionnait pas la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service, la cour ajoutant que la seule mention d'un délai de livraison de 90 jours maximum à compter de la signature du bon de commande, est insuffisante pour répondre aux exigences de l'article L.111-1, 3° du code de la consommation ; il a également exactement relevé la non-conformité du bon de commande en ce qu'il ne précise ni la durée ni le point de départ du délai de rétractation.

La cour observe en outre que la description de l'installation par la seule mention de la puissance théorique des panneaux ou onduleur ne répond pas à l'exigence de compréhensibilité imposée par l'article L121-17 du code de la consommation faute d'informer l'acquéreur sur la production d'électricité de l'installation.

16. Au regard de ces irrégularités formelles, le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du bon de commande, et par suite, en application de l'article L312-55 du code de la consommation celle du contrat de prêt affecté au financement de l'installation.

- Sur les restitutions réciproques

17. En conséquence de la nullité des contrats de vente et de prêt, les parties doivent être replacées dans leur état antérieur.

L'acquéreur doit en principe par suite de l'annulation du crédit restituer le capital emprunté au prêteur. Pour être exonéré de cette obligation, il peut invoquer la faute du prêteur et son lien de causalité avec le préjudice.

18. Le prêteur est tenu de vérifier la régularité formelle du contrat principal et d'informer l'emprunteur d'une éventuelle irrégularité afin que celui-ci puisse confirmer le contrat ou y renoncer. A défaut, le prêteur commet une faute susceptible d'engager sa responsabilité. (1ère Civ.18/02/2009 n°07-19.648, 1ère Civ. 22/09/2021 n°19-21.968).

19. En l'espèce, les irrégularités précédemment relevées du bon de commande n'ont pu échapper à la société Domofinance ,professionnelle du financement d'installations photovoltaiques, qui se devait d'en informer ses clients afin de les mettre en mesure soit de poursuivre l'exécution en connaissance des causes de nullité du contrat principal soit de faire valoir leur droit de rétractation.

20. S'agissant du préjudice résultant de cette faute, la restitution du prix par la société venderesse de l'installation aux acquéreurs est rendue impossible du fait de la procédure de liquidation judiciaire dont elle a fait l'objet alors qu'ils sont, du fait de la résolution du contrat, simples possesseurs de l'installation.

21. Il doit cependant également être tenu compte dans l'évaluation du préjudice des époux [M] que s'ils déplorent un rendement de l'installation en-deçà des promesses du vendeur qui ne permettrait pas d'assurer un auto-financement, il résulte de l'expertise amiable qu'ils versent au dossier, dont les conclusions ne sont au demeurant corrroborées par aucun autre élément de preuve, que l'installation est fonctionnelle et leur procure une économie mensuelle moyenne de 53 €.

Par ailleurs, le risque pour les époux [M] d'une reprise de l'installation par le mandataire liquidateur de la société venderesse est tout à fait hypothétique en l'état du courriel daté du 13 juin 2024 produit par la société Domofinance dont il ressort que Me [T] indique qu'il lui sera impossible de procéder au retrait des marériels en l'état de la liquidation.

22. Tenant ces observations, la cour ne dispensera les époux [M] que partiellement de la restitution du capital emprunté à hauteur de 5000€ de sorte qu'il sera fait droit à la demande en restitution de la société Domofinance à hauteur de 10000 € avec déduction des échéances déjà réglées.

23. La SA Domofinance sollicite le bénéfice des dispositions de l'article L312-56 du code de la consommation permettant au prêteur, lors que l'annulation ou la résolution du contrat principal survient du fait du vendeur, de voir ce dernier condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt. Outre qu'il ne résulte pas des mentions du jugement déféré que la SA Domofinance ait formé cette demande devant le premier juge, celle-ci est en tout état de cause irrecevable dès lors qu'aucune condamnation en paiement ne peut intervenir à l'encontre de la SA Zephir en l'état de la procédure de liquidation judiciaire dont elle a fait l'objet et le mandataire liquidateur de la société n'étant de surcroît pas partie à l'instance d'appel.

24. Parties succombantes pour l'essentiel, M. [W] [M] et Mme [F] [M] supporteront la charge des dépens d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement en ce qu'il a privé la SA Domofinance de son droit d'obtenir le remboursement de l'entièreté du capital prêté,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que la SA Domofinance sera privée partiellement de son droit à restitution du capital emprunté à hauteur de 5000 €.

Condamne en conséquence M. et Mme [M] à payer à la SA Domofinance la somme de 10000 € au titre du capital emprunté avec déduction des échéances déjà réglées.

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Déclare irrecevable la demande formée à l'encontre de la SA Zephir Energie sur le fondement de l'article L312-56 du code de la consommation .

Condamne M. et Mme [M] aux dépens d'appel.

Déboute la SA Domofinance de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site