CA Douai, ch. 1 sect. 2, 18 septembre 2025, n° 23/03670
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 18/09/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 23/03670 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VBQV
Jugement (N° 19/05048)
rendu le 06 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Lille
APPELANTE
La SAS Sables et Matériaux (SEM)
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Marianne Devaux, avocat au barreau de Dunkerque, avocat plaidant
INTIMÉES
La SA Allianz IARD en sa qualité d'assureur de la SAS SEM
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 8]
La SA Allianz France
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 9]
représentées par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistées de Me Delphine Aberlen, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant substitué par Me Valérie Gosset, avocat au barreau de Paris
La SAS Colas France anciennement [Adresse 11] venant aux droits la SAS Colas Nord-Est elle-même venant aux droits de la SAS Colas Nord Picardie
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Jean Billemont, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
La SMABTP
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Hugues Senlecq, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Véronique Galliot, conseiller
Carole Van Goetsenhoven, conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
DÉBATS à l'audience publique du 04 mars 2025, après rapport oral de l'affaire par Catherine Courteille.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2025 après prorogation du délibéré en date du 12 juin 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente, et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 03 février 2025
****
EXPOSE DU LITIGE
Suivant contrat d'entreprise du 1er septembre 2015, la société GAM Ingénierie a confié à la société Colas Nord-Picardie (aux droits de laquelle vient la société Colas Nord-Est, aux droits de laquelle vient la société Colas France, anciennement [Adresse 11]) l'exécution du lot réseaux et VRD dans le cadre de la réalisation d'un parc d'activités commerciales « Calaistone » situé [Adresse 14] à [Localité 10] et moyennant la somme totale de 1 788 000 euros TTC.
Dans le cadre de l'exécution de ces travaux, la société Colas a, suivant bon de commande en date du 10 septembre 2015, acheté auprès de la société Sables et Matériaux (la SEM), assurée auprès de la SMABTP et de la société Allianz IARD, 27 000 tonnes de sables de dunes D1 moyennant la somme totale de 121 500 euros HT.
La livraison est intervenue à partir du 23 septembre 2015.
A l'occasion de prélèvements réalisés le 20 novembre 2015 par le CEBTP sur le sable commandé et mis en 'uvre par la société Colas, le rapport d'essais sur échantillon de sol a conclu à la présence d'un sable de type B1 et de type B2 et non de type D1 commandé.
La société GAM Ingénierie a en conséquence, par courrier en date du 2 décembre 2015, sollicité de la société Colas la communication des processus mis « en 'uvre pour livrer une plate-forme constituée d'un matériau agréé, mis en 'uvre correctement et répondant aux critères de performances contractuels ».
Saisi par acte du 19 décembre 2015, à l'initiative de la société Colas France, le juge des référés a, par ordonnance du 14 décembre 2015 ordonné une expertise judiciaire et l'a confiée à M. [B] [E].
Par actes du 10 décembre 2015, la société Sables et Matériaux a fait assigner la société Allianz (IARD) et la SMABTP, les opérations d'expertise leur ont été déclarées communes et opposables par ordonnance du 14 décembre 2015.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 27 février 2019.
Par jugement du 6 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Lille a :
Débouté la société Colas France, anciennement [Adresse 11], venant aux droits de la société Colas Nord-Est, elle-même venant aux droits de la société Colas Nord-Picardie, de l'intégralité de ses demandes de condamnation formée à l'encontre de la SMABTP ;
Condamné la société Sables et Matériaux à payer à la société Colas France la somme de 372 349,13 euros en réparation de son préjudice matériel ;
Condamné solidairement la société Sables et Matériaux et la société Allianz IARD à payer à la société Colas France la somme de 211 389,54 euros en réparation de son préjudice ;
Condamné la société Allianz IARD à garantir intégralement la société Sables et Matériaux s'agissant de la somme de 211 389,54 euros étant précisé que les garanties s'appliqueront dans les termes et limites de la police souscrite, laquelle prévoit l'application de franchises (entre 700 et 1 400 euros) et de plafonds (800 000 euros) ;
Dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du 1er septembre 2019, date de l'assignation au fond, avec la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
Débouté la société Colas France de l'intégralité de sa demande de dommages-intérêts supplémentaires ;
Débouté la société Sables et Matériaux de son appel en garantie formé à l'encontre de la SMABTP ;
Débouté la SMABTP de son appel en garantie formé à l'encontre de la société Colas France ;
Débouté la société Allianz IARD de son appel en garantie formé à l'encontre de la société Colas France ;
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamné in solidum la société Sables et Matériaux et la société Allianz IARD à payer à la société Colas France la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la société Colas France à payer à la SMABTP la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné in solidum la société Sables et Matériaux et la société Allianz IARD aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration reçue au greffe de ce siège le 3 août 2023 et enregistrée sous le numéro RG 23/3670, la société Sables et Matériaux a relevé appel de la décision ayant :
Condamné la société Sables et Matériaux à payer à la société Colas France la somme de 372 349,13 euros en réparation de son préjudice matériel ;
Condamné solidairement la société Sables et Matériaux et la société Allianz IARD à payer à la société Colas France la somme de 211 389,54 euros en réparation de son préjudice ;
Condamné la société Allianz IARD à garantir intégralement la société Sables et Matériaux s'agissant de la somme de 211 389,54 euros étant précisé que les garanties s'appliqueront dans les termes et limites de la police souscrite, laquelle prévoit l'application de franchises (entre 700 et 1 400 euros) et de plafonds (800 000 euros) ;
Dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du 1er septembre 2019, date de l'assignation au fond, avec la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
Débouté la société Sables et Matériaux de son appel en garantie formé à l'encontre de la SMABTP ;
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamné in solidum la société Sables et Matériaux et la société Allianz IARD à payer à la société Colas France la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné in solidum la société Sables et Matériaux et la société Allianz IARD aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Par déclaration reçue au greffe de ce siège le 3 novembre 2023 et enregistrée sous le numéro RG 23/4875, la société Sables et Matériaux a relevé appel des mêmes chefs du jugement.
Par actes d'huissier de justice signifié le 5 février 2024, la société Colas France a fait assigner en appel provoqué la société Allianz IARD.
Par ordonnance du 26 septembre 2024, la jonction des procédures a été ordonnée sous le numéro RG 23/4875.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2025, la société Sables et Matériaux demande à la cour de :
réformer le jugement entrepris en ce qu'il :
l'a condamnée à payer à la société Colas France la somme de 372 349,13 euros en réparation de son préjudice matériel ;
l'a condamnée solidairement avec société Allianz IARD à payer à la société Colas France la somme de 211 389,54 euros en réparation de son préjudice ;
a condamné la société Allianz IARD à la garantir intégralement s'agissant de la somme de 211 389,54 euros étant précisé que les garanties s'appliqueront dans les termes et limites de la police souscrite, laquelle prévoit l'application de franchises (entre 700 et 1 400 euros) et de plafonds (800 000 euros) ;
a dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du 1er septembre 2019, date de l'assignation au fond, avec la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
l'a débouté de son appel en garantie formé à l'encontre de la SMABTP ;
a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
l'a condamné in solidum avec la société Allianz IARD à payer à la société Colas France la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
l'a condamnée in solidum avec la société Allianz IARD aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
Statuant de nouveau,
débouter la société Colas France de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions contre elle, et confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Colas France de sa demande indemnitaire à hauteur de 50 000 euros ainsi que de sa demande quant au point de départ des intérêts moratoires ;
Si par extraordinaire la juridiction de céans considérait qu'il existait un lien de causalité entre le sable acheté par la société Colas France auprès d'elle et le sinistre qu'elle invoque :
dire et juger qu'elle ne saurait supporter une part de responsabilité du sinistre excédant 20 %.
Conséquemment,
dire et juger qu'elle ne saurait supporter sur les 718 310,14 euros sollicités par la société Colas France une somme excédant 20 %, soit 718 310,14 euros x 20 % = 143 662,03 euros ;
condamner la société Colas France à lui verser une somme de 394 380,91 euros correspondant au coût du sable acheté ;
ordonner la compensation entre la somme de 394 380,91 euros et toute condamnation qui serait mise à sa charge au profit de la société Colas France ;
Si par extraordinaire, malgré la production des factures correspondantes et de l'extrait du grand livre, la juridiction de céans ne retenait pas cette somme de 394 380,91 euros ;
condamner la société Colas France à lui payer après rectificatif du décompte de l'expert judiciaire, une somme de 187 174,63 euros HT ;
dire que cette somme de 187 174,63 euros HT se compensera avec toute éventuelle condamnation qui serait prononcée contre elle ;
débouter la société Colas France de sa demande d'intérêts à défaut de mise en demeure lui ayant été adressée et a fortiori d'anatocisme ;
condamner la SMABTP à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre en principal, intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens.
condamner la société Allianz (IARD) in solidum avec la SMABTP à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre en principal déduction faite d'une somme de 87 201,76 euros au titre des exclusions, intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens.
condamner in solidum la société Colas France, la SMABTP et la société Allianz (IARD) à lui verser une somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et d'appel ainsi qu'aux dépens en ce compris les frais et honoraires de l'expert judiciaire.
Elle fait valoir que la preuve n'est pas rapportée ni par la société Colas ni par les conclusions du rapport d'expertise que le sable se trouvant sur le site sinistré provenait de la carrière d'[Localité 13], dès lors que seules des analyses du sable présent sur le site sinistré ont été faites alors que c'est la société Colas qui est venue charger le sable à la carrière. Elle souligne que l'expert judiciaire a relevé que la société Colas aurait pu procéder plus tôt à un contrôle de la conformité du sable mis en 'uvre. Elle a rappelle qu'elle a depuis l'expertise adopté la même position quant à l'absence de preuve de l'origine du sable mis en 'uvre.
Elle ajoute que le lien de causalité entre la non-conformité du sable retrouvé sur site et le sinistre n'est pas établi, précisant que la société Colas s'est affranchie des préconisations de Fondasol et qu'elle n'a pas respecté le CCTP, la circonstance que M. [E] ait préconisé de mettre en 'uvre les préconisation de la société Fondasol en est la preuve. Elle fait valoir que dès lors qu'un rapport d'expertise amiable est corroboré par d'autres éléments rien n'empêche la juridiction d'en adopter les conclusions et sollicite que la cour tienne compte des conclusions de son expert M. [P].
Elle conteste par ailleurs les montants alloués, indiquant que la société Colas n'a réglé aucune des livraison effectuées qu'il s'agisse de celle d'octobre 2015 ou celle de février 2016.
Elle forme également appel à l'encontre du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de garantie dirigée contre la société SMABTP soutenant que la clause d'exclusion appliquée par le juge doit être déclarée, non écrite en ce qu'elle est de nature à vider complètement la police souscrite de son objet. Elle soutient également que la limitation de garantie de la société Allianz IARD n'est pas justifiée, la clause d'exclusion de garantie manquant de clarté.
Enfin, elle affirme que la société Colas ne justifie pas de son préjudice.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 décembre 2024, la société Colas France demande à la cour, au visa des articles 1231-1 et 1604 du code civil, de :
Sur l'appel principal :
débouter la société Sables et Matériaux de ses prétentions tendant à ce que soit réformé le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 6 juillet 2023, en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 372 349,13euros, in solidum avec la société Allianz IARD au paiement de la somme de 211 389, 54euros, ainsi qu'aux dépens en ce compris les frais d'expertise ;
En conséquence :
confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 6 juillet 2023 en ce qu'il a condamné la société Sables et Matériaux au paiement de la somme de 583.738,67 euros en principal, ainsi qu'aux dépens en ce compris les frais d'expertise ;
Sur l'appel incident de la société Allianz IARD :
débouter la société Allianz IARD de son appel incident tendant d'une part au prononcé de la mise hors de cause la société Sables et Matériaux et subsidiairement à un partage de responsabilité entre son assuré et elle, et d'autre part à la diminution du montant de la condamnation prononcée à son encontre et à l'encontre de la société Sables et Matériaux
Sur l'appel incident de la société Colas France :
réformer le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 6 juillet 2023 en tant qu'il :
l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes de condamnation formées à l'encontre de la SMABTP ;
a limité à la somme de 211.389,54 euros la garantie due par la société Allianz IARD ;
a repoussé à la date du 1er septembre 2019 le point de départ du cours des intérêts moratoire et ce faisant
l'a déboutée de sa demande tendant à ce que le point de départ du cours des intérêts moratoires soit fixé au 09 décembre 2015 ;
l'a déboutée de l'intégralité de sa demande de dommages-intérêts supplémentaires ;
a limité à la somme de 8.000 euros la somme lui étant allouée au titre des frais irrépétibles de première instance ;
l'a condamnée à payer à la SMABTP la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau :
condamner in solidum la société Sables et Matériaux, la SMABTP et la société Allianz IARD à lui payer la somme principale de 583 738,67 euros assortie des intérêts au taux légal capitalisés par années entières, à compter du 09 décembre 2015 ;
condamner in solidum la société Sables et Matériaux, la SMABTP et la société Allianz IARD à lui payer les sommes de :
50 000 euros à titre de dommages et intérêts supplémentaires ;
38 183,05 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
condamner in solidum la société Sables et Matériaux, la SMABTP et la société Allianz IARD, aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Virginie LEVASSEUR, Avocate au barreau de Douai, en ce compris les frais et honoraires d'expertise suivant ordonnance de taxe du 28 mai 2019.
Elle conclut à la non-conformité du sable livré. Elle conteste que l'appelante ait affirmé en cours d'expertise que le sable retrouvé sur le chantier aurait pu provenir d'un autre site que le sien et n'a jamais sollicité l'expert de procéder à une analyse comparative du sable retrouvé. Elle soutient que l'appelante n'a formulé aucune contestation et ne s'explique pas sur le sable B1 et B2 retrouvé sur le chantier. Elle ajoute que le lien de causalité est indifférent dans la recherche de la responsabilité de l'appelante. Elle soutient avoir effectivement procédé à la mise en place d'une variante du géotextile validée par le maître d'ouvrage et le bureau d'études Fondasol. Elle ajoute que le prétendu manquement aux dispositions contractuelles est sans lien avec l'évènement invoqué.
A titre incident, elle fait valoir que la garantie de la SMABTP et la société Allianz IARD est due. Elle rappelle qu'en qualité de tiers lésé, les exclusions de garanties devaient être mentionnées dans l'attestation d'assurance pour lui être opposables ; que les clauses doivent être claires et non équivoques.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2024, la société Allianz IARD demande à la cour de :
la juger recevable et bien fondée en son appel incident ;
Débouter la société Sables et Matériaux de son appel et le déclarer mal fondé ;
Débouter la société Colas de son appel incident ;
Sur les responsabilités
Infirmer le jugement s'agissant des responsabilités ;
Prononcer la mise hors de cause de la société Sables et Matériaux ;
Juger la société Colas France responsable des dommages ou à tout le moins de l'aggravation du quantum ;
En conséquence
Prononcer sa mise hors de cause en qualité d'assureur RC de la société Sables et Matériaux ;
Ordonner à la société Colas France de restituer les fonds versés par la concluante en exécution du jugement ;
A tout le moins,
Juger la société Colas France pour partie responsable du sinistre pour une part qui ne saurait être inférieure à 50 % ;
Condamner la société Colas France à la relever et garantir indemne de toute condamnation prononcée à son encontre en principal, frais et accessoires, ou à tout le moins ;
Ordonner l'exécution provisoire du chef de l'appel en garantie ;
Juger que la société Colas France doit garder à sa charge au moins 50 % des condamnations qui seraient retenues contre elle ;
Sur le quantum
Infirmer le jugement s'agissant de la somme restante due par la société Colas France à la société Sables et Matériaux au titre de son marché ;
Juger que la somme qui doit venir en compensation pour le calcul du montant du préjudice de la société Colas France au titre du montant de son marché n'est pas de 134 571,47 euros mais de 187.174, 63 euros HT ;
Infirmer le jugement en ramenant le cout des dépenses d'encadrement et de laboratoires à la somme de 65 995,06 euros et non de 79 790.72 euros ;
Infirmer le jugement en déduisant du préjudice subi par Colas France la somme de 128 892, 83 euros au titre de son manque à gagner, faute de justificatifs suffisants ;
Débouter la société Sables et Matériaux de sa demande de garantie au titre des frais de dépose et repose retenus par M. [E] à hauteur de 506 920, 60 euros ;
Débouter la société Colas France de son appel incident s'agissant des sommes allouées, du point de départ des intérêts, au titre de sa demande de dommages et intérêts, des frais irrépétibles et dépens ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Colas France de sa demande de dommages et intérêts, comme non justifiée et limité sa demande d'article 700 du code de procédure civile ;
Sur les garanties de la concluante
La juger recevable et bien fondée à demander l'application de ses limites contractuelles au titre de la garantie dommages après livraison ;
confirmer le jugement en ce qu'il l'a jugée recevable et bien fondée à opposer une non garantie s'agissant des frais de dépose et repose des matériaux livrés par son assurée ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que sa police n'avait pas pour objet de garantir la prestation contractuelle de son assurée ;
Juger qu'elle ne saurait être tenue que dans ses seules limites contractuelles et notamment ses plafonds et franchises, opposables à tous s'agissant de garanties facultatives ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu les limitations contractuelles opposées par elle ;
Débouter la société Colas France de son appel incident visant à obtenir sa garantie pour la totalité de ses réclamations ;
Débouter la SMABTP de tout appel en garantie à son encontre ;
Condamner la société Sables et Matériaux et la société Colas France ou toutes parties succombantes à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Eric LAFORCE, Avocat au barreau de Douai, en application de l'article 699 du code de procédure civile,
Elle soutient que la traçabilité du sable mis en 'uvre sur le chantier fait défaut et qu'aucun lien de causalité n'est démontré, de sorte que la responsabilité de la société Sables et Matériaux ne saurait être recherchée. Par ailleurs, la société Colas n'a formulé aucune réserve à la prise de possession du sable et n'a fait aucun essai sur le sable livré. Elle précise les modalités de mises en 'uvre n'ont pas été communiquées à l'expert, il convient donc de considérer que le document PAQ n'a pas existé ou mentionnait des prescriptions non respectées.
Elle fait valoir que les frais de dépose et repose font l'objet d'une exclusion de garantie. Elle oppose concernant les dommages immatériels non consécutifs son plafond et franchise maximale applicables.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2024, la SMABTP demande à la cour de :
Confirmer le jugement de première instance en ses dispositions rejetant toutes prétentions formées à son encontre par l'une ou l'autre des parties et allouant à celle-ci une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Constater que la demande de condamnation formée par la société Colas France ou par la société Sables et Matériaux à son encontre se trouve hors du champ contractuel de la police souscrite par la société Sables et Matériaux auprès d'elle ;
prononcer sa mise hors de cause pure et simple et débouter la société Colas France et la société Sables et Matériaux de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;
débouter également la société Allianz (IARD ') et la société Sables et Matériaux de toutes leurs prétentions dirigées à son encontre ;
débouter la société Colas France de son appel incident de même que toutes autres parties ;
A titre subsidiaire :
s'entendre condamner la société Sables et Matériaux à l'en relever et garantir ;
déduire de toute condamnation le montant de la franchise contractuelle stipulée dans la police souscrite par la société Sables et Matériaux ;
donner acte à la concluante de ce qu'elle fait siennes les observations de la société Allianz (IARD) quant aux responsabilités et au quantum de l'indemnisation et limiter dans les mêmes proportions les sommes susceptibles de revenir à la société Colas France ;
Condamner la société Colas France ou toute partie succombante au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
Elle oppose les clauses d'exclusion de garantie de son contrat.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 février 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'obligation de délivrance
Il sera rappelé à titre liminaire que le contrat a été passé le 10 septembre 2015 de sorte que les dispositions du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 sont applicables à l'espèce.
L'article 1603 du code civil dispose que « le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend. »
L'article 1604 du code civil dispose que « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur. »
L'article 1606 du code civil précise que la délivrance s'opère par le seul consentement des parties, si le transport ne peut s'en faire au moment de la vente.
La société Colas engage la responsabilité de son vendeur sur le fondement des dispositions de l'article 1604 du code civil, en raison d'une délivrance de biens non conformes à la commande.
L'obligation de délivrance impose au vendeur de remettre une chose conforme en tous points aux spécifications contractuelles, il s'agit pour le vendeur d'une obligation de résultat.
La société Colas, en charge de l'exécution des travaux de VRD pour la réalisation du parc d'activité commercial Calaistone, a passé commande de sable auprès de la SEM.
Le bon de commande daté du 10 septembre 2015, constatant l'accord des parties sur la chose et le prix indique :
« matériaux sable de dune D1 départ d'[Localité 13]- quantité 27 000- prix unitaire 4,60 euros- montant HT 121500 euros »
La date de livraison est fixée au 23 septembre.
Le contrat porte sur la livraison de sable de dune de qualité D1, la SEM s'est engagée à délivrer ce matériau spécifique faisant l'objet d'une norme de qualité.
Eu égard aux quantités vendues et à l'impossibilité de remise le jour de la commande, conformément aux dispositions de l'article 1606 du code civil, la délivrance s'est opérée par le consentement des parties, étant observé que la société Colas a exposé avoir une relation de confiance avec la SEM qui était l'un de ses fournisseurs.
Il est constant que le site de la SEM se trouve à proximité du chantier, que la société Colas a pris livraison de la quantité de sable convenu sur le site d'[Localité 12] Plage, l'expert judiciaire a estimé que le volume transporté correspondait à 675 camions de 40 t.
A l'occasion d'essais, il s'est avéré que le sable acheté et mis en 'uvre n'était pas de la qualité commandée, M. [E], expert judiciaire, a procédé sur le site des travaux à 31 prélèvement à des profondeurs de 15 à 45 cm, tous les prélèvements ont révélés que le sable mis en 'uvre n'était pas de la qualité D1 mais des qualités B1 (pour 35 % des prélèvements) et B2 (pour 65% des prélèvements).
Ainsi que l'a justement relevé le tribunal il appartient à la SEM qui se prétend libérée de son obligation de délivrance conforme de rapporter la preuve du fait de force majeur invoqué, qu'il s'agisse d'une pollution ou d'un erreur imputable à la société Colas.
Eu égard aux résultats des prélèvements et contrairement à ce qu'a soutenu la SEM dans son dire N° 5, l'hypothèse d'une « pollution » du sable livré ne saurait être retenue, aucun prélèvement n'ayant montré la présence de sable D1. Elle n'a évoqué la question de l'origine du sable qu'à la fin de son dire n°14 du 26 janvier 2018, après avoir remis en cause les conditions de mise en 'uvre des matériaux.
La SEM soutient également que la preuve n'est pas rapportée que le sable mis en 'uvre serait bien celui livré.
Il sera rappelé que le vendeur au titre de l'obligation de délivrance est tenu d'une obligation de résultat et qu'il lui appartient dès lors d'établir la force majeure ou la cause étrangère à l'origine de la non-conformité ou encore la faute de la société Colas.
Il sera observé en outre que la SEM n'a pas remis en cause le fait que le sable mis en 'uvre provenait de son dépôt d'[Localité 12] Plage et était celui qui avait été livré, elle a en cours d'expertise accepté de fournir le sable D1 commandé et de récupérer le sable non conforme.
La société venderesse s'est contentée en cours de l'expertise, qui a duré près de quatre ans, d'émettre des hypothèses sur un défaut de mise en 'uvre du matériau, un défaut de conception ou une pollution du sable par la société Colas.
C'est donc en vain que la SEM invoque la faute de la société Colas et le rapport de son expert M. [P]. Outre que ce rapport a été établi en marge de l'expertise et est non contradictoire, il ne fait que procéder par hypothèses sur l'origine du sable qui pourrait provenir d'autres fournisseurs, ce rapport, non corroboré par des éléments matériels ne saurait être retenu comme probant.
Ainsi que l'a justement retenu le tribunal par des motifs pertinents adoptés par la cour, il appartient à la SEM, vendeur, d'établir la faute de la société Colas lors de la livraison, dès lors que la qualité du sable commandé et livré était spécifiée sur les bons de commande, correspondant à un matériau normalisé, il n'appartenait pas à la société Colas d'en vérifier la conformité lors de la livraison qui est intervenue à partir du 23 septembre 2015. La réalisation d'essais en novembre 2015, compte tenu des délais de livraison et des quantités importantes de sables à mettre en 'uvre n'est pas tardive.
C'est également en vain, l'action de la société Colas étant fondée sur la non-conformité de la chose vendue, que la SEM soutient l'absence de lien de causalité entre la qualité du sable et le sinistre, faisant valoir comme elle l'a fait tout au long de l'expertise, que le sable de qualité B1ou B2 permettait de réaliser les travaux projetés. Ce moyen étant dénué de pertinence au regard de l'obligation de délivrance conforme pesant sur le vendeur.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SEM.
Sur la réparation du préjudice
La SEM sollicite en cas d'infirmation du jugement que lui soit allouée une somme de 394 390,91 euros correspondant au total de ses factures impayées. Dans l'hypothèse d'une confirmation du jugement, elle conteste le décompte de l'expert judiciaire et prétend que la créance qui doit être retenue s'élève à 187 174,63 euros HT soit 224 609,55 euros TTC. Se fondant sur le rapport de M. [P], elle soutient qu'il n'a pas été tenu compte d'une somme de 52 603,16 euros HT correspondant à des sables revalorisés par la société Colas.
La société Allianz conteste les sommes retenues par l'expert au titre des essais de plaques (79 790 euros), qui selon elle, aurait dû être réalisés de toute façon. Elle conteste l'indemnisation de la moins-value appliquée sur le marché de la société Colas, faisant valoir qu'il n'est pas justifié.
La société Colas forme un appel incident sur le montant des dommages et intérêts qui doivent lui être alloués au titre du préjudice d'atteinte à son image et au titre de la résistance abusive de la SEM qui n'est pas intervenue alors que la non-conformité était découverte en novembre 2015. Elle sollicite également que le point de départ des intérêts moratoires soit fixé au jour de l'assignation en référé.
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Aux termes de l'article 1147 du code civil dans sa version applicable à l'espèce, « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
L'article 1231-7 du code civil « en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. »
Selon l'article 1343-2 du code civil « les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. »
Dès lors que le jugement est confirmé en ce qu'il a reconnu que la SEM avait manqué à son obligation de délivrance, les prétentions de celle-ci quant au paiement d'une somme de 394 380,91 euros au titre des factures de livraison de matériaux sont rejetées.
Il ressort du rapport de M. [E] qu'à la suite de la découverte de la non-conformité du sable livré, la société Colas a été contrainte dans les zones de voirie lourde et au niveau du bâtiment, de procéder au retrait d'une partie du sable déjà mis en 'uvre en décapant sur 40 cm les surfaces puis en posant une géogrille puis a mis ne 'uvre 40 cm de grave reconstituée et humidifiée, dans la zone de voirie légère, c'est la totalité des sables posés (sur 70 cm d'épaisseur) qui a été retiré replacé par du sable D1.
La société Colas qui sollicitait que son préjudice soit fixé à 810 543,89 euros, s'est également vue appliquer par le maître d''uvre, une moins-value sur son marché.
L'expert judiciaire a tenu compte des factures produites par la SEM, a reconstitué les tonnages décapés et enlevés, et a chiffré les coûts de personnels, ainsi que les coûts liés au sinistre. L'expert a procédé à des révisions des sommes sollicitées (page 19 et page 148 du rapport) après vérification des quantités de sables décapés et évacués et a tenu compte des abattements opérés sur le coût des matériaux.
Il a donc retenu au titre des surcoûts :
Frais de personnel : 47 451,24 euros
Matériel (interne/externe) : 195 618,44 euros
Matériaux : 224 100,40 euros
Dépenses d'encadrement-essais de laboratoire 79 790,72 euros
Déduction sur le marché Colas 128 392,83 euros
Indemnisation des transports 39 197,40 euros
Fourniture de matériaux GNT
(mis en 'uvre et évacués) 3 205,99 euros
Transport de GNT : 553,12 euros
Total 718 310,44 euros
La SEM soutient, sur la base de la note de son expert, que le sable B2 évacué par la société Colas vers la société Les Enrobés de Marquise (11 222,30t représentant 52 603,16 euros), aurait été valorisé par cette société de sorte que le coût d'évacuation ne pourrait être retenu mais être réintégré dans le total des sommes qui lui sont dues qui serait dès lors porté à 187 174,63 euros HT.
La SEM procède par affirmation et ne justifie d'aucune valorisation alors que le sable provenant du décapage des sols, constituait un déchet devant être retraité et non valorisé. M. [E] retient au contraire le coût de l'évacuation comme une charge imposée à la société Colas (page 43 du rapport). Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a arrêté les sommes dues à la SEM à 134 571,47 euros HT.
S'agissant des coûts des essais, si l'expert judiciaire a reconnu en conclusions de son rapport que certains essais auraient en tout état de cause dû être réalisés, il ajoute qu'il n'a retenu que le coût des essais relevant de l'expertise (page 164 du rapport), la société Colas sollicitait 88 897,45 euros à ce titre que l'expert a ramené à 79 790,72 euros excluant les essais à la plaque.
Par ailleurs contrairement à ce que soutient la société Allianz, il a bien été justifié en cours d'expertise (page 133 du rapport) de la moins-value imposée par la société GSE, maître d'ouvrage à la société Colas par un avenant n° 9.
Le jugement sera confirmé sur le montant du préjudice de la société Colas arrêté à 718 310,14 euros, de sorte que déduction faite des sommes dues à la SEM, 134 571,47 euros HT, le montant de la somme allouée à la société Colas s'élève à 583 738,67 euros HT.
S'agissant des demandes complémentaires de la société Colas au titre du préjudice d'image et de la résistance abusive, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté ces prétentions dès lorsqu'il n'est justifié par aucune pièce d'un préjudice d'image subi par la société Colas et qu'aucune faute n'est démontrée à l'encontre de la SEM, défenderesse aux opérations d'expertise et devant le tribunal. Le jugement sera confirmé.
Ce n'est qu'à l'issue de l'expertise, que la société Colas a été en mesure d'évaluer sa créance au travers de l'assignation au fond devant le tribunal, de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a fixé le pont de départ des intérêts moratoires à la date de l'assignation au fond, soit le 1er juillet 2019. Le jugement est confirmé.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts.
Sur la garantie des assureurs
Selon l'article L113-1 du code des assurances « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. »
Il est de jurisprudence constante que l'assuré doit être en mesure de connaître précisément les limites de la garantie, la clause doit être claire et non sujette à interprétation.
L'article L 112-6 du même code dispose que « l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire. »
Sur les garanties de la société SMABTP
La société SMABTP produit les conditions générales et particulières du contrat Alpha-Bat souscrit par la SEM, aux termes des conditions générales Sont garantis (article 1.1.1) les dommages causés aux tiers, le contrat précisant :
« nous garantissons le paiement des conséquences pécuniaires en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers dans l'exercice de votre activité professionnelle (')
L'article 1.2 énonce « ce que nous ne garantissons pas » :
(')
1.2.3 les dommages, les vices, les défauts et non conformités affectant les produits ou composants livrés ainsi que les frais entraînés par leur dépose et repose. (') »
La clause de non garantie est rédigée en terme clairs et n'est pas sujette à interprétation, le contrat souscrit garantit la responsabilité civile de la SEM et les dommages causés aux tiers, sont exclus de manière formelle les risques liés aux produits vendus.
Le jugement sera confirmé en e qu'il a débouté les parties de leurs demandes formées à l'encontre de la SMABTP.
Sur les garanties de la société Allianz
Le contrat souscrit auprès de la société Allianz, garantissant la responsabilité civile « Entreprises industrielles et Commerciales » de la SEM, garantit, aux termes de l'article 1 des conditions générales, les dommages dont la société est responsable à l'occasion de son activité.
L'article 4 des conditions générales énumère les non-garanties,
L'article 4.3 énonce les exclusions de garanties « pour les dommages survenus après livraison de produits et/ou d'achèvement de travaux » :
1. Les frais de dépose et repose de vos produits défectueux si la pose était initialement à votre charge lors de la livraison ou exécution, même si le défaut ne concerne qu'une de leurs parties,
2. les frais de dépose ou de repose relatifs aux matériaux destinés à la construction (ouvrage de bâtiment ou de génie civil),
3 les dommages immatériels non consécutifs et/ou les frais de dépose et repose résultant
De l'inexécution totale des obligations que vous avez contractées ou
De leur exécution défectueuse ou non-conforme lorsqu'elle provient soit d'un fait délibéré et conscient de votre part, soit d'un fait dont vous aviez connaissance,
4. les dommages de la nature de ceux qui, en droit français engagent la responsabilité des constructeurs ou assimilés en vertu des articles 1792 et suivants du code civil,
5 ; les dommages ayant leur origine dans une défectuosité connue de vous lors de la livraison des produits ou de l'achèvement des travaux (') »
Il résulte des conditions particulières souscrites article 3.1.2 que
« nous ne garantissons pas
(')
Les frais de dépose-repose des matériaux et fournitures destinés à la construction (ouvrages de bâtiment ou de génie civile)
L'activité déclarée par la SEM est « exploitation d'une carrière de sable et de négoce », il s'agit de matériau destiné à la construction.
Si les conditions générales et particulières du contrat souscrit auprès de la société Allianz définissant les exclusions de garanties prévoient de manière formelle l'exclusion de garantie pour les frais de dépose et repose des matériaux fournis et explicite ces notions dans le lexique joint aux conditions générales, il n'en reste pas moins que le tableau des garanties des plafonds et des franchises joint aux conditions particulières, fait apparaître une prise en charge des frais de dépose et de repose, en ces termes :
« 2-dommages survenus après livraison de produits et/ou achèvement de travaux
Tous dommages corporels, matériels et immatériels confondus
Dont
Dommages matériels et immatériels consécutifs
Dommages immatériels non consécutifs et frais de dépose-repose »
Ces mentions eu égard aux stipulations des conditions générales et particulières prêtent à interprétation et manquent de clarté en sorte qu'elles doivent être écartées, en conséquence la garantie de la société Allianz est due dans les limites de garanties contractuelles (franchise et plafond) à l'égard des condamnations prononcées contre la SEM, le jugement étant infirmé.
La SEM et la société Allianz seront en conséquence condamnées in solidum à payer à la société Colas la somme de 583 738,67 euros HT.
La société Allianz sera condamnée à garantir son assurée dans les limites du contrat, lesquelles, conformément aux dispositions de l'article L 112-6 du code des assurances sont opposables aux tiers.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens comprenant les frais d'expertise, et frais irrépétibles, il sera ajouté que la société Allianz Iard sera condamnée à garantir son assurée de ces sommes dans les limites du contrat souscrit.
La SEM et la société Allianz seront condamnées in solidum aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement à la société Colas de la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles,
La SEM sera condamnée à payer à la société SMABTP une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, La SEM et la société Allianz étant déboutées de leurs demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort
Confirme le jugement sauf en ses dispositions relatives à la garantie de la société Allianz,
Statuant à nouveau,
Ecarte l'application de la clause d'exclusion de garantie portant sur les frais de pose et de dépose,
Condamne in solidum la société Sables et Matériaux et la société Allianz Iard à payer à la société Colas la somme de 583 738,67 euros HT.
Condamne la société Allianz Iard à garantir la société Sables et Matériaux du paiement de la somme de 583 738,67 euros HT,
Rappelle que la société Allianz Iard est bien fondée à opposer les limites de garanties contractuelles au titre des franchises et plafond,
Y ajoutant
Condamne la société Sables et Matériaux et la société Allianz Iard in solidum aux dépens d'appel,
Dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Laforce,
Condamne la société Sables et Matériaux et la société Allianz Iard in solidum à payer une somme de 8 000 euros à la société Colas au titre des frais irrépétibles,
Condamne la société Allianz Iard à relever et garantir son assuré la société Sables et Matériaux de ces condamnations dans les limites contractuelles au titre des franchises et plafond,
Condamne la société Allianz Iard à payer à la société Sables et Matériaux une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la société Sables et Matériaux à payer une somme de 1 500 euros à la SMABTP au titre des frais irrépétibles.
Le greffier
Anaïs Millescamps
La présidente
Catherine Courteille
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 18/09/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 23/03670 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VBQV
Jugement (N° 19/05048)
rendu le 06 juillet 2023 par le tribunal judiciaire de Lille
APPELANTE
La SAS Sables et Matériaux (SEM)
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Marianne Devaux, avocat au barreau de Dunkerque, avocat plaidant
INTIMÉES
La SA Allianz IARD en sa qualité d'assureur de la SAS SEM
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 8]
La SA Allianz France
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 9]
représentées par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistées de Me Delphine Aberlen, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant substitué par Me Valérie Gosset, avocat au barreau de Paris
La SAS Colas France anciennement [Adresse 11] venant aux droits la SAS Colas Nord-Est elle-même venant aux droits de la SAS Colas Nord Picardie
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Virginie Levasseur, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Jean Billemont, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
La SMABTP
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentée par Me Marie-Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Hugues Senlecq, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Véronique Galliot, conseiller
Carole Van Goetsenhoven, conseiller
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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
DÉBATS à l'audience publique du 04 mars 2025, après rapport oral de l'affaire par Catherine Courteille.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2025 après prorogation du délibéré en date du 12 juin 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente, et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 03 février 2025
****
EXPOSE DU LITIGE
Suivant contrat d'entreprise du 1er septembre 2015, la société GAM Ingénierie a confié à la société Colas Nord-Picardie (aux droits de laquelle vient la société Colas Nord-Est, aux droits de laquelle vient la société Colas France, anciennement [Adresse 11]) l'exécution du lot réseaux et VRD dans le cadre de la réalisation d'un parc d'activités commerciales « Calaistone » situé [Adresse 14] à [Localité 10] et moyennant la somme totale de 1 788 000 euros TTC.
Dans le cadre de l'exécution de ces travaux, la société Colas a, suivant bon de commande en date du 10 septembre 2015, acheté auprès de la société Sables et Matériaux (la SEM), assurée auprès de la SMABTP et de la société Allianz IARD, 27 000 tonnes de sables de dunes D1 moyennant la somme totale de 121 500 euros HT.
La livraison est intervenue à partir du 23 septembre 2015.
A l'occasion de prélèvements réalisés le 20 novembre 2015 par le CEBTP sur le sable commandé et mis en 'uvre par la société Colas, le rapport d'essais sur échantillon de sol a conclu à la présence d'un sable de type B1 et de type B2 et non de type D1 commandé.
La société GAM Ingénierie a en conséquence, par courrier en date du 2 décembre 2015, sollicité de la société Colas la communication des processus mis « en 'uvre pour livrer une plate-forme constituée d'un matériau agréé, mis en 'uvre correctement et répondant aux critères de performances contractuels ».
Saisi par acte du 19 décembre 2015, à l'initiative de la société Colas France, le juge des référés a, par ordonnance du 14 décembre 2015 ordonné une expertise judiciaire et l'a confiée à M. [B] [E].
Par actes du 10 décembre 2015, la société Sables et Matériaux a fait assigner la société Allianz (IARD) et la SMABTP, les opérations d'expertise leur ont été déclarées communes et opposables par ordonnance du 14 décembre 2015.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 27 février 2019.
Par jugement du 6 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Lille a :
Débouté la société Colas France, anciennement [Adresse 11], venant aux droits de la société Colas Nord-Est, elle-même venant aux droits de la société Colas Nord-Picardie, de l'intégralité de ses demandes de condamnation formée à l'encontre de la SMABTP ;
Condamné la société Sables et Matériaux à payer à la société Colas France la somme de 372 349,13 euros en réparation de son préjudice matériel ;
Condamné solidairement la société Sables et Matériaux et la société Allianz IARD à payer à la société Colas France la somme de 211 389,54 euros en réparation de son préjudice ;
Condamné la société Allianz IARD à garantir intégralement la société Sables et Matériaux s'agissant de la somme de 211 389,54 euros étant précisé que les garanties s'appliqueront dans les termes et limites de la police souscrite, laquelle prévoit l'application de franchises (entre 700 et 1 400 euros) et de plafonds (800 000 euros) ;
Dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du 1er septembre 2019, date de l'assignation au fond, avec la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
Débouté la société Colas France de l'intégralité de sa demande de dommages-intérêts supplémentaires ;
Débouté la société Sables et Matériaux de son appel en garantie formé à l'encontre de la SMABTP ;
Débouté la SMABTP de son appel en garantie formé à l'encontre de la société Colas France ;
Débouté la société Allianz IARD de son appel en garantie formé à l'encontre de la société Colas France ;
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamné in solidum la société Sables et Matériaux et la société Allianz IARD à payer à la société Colas France la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné la société Colas France à payer à la SMABTP la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné in solidum la société Sables et Matériaux et la société Allianz IARD aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration reçue au greffe de ce siège le 3 août 2023 et enregistrée sous le numéro RG 23/3670, la société Sables et Matériaux a relevé appel de la décision ayant :
Condamné la société Sables et Matériaux à payer à la société Colas France la somme de 372 349,13 euros en réparation de son préjudice matériel ;
Condamné solidairement la société Sables et Matériaux et la société Allianz IARD à payer à la société Colas France la somme de 211 389,54 euros en réparation de son préjudice ;
Condamné la société Allianz IARD à garantir intégralement la société Sables et Matériaux s'agissant de la somme de 211 389,54 euros étant précisé que les garanties s'appliqueront dans les termes et limites de la police souscrite, laquelle prévoit l'application de franchises (entre 700 et 1 400 euros) et de plafonds (800 000 euros) ;
Dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du 1er septembre 2019, date de l'assignation au fond, avec la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
Débouté la société Sables et Matériaux de son appel en garantie formé à l'encontre de la SMABTP ;
Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamné in solidum la société Sables et Matériaux et la société Allianz IARD à payer à la société Colas France la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamné in solidum la société Sables et Matériaux et la société Allianz IARD aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Par déclaration reçue au greffe de ce siège le 3 novembre 2023 et enregistrée sous le numéro RG 23/4875, la société Sables et Matériaux a relevé appel des mêmes chefs du jugement.
Par actes d'huissier de justice signifié le 5 février 2024, la société Colas France a fait assigner en appel provoqué la société Allianz IARD.
Par ordonnance du 26 septembre 2024, la jonction des procédures a été ordonnée sous le numéro RG 23/4875.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2025, la société Sables et Matériaux demande à la cour de :
réformer le jugement entrepris en ce qu'il :
l'a condamnée à payer à la société Colas France la somme de 372 349,13 euros en réparation de son préjudice matériel ;
l'a condamnée solidairement avec société Allianz IARD à payer à la société Colas France la somme de 211 389,54 euros en réparation de son préjudice ;
a condamné la société Allianz IARD à la garantir intégralement s'agissant de la somme de 211 389,54 euros étant précisé que les garanties s'appliqueront dans les termes et limites de la police souscrite, laquelle prévoit l'application de franchises (entre 700 et 1 400 euros) et de plafonds (800 000 euros) ;
a dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du 1er septembre 2019, date de l'assignation au fond, avec la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;
l'a débouté de son appel en garantie formé à l'encontre de la SMABTP ;
a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
l'a condamné in solidum avec la société Allianz IARD à payer à la société Colas France la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
l'a condamnée in solidum avec la société Allianz IARD aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
Statuant de nouveau,
débouter la société Colas France de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions contre elle, et confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Colas France de sa demande indemnitaire à hauteur de 50 000 euros ainsi que de sa demande quant au point de départ des intérêts moratoires ;
Si par extraordinaire la juridiction de céans considérait qu'il existait un lien de causalité entre le sable acheté par la société Colas France auprès d'elle et le sinistre qu'elle invoque :
dire et juger qu'elle ne saurait supporter une part de responsabilité du sinistre excédant 20 %.
Conséquemment,
dire et juger qu'elle ne saurait supporter sur les 718 310,14 euros sollicités par la société Colas France une somme excédant 20 %, soit 718 310,14 euros x 20 % = 143 662,03 euros ;
condamner la société Colas France à lui verser une somme de 394 380,91 euros correspondant au coût du sable acheté ;
ordonner la compensation entre la somme de 394 380,91 euros et toute condamnation qui serait mise à sa charge au profit de la société Colas France ;
Si par extraordinaire, malgré la production des factures correspondantes et de l'extrait du grand livre, la juridiction de céans ne retenait pas cette somme de 394 380,91 euros ;
condamner la société Colas France à lui payer après rectificatif du décompte de l'expert judiciaire, une somme de 187 174,63 euros HT ;
dire que cette somme de 187 174,63 euros HT se compensera avec toute éventuelle condamnation qui serait prononcée contre elle ;
débouter la société Colas France de sa demande d'intérêts à défaut de mise en demeure lui ayant été adressée et a fortiori d'anatocisme ;
condamner la SMABTP à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre en principal, intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens.
condamner la société Allianz (IARD) in solidum avec la SMABTP à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre en principal déduction faite d'une somme de 87 201,76 euros au titre des exclusions, intérêts, article 700 du code de procédure civile et dépens.
condamner in solidum la société Colas France, la SMABTP et la société Allianz (IARD) à lui verser une somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et d'appel ainsi qu'aux dépens en ce compris les frais et honoraires de l'expert judiciaire.
Elle fait valoir que la preuve n'est pas rapportée ni par la société Colas ni par les conclusions du rapport d'expertise que le sable se trouvant sur le site sinistré provenait de la carrière d'[Localité 13], dès lors que seules des analyses du sable présent sur le site sinistré ont été faites alors que c'est la société Colas qui est venue charger le sable à la carrière. Elle souligne que l'expert judiciaire a relevé que la société Colas aurait pu procéder plus tôt à un contrôle de la conformité du sable mis en 'uvre. Elle a rappelle qu'elle a depuis l'expertise adopté la même position quant à l'absence de preuve de l'origine du sable mis en 'uvre.
Elle ajoute que le lien de causalité entre la non-conformité du sable retrouvé sur site et le sinistre n'est pas établi, précisant que la société Colas s'est affranchie des préconisations de Fondasol et qu'elle n'a pas respecté le CCTP, la circonstance que M. [E] ait préconisé de mettre en 'uvre les préconisation de la société Fondasol en est la preuve. Elle fait valoir que dès lors qu'un rapport d'expertise amiable est corroboré par d'autres éléments rien n'empêche la juridiction d'en adopter les conclusions et sollicite que la cour tienne compte des conclusions de son expert M. [P].
Elle conteste par ailleurs les montants alloués, indiquant que la société Colas n'a réglé aucune des livraison effectuées qu'il s'agisse de celle d'octobre 2015 ou celle de février 2016.
Elle forme également appel à l'encontre du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de garantie dirigée contre la société SMABTP soutenant que la clause d'exclusion appliquée par le juge doit être déclarée, non écrite en ce qu'elle est de nature à vider complètement la police souscrite de son objet. Elle soutient également que la limitation de garantie de la société Allianz IARD n'est pas justifiée, la clause d'exclusion de garantie manquant de clarté.
Enfin, elle affirme que la société Colas ne justifie pas de son préjudice.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 décembre 2024, la société Colas France demande à la cour, au visa des articles 1231-1 et 1604 du code civil, de :
Sur l'appel principal :
débouter la société Sables et Matériaux de ses prétentions tendant à ce que soit réformé le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 6 juillet 2023, en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 372 349,13euros, in solidum avec la société Allianz IARD au paiement de la somme de 211 389, 54euros, ainsi qu'aux dépens en ce compris les frais d'expertise ;
En conséquence :
confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 6 juillet 2023 en ce qu'il a condamné la société Sables et Matériaux au paiement de la somme de 583.738,67 euros en principal, ainsi qu'aux dépens en ce compris les frais d'expertise ;
Sur l'appel incident de la société Allianz IARD :
débouter la société Allianz IARD de son appel incident tendant d'une part au prononcé de la mise hors de cause la société Sables et Matériaux et subsidiairement à un partage de responsabilité entre son assuré et elle, et d'autre part à la diminution du montant de la condamnation prononcée à son encontre et à l'encontre de la société Sables et Matériaux
Sur l'appel incident de la société Colas France :
réformer le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 6 juillet 2023 en tant qu'il :
l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes de condamnation formées à l'encontre de la SMABTP ;
a limité à la somme de 211.389,54 euros la garantie due par la société Allianz IARD ;
a repoussé à la date du 1er septembre 2019 le point de départ du cours des intérêts moratoire et ce faisant
l'a déboutée de sa demande tendant à ce que le point de départ du cours des intérêts moratoires soit fixé au 09 décembre 2015 ;
l'a déboutée de l'intégralité de sa demande de dommages-intérêts supplémentaires ;
a limité à la somme de 8.000 euros la somme lui étant allouée au titre des frais irrépétibles de première instance ;
l'a condamnée à payer à la SMABTP la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau :
condamner in solidum la société Sables et Matériaux, la SMABTP et la société Allianz IARD à lui payer la somme principale de 583 738,67 euros assortie des intérêts au taux légal capitalisés par années entières, à compter du 09 décembre 2015 ;
condamner in solidum la société Sables et Matériaux, la SMABTP et la société Allianz IARD à lui payer les sommes de :
50 000 euros à titre de dommages et intérêts supplémentaires ;
38 183,05 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
condamner in solidum la société Sables et Matériaux, la SMABTP et la société Allianz IARD, aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Virginie LEVASSEUR, Avocate au barreau de Douai, en ce compris les frais et honoraires d'expertise suivant ordonnance de taxe du 28 mai 2019.
Elle conclut à la non-conformité du sable livré. Elle conteste que l'appelante ait affirmé en cours d'expertise que le sable retrouvé sur le chantier aurait pu provenir d'un autre site que le sien et n'a jamais sollicité l'expert de procéder à une analyse comparative du sable retrouvé. Elle soutient que l'appelante n'a formulé aucune contestation et ne s'explique pas sur le sable B1 et B2 retrouvé sur le chantier. Elle ajoute que le lien de causalité est indifférent dans la recherche de la responsabilité de l'appelante. Elle soutient avoir effectivement procédé à la mise en place d'une variante du géotextile validée par le maître d'ouvrage et le bureau d'études Fondasol. Elle ajoute que le prétendu manquement aux dispositions contractuelles est sans lien avec l'évènement invoqué.
A titre incident, elle fait valoir que la garantie de la SMABTP et la société Allianz IARD est due. Elle rappelle qu'en qualité de tiers lésé, les exclusions de garanties devaient être mentionnées dans l'attestation d'assurance pour lui être opposables ; que les clauses doivent être claires et non équivoques.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2024, la société Allianz IARD demande à la cour de :
la juger recevable et bien fondée en son appel incident ;
Débouter la société Sables et Matériaux de son appel et le déclarer mal fondé ;
Débouter la société Colas de son appel incident ;
Sur les responsabilités
Infirmer le jugement s'agissant des responsabilités ;
Prononcer la mise hors de cause de la société Sables et Matériaux ;
Juger la société Colas France responsable des dommages ou à tout le moins de l'aggravation du quantum ;
En conséquence
Prononcer sa mise hors de cause en qualité d'assureur RC de la société Sables et Matériaux ;
Ordonner à la société Colas France de restituer les fonds versés par la concluante en exécution du jugement ;
A tout le moins,
Juger la société Colas France pour partie responsable du sinistre pour une part qui ne saurait être inférieure à 50 % ;
Condamner la société Colas France à la relever et garantir indemne de toute condamnation prononcée à son encontre en principal, frais et accessoires, ou à tout le moins ;
Ordonner l'exécution provisoire du chef de l'appel en garantie ;
Juger que la société Colas France doit garder à sa charge au moins 50 % des condamnations qui seraient retenues contre elle ;
Sur le quantum
Infirmer le jugement s'agissant de la somme restante due par la société Colas France à la société Sables et Matériaux au titre de son marché ;
Juger que la somme qui doit venir en compensation pour le calcul du montant du préjudice de la société Colas France au titre du montant de son marché n'est pas de 134 571,47 euros mais de 187.174, 63 euros HT ;
Infirmer le jugement en ramenant le cout des dépenses d'encadrement et de laboratoires à la somme de 65 995,06 euros et non de 79 790.72 euros ;
Infirmer le jugement en déduisant du préjudice subi par Colas France la somme de 128 892, 83 euros au titre de son manque à gagner, faute de justificatifs suffisants ;
Débouter la société Sables et Matériaux de sa demande de garantie au titre des frais de dépose et repose retenus par M. [E] à hauteur de 506 920, 60 euros ;
Débouter la société Colas France de son appel incident s'agissant des sommes allouées, du point de départ des intérêts, au titre de sa demande de dommages et intérêts, des frais irrépétibles et dépens ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Colas France de sa demande de dommages et intérêts, comme non justifiée et limité sa demande d'article 700 du code de procédure civile ;
Sur les garanties de la concluante
La juger recevable et bien fondée à demander l'application de ses limites contractuelles au titre de la garantie dommages après livraison ;
confirmer le jugement en ce qu'il l'a jugée recevable et bien fondée à opposer une non garantie s'agissant des frais de dépose et repose des matériaux livrés par son assurée ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que sa police n'avait pas pour objet de garantir la prestation contractuelle de son assurée ;
Juger qu'elle ne saurait être tenue que dans ses seules limites contractuelles et notamment ses plafonds et franchises, opposables à tous s'agissant de garanties facultatives ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu les limitations contractuelles opposées par elle ;
Débouter la société Colas France de son appel incident visant à obtenir sa garantie pour la totalité de ses réclamations ;
Débouter la SMABTP de tout appel en garantie à son encontre ;
Condamner la société Sables et Matériaux et la société Colas France ou toutes parties succombantes à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Eric LAFORCE, Avocat au barreau de Douai, en application de l'article 699 du code de procédure civile,
Elle soutient que la traçabilité du sable mis en 'uvre sur le chantier fait défaut et qu'aucun lien de causalité n'est démontré, de sorte que la responsabilité de la société Sables et Matériaux ne saurait être recherchée. Par ailleurs, la société Colas n'a formulé aucune réserve à la prise de possession du sable et n'a fait aucun essai sur le sable livré. Elle précise les modalités de mises en 'uvre n'ont pas été communiquées à l'expert, il convient donc de considérer que le document PAQ n'a pas existé ou mentionnait des prescriptions non respectées.
Elle fait valoir que les frais de dépose et repose font l'objet d'une exclusion de garantie. Elle oppose concernant les dommages immatériels non consécutifs son plafond et franchise maximale applicables.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 novembre 2024, la SMABTP demande à la cour de :
Confirmer le jugement de première instance en ses dispositions rejetant toutes prétentions formées à son encontre par l'une ou l'autre des parties et allouant à celle-ci une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Constater que la demande de condamnation formée par la société Colas France ou par la société Sables et Matériaux à son encontre se trouve hors du champ contractuel de la police souscrite par la société Sables et Matériaux auprès d'elle ;
prononcer sa mise hors de cause pure et simple et débouter la société Colas France et la société Sables et Matériaux de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à son encontre ;
débouter également la société Allianz (IARD ') et la société Sables et Matériaux de toutes leurs prétentions dirigées à son encontre ;
débouter la société Colas France de son appel incident de même que toutes autres parties ;
A titre subsidiaire :
s'entendre condamner la société Sables et Matériaux à l'en relever et garantir ;
déduire de toute condamnation le montant de la franchise contractuelle stipulée dans la police souscrite par la société Sables et Matériaux ;
donner acte à la concluante de ce qu'elle fait siennes les observations de la société Allianz (IARD) quant aux responsabilités et au quantum de l'indemnisation et limiter dans les mêmes proportions les sommes susceptibles de revenir à la société Colas France ;
Condamner la société Colas France ou toute partie succombante au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
Elle oppose les clauses d'exclusion de garantie de son contrat.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées et rappelées ci-dessus.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 février 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'obligation de délivrance
Il sera rappelé à titre liminaire que le contrat a été passé le 10 septembre 2015 de sorte que les dispositions du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 sont applicables à l'espèce.
L'article 1603 du code civil dispose que « le vendeur a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend. »
L'article 1604 du code civil dispose que « la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur. »
L'article 1606 du code civil précise que la délivrance s'opère par le seul consentement des parties, si le transport ne peut s'en faire au moment de la vente.
La société Colas engage la responsabilité de son vendeur sur le fondement des dispositions de l'article 1604 du code civil, en raison d'une délivrance de biens non conformes à la commande.
L'obligation de délivrance impose au vendeur de remettre une chose conforme en tous points aux spécifications contractuelles, il s'agit pour le vendeur d'une obligation de résultat.
La société Colas, en charge de l'exécution des travaux de VRD pour la réalisation du parc d'activité commercial Calaistone, a passé commande de sable auprès de la SEM.
Le bon de commande daté du 10 septembre 2015, constatant l'accord des parties sur la chose et le prix indique :
« matériaux sable de dune D1 départ d'[Localité 13]- quantité 27 000- prix unitaire 4,60 euros- montant HT 121500 euros »
La date de livraison est fixée au 23 septembre.
Le contrat porte sur la livraison de sable de dune de qualité D1, la SEM s'est engagée à délivrer ce matériau spécifique faisant l'objet d'une norme de qualité.
Eu égard aux quantités vendues et à l'impossibilité de remise le jour de la commande, conformément aux dispositions de l'article 1606 du code civil, la délivrance s'est opérée par le consentement des parties, étant observé que la société Colas a exposé avoir une relation de confiance avec la SEM qui était l'un de ses fournisseurs.
Il est constant que le site de la SEM se trouve à proximité du chantier, que la société Colas a pris livraison de la quantité de sable convenu sur le site d'[Localité 12] Plage, l'expert judiciaire a estimé que le volume transporté correspondait à 675 camions de 40 t.
A l'occasion d'essais, il s'est avéré que le sable acheté et mis en 'uvre n'était pas de la qualité commandée, M. [E], expert judiciaire, a procédé sur le site des travaux à 31 prélèvement à des profondeurs de 15 à 45 cm, tous les prélèvements ont révélés que le sable mis en 'uvre n'était pas de la qualité D1 mais des qualités B1 (pour 35 % des prélèvements) et B2 (pour 65% des prélèvements).
Ainsi que l'a justement relevé le tribunal il appartient à la SEM qui se prétend libérée de son obligation de délivrance conforme de rapporter la preuve du fait de force majeur invoqué, qu'il s'agisse d'une pollution ou d'un erreur imputable à la société Colas.
Eu égard aux résultats des prélèvements et contrairement à ce qu'a soutenu la SEM dans son dire N° 5, l'hypothèse d'une « pollution » du sable livré ne saurait être retenue, aucun prélèvement n'ayant montré la présence de sable D1. Elle n'a évoqué la question de l'origine du sable qu'à la fin de son dire n°14 du 26 janvier 2018, après avoir remis en cause les conditions de mise en 'uvre des matériaux.
La SEM soutient également que la preuve n'est pas rapportée que le sable mis en 'uvre serait bien celui livré.
Il sera rappelé que le vendeur au titre de l'obligation de délivrance est tenu d'une obligation de résultat et qu'il lui appartient dès lors d'établir la force majeure ou la cause étrangère à l'origine de la non-conformité ou encore la faute de la société Colas.
Il sera observé en outre que la SEM n'a pas remis en cause le fait que le sable mis en 'uvre provenait de son dépôt d'[Localité 12] Plage et était celui qui avait été livré, elle a en cours d'expertise accepté de fournir le sable D1 commandé et de récupérer le sable non conforme.
La société venderesse s'est contentée en cours de l'expertise, qui a duré près de quatre ans, d'émettre des hypothèses sur un défaut de mise en 'uvre du matériau, un défaut de conception ou une pollution du sable par la société Colas.
C'est donc en vain que la SEM invoque la faute de la société Colas et le rapport de son expert M. [P]. Outre que ce rapport a été établi en marge de l'expertise et est non contradictoire, il ne fait que procéder par hypothèses sur l'origine du sable qui pourrait provenir d'autres fournisseurs, ce rapport, non corroboré par des éléments matériels ne saurait être retenu comme probant.
Ainsi que l'a justement retenu le tribunal par des motifs pertinents adoptés par la cour, il appartient à la SEM, vendeur, d'établir la faute de la société Colas lors de la livraison, dès lors que la qualité du sable commandé et livré était spécifiée sur les bons de commande, correspondant à un matériau normalisé, il n'appartenait pas à la société Colas d'en vérifier la conformité lors de la livraison qui est intervenue à partir du 23 septembre 2015. La réalisation d'essais en novembre 2015, compte tenu des délais de livraison et des quantités importantes de sables à mettre en 'uvre n'est pas tardive.
C'est également en vain, l'action de la société Colas étant fondée sur la non-conformité de la chose vendue, que la SEM soutient l'absence de lien de causalité entre la qualité du sable et le sinistre, faisant valoir comme elle l'a fait tout au long de l'expertise, que le sable de qualité B1ou B2 permettait de réaliser les travaux projetés. Ce moyen étant dénué de pertinence au regard de l'obligation de délivrance conforme pesant sur le vendeur.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SEM.
Sur la réparation du préjudice
La SEM sollicite en cas d'infirmation du jugement que lui soit allouée une somme de 394 390,91 euros correspondant au total de ses factures impayées. Dans l'hypothèse d'une confirmation du jugement, elle conteste le décompte de l'expert judiciaire et prétend que la créance qui doit être retenue s'élève à 187 174,63 euros HT soit 224 609,55 euros TTC. Se fondant sur le rapport de M. [P], elle soutient qu'il n'a pas été tenu compte d'une somme de 52 603,16 euros HT correspondant à des sables revalorisés par la société Colas.
La société Allianz conteste les sommes retenues par l'expert au titre des essais de plaques (79 790 euros), qui selon elle, aurait dû être réalisés de toute façon. Elle conteste l'indemnisation de la moins-value appliquée sur le marché de la société Colas, faisant valoir qu'il n'est pas justifié.
La société Colas forme un appel incident sur le montant des dommages et intérêts qui doivent lui être alloués au titre du préjudice d'atteinte à son image et au titre de la résistance abusive de la SEM qui n'est pas intervenue alors que la non-conformité était découverte en novembre 2015. Elle sollicite également que le point de départ des intérêts moratoires soit fixé au jour de l'assignation en référé.
****
Aux termes de l'article 1147 du code civil dans sa version applicable à l'espèce, « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »
L'article 1231-7 du code civil « en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement. »
Selon l'article 1343-2 du code civil « les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. »
Dès lors que le jugement est confirmé en ce qu'il a reconnu que la SEM avait manqué à son obligation de délivrance, les prétentions de celle-ci quant au paiement d'une somme de 394 380,91 euros au titre des factures de livraison de matériaux sont rejetées.
Il ressort du rapport de M. [E] qu'à la suite de la découverte de la non-conformité du sable livré, la société Colas a été contrainte dans les zones de voirie lourde et au niveau du bâtiment, de procéder au retrait d'une partie du sable déjà mis en 'uvre en décapant sur 40 cm les surfaces puis en posant une géogrille puis a mis ne 'uvre 40 cm de grave reconstituée et humidifiée, dans la zone de voirie légère, c'est la totalité des sables posés (sur 70 cm d'épaisseur) qui a été retiré replacé par du sable D1.
La société Colas qui sollicitait que son préjudice soit fixé à 810 543,89 euros, s'est également vue appliquer par le maître d''uvre, une moins-value sur son marché.
L'expert judiciaire a tenu compte des factures produites par la SEM, a reconstitué les tonnages décapés et enlevés, et a chiffré les coûts de personnels, ainsi que les coûts liés au sinistre. L'expert a procédé à des révisions des sommes sollicitées (page 19 et page 148 du rapport) après vérification des quantités de sables décapés et évacués et a tenu compte des abattements opérés sur le coût des matériaux.
Il a donc retenu au titre des surcoûts :
Frais de personnel : 47 451,24 euros
Matériel (interne/externe) : 195 618,44 euros
Matériaux : 224 100,40 euros
Dépenses d'encadrement-essais de laboratoire 79 790,72 euros
Déduction sur le marché Colas 128 392,83 euros
Indemnisation des transports 39 197,40 euros
Fourniture de matériaux GNT
(mis en 'uvre et évacués) 3 205,99 euros
Transport de GNT : 553,12 euros
Total 718 310,44 euros
La SEM soutient, sur la base de la note de son expert, que le sable B2 évacué par la société Colas vers la société Les Enrobés de Marquise (11 222,30t représentant 52 603,16 euros), aurait été valorisé par cette société de sorte que le coût d'évacuation ne pourrait être retenu mais être réintégré dans le total des sommes qui lui sont dues qui serait dès lors porté à 187 174,63 euros HT.
La SEM procède par affirmation et ne justifie d'aucune valorisation alors que le sable provenant du décapage des sols, constituait un déchet devant être retraité et non valorisé. M. [E] retient au contraire le coût de l'évacuation comme une charge imposée à la société Colas (page 43 du rapport). Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a arrêté les sommes dues à la SEM à 134 571,47 euros HT.
S'agissant des coûts des essais, si l'expert judiciaire a reconnu en conclusions de son rapport que certains essais auraient en tout état de cause dû être réalisés, il ajoute qu'il n'a retenu que le coût des essais relevant de l'expertise (page 164 du rapport), la société Colas sollicitait 88 897,45 euros à ce titre que l'expert a ramené à 79 790,72 euros excluant les essais à la plaque.
Par ailleurs contrairement à ce que soutient la société Allianz, il a bien été justifié en cours d'expertise (page 133 du rapport) de la moins-value imposée par la société GSE, maître d'ouvrage à la société Colas par un avenant n° 9.
Le jugement sera confirmé sur le montant du préjudice de la société Colas arrêté à 718 310,14 euros, de sorte que déduction faite des sommes dues à la SEM, 134 571,47 euros HT, le montant de la somme allouée à la société Colas s'élève à 583 738,67 euros HT.
S'agissant des demandes complémentaires de la société Colas au titre du préjudice d'image et de la résistance abusive, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté ces prétentions dès lorsqu'il n'est justifié par aucune pièce d'un préjudice d'image subi par la société Colas et qu'aucune faute n'est démontrée à l'encontre de la SEM, défenderesse aux opérations d'expertise et devant le tribunal. Le jugement sera confirmé.
Ce n'est qu'à l'issue de l'expertise, que la société Colas a été en mesure d'évaluer sa créance au travers de l'assignation au fond devant le tribunal, de sorte que c'est à juste titre que le tribunal a fixé le pont de départ des intérêts moratoires à la date de l'assignation au fond, soit le 1er juillet 2019. Le jugement est confirmé.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts.
Sur la garantie des assureurs
Selon l'article L113-1 du code des assurances « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. »
Il est de jurisprudence constante que l'assuré doit être en mesure de connaître précisément les limites de la garantie, la clause doit être claire et non sujette à interprétation.
L'article L 112-6 du même code dispose que « l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire. »
Sur les garanties de la société SMABTP
La société SMABTP produit les conditions générales et particulières du contrat Alpha-Bat souscrit par la SEM, aux termes des conditions générales Sont garantis (article 1.1.1) les dommages causés aux tiers, le contrat précisant :
« nous garantissons le paiement des conséquences pécuniaires en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers dans l'exercice de votre activité professionnelle (')
L'article 1.2 énonce « ce que nous ne garantissons pas » :
(')
1.2.3 les dommages, les vices, les défauts et non conformités affectant les produits ou composants livrés ainsi que les frais entraînés par leur dépose et repose. (') »
La clause de non garantie est rédigée en terme clairs et n'est pas sujette à interprétation, le contrat souscrit garantit la responsabilité civile de la SEM et les dommages causés aux tiers, sont exclus de manière formelle les risques liés aux produits vendus.
Le jugement sera confirmé en e qu'il a débouté les parties de leurs demandes formées à l'encontre de la SMABTP.
Sur les garanties de la société Allianz
Le contrat souscrit auprès de la société Allianz, garantissant la responsabilité civile « Entreprises industrielles et Commerciales » de la SEM, garantit, aux termes de l'article 1 des conditions générales, les dommages dont la société est responsable à l'occasion de son activité.
L'article 4 des conditions générales énumère les non-garanties,
L'article 4.3 énonce les exclusions de garanties « pour les dommages survenus après livraison de produits et/ou d'achèvement de travaux » :
1. Les frais de dépose et repose de vos produits défectueux si la pose était initialement à votre charge lors de la livraison ou exécution, même si le défaut ne concerne qu'une de leurs parties,
2. les frais de dépose ou de repose relatifs aux matériaux destinés à la construction (ouvrage de bâtiment ou de génie civil),
3 les dommages immatériels non consécutifs et/ou les frais de dépose et repose résultant
De l'inexécution totale des obligations que vous avez contractées ou
De leur exécution défectueuse ou non-conforme lorsqu'elle provient soit d'un fait délibéré et conscient de votre part, soit d'un fait dont vous aviez connaissance,
4. les dommages de la nature de ceux qui, en droit français engagent la responsabilité des constructeurs ou assimilés en vertu des articles 1792 et suivants du code civil,
5 ; les dommages ayant leur origine dans une défectuosité connue de vous lors de la livraison des produits ou de l'achèvement des travaux (') »
Il résulte des conditions particulières souscrites article 3.1.2 que
« nous ne garantissons pas
(')
Les frais de dépose-repose des matériaux et fournitures destinés à la construction (ouvrages de bâtiment ou de génie civile)
L'activité déclarée par la SEM est « exploitation d'une carrière de sable et de négoce », il s'agit de matériau destiné à la construction.
Si les conditions générales et particulières du contrat souscrit auprès de la société Allianz définissant les exclusions de garanties prévoient de manière formelle l'exclusion de garantie pour les frais de dépose et repose des matériaux fournis et explicite ces notions dans le lexique joint aux conditions générales, il n'en reste pas moins que le tableau des garanties des plafonds et des franchises joint aux conditions particulières, fait apparaître une prise en charge des frais de dépose et de repose, en ces termes :
« 2-dommages survenus après livraison de produits et/ou achèvement de travaux
Tous dommages corporels, matériels et immatériels confondus
Dont
Dommages matériels et immatériels consécutifs
Dommages immatériels non consécutifs et frais de dépose-repose »
Ces mentions eu égard aux stipulations des conditions générales et particulières prêtent à interprétation et manquent de clarté en sorte qu'elles doivent être écartées, en conséquence la garantie de la société Allianz est due dans les limites de garanties contractuelles (franchise et plafond) à l'égard des condamnations prononcées contre la SEM, le jugement étant infirmé.
La SEM et la société Allianz seront en conséquence condamnées in solidum à payer à la société Colas la somme de 583 738,67 euros HT.
La société Allianz sera condamnée à garantir son assurée dans les limites du contrat, lesquelles, conformément aux dispositions de l'article L 112-6 du code des assurances sont opposables aux tiers.
Sur les demandes accessoires
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens comprenant les frais d'expertise, et frais irrépétibles, il sera ajouté que la société Allianz Iard sera condamnée à garantir son assurée de ces sommes dans les limites du contrat souscrit.
La SEM et la société Allianz seront condamnées in solidum aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement à la société Colas de la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles,
La SEM sera condamnée à payer à la société SMABTP une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, La SEM et la société Allianz étant déboutées de leurs demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort
Confirme le jugement sauf en ses dispositions relatives à la garantie de la société Allianz,
Statuant à nouveau,
Ecarte l'application de la clause d'exclusion de garantie portant sur les frais de pose et de dépose,
Condamne in solidum la société Sables et Matériaux et la société Allianz Iard à payer à la société Colas la somme de 583 738,67 euros HT.
Condamne la société Allianz Iard à garantir la société Sables et Matériaux du paiement de la somme de 583 738,67 euros HT,
Rappelle que la société Allianz Iard est bien fondée à opposer les limites de garanties contractuelles au titre des franchises et plafond,
Y ajoutant
Condamne la société Sables et Matériaux et la société Allianz Iard in solidum aux dépens d'appel,
Dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Laforce,
Condamne la société Sables et Matériaux et la société Allianz Iard in solidum à payer une somme de 8 000 euros à la société Colas au titre des frais irrépétibles,
Condamne la société Allianz Iard à relever et garantir son assuré la société Sables et Matériaux de ces condamnations dans les limites contractuelles au titre des franchises et plafond,
Condamne la société Allianz Iard à payer à la société Sables et Matériaux une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamne la société Sables et Matériaux à payer une somme de 1 500 euros à la SMABTP au titre des frais irrépétibles.
Le greffier
Anaïs Millescamps
La présidente
Catherine Courteille