CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 18 septembre 2025, n° 21/09787
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 18 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/
Rôle N° RG 21/09787 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHXDB
[V] [I]
C/
S.A.R.L. SUN ELEC
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Grégoire MANSUY
Me David-irving TAYER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité de FREJUS en date du 01 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 11-20-000079
APPELANT
Monsieur [V] [I]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Grégoire MANSUY de la SELARL SELARL CABINET MANSUY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE
S.A.R.L. SUN ELEC, demeurant [Adresse 3] / FRANCE
représentée par Me David-irving TAYER, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Adrian CANDAU, conseiller-rapporteur chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025 puis prorogé le 18 septembre 2025.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
A l'occasion de la construction de sa maison, sise [Adresse 2] dans le VAR, [V] [I] a sollicité la SARL SUN ELEC aux fins d'installer un système de chauffage.
Ces travaux ont fait l'objet d'un devis du 1er février 2010 d'un montant de 19.771,67 €, devis accepté par le client le 3 mars 2010.
Les travaux ont été réalisés et réceptionnés.
La société SUN ELEC a émis une facture datée du 5 janvier 2011.
Le 19 octobre 2016, [V] [I] a fait réaliser par la société ELM LEBLANC un entretien de la chaudière lors duquel a été constatée la présence d'eau dans la cuve de fioul, cuve plastique enterrée à côté de la villa.
La cuve a été vidangée par la société TCP le 21 octobre 2016.
Le 3 novembre 2017, lors d'un nouvel entretien de ladite chaudière, la société ELM LEBLANC a de nouveau constaté la présence d'eau dans la cuve empêchant la remise en marche de la chaudière.
Des travaux de réparation ont été réalisés par la société TCP SUN le 13 novembre 2017.
Ces difficultés n'ont pas été prises en charge au titre de l'assurance dommages-ouvrage dont était titulaire Monsieur [I] auprès de la MMA.
M, [I] a missionné l'entreprise TECHNICUVE afin de réaliser une inspection non contradictoire de la cuve. Dans son rapport du 15 janvier 2018, cette entreprise a conclu à la présence de trois non-conformités :
- non-conformité de l'évent ;
- non-conformité de la prise de terre ;
- non-conformité due à l'absence de limiteur de remplissage.
Sa prestation a été facturée 1.110€, somme prise en charge par Monsieur [I].
Le 19 avril 2018, le cabinet SARETEC Construction, également mandaté, a déposé une note d'information « dommages-ouvrage ».
L'assurance dommage ouvrage a maintenu son refus de garantie.
Dans un courrier du 25 juillet 2018, l'APAVE a écrit à [V] [I] que le réservoir de la cuve était étanche mais que les infiltrations constatées étaient dues à la non-étanchéité de l'évent au niveau de la bride le raccordant à la cuve et a repris les trois non-conformités énumérées par l'entreprise TECNICUVE dans son compte-rendu.
Par exploit d'huissier en date du 17 janvier 2020 signifié à personne morale, [V] [I] a attrait la SARL SUN ELEC devant le Tribunal de proximité de FRÉJUS.
Par jugement en date du 1er juin 2021, le Tribunal de proximité de FREJUS :
DÉBOUTE [V] [I] de l'ensemble de ses demandes ;
DÉBOUTE la SARL SUN ELEC de ses demandes reconventionnelles ;
CONDAMNE [V] [I] à payer à la SARL SUN ELEC la somme de 1.500 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
CONDAMNE [V] [I] aux entiers dépens de la procédure.
Par déclaration en date du 30 juin 2021, [V] [I] a formé appel de cette décision à l'encontre de la société SUN ELEC en ce qu'elle :
- DEBOUTE Monsieur [V] [I] de l'ensemble de ses demandes et notamment celles tendant à :
CONDAMNER la société SUN ELEC à verser à Monsieur [V] [I] :
- la somme de 1.065,13 € TTC correspondant aux frais de mise en conformité de l'installation,
- 880,00 € et 1.950,30 € correspondant aux coûts de pompage des eaux et nettoyage de la cuve,
- la somme de 1.110,00 € TTC correspondant au coût du rapport de l'APAVE.
DIRE ET JUGER que ces sommes seront assorties de l'intérêt au taux légal à compter de l'assignation.
- la somme de 2.500,00 € en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la défaillance de l'installation,
- la somme de 3.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour résistance particulièrement abusive,
- la somme de 2.500, 00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
- en ce qu'il a CONDAMNE Monsieur [V] [I] à payer à la SARL SUN ELEC la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
***
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
Par conclusions notifiées le 23 septembre 2021, [V] [I] demande à la Cour de :
INFIRMER le Jugement rendu le 1er JUIN 2021 par le Tribunal de proximité de FREJUS en ce qu'il a débouté Monsieur [V] [I] de l'ensemble de ses demandes et l'a reconventionnellement condamné à payer à la société SUN ELEC la somme de 1.500,00€ sur le fondement de l'article 700 du CPC et les dépens,
Vu les dispositions des articles 1792 et s. du Code Civil,
DIRE ET JUGER que la société SUN ELEC est responsable des dysfonctionnements et de la non-conformité du système d'installation de la chaudière incluant la cuve d'alimentation de celle-ci, qu'elle a installée chez Monsieur [V] [I],
En conséquence,
CONDAMNER la société SUN ELEC à verser à Monsieur [V] [I] :
- la somme de 1.065,13 € TTC (Pièce 6) correspondant aux frais destinés à remédier aux désordres et à mettre en conformité l'installation, selon les devis produits, conformément aux normes rappelées dans le rapport de l'APAVE,
DIRE ET JUGER que cette somme sera assortie de l'intérêt au taux légal à compter de l'assignation.
- la somme de 3.940,00 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la nécessité de procéder aux pompages de cuve, à l'installation d'un réservoir de secours afin de pouvoir faire fonctionner la chaudière (880,00 € (Pièce 3 - Oct 2016) et 1.950,30 € (Pièce 9 ' 11 et 12/2017)) et de réaliser une expertise par l'APAVE (1.110,00 € TTC (Pièce 7) correspondant au coût du rapport de l'APAVE).
- une somme de 3.500,00€ en réparation du préjudice subi du fait de la défaillance de l'installation, notamment le préjudice né de l'impossibilité de faire fonctionner normalement l'installation de chauffage pendant plusieurs mois, notamment à l'hiver 2017, ainsi qu'aux soucis et tracas liés au litige.
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,
Vu les dispositions des articles 1641 et suivants du Code Civil,
DIRE ET JUGER que les défauts de conformité constatés par l'APAVE constituent des vices cachés affectant l'installation réalisée par la société SUN ELEC, vendeur professionnel, dont celui-ci doit garantie.
En conséquence,
CONDAMNER la société SUN ELEC à payer à Monsieur [V] [I] :
- la somme de 1.065,13 € TTC (Pièce 6) à tire de réduction de prix correspondant aux frais destinés à remédier aux désordres et à mettre en conformité l'installation, selon les devis produits conformément aux normes rappelées dans le rapport de l'APAVE,
DIRE ET JUGER que cette somme sera assortie de l'intérêt au taux légal à compter de l'assignation.
- la somme de 3.940,00 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la nécessité de procéder aux pompages de cuve, à l'installation d'un réservoir de secours afin de pouvoir faire fonctionner la chaudière (880,00 € (Pièce 3 - Oct 2016) et 1.950,30 € (Pièce 9 ' 11 et 12/2017)) et de réaliser une expertise par l'APAVE (1.110,00 € TTC (Pièce 7) correspondant au coût du rapport de l'APAVE).
- une somme de 3.500,00 € en réparation du préjudice subi du fait de la défaillance de l'installation, notamment le préjudice né de l'impossibilité de faire fonctionner normalement l'installation de chauffage pendant plusieurs mois, notamment à l'hiver 2017, ainsi qu'aux soucis et tracas liés au litige.
EN TOUTE HYPOTHESE
CONDAMNER la société SUN ELEC à verser à Monsieur [V] [I] la somme de 3.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour résistance particulièrement abusive.
CONDAMNER la société SUN ELEC à verser à Monsieur [V] [I] la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Par conclusions notifiées le 23 mars 2022, il maintient ses prétentions et sollicite le débouté de la société SUN ELEC de ses demandes.
Il fait valoir que le premier juge a commis une erreur d'appréciation en écartant la présomption de responsabilité décennale ; que la qualification d'ouvrage est bien applicable à l'installation litigieuse qui constitue un élément d'équipement de l'immeuble et faisant obstacle à l'habitabilité de la maison pendant les périodes hivernales. Il soutient que par application de la garantie décennale et de la présomption de responsabilité qui y est associée, il n'y a pas à lui reprocher une défaut de preuve dès lors qu'il caractérise la réalité des dommages. Il soutient en outre que la société SUN ELEC ne peut pas prétendre être étrangère aux désordres en question.
Subsidiairement, il soutient que la responsabilité de la société SUN ELEC peut être recherchée sur le fondement de la garantie des vices cachés.
La SARL SUN ELEC, par conclusions notifiées le 23 décembre 2021 demande à la Cour de :
Vu les articles 1792 et suivants du Code civil
Vu les articles 699 et 700 du Code de procédure de civile
Vu les pièces versées au débat
Il est demandé à la Cour de :
- DÉCLARER la société SUN ELEC recevable et bien fondée en ses conclusions,
Y faisant droit de,
- CONFIRMER le jugement rendu en première instance par le Tribunal de Proximité de Fréjus,
En conséquence,
- DÉBOUTER Monsieur [V] [I] de l'ensemble de ses demandes et prétentions
- CONDAMNER Monsieur [V] [I] au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître David-Irving TAYER.
Selon la SARL SUN ELEC, la prestation qu'elle est à fournie n'est pas à l'origine des désordres dénoncés par Monsieur [I] ; elle souligne le fait qu'elle n'est pas à l'origine de l'enterrement de la cuve et que l'indépendance entre les différents éléments de cette installation, et donc leur caractère dissociable, démontre qu'il ne s'agit pas d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil.
S'agissant de la demande formée subsidiairement au visa de la garantie des vices cachés, elle soutient que celle-ci n'est pas recevable.
L'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 7 avril 2025 et appelée en dernier lieu à l'audience de plaidoirie du 7 mai 2025.
La décision a été mise en délibéré au 3 juillet 2025 et prorogée au 18 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande principale :
Sur la qualification d'ouvrage et l'application des dispositions de l'article 1792 du Code civil :
Les travaux facturés par la société SUN ELEC à Monsieur [I] le 5 janvier 2011 avaient pour objet la mise en place et fourniture d'une chaudière fuel à condensation de marque GEMINOX ainsi qu'une cuve à fuel à enterrer (avec ancrage complet, colimazout et jauge mécanique vertical) ainsi qu'une alimentation cuivre 8/10 jusqu'à la cuve extérieure.
Selon le rapport SARETEC en date du 19 avril 2018, la pose de la cuve fuel a été faite par l'entreprise [Z] [X] ; ce point n'est pas contesté.
Il n'est également pas contesté qu'en 2016, la présence d'eau dans la cuve de fuel a été constatée lors d'une opération d'entretien ; une vidange a été faite et la même difficulté s'est répétée en novembre 2017.
S'agissant de la nature de cette installation, il convient de rappeler que, si les éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l'assurance obligatoire des constructeurs (Civ. 3ème, 21 mars 2024, n°22-18.694).
En l'espèce, aucun élément ne permet de considérer que l'installation de la chaudière par la société SUN ELEC puisse être qualifiée d'ouvrage, lequel s'apprécie dans son essence par l'existence d'une structure, d'un clos et d'un couvert. Par ailleurs, les conditions de pose de cette chaudière sur la villa de Monsieur [I] ne sont pas renseignées et il ressort des éléments produits que l'ensemble (chaudière ' cuve) ne constituait pas un ensemble indissociable, chaque composant pouvant fonctionner indépendamment de l'autre. En tout état de cause, l'imputabilité à la société SUN ELEC de l'origine des désordres n'est pas démontrée.
Il en résulte que le régime de la garantie décennale n'est pas applicable au litige de sorte que Monsieur [I] doit être débouté de ses prétentions fondées sur les articles 1792 et suivants du Code civil.
Sur la garantie des vices cachés :
Quant à la recevabilité de cette demande, en application de l'article 564 du Code civil, « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
Selon l'article 565 : « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ».
Selon Monsieur [I], le fait d'invoquer la garantie des vices cachés ne constitue pas une demande nouvelle, mais un fondement nouveau visant à obtenir les mêmes demandes, à savoir l'indemnisation des défauts de conformité de l'installation de chauffage.
En l'espèce, l'action engagée sur le fondement des vices cachés tend, sur un fondement juridique différent, à la même fin, à savoir l'indemnisation du préjudice subi et obtenir la condamnation de la société SUN ELEC au paiement des sommes nécessaires à la réalisation des travaux de remise en état. Il s'agit en conséquence d'un fondement juridique nouveau et non pas d'une demande nouvelle.
Sur le fond, une action pour vices cachés suppose, pour pouvoir prospérer, de démontrer l'existence d'un défaut affectant la chose et la rendant impropre à l'usage auquel on la destine ; ce vice doit être imputable au vendeur.
En l'espèce, les éléments techniques renseignés par le rapport SARETEC établissent que :
« la présence d'eau dans les réseau fioul d'alimentation de la chaudière entre octobre 2016 et novembre 2017 provenait d'un défaut d'étanchéité de la canalisation enterrée de l'évent d'origine »,
« la persistance des venues d'eau à compter du 23 novembre 2017, provient de la canalisation d'évent enterrée réalisée par l'entreprise TCP SUN ».
Dans son courrier en date du 25 juillet 2018, l'APAVE relève également le défaut que présente l'évent, à savoir une absence de protection contre la pluie et les éventuelles entrées d'eau, ce qui est à l'origine des infiltrations.
Aucun élément ne permet de démontrer que les causes des dysfonctionnements, donc la défaillance de l'évent, soient imputables à la prestation fournie par la société SUN ELEC lors de la pose de cette chaudière.
Les conditions pour que soit engagée sa responsabilité au visa de l'article 1641 du Code civil ne sont donc pas réunies.
Il convient en conséquence de confirmer la décision contestée en ce qu'elle a débouté Monsieur [I] de l'ensemble de ses demandes.
Sur les demandes annexes :
Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner Monsieur [I] à payer à la société SUN ELEC une somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur [I] sera également condamné aux entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal judiciaire de FREJUS en date du 1er juin 2021 ;
Y ajoutant,
Condamne [V] [I] à payer à la SARL SUN ELEC une somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne [V] [I] aux entiers dépens de l'instance.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Mme Patricia CARTHIEUX, greffieère auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 18 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/
Rôle N° RG 21/09787 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHXDB
[V] [I]
C/
S.A.R.L. SUN ELEC
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Grégoire MANSUY
Me David-irving TAYER
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité de FREJUS en date du 01 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 11-20-000079
APPELANT
Monsieur [V] [I]
demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Grégoire MANSUY de la SELARL SELARL CABINET MANSUY, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE
S.A.R.L. SUN ELEC, demeurant [Adresse 3] / FRANCE
représentée par Me David-irving TAYER, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Adrian CANDAU, conseiller-rapporteur chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025 puis prorogé le 18 septembre 2025.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
A l'occasion de la construction de sa maison, sise [Adresse 2] dans le VAR, [V] [I] a sollicité la SARL SUN ELEC aux fins d'installer un système de chauffage.
Ces travaux ont fait l'objet d'un devis du 1er février 2010 d'un montant de 19.771,67 €, devis accepté par le client le 3 mars 2010.
Les travaux ont été réalisés et réceptionnés.
La société SUN ELEC a émis une facture datée du 5 janvier 2011.
Le 19 octobre 2016, [V] [I] a fait réaliser par la société ELM LEBLANC un entretien de la chaudière lors duquel a été constatée la présence d'eau dans la cuve de fioul, cuve plastique enterrée à côté de la villa.
La cuve a été vidangée par la société TCP le 21 octobre 2016.
Le 3 novembre 2017, lors d'un nouvel entretien de ladite chaudière, la société ELM LEBLANC a de nouveau constaté la présence d'eau dans la cuve empêchant la remise en marche de la chaudière.
Des travaux de réparation ont été réalisés par la société TCP SUN le 13 novembre 2017.
Ces difficultés n'ont pas été prises en charge au titre de l'assurance dommages-ouvrage dont était titulaire Monsieur [I] auprès de la MMA.
M, [I] a missionné l'entreprise TECHNICUVE afin de réaliser une inspection non contradictoire de la cuve. Dans son rapport du 15 janvier 2018, cette entreprise a conclu à la présence de trois non-conformités :
- non-conformité de l'évent ;
- non-conformité de la prise de terre ;
- non-conformité due à l'absence de limiteur de remplissage.
Sa prestation a été facturée 1.110€, somme prise en charge par Monsieur [I].
Le 19 avril 2018, le cabinet SARETEC Construction, également mandaté, a déposé une note d'information « dommages-ouvrage ».
L'assurance dommage ouvrage a maintenu son refus de garantie.
Dans un courrier du 25 juillet 2018, l'APAVE a écrit à [V] [I] que le réservoir de la cuve était étanche mais que les infiltrations constatées étaient dues à la non-étanchéité de l'évent au niveau de la bride le raccordant à la cuve et a repris les trois non-conformités énumérées par l'entreprise TECNICUVE dans son compte-rendu.
Par exploit d'huissier en date du 17 janvier 2020 signifié à personne morale, [V] [I] a attrait la SARL SUN ELEC devant le Tribunal de proximité de FRÉJUS.
Par jugement en date du 1er juin 2021, le Tribunal de proximité de FREJUS :
DÉBOUTE [V] [I] de l'ensemble de ses demandes ;
DÉBOUTE la SARL SUN ELEC de ses demandes reconventionnelles ;
CONDAMNE [V] [I] à payer à la SARL SUN ELEC la somme de 1.500 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.
CONDAMNE [V] [I] aux entiers dépens de la procédure.
Par déclaration en date du 30 juin 2021, [V] [I] a formé appel de cette décision à l'encontre de la société SUN ELEC en ce qu'elle :
- DEBOUTE Monsieur [V] [I] de l'ensemble de ses demandes et notamment celles tendant à :
CONDAMNER la société SUN ELEC à verser à Monsieur [V] [I] :
- la somme de 1.065,13 € TTC correspondant aux frais de mise en conformité de l'installation,
- 880,00 € et 1.950,30 € correspondant aux coûts de pompage des eaux et nettoyage de la cuve,
- la somme de 1.110,00 € TTC correspondant au coût du rapport de l'APAVE.
DIRE ET JUGER que ces sommes seront assorties de l'intérêt au taux légal à compter de l'assignation.
- la somme de 2.500,00 € en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la défaillance de l'installation,
- la somme de 3.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour résistance particulièrement abusive,
- la somme de 2.500, 00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.
- en ce qu'il a CONDAMNE Monsieur [V] [I] à payer à la SARL SUN ELEC la somme de 1.500,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
***
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
Par conclusions notifiées le 23 septembre 2021, [V] [I] demande à la Cour de :
INFIRMER le Jugement rendu le 1er JUIN 2021 par le Tribunal de proximité de FREJUS en ce qu'il a débouté Monsieur [V] [I] de l'ensemble de ses demandes et l'a reconventionnellement condamné à payer à la société SUN ELEC la somme de 1.500,00€ sur le fondement de l'article 700 du CPC et les dépens,
Vu les dispositions des articles 1792 et s. du Code Civil,
DIRE ET JUGER que la société SUN ELEC est responsable des dysfonctionnements et de la non-conformité du système d'installation de la chaudière incluant la cuve d'alimentation de celle-ci, qu'elle a installée chez Monsieur [V] [I],
En conséquence,
CONDAMNER la société SUN ELEC à verser à Monsieur [V] [I] :
- la somme de 1.065,13 € TTC (Pièce 6) correspondant aux frais destinés à remédier aux désordres et à mettre en conformité l'installation, selon les devis produits, conformément aux normes rappelées dans le rapport de l'APAVE,
DIRE ET JUGER que cette somme sera assortie de l'intérêt au taux légal à compter de l'assignation.
- la somme de 3.940,00 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la nécessité de procéder aux pompages de cuve, à l'installation d'un réservoir de secours afin de pouvoir faire fonctionner la chaudière (880,00 € (Pièce 3 - Oct 2016) et 1.950,30 € (Pièce 9 ' 11 et 12/2017)) et de réaliser une expertise par l'APAVE (1.110,00 € TTC (Pièce 7) correspondant au coût du rapport de l'APAVE).
- une somme de 3.500,00€ en réparation du préjudice subi du fait de la défaillance de l'installation, notamment le préjudice né de l'impossibilité de faire fonctionner normalement l'installation de chauffage pendant plusieurs mois, notamment à l'hiver 2017, ainsi qu'aux soucis et tracas liés au litige.
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,
Vu les dispositions des articles 1641 et suivants du Code Civil,
DIRE ET JUGER que les défauts de conformité constatés par l'APAVE constituent des vices cachés affectant l'installation réalisée par la société SUN ELEC, vendeur professionnel, dont celui-ci doit garantie.
En conséquence,
CONDAMNER la société SUN ELEC à payer à Monsieur [V] [I] :
- la somme de 1.065,13 € TTC (Pièce 6) à tire de réduction de prix correspondant aux frais destinés à remédier aux désordres et à mettre en conformité l'installation, selon les devis produits conformément aux normes rappelées dans le rapport de l'APAVE,
DIRE ET JUGER que cette somme sera assortie de l'intérêt au taux légal à compter de l'assignation.
- la somme de 3.940,00 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la nécessité de procéder aux pompages de cuve, à l'installation d'un réservoir de secours afin de pouvoir faire fonctionner la chaudière (880,00 € (Pièce 3 - Oct 2016) et 1.950,30 € (Pièce 9 ' 11 et 12/2017)) et de réaliser une expertise par l'APAVE (1.110,00 € TTC (Pièce 7) correspondant au coût du rapport de l'APAVE).
- une somme de 3.500,00 € en réparation du préjudice subi du fait de la défaillance de l'installation, notamment le préjudice né de l'impossibilité de faire fonctionner normalement l'installation de chauffage pendant plusieurs mois, notamment à l'hiver 2017, ainsi qu'aux soucis et tracas liés au litige.
EN TOUTE HYPOTHESE
CONDAMNER la société SUN ELEC à verser à Monsieur [V] [I] la somme de 3.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour résistance particulièrement abusive.
CONDAMNER la société SUN ELEC à verser à Monsieur [V] [I] la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.
Par conclusions notifiées le 23 mars 2022, il maintient ses prétentions et sollicite le débouté de la société SUN ELEC de ses demandes.
Il fait valoir que le premier juge a commis une erreur d'appréciation en écartant la présomption de responsabilité décennale ; que la qualification d'ouvrage est bien applicable à l'installation litigieuse qui constitue un élément d'équipement de l'immeuble et faisant obstacle à l'habitabilité de la maison pendant les périodes hivernales. Il soutient que par application de la garantie décennale et de la présomption de responsabilité qui y est associée, il n'y a pas à lui reprocher une défaut de preuve dès lors qu'il caractérise la réalité des dommages. Il soutient en outre que la société SUN ELEC ne peut pas prétendre être étrangère aux désordres en question.
Subsidiairement, il soutient que la responsabilité de la société SUN ELEC peut être recherchée sur le fondement de la garantie des vices cachés.
La SARL SUN ELEC, par conclusions notifiées le 23 décembre 2021 demande à la Cour de :
Vu les articles 1792 et suivants du Code civil
Vu les articles 699 et 700 du Code de procédure de civile
Vu les pièces versées au débat
Il est demandé à la Cour de :
- DÉCLARER la société SUN ELEC recevable et bien fondée en ses conclusions,
Y faisant droit de,
- CONFIRMER le jugement rendu en première instance par le Tribunal de Proximité de Fréjus,
En conséquence,
- DÉBOUTER Monsieur [V] [I] de l'ensemble de ses demandes et prétentions
- CONDAMNER Monsieur [V] [I] au paiement de la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître David-Irving TAYER.
Selon la SARL SUN ELEC, la prestation qu'elle est à fournie n'est pas à l'origine des désordres dénoncés par Monsieur [I] ; elle souligne le fait qu'elle n'est pas à l'origine de l'enterrement de la cuve et que l'indépendance entre les différents éléments de cette installation, et donc leur caractère dissociable, démontre qu'il ne s'agit pas d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du Code civil.
S'agissant de la demande formée subsidiairement au visa de la garantie des vices cachés, elle soutient que celle-ci n'est pas recevable.
L'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 7 avril 2025 et appelée en dernier lieu à l'audience de plaidoirie du 7 mai 2025.
La décision a été mise en délibéré au 3 juillet 2025 et prorogée au 18 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande principale :
Sur la qualification d'ouvrage et l'application des dispositions de l'article 1792 du Code civil :
Les travaux facturés par la société SUN ELEC à Monsieur [I] le 5 janvier 2011 avaient pour objet la mise en place et fourniture d'une chaudière fuel à condensation de marque GEMINOX ainsi qu'une cuve à fuel à enterrer (avec ancrage complet, colimazout et jauge mécanique vertical) ainsi qu'une alimentation cuivre 8/10 jusqu'à la cuve extérieure.
Selon le rapport SARETEC en date du 19 avril 2018, la pose de la cuve fuel a été faite par l'entreprise [Z] [X] ; ce point n'est pas contesté.
Il n'est également pas contesté qu'en 2016, la présence d'eau dans la cuve de fuel a été constatée lors d'une opération d'entretien ; une vidange a été faite et la même difficulté s'est répétée en novembre 2017.
S'agissant de la nature de cette installation, il convient de rappeler que, si les éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l'assurance obligatoire des constructeurs (Civ. 3ème, 21 mars 2024, n°22-18.694).
En l'espèce, aucun élément ne permet de considérer que l'installation de la chaudière par la société SUN ELEC puisse être qualifiée d'ouvrage, lequel s'apprécie dans son essence par l'existence d'une structure, d'un clos et d'un couvert. Par ailleurs, les conditions de pose de cette chaudière sur la villa de Monsieur [I] ne sont pas renseignées et il ressort des éléments produits que l'ensemble (chaudière ' cuve) ne constituait pas un ensemble indissociable, chaque composant pouvant fonctionner indépendamment de l'autre. En tout état de cause, l'imputabilité à la société SUN ELEC de l'origine des désordres n'est pas démontrée.
Il en résulte que le régime de la garantie décennale n'est pas applicable au litige de sorte que Monsieur [I] doit être débouté de ses prétentions fondées sur les articles 1792 et suivants du Code civil.
Sur la garantie des vices cachés :
Quant à la recevabilité de cette demande, en application de l'article 564 du Code civil, « à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
Selon l'article 565 : « les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent ».
Selon Monsieur [I], le fait d'invoquer la garantie des vices cachés ne constitue pas une demande nouvelle, mais un fondement nouveau visant à obtenir les mêmes demandes, à savoir l'indemnisation des défauts de conformité de l'installation de chauffage.
En l'espèce, l'action engagée sur le fondement des vices cachés tend, sur un fondement juridique différent, à la même fin, à savoir l'indemnisation du préjudice subi et obtenir la condamnation de la société SUN ELEC au paiement des sommes nécessaires à la réalisation des travaux de remise en état. Il s'agit en conséquence d'un fondement juridique nouveau et non pas d'une demande nouvelle.
Sur le fond, une action pour vices cachés suppose, pour pouvoir prospérer, de démontrer l'existence d'un défaut affectant la chose et la rendant impropre à l'usage auquel on la destine ; ce vice doit être imputable au vendeur.
En l'espèce, les éléments techniques renseignés par le rapport SARETEC établissent que :
« la présence d'eau dans les réseau fioul d'alimentation de la chaudière entre octobre 2016 et novembre 2017 provenait d'un défaut d'étanchéité de la canalisation enterrée de l'évent d'origine »,
« la persistance des venues d'eau à compter du 23 novembre 2017, provient de la canalisation d'évent enterrée réalisée par l'entreprise TCP SUN ».
Dans son courrier en date du 25 juillet 2018, l'APAVE relève également le défaut que présente l'évent, à savoir une absence de protection contre la pluie et les éventuelles entrées d'eau, ce qui est à l'origine des infiltrations.
Aucun élément ne permet de démontrer que les causes des dysfonctionnements, donc la défaillance de l'évent, soient imputables à la prestation fournie par la société SUN ELEC lors de la pose de cette chaudière.
Les conditions pour que soit engagée sa responsabilité au visa de l'article 1641 du Code civil ne sont donc pas réunies.
Il convient en conséquence de confirmer la décision contestée en ce qu'elle a débouté Monsieur [I] de l'ensemble de ses demandes.
Sur les demandes annexes :
Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner Monsieur [I] à payer à la société SUN ELEC une somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Monsieur [I] sera également condamné aux entiers dépens de l'instance.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du Tribunal judiciaire de FREJUS en date du 1er juin 2021 ;
Y ajoutant,
Condamne [V] [I] à payer à la SARL SUN ELEC une somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne [V] [I] aux entiers dépens de l'instance.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Mme Patricia CARTHIEUX, greffieère auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,