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Décisions

CA Versailles, ch. soc. 4-5, 18 septembre 2025, n° 23/02730

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/02730

18 septembre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 SEPTEMBRE 2025

N° RG 23/02730

N° Portalis DBV3-V-B7H-WDO4

AFFAIRE :

Madame [K] [S] épouse [W]

C/

S.A. CITALLIOS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 03 Juillet 2023 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : F 21/01896

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Ronald VARDAGUER

Me Uriel SANSY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [K] [S] épouse [W]

née le 05 Février 1957 à [Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Ronald VARDAGUER, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1222

Me Sandrine VARDAGUER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1222

APPELANTE

****************

S.A. CITALLIOS

N° SIRET : 334 336 450

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Uriel SANSY de la SELAS FACTORHY AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0061

Me Claire GIUSTINIANI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0061

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Juin 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,

Greffier lors des débats : Madame Caroline CASTRO FEITOSA,

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée, Mme [K] [W] a été engagée par la société Sem 92 devenue Citallios, à compter du 1er mai 2008 avec reprise d'ancienneté au 19 février 2007 en qualité de secrétaire assistante. Elle occupait en dernier lieu le poste d'assistante de projet.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseil, dite Syntec.

La salariée a été placée en arrêt de travail pour maladie du 13 septembre 2018 au 13 septembre 2021.

Aux termes d'un avis du 14 septembre 2021, le médecin du travail l'a déclarée inapte avec dispense de reclassement.

Par courrier du 20 septembre 2021, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est tenu le 30 septembre 2021, reporté au 12 octobre 2021, puis elle a été licenciée pour inaptitude par courrier du 15 octobre 2021.

Entre temps, par requête reçue au greffe le 28 septembre 2021, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir notamment la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul, et à titre subsidiaire, sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 3 juillet 2023, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes a :

- jugé, en l'état, le licenciement prononcé par la société Citallios, à l'encontre de Mme [W], fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté, en l'état, Mme [W] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la société Citallios de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure,

- condamné Mme [W] à la charge des entiers dépens.

Par déclaration au greffe du 4 octobre 2023, Mme [W] a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe par le Rpva le 8 avril 2025 auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, Mme [W] demande à la cour de :

- déclarer recevable sa demande relative à la prime de vacances pour les années 2020 et 2021 et les congés payés y afférents,

- déclarer recevable sa demande relative aux rappels de congés payés au titre des années 2018 à 2021,

- déclarer bien fondé son appel à l'encontre du jugement,

infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la société Citallios de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure

et statuant à nouveau :

à titre principal,

- dire et juger que la société Citallios a commis des manquements à son encontre,

- prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société Citallios, compte tenu des manquements qu'elle a commis à son encontre,

- dire et juger que la rupture de son contrat de travail doit produire les effets :

* à titre principal, d'un licenciement nul,

* à titre subsidiaire, d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que les effets de la résiliation judiciaire de son contrat de travail doivent remonter au 15 octobre 2021, date de son licenciement,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que les manquements commis à son encontre par son employeur, la société Citallios, sont à l'origine de son inaptitude,

- dire et juger :

* à titre principal, que son licenciement pour inaptitude est nul,

* à titre subsidiaire, que son licenciement pour inaptitude est sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

- condamner la société Citallios à lui régler les sommes suivantes :

* 41 300 euros à titre principal, indemnité pour licenciement nul,

* 41 300 euros à titre subsidiaire, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 13 766,72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 376,67 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 082,02 euros au titre de prime de vacances pour les années 2020 et 2021,

* 108,20 euros au titre des congés payés afférents,

* 2 411,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés 2019,

* 3 253,73 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés 2020,

* 2 575,63 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés 2021,

* 20 650 euros à titre principal, au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 20 650 euros à titre subsidiaire, au titre des dommages et intérêts pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail et manquements à l'obligation de sécurité,

* 4 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Citallios à lui remettre un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés et ce, sous astreinte définitive de 50 euros par document et par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de l'arrêt,

- prononcer les condamnations avec intérêts au taux légal à compter de la saisine et capitalisation des intérêts (article 1343-2 code civil),

- condamner Citallios aux entiers dépens, y compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe par le Rpva le 21 mai 2025 auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens, la société Citallios demande à la cour de :

- déclarer irrecevable la demande de l'appelante relative à la prime de vacances pour les années 2020 et 2021 et les congés payés afférents,

- déclarer irrecevable la demande de l'appelante relative aux rappels de congés payés au titre des années 2018 à 2021,

- déclarer mal fondé l'appel de Mme [W] à l'encontre du jugement entrepris,

par conséquent,

confirmer le jugement en ce qu'il a :

* jugé le licenciement de Mme [W] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

* débouté Mme [W] de l'intégralité de ses demandes,

* condamné Mme [W] à la charge des entiers dépens,

- débouter Mme [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

y ajoutant,

- condamner Mme [W] au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

si par extraordinaire, venait à réformer le jugement entrepris, il est demandé à la cour de céans de :

- déclarer irrecevable la demande de l'appelante relative à la prime de vacances pour les années 2020 et 2021 et les congés payés afférents,

- déclarer irrecevable la demande de l'appelante aux rappels de congés payés au titre des années 2018 à 2021,

et statuant à nouveau :

à titre principal,

- constater que les prétendus manquements fautifs de la société Citallios invoqués par Mme [W] au soutien de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail ne sont pas établis,

- constater l'absence de harcèlement moral subi par Mme [W],

- constater l'absence d'exécution déloyale du contrat de travail de Mme [W],

- constater que le licenciement de Mme [W] est justifié par un motif réel et sérieux et est dépourvu de tout lien avec l'exécution du contrat de travail de l'appelante,

en conséquence,

- débouter Mme [W] de sa demande principale d'indemnité pour licenciement nul d'un montant de 41 300 euros,

- débouter Mme [W] de sa demande subsidiaire d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 41 300 euros,

- débouter Mme [W] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 13 766,72 euros,

- débouter Mme [W] de sa demande en congés payés afférents d'un montant de 1 376,67 euros,

- débouter Mme [W] de sa demande principale de dommages et intérêts pour harcèlement moral d'un montant de 20 650 euros,

- débouter Mme [W] de sa demande subsidiaire de dommages et intérêts pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail et manquements à l'obligation de sécurité d'un montant de 20 650 euros,

- débouter Mme [W] de sa demande de prime de vacances pour les années 2020 et 2021 d'un montant de 1 082,02 euros et des congés payés afférents à hauteur de 108,20 euros,

- débouter Mme [W] de ses demandes de rappels de congés payés pour les années 2018 (1 204,58 euros), 2019 (4 179,93 euros), 2020 (4 229,85 euros) et 2021 (3 348,63 euros),

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour de céans considérait que la résiliation judiciaire devait être prononcée aux torts de l'employeur et prenait les effets d'un licenciement nul,

- ramener l'indemnité au titre de la nullité du licenciement à la somme de 19 497 euros bruts,

à titre subsidiaire également, si par extraordinaire la cour de céans considérait que la résiliation judiciaire devait être prononcée aux torts de l'employeur et prenait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- ramener l'indemnité au titre du défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement à 3 mois de salaire, soit la somme de 10 325,04 euros bruts,

à titre subsidiaire également, si par extraordinaire la cour de céans retenait l'existence d'un harcèlement moral subi par Mme [W] ou d'une exécution déloyale du contrat de travail ou des manquements à l'obligation de sécurité de la part de la société, justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail sur l'un de ces deux fondements alternatifs :

- constater que la demande distincte de dommages et intérêts relative au harcèlement moral ou à l'exécution déloyale du contrat de travail ou des manquements à l'obligation de sécurité aurait déjà été réparée dans le cadre du prononcé de la résiliation judiciaire aux torts de la société,

en conséquence,

- débouter Mme [W] de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ou de l'exécution déloyale du contrat de travail ou des manquements à l'obligation de sécurité,

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour de céans venait à considérer que la demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral ou de l'exécution déloyale du contrat de travail ou des manquements à l'obligation de sécurité n'avait pas déjà été réparée dans le cadre du prononcé de la résiliation judiciaire aux torts de la société, ramener l'indemnité à de plus justes proportions,

- à titre subsidiaire également, si par extraordinaire la cour de céans considérait que les demandes de rappels de congés payés et de rappel de primes de vacances étaient recevables,

- constater l'absence de bien-fondé des demandes,

en conséquence,

- débouter Mme [W] de sa demande de prime de vacances pour les années 2020 et 2021 d'un montant de 1 082,02 euros et des congés payés afférents à hauteur de 108,20 euros,

- débouter Mme [W] de ses demandes de rappels de congés payés pour les années 2018 (1 204,58 euros), 2019 (4 179,93 euros), 2020 (4 229,85 euros) et 2021 (3 348,63 euros),

- à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la cour de céans considérait que la demande de rappels de congés payés était recevable :

- limiter l'indemnité compensatrice de congés payés à 4 158,92 euros,

en tout état de cause,

- débouter Mme [W] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter Mme [W] de sa demande formulée au titre des dépens,

- condamner Mme [W] au paiement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [W] aux entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 22 mai 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés pour les années 2019 à 2021 et de rappel de primes de vacances pour les années 2020 et 2021

L'employeur soutient que les demandes de la salariée au titre des rappels de congés payés couvrant la période de 2019 à 2021 durant laquelle son contrat de travail était suspendu pour maladie non professionnelle et des rappels de prime de vacances pour les années 2020 et 2021 sont irrecevables comme nouvelles en cause d'appel en ce qu'elles ne tendent pas aux mêmes fins que ses demandes initialement formulées en première instance relatives à la rupture de son contrat de travail et en ce que ses demandes indemnitaires alors soutenues au titre de l'exécution du contrat de travail pour harcèlement moral et 'déloyauté' n'étaient que l'accessoire des demandes relatives à la rupture de ce contrat fondées sur un même postulat, erroné, selon lequel elle aurait été victime de harcèlement. Il fait valoir que ces deux nouvelles demandes liées à l'exécution du contrat de travail sont de nature salariale quand celles initialement formées étaient de nature indemnitaire.

Concernant la demande de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés, la salariée qui se prévaut d'avoir saisi le conseil de prud'hommes notamment, d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et d'indemnité de congés payés non pris pour un montant 'à parfaire' de 3 900,57 euros par une requête du 28 septembre 2021, réplique que la survenance du fait justifiant la recevabilité de sa demande nouvelle en appel résulte d'une modification législative s'agissant de l'application rétroactive des dispositions de l'article 37 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 qui la fondent. Elle soutient qu'en tout état de cause cette demande tend aux mêmes fins que celle formulée lors de la saisine en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés non pris et qu'elle en est le complément, de sorte qu'elle n'est pas nouvelle et est donc recevable.

Concernant la demande de rappel de prime de vacances, la salariée fait valoir qu'elle est l'accessoire ou le complément de sa demande de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral dès lors qu'elle soutient que le non-paiement de cette prime en constitue l'un des éléments de fait.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Enfin, l'article 566 prévoit que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

* D'abord, la demande, soutenue pour la première fois en cause d'appel, en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés au titre des congés payés acquis au cours de son arrêt de travail pour maladie n'a pas été soumise au premier juge faute d'avoir été reprise dans les dernières conclusions de la demanderesse qui est donc réputée l'avoir abandonnée en application de l'article R. 1435-5 du code du travail. Il en résulte que cette demande ne saurait être jugée recevable en application des dispositions des articles 565 et 566 précités même si elle tend aux mêmes fins que la demande en paiement de congés payés acquis et non pris sur une période antérieure formulée dans la requête qui a saisi le conseil de prud'hommes le 28 septembre 2021.

Ensuite, cette même demande nouvelle en appel ne peut être déclarée recevable au regard des dispositions de l'article 564 précité en ce que s'analyserait en la survenance d'un fait au sens de ce texte, la solution nouvelle quant au droit pour le salarié d'acquérir des congés payés au cours d'un arrêt de travail lié à une maladie n'ayant pas un caractère professionnel, tirée d'une nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation ( Cass. soc., 13 sept. 2023, n° 22-17.340, 22-17.638, 22-10.529 ) qui écarte, dans les litiges qui lui sont soumis, les dispositions légales qui excluent l'acquisition de congés payés pour les salariés dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, puis des dispositions de l'article 37 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant modification de l'article L. 3141-5 du code du travail aux termes desquelles, pour la période courant du 1er décembre 2009 à la date d'entrée en vigueur de la loi, sont considérées comme période de travail effectif pour la détermination de la durée du congé, les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'arrêt de travail lié à un accident ou une maladie n'ayant pas un caractère professionnel.

En effet, il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff, C-350/06, point 41 ; CJUE, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10, point 20) que la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, n'opère aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période. Il s'ensuit que, s'agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat

Par un arrêt du 24 janvier 2012 (Dominguez, C-282/10), la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé qu'il incombe à la juridiction nationale de vérifier, en prenant en considération l'ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d'interprétation reconnues par celui-ci, si elle peut parvenir à une interprétation de ce droit permettant de garantir la pleine effectivité de l'article 7 de la directive 2003/88/CE et d'aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci.

La Cour de cassation a ainsi jugé que la directive 2003/88/CE ne pouvant permettre, dans un litige entre des particuliers, d'écarter les effets d'une disposition de droit national contraire, un salarié ne peut, au regard de l'article L. 3141-3 du code du travail, prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés au titre d'une période de suspension du contrat de travail ne relevant pas de l'article L. 3141-5 du code du travail (Soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285, Bull. 2013, V, n° 73).

Toutefois, la Charte des droits fondamentaux, qui prévoit en son article 31, § 2 que tout travailleur a droit à une période annuelle de congés payés, bénéficie d'une valeur contraignante depuis l'entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du traité de Lisbonne du 17 décembre 2007. Cette force contraignante a été confirmée par la Cour de Justice de l'Union européenne qui lui a reconnu, dès 2018, un effet direct horizontal (CJUE, 6 nov. 2018, no C-619/16).

De la même manière, par un arrêt du 6 novembre 2018 (CJUE, arrêt du 6 novembre 2018, Bauer et Willmeroth, C-569/16 et C- 570/16), la Cour de Justice de l'Union européenne a jugé qu'en cas d'impossibilité d'interpréter une réglementation nationale de manière à en assurer la conformité avec l'article 7 de la directive 2003/88/CE et l'article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux, la juridiction nationale doit laisser ladite réglementation nationale inappliquée. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que cette obligation s'imposait à la juridiction nationale en vertu de l'article 7 de la directive 2003/88/CE et de l'article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux lorsque le litige oppose un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité d'autorité publique et en vertu de la seconde de ces dispositions lorsque le litige oppose le bénéficiaire à un employeur ayant la qualité de particulier.

La Cour de cassation a alors jugé, par son arrêt précité du 13 septembre 2023, que s'agissant d'un salarié, dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, les dispositions de l'article L. 3141-3 du code du travail, qui subordonnent le droit à congé payé à l'exécution d'un travail effectif, ne permettent pas une interprétation conforme au droit de l'Union européenne ; que, dès lors, le litige opposant un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité de particulier, il incombe au juge national d'assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l'article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée ladite réglementation nationale ; qu'il s'ensuit que, s'agissant de travailleurs en congé maladie dûment prescrit, le droit au congé annuel payé conféré par cette directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l'obligation d'avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat; que lorsque le litige opposant un bénéficiaire du droit à congé à un employeur ayant la qualité de particulier, il incombe au juge national d'assurer, dans le cadre de ses compétences, la protection juridique découlant de l'article 31, paragraphe 2, de la Charte et de garantir le plein effet de celui-ci en laissant au besoin inappliquée ladite réglementation nationale ; qu'ainsi, il convient d'écarter partiellement l'application des dispositions de l'article L. 3141-3 du code du travail en ce qu'elles subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, et de juger que le salarié peut prétendre à ses droits à congé payé au titre de cette période en application des dispositions des articles L. 3141-3 et L. 3141-9 du code du travail.

Le droit pour les salariés d'acquérir des congés payés pour les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'arrêt de travail lié à un accident ou une maladie n'ayant pas un caractère professionnel n'est donc pas nouveau et correspond à l'état du droit au moment où la salariée a saisi la juridiction prud'homale, de sorte que la salariée était en mesure de connaître ses droits et ainsi, de former une demande de rappel de congés payés afférents à la période de suspension de son contrat de travail pour maladie avant la nouvelle jurisprudence tirée de l'arrêt du 13 septembre 2023 puis la publication de la loi du 22 avril 2024, lesquels ne sauraient dès lors constituer un fait nouveau au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

* Quant à la demande en paiement d'un rappel de primes de vacances pour les années 2020 et 2021 soutenue pour la première fois en cause d'appel, elle est fondée sur les dispositions de l'article 31 de la convention collective dite Syntec selon lequel l'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10% de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective.

Cette demande, de nature salariale et relative à l'exécution du contrat de travail, ne tend pas aux mêmes fins que les demandes soumises au premier juge au titre de la rupture du contrat de travail et que la demande indemnitaire formée au titre d'un harcèlement moral.

Elle n'en constitue pas non plus l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, peu important l'invocation du non-paiement de la prime en tant qu'élément de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Enfin, il ne s'évince pas des éléments de la cause qu'elle tend à faire juger les questions nées de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de déclarer irrecevables les demandes en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés pour les années 2019 à 2021 et de rappel de primes de vacances pour les années 2020 et 2021.

Sur le harcèlement moral

La salariée soutient qu'elle a été victime d'un harcèlement moral et elle sollicite à ce titre le paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis. Elle met en cause son employeur et plus particulièrement sa responsable hiérarchique, Mme [B]. A titre subsidiaire, elle fonde sa demande sur le non-respect de l'obligation de loyauté et de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail qu'à l'obligation de sécurité.

L'employeur sollicite le débouté de ces demandes.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements

répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de

travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1, dans sa rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable aux faits commis à compter de son entrée en vigueur le 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La salariée invoque un management destructeur de la part de sa supérieure hiérarchique, N+2, soit le rejet injustifié de ses demandes de mutation, des attaques personnelles de Mme [B] à son égard matérialisées par des remarques désagréables et humiliantes systématiques devant témoins, une minimisation de son travail et de sa charge de travail, l'organisation d'une surcharge de travail qui s'est accrue par la demande de gestion imposée des e-attestations pour toutes les directions, et enfin, le retrait de son statut de référent du logiciel Sis-marché sur ses entretiens annuels d'évaluations à compter de 2012-2013. Elle y ajoute un refus discriminatoire de toute augmentation individuelle significative.

S'agissant du rejet injustifié des demandes de mutation, la salariée qui relate avoir toujours été dévalorisée et rabaissée par Mme [B] malgré son investissement sans faille, ses compétences et sa corvéabilité 'à merci', affirme avoir tenté d'échapper à cette ambiance de travail délétère en sollicitant à deux reprises, une demande d'évolution interne dans une autre direction mais qu'elle lui a été systématiquement refusée par Mme [B].

Elle s'appuie sur le témoignage de Mme [M], directrice de l'aménagement au sein de la société, qui atteste qu'au premier semestre 2009, 'un poste d'assistant à [sa] direction était à pourvoir en interne', que la salariée a postulé à ce poste, qu'elle l'a rencontrée et qu'elle était très motivée pour rejoindre sa direction. Elle souligne que compte tenu de ses compétences et de ses motivations, elle a donné un avis favorable à son recrutement mais que Mme [B] s'est opposée à la mutation de la salariée, qu'elle a désigné une autre assistante qui a dû accepter ce poste par contrainte.

Mme [M] témoigne également qu'en septembre 2016, 'lors de la fusion de la SEM avec d'autres SEM, Monsieur [R] [V], Directeur Général, a proposé au personnel d'exprimer, à ceux qui le souhaitaient, leur désir d'évolution au sein de la nouvelle société créée Citallios' à la suite de quoi, la salariée a de nouveau fait connaître son désir de rejoindre sa direction, qu'elle l'a reçue, et qu'à nouveau, sa demande n'a pas été prise en considération, Mme [B] 'ayant refusé à nouveau toute possibilité de changement de direction à la salariée, à sa grande déception ainsi qu'à la mienne, cette assistante faisant preuve d'une forte expérience professionnelle et d'une réelle volonté d'investissement'.

Il est donc établi qu'à deux reprises, un poste en interne était vacant, que la directrice du département concerné était favorable à son recrutement et que Mme [B] s'est opposée à la demande de mutation de la salariée.

S'agissant des attaques personnelles de Mme [B], la salariée évoque d'abord des remarques désagréables et humiliantes systématiques, puis la minimisation de son travail et de sa charge de travail et enfin, le retrait de son statut de référent Sis-marché.

Sur les remarques humiliantes systématiques de Mme [B] à l'égard de la salariée

Pour illustrer son propos, elle s'appuie sur :

* l'attestation de Mme [D], assistante dans le même service qu'elle jusqu'en 2009 puis dans une autre direction mais avec laquelle elle conservait des contacts professionnels, et qui relate que 'le professionnalisme de la salariée était évident mais elle a commencé à souffrir, comme d'autres assistantes, de l'absence de reconnaissance de sa hiérarchie et du favoritisme'. (...) [K] (...) se confiait à moi quant à ses difficultés relationnelles grandissantes avec Mme [B]', laquelle 'n'a jamais manifesté la moindre empathie envers elle, lui reprochant même systématiquement ses éventuels retards et des demandes d'absences-congés. J'ai personnellement entendu des critiques envers elle. Elle a demandé à être reçue une fois ou deux par Mme [B] afin d'exposer son mal-être au sein de l'équipe, en vue de trouver des solutions positives mais en vain, elle n'a jamais été considérée et elle en est ressortie à chaque fois un peu plus blessée.'

* l'attestation de Mme [Z], assistante dans le même service et qui indique avoir 'constaté que [sa] collègue Mme [K] [W] était victime de harcèlement constant de la part de Mme [E] [B], sous forme d'observations désagréables et s'adressant à elle toujours de manière méprisante en totale opposition avec l'attitude qu'elle adoptait avec Mme [L], autre assistante dans le service' (...) Mme [W] me confiait souffrir de la pression et de la malveillance de sa supérieure, Madame [B] (...). J'ai été témoin, notamment au cours des points agendas du lundi auxquels j'étais présente une semaine sur deux: Madame [B] n'hésitait pas à s'acharner verbalement et sans aucune retenue sur Mme [W] pour des motifs insignifiants avec un mépris palpable devant toute l'assemblée, qui en plaisantait hors réunion tant ces observations étaient récurrentes et injustifiées'.

Compte tenu des témoignages versés, il est établi que Mme [B] tenait régulièrement des propos désagréables sans retenue à l'encontre de Mme [W], attitude et mode de management susceptibles de porter atteinte à sa dignité et à sa santé puisqu'ils étaient tenus devant ses collègues, contribuant ainsi à son humiliation.

S'agissant de la charge de travail de la salariée et de la surcharge devenue ingérable au fil du temps, la salariée expose qu'elle était exposée depuis des années à une charge de travail importante qui la mettait sous pression, que sa charge de travail était minimisée par sa responsable hiérarchique N+2 puis que cette dernière a continué à accentuer sa surcharge de travail par la demande de gestion des e-attestations pour toutes les directions de telle sorte qu'elle est devenue ingérable, ce qui lui a généré une intense pression et accru la dégradation de ses conditions de travail. Elle ajoute que la société n'a pris aucune mesure immédiate pour faire cesser cette mise sous pression et le stress qui en découlait.

Il ressort des entretiens annuels d'évaluation que :

- en 2009, Mme [W] sollicitait 'de l'aide pour l'archivage et le classement' et de 'faire un point sur le plan de charge dans 6 mois, dès bonne connaissance du dossier de [Localité 6]' précisant son souhait de trouver un équilibre vie personnelle et vie professionnelle ;

- en 2010, la salariée a attiré l'attention de sa hiérarchie 'sur le fait que le futur plan de charge sera, sans aucun doute, très lourd à assumer', confirmant qu'une 'aide extérieure était indispensable pour mener à bien le classement et l'archivage', ce que le manager appréciateur confirme en ces termes 'un plan de charge plus dense que l'année dernière ne lui permet plus autant d'assurer sur [Localité 5] des tâches opérationnelles au-delà des missions définies dans la fiche de poste' tout en saluant ses compétences techniques et humaines ;

- en 2011, la salariée évoque un plan de charge soutenu sans être contredit par son évaluateur ;

- en 2013, la salariée évoque 'un plan de charge soutenu depuis plusieurs années' et une augmentation de ce dernier dû 'à un appui opérationnel sur [Localité 5]' d'une part et à 'l'accompagnement d'[H] [O]' d'autre part, pour lequel elle émet 'le souhait de voir reconnaître ses compétences et d'être récompensée à hauteur de son implication et de son travail' également sans être contredit par son appréciateur qui confirme l'implication de la salariée et son rôle central ;

- en 2015, l'évaluateur indique que la salariée 'assure aujourd'hui une charge de travail importante (...), qu'il lui est confiée 'une charge de travail complémentaire pour laquelle elle est sollicitée ponctuellement (...'), que le départ d'un salarié 'a par ailleurs occasionné la mise en place d'un classement de l'atelier développement durable' avant de conclure que 'cette charge de travail ne lui a pas permis de s'accorder le temps nécessaire au classement des opérations dont elle a la charge' ;

- en 2016, il est indiqué par l'évaluateur que 'la charge de travail est toujours conséquente', qu'elle s'est développée pendant le congé de maternité d'une salariée et suite à une 'réorganisation de service en matière d'assistante' et que Mme [W] 'a su trouver une bonne organisation pour répondre aux différents besoins et a su gérer les urgences et priorités'.

- en 2017, la salariée indique être mobilisée sur 'la nouvelle opération OPAH RU de [Localité 6]' qui s'ajoute à [son] plan de charge déjà très important' sans être contredite sur ce point ;

- en juin 2018, son évaluateur indique que '[K] est une assistante compétente et conviviale avec qui il est très agréable de travailler' et souligne entre autres, qu'il lui 'faut poursuivre dans cette voie, conserver le même enthousiasme et la même qualité de travail sans stresser' et la directrice, Mme [B], mentionne que 'son plan de charge est classique et doit pouvoir être assumé sans difficulté particulière'.

Le document de l'employeur d'août 2017, versé en pièce 12 relatif aux suivi et contrôle des e-attestations, permet d'établir que dans le cadre des dispositifs de lutte contre le travail illégal, il s'est avéré nécessaire avant toute notification de marché puis tous les 6 mois durant leur exécution, de solliciter divers documents à ses prestataires, que chaque assistante de l'opération ou le chef de projet, était chargé d'enregistrer le titulaire du marché, ses co-contractants et ses sous-traitants, d'en assurer le suivi en cours de marché et de contrôler la complétude des dossiers. Constatant le défaut de contrôle régulier et de relances, il est apparu préférable à l'employeur d'identifier une seule personne en interne pour s'acquitter de cette tâche.

Il n'est pas contesté par la société que Mme [W] a été désignée pour ce faire en septembre 2018.

Mme [D] atteste à propos de cette tâche supplémentaire confiée à la salariée, avoir 'vu [K] sombrer petit à petit dans un découragement profond jusqu'à l'apothéose...jour où Mme [B] a voulu ajouter à ses fonctions la gestion complète pour l'ensemble des 3 directions opérationnelles d'e-attestations, une tâche administrative rébarbative, répétitive, sans aucun intérêt intellectuel, chronophage et en dehors de ses attributions. Une forme de mise au placard évidente'.

De même, la salariée a sollicité, sans les obtenir, une formation intitulée 'optimiser son temps de travail' en 2012, puis chaque année à compter de 2013, une formation en gestion du stress.

Compte tenu de ce qui précède, il est établi que l'employeur avait connaissance de longue date du stress généré par le plan de charge conséquent de la salariée sur cette dernière, que la salariée en a fait état dès 2009 et que l'employeur en a fait mention lui-même à plusieurs reprises dont en 2018 sur son entretien d'évaluation en sollicitant de sa part qu'elle conserve la même qualité de travail 'sans stresser', que malgré cela, il lui a été confié le suivi et le contrôle des e-attestations des 3 directions en septembre 2018 accentuant ainsi sa surcharge de travail, sa mise sous pression et le stress en découlant. Il est également établi que Mme [B] a nié la réalité du travail de la salarié et des conditions de travail de cette dernière et que l'employeur s'est abstenu de toute action pour réduire le stress généré par l'organisation du travail mise en place.

Sur le retrait de son statut de référent Sis-marché

Il ressort des entretiens annuels d'évaluation de 2008 à 2011, que la salariée était reconnue comme 'référente SIS Marchés', une application métier, dans la rubrique 'appréciation des compétences techniques' et que cette mention de compétences a été supprimée sans motivation de la part de l'employeur à compter de l'entretien annuel d'avril 2012 malgré les protestations de la salariée alors que sa compétence en la matière est durablement reconnue sur chacun des entretiens qui suivent.

Cet élément, que l'employeur reconnaît comme 'seul élément factuel' est donc établi.

S'agissant du refus discriminatoire de toute augmentation individuelle significative, la salariée fait valoir et démontre avoir sollicité les augmentations individuelles suivantes :

- en 2009, 35 points et seuls 15 points lui ont été accordés pour un montant mensuel de 89,85 euros ;

- en 2010, 15 points, seule une prime de 1000 euros lui a été versée ;

- en 2011, 30 points et 10 points lui ont été accordés pour un montant mensuel de 61,40 euros ;

- en 2012, 30 points et aucune prime ni augmentation accordée ;

- en 2013, 30 points et 10 points lui ont été accordés pour un montant mensuel de 63,70 euros ;

- en 2015, 15 points 'symboliques', seuls 10 points accordés pour un montant mensuel de 63,70 euros;

- en 2016, 20 points, seule une prime de 800 euros lui a été versée ;

- en 2017, 100 euros mensuels et aucune prime ni augmentation accordée ;

- en 2018, 150 euros mensuels et aucune prime ni augmentation accordée ;

- en 2019, elle a perçu 26,20 euros sans sollicitation conformément à l'accord d'entreprise en vigueur.

Compte tenu des éléments versés aux débats (lettre d'embauche, avenants, bulletins de salaire, entretiens annuels d'évaluation et accord d'entreprise Citallios à effet au 19 juillet 2021), il est établi que 'l'avancement de l'ensemble du personnel a lieu essentiellement au choix', qui 's'exerce en fonction des qualités professionnelles respectives des salariés classés dans un même type d'emploi', que Mme [W] donnait entière satisfaction dans son travail tant sur le plan technique qu'humain mais qu'elle n'a eu que très peu voire pas d'augmentation salariale selon les années (hormis l'attribution de 40 points lorsqu'elle a été embauchée en CDI conformément à l'accord d'entreprise), et qu'il lui a été octroyé environ 240 euros mensuels sur une période de 13 années à compter de son embauche en CDI en avril 2008.

La salariée invoque également des conditions matérielles de travail difficiles, fatigantes à supporter au quotidien et dans la durée ayant contribué à empirer son mal-être du fait de l'inertie de son employeur à les prendre en considération.

Elle établit avoir évoqué un déficit de luminosité et de température à son poste de travail au sein de son service, la DGPRU, dès le 9 juin 2017 puis que cette problématique a fait l'objet d'une saisie du CSE et de questions posées lors de la séance du 16 mai 2019 faute d'action corrective de son employeur. Ont été évoqués lors de cette séance, une température trop basse été comme hiver avec l'interdiction de mise en place de chauffages d'appoint, un manque de lumière naturelle et une luminosité des plafonniers provoquant des maux de tête malgré la suppression d'une partie d'entre eux et leur remplacement par des lampes de bureaux, la direction concédant la subsistance de zones sombres, de la nuisance sonore du fait de la proximité de la cafétéria et de la salle du photocopieur.

Elle établit également l'existence de problèmes informatiques récurrents (wifi, accès au serveur notamment) tel qu'il ressort du procès-verbal de la séance du CSE du 22 novembre 2018 et que cela a été solutionné par la société en janvier 2020 tel qu'il ressort de l'annonce faite par courriel à l'attention des salariés le 16 janvier 2020.

Ainsi, la salariée démontre qu'elle a dû travailler personnellement dans des conditions de travail dégradées à l'instar de ses collègues de la DGPRU, ce qui a contribué, quand bien même elle n'était pas la seule impactée, à la dégradation de ses conditions de travail et à l'instauration d'un climat de travail hostile.

S'agissant du non-paiement discriminatoire de sa prime de vacances pour les années 2021 et 2022, celui-ci n'est pas contesté.

En revanche, si la salariée affirme avoir subi une discrimination salariale par rapport à sa collègue Mme [L] qui selon elle présentait un profil similaire au sien à l'embauche, outre que cette dernière a été augmentée régulièrement contrairement à elle, aucun élément n'est cependant versé en faveur d'une disparité salariale.

S'agissant de la dégradation de son état de santé , la salariée établit avoir été placée en arrêt maladie du 26 juillet au 31 août 2018 puis de façon continue du 13 septembre 2018 au 13 septembre 2021, qu'il lui a été prescrit dès le début de son arrêt maladie et jusqu'à la fin de celui-ci, des anxiolytiques (Xanax 0,25 mg) et des antidépresseurs (Duloxetine 60 mg,Fluoxetine 20 mg, Prozac 20 mg), que son médecin traitant évoque dans un courrier du 1er juin 2021 à l'attention du médecin du travail, ' un arrêt de travail depuis septembre 2018 pour une dépression qu'elle attribue initialement à ses conditions de travail', que la psychologue clinicienne qui suit la salariée indique dans son attestation du 5 septembre 2021, que 'Mme [W] vient consulter pour burn out' et que 'lors des consultations, cette dernière décrit un contexte professionnel lourd, stressant et de plus en plus tendu, dans lequel elle s'épuise au fur et à mesure' et un 'harcèlement de la part de sa responsable' qu'elle relate en ces termes : 'elle me tiranise, cette femme m'a démolie'. La clinicienne précise que 'Mme [W] présente un état anxio-dépressif consécutif à la situation professionnelle décrite'.

En tenant compte de ces derniers éléments, à caractère médical, les éléments de faits matériellement établis, soit ceux relatifs à un mode de management harcelant matérialisé par le refus systématique de mutation, une charge de travail maintenue conséquente sur le long terme la mettant sous pression et lui générant un stress chronique, des propos désagréables tenus régulièrement devant témoins, la suppression de son rôle de référente du logiciel Sis-marché, une évolution salariale minimale, le maintien dans des conditions matérielles de travail dégradées, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

Il revient dès lors à l'employeur de prouver que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S'agissant du refus systématique de mutation, l'employeur indique que le premier refus était motivé par l'entière satisfaction que la salariée donnait dans l'exercice de ses fonctions de sorte qu'il n'a pas souhaité la muter dans une autre direction, puis que le second a été motivé par le fait que tous les postes d'assistantes de projets étaient déjà pourvu

s au sein de la direction opérationnelle ciblée, ce que contredit le témoignage de Mme [M], directrice sous laquelle ce poste était rattaché.

Ce point n'est donc pas justifié par l'employeur par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S'agissant du retrait de son rôle de référente du logiciel SIS-Marchés en 2012, l'employeur confirme ce point et se contente de préciser que cet élément factuel ne correspond à aucun statut officiel au sein de la société et n'explique la suppression de cette reconnaissance de compétences par aucun élément étranger à tout harcèlement.

S'agissant de la charge de travail maintenue conséquente sur le long terme ayant généré chez la salariée un stress lié à l'organisation du travail, l'employeur affirme que cette affirmation de Mme [W] est incohérente puisqu'elle a demandé à plusieurs reprises que lui soit confié des missions supplémentaires tel qu'il ressort de ses entretiens d'évaluation et qu'une salariée qui se dit en surcharge de travail ne se porte pas volontaire pour de nouvelles tâches. Or, le souhait émis par la salariée d'accéder à des missions transversales stimulantes et valorisantes ou intellectuellement enrichissantes n'a pas d'incidence sur la réalité d'un plan de charge maintenu conséquent au fil du temps.

La société souligne sans le justifier qu'elle a toujours veillé à ce que la charge de travail de la salariée soit équilibrée en lui supprimant certaines tâches. L'employeur ajoute que la salariée a mentionné sur son entretien 2016 et 2017 que sa charge de travail et le temps passé au travail n'empiétaient pas sur sa vie privée, qu'elle n'a pas complété cette rubrique en 2018 et qu'elle n'a pas déclaré d'heures supplémentaires de 2014 à 2019. Or, le fait que la charge de travail de la salariée n'empiète pas sur sa vie privée et qu'elle n'a pas effectué d'heures supplémentaires est sans incidence sur l'organisation du travail au quotidien et son impact sur sa santé.

Ce point n'est donc pas non plus justifié par l'employeur par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

S'agissant des propos désagréables tenus régulièrement devant témoins, l'employeur nie leur existence et réplique d'une part, que dans son attestation, Mme [D] ne témoigne pas avec objectivité et qu'elle ne précise pas la teneur des propos dont elle a été témoin, qu'elle a quitté la direction en 2009 de sorte que ce témoignage est particulièrement ancien, d'autre part que Mme [Z] a quitté la société en 2015 en mauvais termes avec la société. Il fait valoir en outre que les faits relatés par cette dernière, sont également anciens et son attestation dénuée de valeur probante.

De son côté, il produit le témoignage rédigé dans des termes très généraux de Mme [A], la responsable hiérarchique directe de la salariée de 2008 à 2015 qui relate n'avoir jamais constaté de faits de harcèlement moral ou de discrimination de la part de Mme [B] à l'encontre de Mme [W], qu'il n'y avait pas de lien direct entre son assistante et sa direction et que c'est elle qui lui attribuait les tâches à réaliser en lien avec les objectifs confiés par Mme [B] quand toutefois les pièces versées par la salariée contredisent ces points alors que Mme [B] exerçait bien son pouvoir de contrôle et de direction à l'égard de la salariée dont elle connaissait les objectifs et qu'elle contribuait à évaluer.

L'employeur indique par ailleurs que les rares fois où elles étaient amenées à échanger c'était lorsque Mme [B] reprochait ses retards à la salariée, retards dont il n'est fait état dans aucune pièce produite. Il ne nie pas la participation de Mme [B] aux points hebdomadaires du lundi mentionnés par Mme [Z].

S'agissant de l'évolution salariale de la salariée, l'affirmation de l'employeur, sans offre de preuve, du caractère significatif d'augmentations périodiques au-delà des avancements automatiques en vigueur au sein de la société, comme des mesures salariales générales prévues par le protocole d'accord de négociation annuelle obligatoire établi en 2015, sont insuffisantes à objectiver la faible évolution salariale qui résulte des éléments apportés par la salariée.

S'agissant des conditions matérielles de travail dégradées, l'employeur ne nie pas leur existence et il invoque vainement le fait que la salariée n'était pas la seule impactée par cette situation.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur ne justifie pas par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral, le refus systématique de mutation, la charge de travail maintenue conséquente sur le long terme ayant généré une pression et un stress durables chez la salariée, les propos désagréables tenus régulièrement devant témoins, la suppression de son rôle de référente du logiciel Sis-marché, l'évolution salariale minime, le maintien dans des conditions matérielles de travail dégradées, subis par Mme [W].

Le harcèlement moral est donc établi et il y a lieu, par voie d'infirmation du jugement entrepris, de condamner l'employeur à payer à la salariée une somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement est libellée comme suit :

« Nous vous avons convoquée à un entretien préalable en date du mardi 12 octobre 2021 à 10 heures dans mon bureau auquel vous ne vous êtes pas présentée.

Nous vous informons, par la présente, de notre décision de procéder à votre licenciement pour les motifs exposés ci-après.

Suite à votre arrêt maladie du 13 septembre 2018 au 13 septembre 2021, vous avez été reçue par le médecin du travail dans le cadre d'une visite de reprise le mardi 14 septembre 2021. À l'issue de cette visite, le médecin du travail vous a déclaré inapte à votre poste selon les termes suivants: « Inaptitude totale et définitive à tout poste dans cette entreprise en une seule visite ». Le médecin du travail a également coché, dans l'avis d'inaptitude établi conformément au modèle visé au journal officiel de la République française, le cas de dispense de l'obligation de reclassement suivant: « Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».

L'avis du médecin du travail dispense donc CITALLIOS de toute recherche d'un poste de reclassement et rend donc impossible votre reclassement. Nous vous avons informée des motifs qui s'opposent à votre reclassement par un courrier daté du 16 septembre 2021.

Ainsi, en application de l'article L. 1226-2-1 du Code du travail, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement en raison de l'impossibilité de reclassement en suite de l'avis d'inaptitude établi par le médecin du travail.

Nous vous précisons que votre contrat de travail prend fin à la date d'envoi de cette lettre, soit le 15 octobre 2021. Vous n'effectuerez pas de préavis.

Votre bulletin de paie, votre reçu pour solde de tout compte, votre certificat de travail et votre attestation Pôle Emploi, vous seront adressés par lettre recommandée avec avis de réception.

En application des dispositions de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi, vous pourrez conserver, à titre gratuit, le bénéfice des garanties de frais de santé et de prévoyance appliquées au sein de CITALLIOS, pendant une durée égale à votre indemnisation au titre du chômage, sans pouvoir excéder 12 mois. Vous devrez fournir à l'IPSEC la justification de votre prise en charge par le régime d'assurance chômage et l'informer de tout changement ultérieur de votre situation professionnelle susceptible de justifier la cessation de ces garanties.

Vous pouvez faire une demande de précision des motifs du licenciement énoncés dans la présente lettre, dans les quinze jours suivant sa notification, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. Nous avons la faculté d'y donner suite dans un délai de quinze jours après réception de votre demande, par lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé. »

Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et qu'il est licencié ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire est justifiée.

Quand le juge est saisi par un salarié d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, il doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté.

Pour apprécier si les manquements de l'employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu'à la date du licenciement.

La résiliation judiciaire produit ses effets au jour où le juge la prononce, à la double condition que le contrat de travail n'ait pas été rompu durant la procédure et que le salarié soit encore au service de son employeur. Si le salarié est licencié dans l'intervalle, la prise d'effet est nécessairement située au jour du licenciement.

La salariée sollicite la résiliation judiciaire du contrat de travail à raison du harcèlement moral subi.

L'employeur conclut au débouté de cette demande.

Selon l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En l'espèce, les agissements de harcèlement moral retenus ci-dessus constituent des comportements fautifs suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail puisqu'ils étaient de nature à empêcher la poursuite de ce contrat.

La cour relève que la salariée a dénoncé sa situation de harcèlement moral par courrier du 5 août 2021, que l'employeur lui a proposé un rendez-vous le 2 septembre 2021 repoussé au 14 septembre 2021 du fait de la prolongation d'arrêt maladie de la salariée mais que cette dernière, déclarée inapte par le médecin du travail à cette date, ne s'y est pas présentée. Elle démontre avoir adressé à son employeur les éléments sollicités venant étayer ses dires par 'wetransfer' le 28 septembre 2021 comme demandé mais que ce dernier n'y a pas donné suite.

La résiliation judiciaire du contrat de travail sera donc prononcée à la date du 15 octobre 2021 et celle-ci produira les effets d'un licenciement nul. Le jugement sera donc infirmé sur ce chef.

Sur les conséquences financières de la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement nul

Aux termes de l'article L. 1235-3-2 du code du travail, lorsque la rupture du contrat de travail est prononcée par le juge aux torts de l'employeur, le montant de l'indemnité octroyée est déterminé selon les règles fixées à l'article L. 1235-3, sauf lorsque cette rupture produit les effets d'un licenciement nul afférent aux cas mentionnés au 1° à 6° de l'article L. 1235-3-1, pour lesquels il est fait application du premier alinéa du même article L. 1235-3-1.

Au vu des éléments portés à l'appréciation de la cour, la salariée est bien fondée à prétendre :

- pour un préavis de deux mois en application de l'article 15 de la convention collective des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils (dite Syntec) auquel il convient d'ajouter deux mois pour les salariés ayant plus de deux ans d'ancienneté et âgés de plus de 50 ans en application de l'accord d'entreprise entré en vigueur le 19 juillet 2021 au sein de la société, à une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 13 766,72 euros brut outre 1 376,67 euros brut de congés payés afférents ;

- en l'absence de demande de réintégration, à une indemnité pour licenciement nul sur le fondement de l'article L. 1235-3-1 du code du travail réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égal à six mois de salaire, dont le montant est fixé à 25 000 euros compte tenu notamment de son ancienneté et de son âge, 64 ans, au moment de la rupture.

L'employeur sera condamné, par voie d'infirmation du jugement, au paiement de ces sommes.

Sur la remise de documents rectifiés

Eu égard à la solution du litige, il y a lieu d'ordonner à l'employeur de remettre à la salariée un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi devenue France Travail, rectifiés conformément au présent arrêt.

Il n'est pas nécessaire de prononcer une astreinte.

Sur les intérêts légaux et la capitalisation

Il convient de dire que les intérêts au taux légal courent, à compter de la présentation à l'employeur du courrier de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation pour ce qui concerne les sommes à caractère salarial, et, pour les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt;

Il y a lieu de dire que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Citallios, qui succombe principalement, sera condamnée aux entiers dépens et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera condamnée à payer à Mme [W] une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il déboute la société Citallios de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour les années 2019 à 2021 et au titre de la prime de vacances pour les années 2020 et 2021 ;

Dit que Mme [K] [W] a subi un harcèlement moral ;

Condamne la société Citallios à payer à Mme [K] [W] la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral ;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [K] [W] à la date du 15 octobre 2021 et dit qu'elle produit les effets d'un licenciement nul ;

Condamne la société Citallios à payer à Mme [K] [W] les sommes suivantes :

- 13 766,72 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1 376,67 euros brut de congés payés afférents ;

- 25 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul ;

Dit que les intérêts au taux légal courent, à compter de la présentation à l'employeur du courrier de convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation pour ce qui concerne les sommes à caractère salarial, et, pour les sommes à caractère indemnitaire, à compter du présent arrêt ;

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;

Ordonne à la société Citallios de remettre à Mme [K] [W] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi devenue France Travail, rectifiés conformément au présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

Condamne la société Citallios à payer à Mme [K] [W] une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

Condamne la société Citallios aux dépens de première instance et d'appel ;

Déboute les parties pour le surplus.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madame Caroline CASTRO FEITOSA, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière Le Président

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