Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-3, 18 septembre 2025, n° 21/01906

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/01906

18 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-3

ARRÊT AU FOND

DU 18 SEPTEMBRE 2025

Rôle N° RG 21/01906 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG5L5

Etablissement SOCIETE GENERALE*

C/

[Y] [T]

[Z] [G] épouse [T]

Copie exécutoire délivrée

le : 18/09/25

à :

Me Victoria CABAYÉ

Me Françoise BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 07 Janvier 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2018F02292.

APPELANTE

S.A. SOCIETE GENERALE, prise en la personne de ses représentants légaux, venant aux droits et obligations de la BANQUE NUGER, en suite de l'opération de fusion-absorption intervenue entre la SOCIETE GENERALE, société absorbante, et le CREDIT DU NORD et ses filiales (SMC, BANQUE COURTOIS, BANQUE TARNEAUD, BANQUE LAYDERNIER, BANQUE RHONE-ALPES, BANQUE NUGER et BANQUE KOLB, sociétés absorbées d'autre part, ladite fusion-absorption étant devenue définitive en date du 1er janvier 2023)

dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Me Victoria CABAYÉ de l'ASSOCIATION ROUSSEL-CABAYE & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON

assistée de Me Camille COHEN, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant, substituant Me Victoria CABAYÉ

INTIMES

Monsieur [Y] [T]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 9],

demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Lydie JOUVE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, plaidant

Madame [Z] [G] épouse [T]

née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 10],

demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Lydie JOUVE, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 20 Mai 2025 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mr NOEL, président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président

Mme Claire OUGIER, Présidente de chambre

Mme Magali VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2025,

Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS & PROCÉDURE

Le 3 octobre 2006, la SARL JAL KFE a contracté un emprunt de 440 000 euros sur 7 ans au taux de 4,65 % auprès de la SA Banque Nuger pour financer l'acquisition d'un fonds de commerce de brasserie situé à [Localité 6] (63).

Par acte sous seing privé du 5 septembre 2006, Mme [T], gérante de la SARL JAL KFE, et son conjoint, se sont portés cautions solidaires à hauteur de 286 000 euros, dans la limite de 50 % de l'en-cours, et pour une durée de 9 ans.

Par acte sous seing privé du 18 mai 2009, la SARL JAL KFE a souscrit un second prêt de 80 000 euros.

Par jugement du 9 avril 2010, le tribunal de commerce de Clermont-Ferrand a prononcé le redressement judiciaire de la SARL JAL KFE. Dans le cadre d'un plan de continuation, le remboursement du prêt a été étalé sur 10 ans.

La banque a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire le 1er juin 2010.

Par acte du 3 août 2011, M. et Mme [T] ont réitéré leur engagement de caution du 5 septembre 2006 pour une durée de 10 ans, ce cautionnement se substituant au précédent.

Par jugement du 27 avril 2016, le tribunal de commerce a prononcé la résolution du plan de redressement et la mise en liquidation judiciaire de la SARL JAL KFE.

Le 4 mai 2016, la SA Banque Nuger a déclaré sa créance entre les mains du liquidateur judiciaire.

Par courriers recommandés avec avis de réception du 2 mai 2018, la SA Banque Nuger a mis en demeure M. et Mme [T], en qualité de cautions solidaires, de lui régler la somme de 135 305,50 euros au titre du cautionnement du prêt de 440 000 euros.

Par assignation du 2 octobre 2018, la SA Banque Nuger a saisi le tribunal de commerce de Marseille aux fins de condamnation de M. et Mme [T] à lui payer en principal la somme de 112 129,23 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2016.

Par jugement du 7 janvier 2021, le tribunal de commerce de Marseille a :

- débouté la SA Banque Nuger de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouté M. et Mme [T] de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts,

- condamné la SA Banque Nuger à payer à M. et Mme [T] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA Banque Nuger aux dépens de l'instance.

- débouté les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu la disproportion manifeste de l'engagement de caution, et l'absence de manquement de la banque au devoir de mise en garde.

Par déclaration du 9 février 2021 dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la SA Banque Nuger a interjeté appel du jugement en visant chacune des mentions de son dispositif.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions n°2 notifiées par la voie électronique le 1er mars 2023, la Société Générale venant aux droits de la SA Banque Nuger par suite d'un traité de fusion-absorption prenant effet le 1er janvier 2023 demande à la cour de :

- réformer le jugement entrepris des chefs critiqués,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. et Mme [T] de leur demande reconventionnelle au titre du devoir de mise en garde,

- En conséquence,

- déclarer irrecevables M. et Mme [T] dans leur demande de responsabilité de la banque au titre du devoir de mise en garde,

- juger que M. et Mme [T] n'apportent pas la preuve de la disproportion manifeste des cautionnements des 6 septembre 2006 et 3 août 2011,

- juger que les engagements de caution de M. et Mme [T] d'un montant de 286 000 euros ne sont pas manifestement disproportionnés par rapport à leurs revenus et leur patrimoine d'une valeur de 748 338,93 euros,

- juger que M. et Mme [T] sont des cautions averties et que, par conséquent, la banque n'était pas débitrice d'un devoir de mise en garde,

- condamner solidairement M. et Mme [T] à payer à la banque les sommes suivantes :

' 112 129,23 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2016,

' 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- Statuant à nouveau,

- juger que les intérêts de retard continuent de courir malgré le défaut d'information annuelle de la caution,

- ordonner la capitalisation des intérêts dus, conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- condamner M. et Mme [T] aux dépens d'appel, conformément aux articles 695 et suivants du code de procédure civile, et à lui régler la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la cour.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 août 2021, M. et Mme [T] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris,

- juger que leur engagement de caution du 6 septembre 2006 à hauteur de 286 000 euros dans la limite de 50 % de l'en-cours du prêt est disproportionné à leurs biens et revenus,

- juger que leur engagement de caution du 3 août 2011 à hauteur de 286 000 euros dans la limite de 50 % de l'en-cours du prêt est disproportionné à leurs biens et revenus,

En conséquence,

- débouter la SA Banque Nuger de l'ensemble de ses demandes formées sur le fondement des engagements de caution des 6 septembre 2006 et 3 août 2011,

- en toute hypothèse, si la cour déclarait que leur engagement de caution était valable, juger au visa de l'article 1240 du code civil que la banque a manqué au devoir de mise en garde qui lui incombait,

En conséquence,

- condamner la banque à leur payer la somme de 138 000 euros de dommages-intérêts,

- ordonner le cas échéant la compensation judiciaire entre les sommes allouées à la banque et les indemnités dues par cette dernière à M. et Mme [T],

- prononcer la déchéance du droit aux intérêts,

En conséquence,

- condamner la banque à produire un décompte expurgé des intéréts,

- condamner la banque à leur payer et porter la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de Maître Françoise Boulan, membre de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, avocats associés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

* * *

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées pour l'exposé des moyens et prétentions des parties.

La clôture a été prononcée le 6 mai 2025.

Le dossier a été plaidé le 20 mai 2025 et mis en délibéré au 18 septembre 2025.

L'arrêt rendu sera contradictoire, conformément à l'article 467 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la disproportion manifeste :

Aux termes de l'article L.341-4 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date de l'engagement de la caution, « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».

La charge de la preuve de la disproportion manifeste incombe à la caution. La capacité de la caution à faire face à son engagement au moment où elle est appelée doit en revanche être prouvée par le banquier.

La banque est en droit, sauf anomalie apparente, de se fier aux informations qui lui sont fournies par l'emprunteur (Com, 5 novembre 2013, 12-24.520), notamment dans la fiche de renseignement patrimonial, et n'a pas alors à vérifier l'exactitude des éléments déclarés par l'emprunteur (Com, 4 juillet 2018, 17-13.128). Lequel n'est pas fondé à soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'il a déclarée au créancier.

Mais doivent être pris en compte les éléments non déclarés par la caution que le créancier connaissait ou ne pouvait ignorer comme des cautionnements antérieurs (Com 27 septembre 2017 n°15-24.726).

1/ cautionnement du 5 septembre 2006 :

La banque produit la fiche de renseignement patrimonial renseignée par M. et Mme [T] le 21 août 2006. Elle fait valoir qu'ils ont déclaré, au moment de leur engagement de caution, être propriétaires d'une résidence principale située [Adresse 4] estimée de 380 000 à 400 000 euros, soit une valeur d'actif net de 255 000 euros après retranchement d'un passif de 145 000 euros.

En comptabilisant la valeur respective de 90% des parts sociales d'une SCI [Adresse 8] et d'un fonds de commerce, la banque évalue le patrimoine de M. et Mme [T] à la somme de 562 338,93 euros, ce montant devant être mis en perspective avec un engagement de caution doublement limité à 50 % de l'encours du prêt et à la somme de 286 000 euros. Et de conclure à l'absence de disproportion manifeste.

M. et Mme [T] font valoir en revanche que l'emprunt de 440 000 euros qu'a contracté la SARL JAL KFE auprès de la SA Banque Nuger est indissociable d'un autre emprunt de 440 000 euros également contracté le 3 octobre 2006 pour une durée de 7 ans auprès de la SA Lyonnaise de Banque, afin de financer l'acquisition. Par ailleurs, ils précisent s'être également portés caution de ce prêt, le 4 octobre 2006, dans la limite d'un montant de 264 000 euros et pour une durée limitée à 5 ans.

Ils estiment que cette opération pari passu justifie une appréciation globale de la disproportion manifeste de leurs engagements de caution respectifs.

Sur ce,

Le contrat de prêt entre la SA Banque Nuger et la SARL JAL KFE stipule effectivement que « la CIC Lyonnaise de Banque consent un prêt de même montant et pour le même objet ». Dans le même ordre d'idées, le contrat de prêt entre la SA Lyonnaise de Banque et la SARL JAL KFE stipule que « l'inscription du nantissement est requise en garantie du remboursement de la somme de 528 000 euros en principal, des frais et accessoires évalués à 88 000 euros, et sera inscrite pari passu Lyonnaise de Banque / Banque Nuger ».

Toutefois, le cautionnement consenti à la SA Lyonnaise de Banque ne l'a été que par M. [T], pour un montant de 205 800 euros, mais non par son épouse. Par ailleurs, les contrats de cautionnement engageant M. et/ou Mme [T] au bénéfice de la SA Banque Nuger et de la SA Lyonnaise de Banque ne mentionnent ni l'un ni l'autre l'engagement de caution de M. [T] envers l'autre banque. Enfin, le cautionnement consenti par M. [T] à la SA Lyonnaise de Banque n'est pas mentionné dans la fiche de renseignement patrimonial et n'est donc pas opposable à la SA Banque Nuger.

La fiche de renseignement patrimonial renseignée par M. et Mme [T] ne mentionne aucun revenu, quoiqu'ils aient déclaré devoir faire face à 18 000 euros de charges annuelles. Leur avis d'imposition sur les revenus de l'année 2006 atteste d'un revenu fiscal de référence de 12 535 euros. Il n'y a pas lieu de tenir des revenus locatifs éventuellement procurés par la SCI Le Colbert, dans la mesure où M. et Mme [T] ont expressément déclaré n'avoir que la nue-propriété des parts sociales. Mariés sous le régime de la séparation de biens, ils ont déclaré avoir 3 enfants à charge.

S'agissant du patrimoine de M. et Mme [T], il y a lieu de comptabiliser la valeur déclarative de leur domicile principal diminuée du montant des sommes dues au titre de l'emprunt souscrit, soit 235 à 255 000 euros (380 à 400 000 ' 145 000). En outre, ils auraient dû déclarer la valeur de la nu-propriété des parts sociales de la SCI Colbert ainsi que celle de leurs parts sociales de la SARL JAL KFE ainsi que le solde éventuellement créditeur de leur compte courant d'associé (Com., 26 janvier 2016, 13-28-378). Le fonds de commerce, en revanche, relevait du patrimoine de la SARL JAL KFE et sa valeur n'avait pas à être comptabilisée.

Aucune disproportion manifeste n'est donc caractérisée à la date de l'engagement de caution.

2/ cautionnement du 3 août 2011 :

Au vu de la fiche de renseignement patrimonial du 3 août 2011, la banque retient que M. et Mme [T] au jour de leur engagement de caution sont propriétaires de leur résidence principale à [Adresse 7] (63) d'une valeur de 380 à 400 000 euros, soit une valeur nette de 320 à 340 000 euros après retranchement d'un passif de 60 000 euros. Elle comptabilise les parts de la SCI Le Colbert générant des loyers annuels de 45 000 euros, ainsi que le fonds de commerce évalué à 307 338,93 euros. En tenant compte d'un revenu annuel déclaré de 56 000 euros, la banque retient un patrimoine de 748 338,93 euros et conclut à l'absence de disproportion manifeste.

M. et Mme [T] font valoir que ce cautionnement a remplacé celui de 2006 et que la banque n'aurait jamais dû le leur faire souscrire dans la mesure où la SARL JAL KFE faisait l'objet depuis un an d'une procédure collective.

Sur ce,

Le revenu annuel professionnel déclaré est de 26 000 euros pour M. [T] et de 30 000 euros pour son épouse. S'agissant de leur patrimoine, la valeur nette de leur domicile a évolué à la hausse par rapport à 2006, comme souligné par la banque. À cette valeur d'au moins 380 000 euros, il convient là encore d'ajouter la valeur de la nue-propriété des parts sociales de la SCI Colbert qui n'a pas été comptabilisée, pas plus que celle de la SARL JAL KFE, il est vrai en redressement judiciaire, ainsi le cas échéant que le solde créditeur de leurs comptes courant d'associés.

Aucune disproportion manifeste n'est donc caractérisée à la date de l'engagement de caution. Le jugement entrepris est infirmé de ce chef.

Sur le devoir de mise en garde :

M. et Mme [T] soulignent à juste titre qu'une obligation de mise en garde s'impose à la banque même si l'engagement de la caution n'est pas disproportionné par rapport à son patrimoine et à ses revenus (Com, 1er juillet 2020, 18-24.435 et 18-24.436).

Ils entendent rappeler que le banquier dispensateur de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou qu'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

Sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, une jurisprudence constante impose en effet à la banque de prouver que la caution était avertie. Il appartient alors à la caution de prouver la réalité du risque d'endettement. Dans cette hypothèse, la banque doit prouver avoir mis en garde la caution, sans être tenue pour autant de vérifier l'opportunité économique de l'opération financée. Enfin, le préjudice né du manquement au devoir de mise en garde ne consiste qu'en la perte d'une chance de ne pas contracter (Com, 26 janvier 2010, 08-18.354).

La banque observe toutefois, à juste titre, que M. et Mme [T] ayant conclu à la confirmation pure et simple du jugement entrepris et n'ayant pas formé appel incident pour en demander la réformation partielle, sont irrecevables à invoquer devant la cour un manquement au devoir de mise en garde.

Sur ce,

Il résulte en effet des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement (Civ. 2, 17 sept. 2020, 18-23.626).

Par suite, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [T] de leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts.

Sur l'obligation d'information annuelle de la caution :

Aux termes de l'article L.313-22 du code monétaire et financier dans sa version applicable aux cautionnements litigieux, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Il appartient à l'établissement bancaire de rapporter la preuve de l'envoi de la lettre d'information annuelle à la caution, mais il ne lui appartient pas de prouver la réception de ladite lettre par la caution. Cette preuve peut se faire par tous moyens.

La banque déclare ne pas être en mesure de justifier de la délivrance de l'information annuelle due aux cautions. Elle retient au vu du tableau d'amortissement du prêt de 440 000 euros un montant d'intérêts conventionnels, entre 2007 et 2016, de 59 413,86 euros, qui n'appelle pas d'observations de la part de M. et Mme [T].

La déchéance du droit aux intérêts est acquise.

Sur le montant des sommes dues par M. et Mme [T] :

La Société Générale verse aux débats un décompte de créance daté du 13 juin 2019 sur lequel M. et Mme [T] ne formulent aucune observation :

- capital restant dû au 27 avril 2016 : 247 643,28 euros,

- intérêts de retard 4,65 % : 36 029,04 euros, du 27 avril 2016 au 13 juin 2019,

- total : 283 672,32 euros,

- intérêts du 14 juin 2019 jusqu'à la date de paiement : mémoire.

La banque impute le total des intérêts (59 413,86 euros) sur le total dû (283 672,32 euros). M. et Mme [T] étant tenus à hauteur de 50 %, la banque évalue sa créance à la somme de 112 129,23 euros [(283 672,32 ' 59 41,86 = 224 258,46) x 50 %], et retient le 4 mai 2016 comme point de départ de l'intérêt légal.

Cependant, la banque ne saurait retenir le 4 mai 2016 comme point de départ de l'intérêt légal et inclure dans l'assiette des intérêts la somme de 36 029,04 euros correspondant aux intérêts de retard de 4,65 % du 27 avril 2016 au 13 juin 2019.

Par suite, la créance de la banque doit être évaluée à la somme de 94 114,71 euros [(247 643,28 - 59 41,86 = 188 229,42) x 50 %].

M. et Mme [T] sont condamnés solidairement en qualité de cautions à payer à la Société Générale la somme de 94 114,71 euros, avec intérêts au taux légal du 4 mai 2016.

Sur la demande de capitalisation des intérêts :

Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront intérêts au taux légal.

Sur les demandes annexes :

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens doivent être infirmées.

L'équité justifie de condamner in solidum M. et Mme [T] à payer à la Société Générale venant aux droits de la SA Banque Nuger la somme 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance et devant la cour.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, M. et Mme [D] sont condamnés in solidum aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour.

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Dit que les engagements de caution de M. et Mme [T] ne caractérisent aucune disproportion manifeste au regard de leurs biens et revenus.

Prononce la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Condamne solidairement M. et Mme [T] en qualité de cautions à payer à la Société Générale la somme de 94 114,71 euros.

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2016.

Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produiront intérêts au taux légal.

Condamne in solidum M. et Mme [T] à payer à la Société Générale venant aux droits de la SA Banque Nuger la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en première instance et devant la cour.

Condamne in solidum M. et Mme [T] au paiement des dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site