Livv
Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. civ. tgi, 19 septembre 2025, n° 23/01422

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Autre

CA Saint-Denis de la Réunion n° 23/0142…

19 septembre 2025

ARRÊT N°

OC

R.G : N° RG 23/01422 - N° Portalis DBWB-V-B7H-F6WN

S.A.S. CONSTRUCTIONS MÉTALLIQUES DE L'OCÉAN INDIEN (CMOI)

C/

S.A. ALLIANZ

COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS

ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2025

Chambre civile TGI

Appel d'une décision rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 7] en date du 13 DÉCEMBRE 2022 suivant déclaration d'appel en date du 09 OCTOBRE 2023 RG n° 22/02046

APPELANTE :

S.A.S. CONSTRUCTIONS MÉTALLIQUES DE L'OCÉAN INDIEN (CMOI)

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentant : Me Didier ANTELME de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-RÉUNION

INTIMÉE :

S.A. ALLIANZ

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Sanaze MOUSSA-CARPENTIER, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-RÉUNION

DATE DE CLÔTURE : 22 août 2024

DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été appelée à l'audience publique du 22 Novembre 2024 devant Monsieur Vincent ALDEANO-GALIMARD, Président de chambre, assisté de Sarah HAFEJEE, greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 28 mars 2025. Le délibéré a été prorogé au 19 Septembre 2025.

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Monsieur Vincent ALDEANO-GALIMARD, Président de chambre

Conseiller : Monsieur Cyril OZOUX, Président de chambre

Conseiller : Madame Chantal COMBEAU, Présidente de chambre

Qui en ont délibéré

Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 19 Septembre 2025.

Greffier lors de la mise à disposition: Véronique FONTAINE

* * *

LA COUR :

EXPOSÉ DU LITIGE

1- Par acte d'engagement signé le 25 mai 2009, la SNC OCIDIM a confié à un groupement d'entreprise composé des sociétés SBTPC, SOGEA Réunion, STOLZ SEQUIPAG et SETB l'édification du terminal céréalier du [Localité 5] de [Localité 4] moyennant le prix de 29. 241 425, 00 € HT.

2- Par contrat du 9 septembre 2009, la SOGEA Réunion a sous-traité à la SAS constructions métalliques de l'océan indien (ci-après CMOI) le lot charpente, couverture et bardage de l'ouvrage pour le prix de 2 430 000, 00 € HT.

3- La réception des travaux a été prononcée avec réserves le 18 mars 2011.

4- Le procès-verbal de levées de réserves a été établi le 20 mai 2011.

5- Des infiltrations étant survenues les 12 et 13 mars 2017 au niveau de la toiture de l'unité de stockage, CMOI puis la SAS SBTPC ont effectué une déclaration de sinistre auprès de leur assureur respectif.

6- La SA ALLIANZ, assureur de responsabilité décennale de la SAS SBTPC, a alors fait intervenir un expert, le cabinet SATEXCO, lequel a remis son rapport le 18 décembre 2018.

7- Dans le prolongement de cette expertise, CMOI a été chargée par la SAS SBTPC de réaliser les travaux préconisés par l'expert selon devis du 18 décembre 2019 accepté le 21 janvier 2020 pour le prix de 105 197, 83 € HT.

8- Le même jour, la SAS SBTPC a donné quittance subrogative à la SA ALLIANZ après avoir reçu la somme de 83 466, 76 € correspondant au prix fixé par CMOI après déduction d'une franchise de 20%.

9- Le 20 juillet 2020, CMOI a présenté sa facture définitive à la SAS SBTPC qui lui a versé la somme de 83 466, 76 € après avoir retenu 21 731, 07 € correspondant à la franchise de son contrat d'assurance.

10- Par acte d'huissier délivré le 13 juillet 2022, la SA ALLIANZ a fait citer CMOI devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis aux fins de la voir condamner à lui verser la somme de 86 924, 28 € outre les intérêts au taux légal et une indemnité pour frais irrépétibles.

11- Par un jugement réputé contradictoire rendu le 13 décembre 2022, le tribunal judiciaire de Saint-Denis a :

- CONDAMNÉ la SAS Constructions Métalliques de l'Océan Indien (CMOI) à payer à la SA ALLIANZ IARD la somme de 86.924, 28 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13/07/2022 ;

- CONDAMNÉ la SAS Constructions Métalliques de l'Océan Indien (CMOI) à payer à la SA ALLIANZ IARD la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens dont distraction au profit de Maître Sanaze MOUSSA-CARPENTIER.

12- Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Saint-Denis de La Réunion du 09 octobre 2023, CMOI a interjeté appel de ce jugement.

13- Aux termes de ses dernières écritures transmises par RPVA le 23 avril 2024, CMOI demande à la cour :

- " DE RECEVOIR la SAS CONSTRUCTIONS MÉTALLIQUES DE L'OCÉAN INDIEN (CMOI) en son appel, et, l'y déclarant fondée,

- D' INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a :

CONDAMNÉ la SAS Constructions Métalliques de l'Océan Indien (CMOI) à payer à la SA ALLIANZ IARD la somme de 86.924, 28 € augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13/07/2022 ;

CONDAMNÉ la SAS Constructions Métalliques de l'Océan Indien (CMOI) à payer à la SA ALLIANZ IARD la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens dont distraction au profit de Maître Sanaze MOUSSA-CARPENTIER ;

Statuant à nouveau, de :

- DÉCLARER la SA ALLIANZ IARD irrecevable en son action ;

Subsidiairement, de :

- DÉBOUTER la SA ALLIANZ IARD de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause, de :

- CONDAMNER la SA ALLIANZ IARD, à verser à la société CMOI la somme de 4 000, 00 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile;

- CONDAMNER la SA ALLIANZ IARD aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME- BENTOLILA-CLOTAGATILDE, Avocat aux offres de droit ;

- DÉBOUTER la SA ALLIANZ IARD de toutes demandes, fins et conclusions contraires en cause d'appel."

14- Pour l'essentiel, CMOI fait valoir :

- qu'à la date à laquelle la SA ALLIANZ a engagé son action, la garantie décennale était expirée la réception des travaux étant intervenue le 18 mars 2011 ;

- que toute action même récursoire ne peut être engagée sur le fondement de la garantie décennale plus de 10 ans après la réception ;

- qu'entre constructeurs, l'action ne peut être fondée que sur le droit commun de la responsabilité pour faute prouvée ;

- qu'une telle action était prescrite à la date de l'assignation délivrée par la SA ALLIANZ, plus de 5 ans s'étant alors écoulés depuis la manifestation des désordres le 06 février 2017 ;

- Que le subrogé ne peut avoir plus de droits que le subrogeant ;

- qu'il n'est pas démontré que la SAS SBTPC a indemnisé le maître d'ouvrage;

- que le rapport d'expertise du cabinet SATEXCO n'est pas contradictoire ;

- qu'ainsi les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile ont été violées ;

- qu'en tout état de cause, la responsabilité de CMOI n'est pas établie.

15- Aux termes de ses dernières écritures transmises par RPVA le 8 mars 2024, la SA ALLIANZ demande à la cour de :

- " CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le tribunal judiciaire de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION le 13 décembre 2022 ;

- DÉBOUTER ce faisant la SAS Constructions Métalliques de l'Océan Indien (CMOI) de toutes ses demandes, fins et conclusions d'appel ;

- CONDAMNER la SAS Constructions Métalliques de l'Océan Indien (CMOI) à payer à la SA ALLIANZ IARD la somme de 3.500 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNER la même aux entiers dépens."

16- Pour l'essentiel, la SA ALLIANZ fait valoir :

- que les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil ne s'appliquent pas aux recours entre constructeurs ;

- que ces recours sont soumis à la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil ;

- que le délai de prescription ne court à l'égard de l'entrepreneur principal qu'à partir du moment où celui-ci est saisi d'une assignation en paiement ;

- que la prescription de l'article 2224 du code civil n'a pas couru dans la mesure où la seule demande adressée à la SAS SBTPC tendait à l'organisation d'une mesure d'expertise amiable ;

- qu'elle est subrogée dans les droits de la SAS SBTPC qui a eu à assumer, vis-à-vis du maître de l'ouvrage, les conséquences dommageables d'une faute exclusivement imputable à CMOI ;

- que le sous-traitant est tenu d'une obligation de résultat à l'égard de l'entrepreneur principal ;

- que CMOI a utilisé des joints inadaptés compromettant ainsi l'étanchéité de la couverture qu'elle était chargée de réaliser, ce qui engage sa responsabilité.

17- La procédure a été clôturée par une ordonnance du 22 août 2024.

18- L'audience de plaidoirie s'est tenue le 22 novembre 2024.

MOTIFS

Sur la prescription de l'action en responsabilité à l'encontre de CMOI :

19- Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur n'est pas fondé sur la garantie décennale.

20- Il s'ensuit que le point de départ du délai de cette action n'est pas la date de la réception des ouvrages.

21- Les développements que CMOI consacre à la prescription décennale de l'article 1792-4-1 du code civil sont par conséquent sans utilité pour la solution du litige.

22- Le recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l'article 2224 du code civil.

23- Il se prescrit par 5 ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

24- La partie qui entend se prévaloir des dispositions de l'article 2224 du code civil à la charge de réunir les éléments permettant de déterminer le point de départ du délai de prescription.

25- En l'espèce, CMOI ne rapporte pas la preuve que les infiltrations aux causes du litige sont survenues, ainsi qu'elle le soutient, le 6 février 2017 ni que le dommage a été connu à cette date de la SAS SBTPC.

26- L'examen des pièces que la SAS SBTPC verse aux débats révèle au contraire que le litige trouve sa cause dans de nouvelles infiltrations apparues suite à un important épisode pluvieux des 12 et 13 mars 2017 ainsi que cela ressort de la lettre reçue le 18 juillet 2017 de l'expert SARETEC commis par l'assureur de responsabilité décennale de CMOI.

27- Il n'est donc en rien établi que le dommage était connu de la SAS SBTPC et de la SA ALLIANZ depuis plus de 5 années à la date de l'assignation délivrée à CMOI le 13 juillet 2022 devant le tribunal judiciaire de Saint-Denis.

28- Ainsi, il apparaît que la SA ALLIANZ a régulièrement interrompu la prescription de l'article 2224 du code civil dans le délai de 5 ans, ce qui doit conduire à écarter le moyen.

Sur la demande en paiement de la SA ALLIANZ :

En ce qui concerne l'expertise conduite par la cabinet SATEXCO :

29 Aux termes des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile , le juge ne peut retenir dans sa décision les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

30- En l'espèce, le devis établi par CMOI le 18 décembre 2019 pour le remplacement des joints des tôles de la toiture du terminal céréalier comporte la mention suivante :

" NOTA : ce devis reprend les points évoqués en concertation avec SBTPC lors de l'expertise du 27/ 09/ 2018 avec le cabinet SATEXCO et en suit les préconisations (...)."

31- Contrairement à ses allégations, CMOI a donc bien été associée aux opérations d'expertise conduites par le cabinet SATEXCO à la demande de la SA ALLIANZ.

32- Le moyen tiré d'un manquement au principe du contradictoire sera par conséquent écarté.

En ce qui concerne les sommes réclamées par la SA ALLIANZ dans le cadre de la subrogation :

33- Aux termes des dispositions de l'article 1346- 4 du code civil, la subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu'il a payé, la créance et ses accessoires, à l'exclusion des droits exclusivement attachés à la personne du créancier.

34- La SAS SBTPC, le subrogeant, a pris en charge à hauteur de la somme de 83 466, 76 €, la réparation des désordres qui affectaient la toiture du terminal céréalier du [Localité 5] de [Localité 4] réalisée par CMOI.

35- La SAS SBTPC n'avait pas de lien contractuel avec CMOI de sorte que l'action en garantie qu'elle a transmise à son assureur est de nature délictuelle.

36- Cette action ne peut prospérer que pour autant que soit établie une faute de la part de CMOI.

37- Il est établi par les constatations de l'expert SATEXCO que CMOI a utilisé des joints qui n'étaient pas adaptés à la surface de la couverture et aux températures élevées auxquelles celle-ci se trouvait soumise ce qui est la cause des infiltrations qui affectaient ses ouvrages.

38- La faute de CMOI et son lien de cause à effet avec les dommages sont donc bien caractérisés.

39- Il est établi par la procédure que la SA ALLIANZ a versé à la SAS SBTPC la somme de 83 466, 76 euros selon quittance subrogative versée aux débats.

40- Elle est par conséquent fondée à obtenir la condamnation de CMOI à lui payer la dite somme outre l'intérêt au taux légal décompté à partir de l'assignation.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

41 - CMOI, partie succombante au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, supportera la charge des dépens de première instance et d'appel.

42- Il serait inéquitable en outre de laisser la SA ALLIANZ supporter la charge des frais irrépétibles qu'elle a été conduite à exposer en première instance et en cause d'appel.

43- La décision de première instance sera confirmée et CMOI sera condamnée à lui verser une nouvelle somme de 1500 € au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

44- En tant qu'elle supporte les dépens, CMOI n'est pas fondée, enfin, à se prévaloir des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière civile et en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile,

Confirme le jugement rendu le 13 décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Saint-Denis sauf en ce qu'il fixe à la somme de 86 924, 28 € le montant de la condamnation en principal à la charge de la SAS constructions métalliques de l'océan indien ;

Statuant de nouveau,

Condamne la SAS constructions métalliques de l'océan indien à payer à la compagnie SA ALLIANZ IARD la somme de 83 466, 76 euros, en principal, outre l'intérêt légal décompté à partir du 13 juillet 2022 ;

Condamne la SAS constructions métalliques de l'océan indien à payer à la compagnie SA ALLIANZ IARD la somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne la SAS constructions métalliques de l'océan indien aux dépens de l'appel.

Le présent arrêt a été signé par M. Cyril OZOUX, président de chambre et par Véronique FONTAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site