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Décisions

CA Douai, ch. 8 sect. 1, 18 septembre 2025, n° 24/01268

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 24/01268

18 septembre 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 18/09/2025

****

N° de MINUTE :25/628

N° RG 24/01268 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VN4V

Jugement (N° 22/05044) rendu le 20 Octobre 2023 par le Tribunal de Grande Instance de Lille

APPELANTS

Monsieur [R] [P]

né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 10] (Belgique)

Monsieur [C] [P]

né le [Date naissance 3] 1992 à [Localité 16]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 8]

Madame [D] [O]

née le [Date naissance 6] 1943

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 10] / Belgique

Monsieur [S] [O]

né le [Date naissance 1] 1942 à

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 10] / Belgique

représentés par Me Laura Nguyen-Trong, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

Association L' Association Professionnelle de Solidarite du Tourisme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 9]

représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Julie Huchette, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

DÉBATS à l'audience publique du 14 mai 2025 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Anne-SophieJoly

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves Benhamou, président de chambre

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 30 avril 2025

****

EXPOSE DU LITIGE

L'association Professionnelle de solidarité du tourisme, ci-après 'l'APST' agit en qualité d'organisme de garantie collective des professionnels de tourisme. Elle fournit ainsi à ses adhérents la garantie financière nécessaire à l'exercice de leur activité réglementée.

Lorsqu'elle procède au remboursement aux clients des fonds remis par ces derniers à un membre adhérent défaillant, elle dispose d'un recours à l'encontre des personnes ayant un engagement à son profit en contre-garantie.

La société Soleil du Monde est une agence de voyage ayant adhéré à l'APST, dont le gérant était M. [C] [P].

Dans ce cadre, conformément à l'article L.211-18 du code du tourisme, M. [C] [P] a souscrit une garantie financière affecté au remboursement des fonds reçus des adhérents, auprès de l'APST.

M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y], ses grands-parents et M. [R] [P], son père, se sont portés cautions solidaires et indivisibles de la société Soleil du Monde au profit de l'APST, par actes sous seing privé en date du 11 octobre 2013. M. [R] [P] a joint à son engagement de caution solidaire un état de ses biens immobiliers dressé par notaire, mentionnant sa propriété en indivision dans un immeuble sis à [Adresse 14] en garantie de l'exécution de son engagement, s'engageant à ne pas vendre son bien immobilier sans en avertir l'APST.

Un engagement de caution solidaire, également accordé par la banque HSCB ayant été dénoncé par cette banque par lettre du 5 janvier 2016, l'APST a demandé à la société Soleil du Monde de lui faire parvenir une contre-garantie à hauteur de

200 000 euros pour M. [R] [P]. L'APST a ainsi reçu un second engagement de caution solidaire de M. [R] [P] en date du 10 décembre 2016, auquel état joint l'état de ses biens immobiliers donnés en garantie de l'exécution de son engagement de caution.

Au titre de la mise en oeuvre de sa garantie financière, l'APST a remboursé les clients de la société Soleil du Monde consécutivement à la liquidation judiciaire de cette dernière par jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 30 janvier 2017, liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actifs le 27 novembre 2019.

Par lettres de mise en demeure successives des 28 mai 2018,15 janvier 2019 et 23 avril 2019, l'APST a vainement mis en demeure M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] d'avoir à remplir leurs engagements de caution au titre de sa créance, qui se décomposait comme suit :

- 374 401,89 euros au titre de la garantie mise en oeuvre par l'APST,

- 1 500 euros au titre des frais exposés par l'APST.

Par actes d'huissier de justice délivrés les 28 et 29 septembre 2021, l'APST a fait assigner M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] en justice aux fins notamment de voir constater qu'à la suite de la défaillance de la société Soleil du Monde, elle a mis en oeuvre sa garantie financière et s'est acquittée de la somme de 415 490,34 euros et afin d'obtenir leur condamnation solidaire à lui verser :

- M. [C] [P], 1a somme de 100 000 euros,

- Mme [D] [Y] , la somme de 100 000 euros,

- Mme [S] [Y], la somme de 100 000 euros,

- M. [R] [P] la somme de 200 000 euros, et ce à hauteur de 416 990,34 euros outre les intérêts légaux courant à compter de la mise en demeure en 28 mai 2018 pour la somme de 375 901,89 euros et à compter du 23 avril 2019 pour la somme de 415 490,34 euros, outre la capitalisation des intérêts.

Les consorts [P] et [Y] étaient défaillants en première instance.

Par jugement réputé contradictoire en date du 20 octobre 2023, le tribunal judiciaire de Lille a :

- condamné solidairement M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] à payer à l'Association Professionnelles de Solidarité la somme de 416 990,34 euros outre les intérêts légaux courant à compter du 23 avril 2019 sur la somme de 415 490,34 euros, dans la limite pour chacun d'eux des sommes suivantes :

- M. [C] [P], la somme de 100 000 euros,

- Mme [D] [Y], la somme de 100 000 euros,

- M. [S] [Y], la somme de 100 000 euros,

- M. [R] [P], la somme de 200 000 euros,

- dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année, produiront eux-même intérêts,

- débouté l'Association Professionnelles de Solidarité du surplus de sa demande,

- condamné in solidum M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] à payer à l'Association Professionnelles de Solidarité la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] aux entiers dépens de l'instance,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 18 mars 2024, M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] ont relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement, sauf en ce qu'il a débouté l'APST du surplus de sa demande.

Suivant ordonnance du 25 novembre 2024, le premier président de la cour d'appel de Douai a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire attaché au jugement dont appel.

Suivant ordonnance d'incident du 6 février 2025, le magistrat chargé de la mise en état a constaté le désistement de l'APST de son incident de radiation de l'affaire du rôle de la cour.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées le 14 février 2025, M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] demandent à la cour de :

Vu l'article L.341-1 ancien du code de la consommation,

vu l'article 1343-5 du code civil,

vu l'article 700 du code de procédure civile,

vu la jurisprudence et les pièces versées aux débats,

- infirmer le jugement rendu le 20 octobre 2023 par le tribunal judiciaire de Lille sauf en ce qu'il a débouté l'APST du surplus de sa demande,

Statuant à nouveau,

à titre principal,

- débouter l'APST de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

- accorder les plus larges délais de paiement à M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] pour s'acquitter de leur dette, à savoir un rééchelonnement de la dette due à l'APST sur une période de 24 mois moyennant le versement de 200 euros par mois et le solde lors du 24ème mois,

en tout état de cause,

- condamner l'APST à payer à M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] la somme de 2 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'APST aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 28 avril 2025, l'APST demande la cour de :

Vu les articles 4,7 et 8§1 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012,

Vu les article R.211-26 et suivants du code du tourisme,

vu les statuts et le règlement intérieur de l'APST,

vu les articles 1134, 1147 et suivants, 1103 et 1104 chacun dans leur rédaction applicable en fonction de la date de conclusion des actes de caution solidaire, 1343-2, 2298 et 2302 du code civil,

Vu les articles 1137,1178, 1240 et 1241 du code civil,

vu les article 4, 514 et suivant, 564 et suivant, et 700 du code de procédure civile,

vu les pièces versées aux débat,

A titre liminiaire, sur l'irrecevabilité des demandes des appelants à l'encontre de l'APST,

- se déclarer compétente pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par l'ASPT fondée sur l'article 564 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevables les demandes, fins et conclusions des appelants compte tenu :

- du fait qu'il s'agit de prétentions nouvelles,

- au surplus, concernant M. [C] [P], en raison du principe selon lequel nu ne peut se contredire au détriment d'autrui (estoppel)

sur le fond,

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre principal,

* sur la demande de confirmation de la condamnation des appelants,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille en ce qu'il a :

- condamné solidairement M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] à payer à l'Association Professionnelles de Solidarité la somme de 416 990,34 euros, outre les intérêts légaux courant à compter du 23 avril 2019 sur la somme de 415 490,34 euros dans la limite chacun des sommes suivantes :

- M. [C] [P], la somme de 100 000 euros,

- Mme [D] [Y], la somme de 100 000 euros,

- M. [S] [Y], la somme de 100 000 euros,

- M. [R] [P], la somme de 200 000 euros,

- dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année, produiront eux-même intérêts,

* Sur la demande d'échéancier de règlement de dette formulée par les appelants :

- débouter les appelants de leur demande d'échelonnement de leur dette sur une période de 24 mois moyennant le versement mensuel de 200 euros et le solde à la 24ème échéance,

- à titre subsidiaire, si la cour faisait doit à la demande d'échéancier sollicité par les appelants, il lui serait alors demandé de :

- condamner solidairement M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] à payer à l'Association Professionnelles de Solidarité la somme de 416 990,34 euros, outre les intérêts légaux courant à compter du 23 avril 2019 sur la somme de 415 490,34 euros, dans la limite chacun des sommes de leurs engagements telles que précitées,

- juger qu'un délai de paiement leur sera accordé selon un versement mensuel solidaire de la somme de 4 500 euros sur une période de 24 mois,

- juger qu'en cas de retard de l'une des échéances, l'APST pourra procéder à l'exécution forcée de l'engagement des cautions de lui verser la somme de

416 990,34 euros à hauteur chacun de leur caution, dans mise en demeure préalable,

A titre subsidiaire, s'agissant de M. [R] [P], si par extraordinaire la cour devait infirmer le jugement en ce qu'il a condamné les consorts [P] et [Y] à remplir leurs engagements de caution, le cas échéant via un échéancier, il lui sera à tout le moins demandé de :

- juger que M. [R] [P] a commis un dol au détriment de l'APST, conduisant celle-ci à maintenir sa garantie financière au profit de la société Soleil du Monde compte tenu de la contre-garantie offerte par M. [R] [P],

- en conséquence, condamner M. [R] [P] à indemniser l'APST des préjudices subis du fait de ce dol, soit à hauteur de la garantie qu'elle a été amenée à mettre en oeuvre au profit de la société Soleil du Monde, ainsi que les frais engagés dans ce cadre, soit la somme de 415 490,34 euros,

En tout état de cause,

- débouter les appelants de l'ensemble de leurs prétentions, fins et prétentions,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné in solidum M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] à payer à l'Association Professionnelles de Solidarité la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

y ajoutant,

- condamner in solidum M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] à payer à l'Association Professionnelles de Solidarité la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] aux entiers dépens de l'instance en cause d'appel.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 avril 2025.

MOTIFS

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile formée par l'APST

L'APST soulève l'irrecevabilité des demandes formées par les consorts [P] et [Y] à raison de leur caractère nouveau en appel, au motif qu'ils n'ont émis aucune prétention devant le premier juge dès lors qu'ils étaient défaillants à la première instance. Elle ajoute, pour répondre à l'exception d'incompétence soulevée par les appelants, que la cour d'appel est parfaitement compétente pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile.

Les consorts [P] et [Y] soulèvent l'incompétence de la cour pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile au motif que le juge de la mise en état est exclusivement compétent pour juger cette question. Ils précisent que leur demandes ne sont pas nouvelles en appel et qu'elles sont par conséquent parfaitement recevables dans la mesure où ils étaient défaillants et n'ont présenté aucune demande en première instance.

Il est de principe que la fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile relève de la compétence de la cour d'appel et non du conseiller de la mise en état (Civ 2ème avis n° 22-70.010 du 11 octobre 2021). La cour d'appel est donc bien compétente pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par l'APST tirée de l'article 564 du code de procédure civile.

Selon l'article 564 du code de procédure civile 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

En l'espèce, la demande de débouté des prétentions de l'APST formée pour la première fois devant la cour par les consorts [P] et [Y], tend seulement à voir écarter les demandes en paiement de l'intimé à raison du caractère manifestement excessif de leurs engagements de caution. Cette prétention n'est donc pas nouvelle en appel au sens de l'article 564 précité, nonobstant la défaillance des appelants en première instance.

De plus, il est de principe que les mesures de grâce peuvent être sollicitées en tout état de cause (Cass civ 22 juin 2022, n°21-13.476). La demande de délai formée par les appelants à titre subsidiaire n'est donc pas nouvelle au sens des articles 564 et suivants du code de procédure civile.

Dès lors, la fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile soulevée par l'APST est rejetée et les demandes tant principale que subsidiaire formées par les appelants sont parfaitement recevables.

Sur la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui

L'APST fait valoir que M. [C] [P] est irrecevable en ses demandes au motif qu'il a expressément reconnu le bien fondé de sa dette et par voie de conséquence la validité de son engagement de caution devant le juge des contentieux de la protection dans le cadre de la procédure de surendettement dont il a bénéficié.

Il est rappelé que la fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions.

Il résulte des pièces versées aux débats que M. [C] [P] a déclaré sa dette à l'égard de l'APST dans le cadre de sa procédure de surendettement et a précisé dans ses écritures devant le juge des contentieux de la protection de [Localité 11] statuant en matière de surendettement ne pas contester ni l'existence, ni le montant de sa dette. La 'reconnaissance' de sa dette par M. [C] [P] est donc intervenue dans le cadre d'une autre instance que celle dont est saisie la cour.

L'APST est en conséquence mal fondée en sa fin de non-recevoir tiré du principe de l'estoppel, les demandes de M. [C] [P] étant dès lors parfaitement recevables.

Sur le caractère manifestement excessif des engagements de caution

Les consorts [P] et [Y] soutiennent que leurs engagements de caution étaient manifestement disproportionnés à leurs revenus et patrimoine lors de leur souscription, que M. [C] [P] venait de lancer son entreprise d'agence de voyage et avait seulement 21 ans, que ses grands-parents n'avaient aucune ressources et que M. [R] [P], son père, a été placé en faillite le 13 décembre 2016. Ils font grief à l'APST de ne pas les avoir interrogés sur leur patrimoine et ressources et de ne produire aucune fiche patrimoniale, de telle sorte qu'elle ne peut pas faire la preuve de la proportionnalité des revenus des concluants à leurs engagements. Ils ajoutent que la propriété indivise de l'immeuble sis à [Adresse 15] était loin de couvrir l'engagement de caution de M. [R] [P].

L'APST répond que les consorts [P] et [Y] ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de ce que leurs engagements de caution étaient manifestement disproportionnés à la date de leur souscription et ne produisent aucun élément probant ; qu'elle n'avait pas l'obligation de leur faire compléter une fiche patrimoniale, mais qu'il incombait aux cautions de fournir des informations exactes et complètes sur leur situation financière. Elle rappelle que M.[R] [P] l'a trompé en maintenant le bien immobilier sis à [Localité 12] [Adresse 17] en garantie lorsqu'il s'est porté caution à hauteur de 200 000 euros le 10 décembre 2016, alors qu'il avait vendu ce bien en 2014. Ce dernier ne l'a pas non plus informée de sa mise en faillite en Belgique, trois jours après la signature du second cautionnement du 10 décembre 2016.

En application de l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation 'Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.'

Il est rappelé que le créancier professionnel se définit comme celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principal.

Il n'est pas contestable que l'activité essentielle de l'APST est de fournir à ses adhérents la garantie financière nécessaire à l'exercice de leur activité réglementée en contrepartie d'un engagement de caution et à prendre en charge les conséquences de leur défaillance financière vis à vis de leurs clients, notamment en procédant aux remboursement des prestations souscrites.

En conséquence, la créance garantie par les cautionnements des consorts [P] et [Y] est en rapport direct avec l'activité pofessionnelle de l'APST, en sorte que cette dernière est manifestement un créancier professionnel, l'article L.332-1 du code de la consommation ayant vocation à s'appliquer, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par l'Association.

En application des dispositions précitées du code de la consommation, il appartient à la caution de démontrer la disproportion alléguée au jour de la conclusion de son engagement mais, en revanche, c'est au créancier qui se prévaudrait de la disparition de la disproportion au moment où la caution est appelée d'en rapporter la preuve.

La disproportion s'apprécie, lors de la conclusion du contrat de cautionnement, en fonction de tous les éléments du patrimoine de la caution, actifs comme passifs, (incluant l'actif constitué par les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée, mais non au regard des revenus escomptés de l'obligation garantie), et en prenant en considération l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'engagements de caution, sans avoir à tenir compte de ses engagements postérieurs.

En l'espèce, s'il est exact que l'APST ne justifie pas avoir fait établir de fiche de patrimoniale aux caution lors de la souscription de leurs engagements, il n'en demeure pas moins que la charge de la preuve du caractère disproportionné des engagements lors de leur souscription incombe aux cautions, et non à la société APST, qui n'a pas à ce stade à faire la preuve de la proportionnalité de l'engagement comme le soutiennent les appelants.

En l'absence de fiche patrimoniale, les cautions sont en droit de fournir tout élément d'appréciation sur leurs biens et revenus réels lors de la conclusion des cautionnements, éléments qui doivent être pris en compte pour apprécier l'existence d'une éventuelle disproportion manifeste de leurs engagements.

S'agissant de M. [C] [Y] et des consorts [Y], force est de constater qu'il n'est produit strictement aucun élément sur leurs situation de ressources et patrimoniale concommitante à la signature des actes du 11 octobre 2013 (tels déclaration d'impôt, avis d'impôt), susceptible de démontrer qu'ils n'auraient pas été en mesure de faire face à leurs engagements de caution lors de leur souscription, la simple affirmation selon laquelle M. [C] [P] venait de lancer son entreprise et les consorts [Y] n'avaient aucune ressource n'étant étayée par aucun élément justificatif probant. Par ailleurs, l'ouverture d'une procédure de surendettement au profit de M. [C] [P] en août 2023 n'est pas de nature à démontrer qu'il était dans l'impossibilité de faire face à ses engagements en 2013.

S'agissant de M. [R] [P], il est produit aux débats :

- une estimation d'un bien immobilier sis à [Localité 12] [Adresse 17] estimé entre 210 000 euros et 220 000 au 4 janvier 2013 et de 180 000 euros au 6 novembre 2013, détenu pour 1/8ème par M. [R] [P], ce bien ayant été donné en garantie de l'exécution des engagements lors de la souscription du cautionnement du 11 octobre 2013, ainsi que lors de la souscription du cautionnement du 10 décembre 2016,

- un courrier du 14 décembre 2016 du curateur mentionnant le jugement de faillite de M. [R] [P] du 13 décembre 2016, rendu par le tribunal de commerce du Hainaut, division de Tournai,

- un jugement du tribunal de l'entreprise du Hainault du 21 février 2023 clôturant la faillite de [P].

L'APST n'a pas fait signé de fiche patrimoniale à M. [R] [P]. Elle ne peut donc lui faire grief d'avoir dissimulé l'existence d'une faillite à venir (le jugement de faillite ayant été rendu trois jours après le cautionnement du 10 décembre 2016.)

Cependant, la situation de faillite de M. [R] [P] en Belgique ne saurait à elle seule refléter complétement sa situation financière et patrimonial réelle et ne saurait donc suffire à établir que les engagements de ce derniers étaient manifestement disproportionnés à ses revenus et patrimoine lors de la souscription des cautionnements en 2013 et 2016.

Ce dernier s'abstient en effet de produire tous justificatifs utiles afférentes à sa situation financière et patrimoniale, notamment ses pièces de revenus (tel ses déclarations d'impôt, avis d'imposition, voire relevés de compte bancaires) pour les années 2013 et 2016. Il ne permet pas à la cour d'apprécier objectivement et en toute connaissance de cause l'ensemble de sa situation financière et patrimoniale réelle à la date de souscription des cautionnements les 11 octobre 2013 et 10 décembre 2016, alors que la charge de la preuve de la disproportion lui incombe.

Dans ces conditions, la cour constate que ce dernier ne rapporte pas la preuve de la disporportion manifeste de ses engagements.

La cour relève en outre que M. [R] [P] a maintenu le bien immobilier sis à [Localité 12] [Adresse 17] en garantie de l'exécution de ses engagements lors de la souscription du cautionnement du 10 décembre 2016, alors que ce bien avait été vendu le 12 décembre 2014 sans en avertir l'APST, M. [R] [P] ayant ainsi manifestement trompé cette dernière sur les garanties apportées à son cautionnement afin de permettre à la société Soleil du Monde de garder la garantie financière de l'APST.

Les caution seront donc déboutés de leurs demandes visant à voir écarter leurs engagements de caution.

Sur la demande en paiement de l'APST

Les textes du code civil relatifs au cautionnement sont ceux antérieurs à l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, les actes de cautionnement litigieux ayant été signés avant le 1er janvier 2022.

Selon l'article 2288 du code civil 'Celui qui se rend caution d'une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même.'

Selon l'article 2298 du même code 'La caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur, qui doit être préalablement discuté dans ses biens, à moins que la caution n'ait renoncé au bénéfice de discussion, ou à moins qu'elle ne se soit obligée solidairement avec le débiteur; auquel cas l'effet de son engagement se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires.'

Selon l'article 2302 du code civil 'Lorsque plusieurs personnes se sont rendues cautions d'un même débiteur pour une même dette, elles sont obligées chacune à toute la dette.'

L'APST verse les actes caution signés par les consorts [P] et [Y].

Sa Créance d'un montant de 415 490,34 euros est amplement justifiée par la production d'une copie de son grand livre général du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2019 attestant des règlements réalisés par elle aux clients de la société Soleil du Monde dans le cadre de sa garantie financière et n'est pas contestée par les appelants.

Au regard des pièces produites et les condamnations prononcées par le premier juge n'étant pas davantage contestées par les appelants, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] à payer à l'Association Professionnelles de Solidarité la somme de 416 990,34 euros, correspondant à la somme en principal de 415 490,34 euros et aux frais de 1 500 euros, outre les intérêts légaux courant à compter du 23 avril 2019 sur la somme de 415 490,34 euros, dans la limite pour chacun d'eux des sommes suivantes :

- M. [C] [P], dans la limite de la somme de 100 000 euros,

- Mme [D] [Y], dans la limite de la somme de 100 000 euros,

- M. [S] [Y], dans la limite de la somme de 100 000 euros,

- M. [R] [P], dans la limite de la somme de 200 000 euros.

La capitalisation des intérêts ordonnée par le premier juge n'étant pas discutée, ni contestée, elle sera confirmée.

Sur la demande de délai de paiement

En application de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.Il appartient au débiteur qui sollicite un tel délai d'apporter des éléments de preuve concernant sa situation financière, à savoir notamment ses revenus et ses charges prévisibles, éléments permettant de penser raisonnablement qu'il est en capacité de régler l'intégralité de sa dette dans le délai proposé. Il convient également de tenir compte du montant et de l'ancienneté de la dette et des efforts déjà accomplis pour l'honorer.

Force est de constater que les consorts [Y] et M. [R] [P] ne produisent aucun élément de preuve concernant leur situation financière actuelle et ne permettent donc pas à la cour d'apprécier l'opportunité de leur accorder les délais sollicités.

En outre, au regard de l'importance du montant de la dette, leur proposition de remboursement à hauteur de 200 euros ne leur permettrait pas d'apurer celle-ci dans le délai légal de deux ans. Ils seront par conséquent déboutés de leur demande de délai.

S'agissant de M. [C] [P], il résulte des pièces versées aux débats qu'il a été déclaré recevable à la procédure de surendettement le 14 septembre 2023 et que par jugement du tribunal de proximité de Lens du 23 septembre 2024, il a bénéficié d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, entraînant l'effacement toutes les dettes non-professionnelles. Aux termes de ce jugement, il perçoit le RSA à hauteur de 534 euros et il est hébergé par un tiers.

Au regard de ses ressources actuelles, M. [C] [P] n'est manifestement pas en en mesure de faire face à un échéancier de remboursement, et il sera également débouté de sa demande de délai.

Sur les demandes accessoires

Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, le jugement est confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Les consorts [P] et [Y], qui succombent, sont condamné in solidum aux dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Il ne paraît pas inéquitable de les condamner in solidum à payer à l'APST la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et de les débouter de leur demande au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

A titre liminaire,

Se déclare compétente pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile formée par l'Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile formée par l'Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée du principe de l'estoppel ;

Déclare en conséquence recevables les demandes formées en cause d'appel par M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] [P] et [Y] ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Déboute M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] de leurs demandes afférentes au caractère manifestement disproportionné de leurs engagements de caution ;

Déboute M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] de leurs demandes de délais ;

Déboute M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne in solidum M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] à payer à l'Association Professionnelle de Solidarité du Tourisme la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [C] [P], Mme [E] [Y], M. [S] [Y] et M. [R] [P] aux dépens d'appel.

Le greffier

Ismérie CAPIEZ

Le président

Yves BENHAMOU

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