CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 18 septembre 2025, n° 21/11697
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 18 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/
N° RG 21/11697 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH5BB
Société PROMO SPA
C/
S.A.S. LE MAGELLAN
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Joseph [Localité 1]
Me Karine TOLLINCHI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 02 Juin 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2019F00081.
APPELANTE
Société PROMO SPA
demeurant [Adresse 5]) - ITALIE
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Anaïs KORSIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE
S.A.S. LE MAGELLAN
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Karine TOLLINCHI de la SCP SCP CHARLES TOLLINCHI - KARINE BUJOLI-TOLLINCHI AVOCATS ASSO CIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat postulant et plaidant par Me Catherine OTTAWAY de la SELARL HOCHE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me OCHSENBEIN Naomi, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Adrian CANDAU, conseiller-rapporteur chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025, prorogé au 18 septembre 2025.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
La SDE PROMO SPA est spécialisée dans la production, la vente et l'installation de matériaux en acier et en verre.
La SAS LE MAGELLAN exploite un restaurant sous l'enseigne « LE MAGELLAN » avec une plage privée sur la commune de [Localité 4] ;
Souhaitant installer sur la plage lui appartenant une terrasse couverte de type pergola, la SAS LE MAGELLAN a mandaté la SDE PROMO SPA afin de procéder à sa réalisation, selon le devis du 3 février 2016 fourni par la SDE PROMO SPA.
La SAS LE MAGELLAN se prévalant de l'existence de désordres importants sur l'ouvrage n'a pas réglé le solde des travaux correspondant à la facture n°81 du 4 mai 2016 d'un montant de 51.356,85€. La SDE PROMO SPA a saisi le 31 août 2018, le Président du tribunal de commerce de CANNES, par requête en injonction de payer, pour obtenir la condamnation de la SAS LE MAGELLAN à lui verser la somme de 51.356,85 € outre diverses sommes au titre des intérêts et frais.
La requête et l'ordonnance portant injonction de payer rendue par le Président du tribunal de commerce de CANNES du 2 octobre 2018 ont été signifiées à la SAS LE MAGELLAN le 27 décembre 2018.
Par courrier reçu au Greffe du tribunal de commerce de Cannes en date du 14 janvier 2019, la SAS LE MAGELLAN a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance lui enjoignant de payer à la SDE PROMO SPA la somme litigieuse de 51.356,85 € en principal, outre les dépens.
Par jugement en date du 2 juin 2021, le Tribunal de commerce de NICE :
Reçoit la SAS LE MAGELLAN en son opposition.
La déclare fondée et met à néant l'ordonnance querellée numéro 2018100740 rendue le 2 octobre 2018 par le tribunal de commerce de Cannes, pour un montant en principal de 51.356,85€.
Prononce la résiliation judicaire du contrat conclu le 3 février 2016 entre la SDE PROMO SPA et la SAS LE MAGELLAN, aux torts exclusifs de la SDE PROMO SPA, à la date du 4 mai 2016,
Déboute la SDE PROMO SPA de sa demande de paiement à hauteur de la somme de 51.356.85€ au titre de sa facture n o 81 du 4 mai 2016.
Ordonne la main levée totale de l'inscription de nantissement sur le fonds de commerce de la SAS LE MAGELLAN.
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions, en ce compris les demandes reconventionnelles.
Ordonne l'exécution provisoire.
Condamne la SDE PROMO SPA à verser à la SAS LE MAGELLAN la somme de 5.000,00€ (cinq mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la SDE PROMO SPA aux dépens.
Liquide les dépens de la présente instance à la somme de 76,66 € (soixante seize euros et soixante six centimes).
Par déclaration en date du 30 juillet 2021, la société PROMO SPA et formé appel de cette décision à l'encontre de la SAS LE MAGELLAN en ce qu'elle a :
- Reçu la SAS LE MAGELLAN en son opposition.
- Déclaré la SAS LE MAGELLAN fondée et met à néant l'ordonnance querellée numéro 2018100740 rendue le 2 octobre 2018 par le tribunal de commerce de Cannes, pour un montant en principal de 51.356,85 €.
- Prononcé la résiliation judicaire du contrat conclu le 3 février 2016 entre la société PROMO SPA et la SAS LE MAGELLAN, aux torts exclusifs de la société PROMO SPA, à la date du 4 mai 2016.
- Débouté la société PROMO SPA de sa demande de paiement à hauteur de la somme de 51.356.85 €, au titre de sa facture n° 81 du 4 mai 2016.
- Ordonné la main levée totale de l'inscription de nantissement sur le fonds de commerce de la SAS LE MAGELLAN.
- Débouté la société PROMO SPA de toutes ses autres demandes, fins et conclusions, en ce compris les demandes reconventionnelles.
- Ordonné l'exécution provisoire.
Condamné la société PROMO SPA à verser à la SAS LE MAGELLAN la somme de 5.000,00€ (cinq mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamné la société PROMO SPA aux dépens.
***
Par ordonnance d'incident en date du 8 septembre 2022, la magistrate de la mise en état de la chambre 1-4 de cette Cour :
CONSTATE le désistement de la SAS LE MAGELLAN tendant à voir prononcer la radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile,
DEBOUTE la société PROMO SPA de sa demande de dommages et intérêts,
DEBOUTE la société PROMO SPA et la SAS LE MAGELLAN de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
CONDAMNE la société PROMO SPA aux dépens de l'incident.
Cette demande de radiation était fondée sur le fait que la société PROMO SPA n'avait pas justifié avoir exécuté la décision déférée portant sur la mainlevée du nantissement sur son fonds de commerce.
La magistrate de la mise en état a notamment constaté que le nantissement provisoire pris sur le fonds de commerce de la SAS LE MAGELLAN par la société PROMO SPA était périmé.
***
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
Par ses dernières conclusions notifiées le 23 février 2022, la société PROMO SPA demande à la Cour de :
Vu les articles 122 et 233 du Code de Procédure civile ;
Vu l'article 39 de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale des marchandises (Convention de [Localité 6]) du 11 avril 1980 ;
Vu les articles 1147, 1184 et 1382 du Code civil (ancien ' applicable aux faits de l'espèce)
Vu l'article 1792-6 du Code Civil ;
Vu l'article 233 du Code de Procédure civile ;
Vu l'article 1 er alinéa 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Vu la jurisprudence ;
Vu les pièces ;
JUGER qu'une réception tacite de l'ouvrage est intervenue le 4 mai 2016.
JUGER que l'action au titre de la garantie de parfait achèvement est prescrite.
JUGER que l'exception d'inexécution fondée sur les désordres au titre de la garantie de parfait achèvement est prescrite.
JUGER que la société PROMO SPA n'a pas manqué à obligation de Conseil
JUGER que la société PROMO SPA n'a pas manqué à l'exécution de ses obligations contractuelles au titre du contrat conclu le 3 février 2016
JUGER que la société LE MAGELLAN a manqué à son obligation de paiement du solde du prix à hauteur de 51 356.85 euros
JUGER que le nantissement sur les fonds de commerce de la société LE MAGELLAN en vertu de l'ordonnance du Tribunal de Commerce de Cannes est périmée depuis le 21 avril 2021
JUGER que la société PROMO ne devait diligenter aucune demande de nantissement sur le fonds de commerce de la société LE MAGELLAN
En voie de conséquence, statuant à nouveau
INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de NICE le 2 juin 2021 en ce qu'il a :
Recu la SAS MAGELLAN en son opposition
La déclare fondée et met à néant l'ordonnance querellée numéro 2018100740 rendue le 2 octobre 2018 par le tribunal de Commerce de CANNES, pour un montant en principal de 51 356.85 euros.
Prononce la résiliation judiciaire du contrat conclu le 3 février 2016 entre la SDE PROMO SPA et la SAS MAGELLAN, aux torts exclusifs de la SDE PROMO SPA, à la date du 4 mai 2016.
Déboute la SDE PROMO SPA de sa demande de paiement à hauteur de la somme de 51 356.85 euros au titre de sa facture n o 81 du 4 mai 2016.
Ordonne la main levée totale de l'inscription de nantissement sur le fonds de commerce \*MERGEFORMATde la SAS MAGELLAN.
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes fins et conclusions en ce compris les demandes reconventionnelles.
Ordonne l'exécution provisoire.
Condamne la SDE PROMO SPA à verser à la SAS LE MAGELLAN la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.
Condamne la SDE PROMO SPA aux dépens.
Liquide les dépens de la présente instance à la somme de 76.66 euros. »
Sur ce, statuant à nouveau,
REJETER l'exception d'inexécution invoquée par la société LE MAGELLAN sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.
PRONONCER la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de la société LE MAGELLAN qui a cru pouvoir retenir la somme de 51.356,85€ pour un prétendu défaut de conseil et un prétendu défaut d'étanchéité ;
CONDAMNER la société LE MAGELLAN au paiement de la somme de 51 356,85 euros au titre du solde du prix restant du tel que cela résulte de sa facture n o 81 du 4 mai 2016.
DÉBOUTER la Société LE MAGELLAN de toutes ses demandes en toutes fins, moyens et prétentions qu'elles comportent ;
DÉBOUTER la société LE MAGELLAN en sa demande de radiation de l'appel interjeté par la société PROMO
CONDAMNER la Société LE MAGELLAN au paiement de 10.000€ de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
CONDAMNER la Société LE MAGELLAN au paiement de 10.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens ;
CONDAMNER la Société LE MAGELLAN aux entiers dépens ;
A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir qu'une réception tacite de la pergola a eu lieu le 4 mai 2016 et qu'en conséquence, le délai d'action sur le fondement de la garantie de parfait achèvement de l'article 1792-6 du Code civil était acquis lorsque le défaut de conformité a été dénoncé le 18 décembre 2017 ; elle conclut donc à la prescription de l'action.
Elle fait également valoir qu'elle n'a pas manqué à son obligation de conseil et d'information, notamment compte tenu de la compétence de la société LE MAGELLAN en la matière. Elle expose que la structure était parfaitement adaptée à la plage de la société LE MAGELLAN (adaptée et démontable) et qu'elle a parfaitement exécuté son obligation de livraison et de montage. Elle soutient que l'intimée se prévaut de dommages non prouvés qui ne sont pas liés à un manquement de sa part. Elle considère donc que les conditions d'exception d'inexécution et de résolution judiciaire du contrat ne sont pas réunies. Elle conclut également que la demande de radiation de l'appel pour défaut d'exécution soutenue par la société LE MAGELLAN n'est pas fondée.
La société LE MAGELLAN, par conclusions notifiées le 24 novembre 2021 demande à la Cour de :
Vu l'article 1134, 1147 et 1184 (ancien ' applicables aux faits de l'espèce) du Code civil ;
Vu le jugement du tribunal de commerce de Nice dont appel,
Vu les pièces ;
Vu les graves manquements de la société PROMO SPA dans le cadre de l'exécution de ses obligations contractuelles ;
Sous réserves des suites données à l'incident de radiation soulevé par LE MAGELLAN par conclusions signifiées devant le Conseiller de la mise en état du 15 octobre 2021, incident qui a été fixé pour être plaidé le 2 juin 2022,
- Recevoir la société LE MAGELLAN en ses conclusions, l'en dire bien fondée, et par conséquent,
- Juger que face aux manquements graves de son prestataire, la société LE MAGELLAN était fondée à opposer à la société PROMO SPA l'exception d'inexécution, puis de solliciter la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société PROMO SPA et ce, à compter de sa dernière facturation du 4 mai 2016, si bien que ce prestataire ne saurait revendiquer le paiement de la somme de 51.356,85 € ;
- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nice le 2 juin 2021 qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat en date du 16 février 2016 liant les parties aux torts exclusifs de la société PROMO SPA avec ses conséquences de droit, ordonné la mainlevée totale de l'inscription de nantissement provisoire sur le fonds de commerce de la société LE MAGELLAN et condamné la société PROMO SPA à payer à la société LE MAGELLAN la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC ;
- Débouter la société PROMO SPA de toutes ses demandes en toutes fins, moyens et prétentions qu'elles comportent, en ce compris reconventionnelles ;
Subsidiairement, si par impossible la Cour ne prononçait pas la résiliation du contrat,
- Condamner la société PROMO SPA à payer à la société LE MAGELLAN la somme de 51.356,85 € à titre de dommages et intérêts au titre de ses inexécutions contractuelles,
- Confirmer également le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nice le 2 juin 2021 qui a ordonné la mainlevée totale de l'inscription de nantissement provisoire sur le fonds de commerce de la société LE MAGELLAN et condamné la société PROMO SPA à payer à la société LE MAGELLAN la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du CPC.
En tout état de cause,
- Condamner la société PROMO SPA à verser à la société LE MAGELLAN la somme de 7.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société PROMO SPA aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir en premier lieu que son action se fonde sur la responsabilité contractuelle de droit commun de sorte que le moyen d'irrecevabilité soulevé par PROMO SPA n'est pas fondé ; qu'en tout état de cause, ses demandes ne peuvent pas être considérées comme prescrites, même sur le fondement de la garantie de parfait achèvement. Elle reproche à la société PROMO SPA un manquement au titre de son devoir de conseil quant à la bonne intégration de la pergola sur cette plage et son adaptation aux contraintes et réglementations applicables ; qu'elle a subi à ce titre des désordres avérés, la structure s'étant montrée partiellement défectueuse. Elle soutient qu'en l'état de ces éléments elle est bien fondée à ne pas exécuter son obligation de paiement et à solliciter la résiliation du contrat aux torts de la société PROMO SPA ou, subsidiairement, à se voir allouer des dommages et intérêts.
L'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 28 avril 2025.
L'affaire mise en délibéré au 3 juillet 2025 a été prorogée au 18 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
En premier lieu, il convient de relever que les parties n'ont pas pris de nouvelles conclusions postérieurement à l'ordonnance d'incident du 8 septembre 2022 qui a constaté le désistement de la SAS LE MAGELLAN tendant à voir prononcer la radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile. Les prétentions qui sont maintenues à ce titre sont donc sans objet.
Sur la demande principale :
Selon le devis daté du 16 février 2016 accepté par la SAS MAGELLAN, les parties s'étaient accordées sur une prestation de livraison et d'installation (hors maçonnerie) d'une structure en acier et de ses accessoires pour un montant total hors taxe de 150.000€ ; cette structure a été installée sur une plage privée exploitée par la société LE MAGELLAN sur la commune de [Localité 3]. Il est constant qu'en l'état des difficultés qui sont survenues suite à la pose de cet équipement, la SAS MAGELLAN a refusé de procéder au paiement d'un solde de facture d'un montant de 51.356,85€, somme qui est l'objet du litige.
Sur la réception de l'ouvrage et la prescription :
En premier lieu, la société PROMO SPA conclut à l'existence d'une réception de l'ouvrage concerné pour soutenir que les prétentions fondées sur une garantie de parfait achèvement seraient prescrites. La société MAGELLAN fonde cependant ses demandes sur le droit contractuel et non pas sur les garanties légales dues par les constructeurs. Cette dernière soutient que son action se fonde en effet sur les manquements contractuels de la société PROMO SPA à son obligation d'assistance, d'information et de conseil et non pas sur un défaut de conformité au sens de la garantie due par le constructeur. En tout état de cause, elle fait valoir que la réception dont se prévaut la société PROMO SPA n'est pas caractérisée et que le litige relève nécessairement de la responsabilité contractuelle.
Tout professionnel de la construction est tenu avant réception d'une obligation de conseil à l'égard du maître d'ouvrage. Il lui appartient en conséquence d'alerter ce dernier sur les caractéristiques et inconvénients des matériaux choisis ainsi que sur le caractère adapté de la construction à ses besoins. L'existence d'une réception est donc sans incidence sur l'éventuelle responsabilité contractuelle de l'entrepreneur pour manquement à une telle obligation.
En tout état de cause, en application des dispositions de l'article 1792-6 du Code civil :
« La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.
En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.
L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.
La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage ».
De façon constante, la réception est définie comme l'acte unilatéral de volonté par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage, avec ou sans les réserves. La réception ne consiste ainsi pas seulement dans la livraison de l'ouvrage, mais dans l'approbation par le maître de l'ouvrage de l'ouvrage exécuté. A cet égard, il est tout aussi constant que l'absence d'achèvement n'interdit pas la réception de l'ouvrage.
La réception peut résulter soit d'une décision expresse du maître de l'ouvrage, soit d'une attitude, d'un comportement duquel découle de manière certaine et non équivoque l'expression de sa volonté de recevoir l'ouvrage. Si aucune réception expresse n'est caractérisée, la réception de l'ouvrage peut ainsi être tacite ou être prononcée judiciairement.
En l'espèce, il doit être relevé que les travaux d'installation de la structure objet de la convention ont eu lieu en mai 2016 ; la dernière facture émise par la société PROMO SPA le 4 mai 2016 a fait l'objet d'un refus de paiement de la part de la société MAGELLAN ; il ressort du courrier adressé par la société MAGELLAN au conseil de la société PROMO SPA le 18 décembre 2017 que ce refus de paiement du solde avait été justifié par l'inadaptation de la structure et par des difficultés d'étanchéité.
Au vu de l'importance du prix du marché non soldé et de l'absence de démonstration d'une volonté non équivoque de la société MAGELLAN de recevoir cet ouvrage, les conditions pour qu'une réception tacite soit admise ne sont pas réunies.
Il n'y a donc pas lieu d'infirmer la décision au motif qu'elle n'a pas retenu de réception de l'ouvrage ; aucune prescription ne peut donc être opposée aux demandes de la société MAGELLAN.
Sur la résiliation du contrat :
Selon l'article 1184 du Code civil, dans sa version applicable à l'espèce, « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ».
Il convient de préciser que la résolution judiciaire ne se confond pas avec l'exception d'inexécution, cette dernière n'ayant pas pour effet d'entraîner un anéantissement du contrat, mais simplement de justifier une suspension de l'exécution de son obligation en raison du non-respect de ses engagements par la partie contractante. En l'espèce, la société MAGELLAN demande à être jugée bien fondée à ne pas exécuter le paiement litigieux, mais conclut effectivement à une résiliation judiciaire (non-paiement du solde des travaux sans effet rétro actif) et à ce qu'il soit donc mis fin à la convention.
Ainsi, la société MAGELLAN conclut à la responsabilité fautive de la société PROMO SPA pour manquement de celle-ci à son obligation de conseil et d'information ; elle considère que ces manquements ont notamment conduit à l'installation d'une structure non démontable, donc non conforme à la réglementation applicable en matière d'occupation du littoral et à l'installation d'un brise soleil en bois non adapté à un bord de mer. Elle fait également part d'un défaut d'étanchéité de cette structure. Au vu de ces éléments, la société MAGELLAN considère avoir légitimement fait application d'une exception d'exécution en ne réglant pas la dernière facture émise par sa contractante, et que la résiliation du contrat avait bien lieu d'être prononcée aux torts exclusifs de la société PROMO SPA, conformément à la décision du Tribunal de commerce.
La société PROMO SPA oppose qu'elle a bien satisfait à son obligation de conseil et d'information et se prévaut du fait que la société MAGELLAN exerçant une activité d'exploitant de plage privée ne peut pas soutenir être profane en la matière. Elle soutient également que les inadaptations invoquées ne sont pas démontrées, que le caractère non démontable n'apparaît pas problématique et que l'inadaptation des matériaux n'est pas établie. De même, elle soutient que le défaut d'étanchéité de l'installation n'est pas prouvé. Elle conteste donc toute inexécution fautive et reproche à la société MAGELLAN de ne pas démontrer la réalité de ses allégations et des préjudices qu'elle invoque.
La société MAGELLAN verse aux débats un procès-verbal de constat d'huissier établi le 23 janvier 2017. Il y est fait mention de :
une irrégularité des espacements entre la structure métallique et l'habillage bois,
la présence de planches noircies en parte inférieure des piliers,
une irrégularité des découpes des planches situées en extrémité supérieure,
des planches sont tuilées avec traces de frottements noirâtres en partie inférieure du poteau,
certains stores se bloquent en fin de course.
Il est à relever que ce procès-verbal de constat met en évidence des phénomènes d'usure ou des conditions de pose imparfaites ainsi qu'un mauvais fonctionnement d'éléments mobiles (store, tablier, rideau) sans que l'origine de ces dysfonctionnements ne soit établie.
S'agissant de l'inadaptation du matériau bois utilisé pour équiper la structure, la Cour ne dispose pas des éléments permettant de caractériser un manquement de la société PROMO SPA à ce titre. En effet, la société MAGELLAN verse aux débats des extraits de documentation selon lesquelles le bois de mélèze de Sibérie, dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de celui installé sur la structure, relève de la « classe 3 » (usage extérieur, bardages, bois exposé à une humidité fréquemment supérieure à 20%, menuiseries). Il se distingue ainsi des bois classés 4 et 5 plus adaptés à une exposition à l'humidité, voire à un contact permanent avec l'eau de mer.
A l'inverse, la société PROMO SPA verse aux débats une documentation dont elle indique qu'elle provient du site de la société JURAWOOD qui présente le mélèze de Sibérie comme un bois adapté aux usages extérieurs (sols et murs) en raison de sa résistance à l'humidité et aux intempéries (usage en terrasse et en bardages).
Ces documentations contiennent des données techniques factuelles qui, en l'absence d'analyse circonstanciée, ne peuvent qu'être insuffisantes pour apprécier le caractère adapté ou non de ce matériau à la structure vendue à la société MAGELLAN. Par la production de ces éléments purement factuels, cette dernière société ne démontre pas que l'installation d'un habillage en bois de mélèze sur la structure destinée à sa plage privée présenterait un caractère non adapté et résulterait d'un manquement à une obligation de conseil et d'information qui, sur ce point, n'aurait pas été satisfaite. Ainsi, la société MAGELLAN ne démontre pas de manquement de la société PROMO SPA à ce titre.
S'agissant des dysfonctionnements des éléments mobiles de cette structure tels qu'ils sont relevés par le procès-verbal d'huissier précité, il n'est pas davantage démontré que ceux-ci seraient imputables à une mauvaise exécution par la société PROMO SPA de ses obligations contractuelles, tant s'agissant de son obligation d'information et de conseil (la non-conformité de ces éléments à l'usage d'une plage privée n'est pas établie) qu'au titre de l'installation de la structure, puisque la cause de ces dysfonctionnements, constatés plusieurs mois après la pose des équipements, est inconnue. Les seules déclarations des personnes présentes lors du constat et reprises par l'huissier de justice selon lesquelles ces dysfonctionnements seraient la conséquence d'une pression ou d'un pincement exercé par les planches de bois ne sont corroborées par aucun élément objectif.
Quant au caractère démontable de la structure, la société MAGELLAN ne démontre pas que celle-ci n'est pas conforme à la réglementation applicable à la plage privée qu'elle exploite de sorte qu'aucune manquement ne peut être caractérisé à ce titre.
Enfin, concernant le défaut d'étanchéité de la structure, la société MAGELLAN intègre dans ses conclusions des photos d'éléments métalliques comportant des traces d'oxydation ainsi qu'un schéma indiquant l'existence de points de fuite. Elle produit également une facture de la société JOLY STORES du mois de juin 2016 pour une prestation de « fetage et toiture » et un devis qui lui a également été adressée par cette société pour une prestation d'intervention et de reprise sur « structure acier non étanchée ».
Comme précédemment, ces éléments de fait (images d'oxydation et prestations assurées par une autre société) ne permettent pas davantage de caractériser le manquement de la société PROMO SPA à ses obligations contractuelles. En l'absence de considérations circonstanciées pouvant être confrontées aux obligations du constructeur, la société MAGELLAN produit des éléments qui ne disposent pas d'une force probante suffisante pour qu'il soit fait droit à sa demande de résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de sa contractante. Elle ne caractérise pas davantage l'obligation qui pourrait être imposée à la société MAGELLAN de l'indemniser à hauteur de la somme de 51.356,85 € à titre de dommages et intérêts au titre de ses inexécutions contractuelles.
Dès lors, par application du texte précité, le prononcé d'une résolution judiciaire d'un contrat aux torts exclusifs d'une partie suppose la démonstration d'une inexécution avérée et d'une gravité suffisante des obligations contractuelles ; cette démonstration n'est pas rapportée par la société MAGELLAN.
Enfin, il convient de relever que la société MAGELLAN n'apporte aucun élément démontrant que les inexécutions dont elle se prévaut (et non retenues au terme de la présente décision) sont en rapport avec le montant du solde à payer à la société PROMO SPA. Cette valeur de l'inexécution alléguée ne saurait davantage se déduire du devis et de la facture émis par la société JOLY STORES.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement contesté en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société PROMO SPA et en ce qu'il a ordonné la mainlevée totale de l'inscription de nantissement sur le fonds de commerce de la SAS LE MAGELLAN étant rappelé que ce nantissement est devenu périmé.
De la même façon, la société MAGELLAN ne justifiant pas de la réalité des inexécutions contractuelles imputées à la société PROMO SPA, ni de la valeur de celles-ci au vu du montant général de ce contrat, il y a lieu de rejeter sa demande de dommages et intérêts formée à hauteur de 51.356,85€.
En l'état de ces éléments, sans qu'il y ait lieu de prononcer la résiliation du contrat, il convient au titre du principe de la force obligatoire des conventions, de condamner la société MAGELLAN à payer à la société PROMO SPA la somme due de 51.356,85€, les conditions pour que soit prononcée une résiliation du contrat aux torts de la société PROMO SPA ou qu'une exception d'inexécution soit jugée fondée n'étant pas réunies.
Sur la demande de dommages et intérêts :
La SAS PROMO SPA sollicite la condamnation de la société LE MAGELLAN au paiement de la somme de 10.000€ à titre de résistance abusive. Elle expose que cette société était débitrice d'une créance certaine, liquide et exigible dont elle ne s'est pas acquittée, manquant ainsi à ses obligations contractuelles.
Cependant, le seul refus de paiement d'une facture ne saurait en soi avoir un caractère fautif et être constitutif d'un préjudice indemnisable. En l'espèce, ce refus de paiement est intervenu dans un contexte de litige sur la bonne exécution de ses obligations par la société PROMO SPA ; si la société MAGELLAN échoue à rapporter la preuve des manquements dont elle se prévaut, il n'apparaît pas que son refus de paiement puisse être qualifié de fautif, le recours à une solution judiciaire étant apparue nécessaire pour déterminer les droits et obligations des parties en exécution du contrat litigieux.
Il convient donc de rejeter cette prétention.
Sur les demandes annexes :
Il convient d'infirmer la décision du Tribunal de commerce en ce qu'elle a condamné la société de droit italien PROMO SPA aux dépens et au paiement de la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Statut à nouveau, il convient de condamner la société LE MAGELLAN à payer à la société PROMO SPA une somme totale de 4.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement du Tribunal de commerce de NICE en date du 2 juin 2021, sauf en ce qu'il a reçu la SAS LE MAGELLAN en son opposition et a mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer du 2 octobre 2018 ;
Statuant à nouveau,
Déboute la SAS LE MAGELLAN de sa demande de résiliation judiciaire du contrat du 16 février 2016 aux torts de la société PROMO SPA ;
Condamne la SAS LE MAGELLAN à payer à la société PROMO SPA la somme de 51.356,85€ au titre du solde des sommes dues en exécution du contrat du 16 février 2016 ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Y ajoutant,
Condamne la SAS MAGELLAN à payer à la société PROMO SPA la somme de 4.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamne la SAS LE MAGELLAN aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 18 SEPTEMBRE 2025
N° 2025/
N° RG 21/11697 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH5BB
Société PROMO SPA
C/
S.A.S. LE MAGELLAN
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Joseph [Localité 1]
Me Karine TOLLINCHI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 02 Juin 2021 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 2019F00081.
APPELANTE
Société PROMO SPA
demeurant [Adresse 5]) - ITALIE
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Anaïs KORSIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE
S.A.S. LE MAGELLAN
demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Karine TOLLINCHI de la SCP SCP CHARLES TOLLINCHI - KARINE BUJOLI-TOLLINCHI AVOCATS ASSO CIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, avocat postulant et plaidant par Me Catherine OTTAWAY de la SELARL HOCHE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me OCHSENBEIN Naomi, avocat au barreau de PARIS
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Adrian CANDAU, conseiller-rapporteur chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Juillet 2025, prorogé au 18 septembre 2025.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
La SDE PROMO SPA est spécialisée dans la production, la vente et l'installation de matériaux en acier et en verre.
La SAS LE MAGELLAN exploite un restaurant sous l'enseigne « LE MAGELLAN » avec une plage privée sur la commune de [Localité 4] ;
Souhaitant installer sur la plage lui appartenant une terrasse couverte de type pergola, la SAS LE MAGELLAN a mandaté la SDE PROMO SPA afin de procéder à sa réalisation, selon le devis du 3 février 2016 fourni par la SDE PROMO SPA.
La SAS LE MAGELLAN se prévalant de l'existence de désordres importants sur l'ouvrage n'a pas réglé le solde des travaux correspondant à la facture n°81 du 4 mai 2016 d'un montant de 51.356,85€. La SDE PROMO SPA a saisi le 31 août 2018, le Président du tribunal de commerce de CANNES, par requête en injonction de payer, pour obtenir la condamnation de la SAS LE MAGELLAN à lui verser la somme de 51.356,85 € outre diverses sommes au titre des intérêts et frais.
La requête et l'ordonnance portant injonction de payer rendue par le Président du tribunal de commerce de CANNES du 2 octobre 2018 ont été signifiées à la SAS LE MAGELLAN le 27 décembre 2018.
Par courrier reçu au Greffe du tribunal de commerce de Cannes en date du 14 janvier 2019, la SAS LE MAGELLAN a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance lui enjoignant de payer à la SDE PROMO SPA la somme litigieuse de 51.356,85 € en principal, outre les dépens.
Par jugement en date du 2 juin 2021, le Tribunal de commerce de NICE :
Reçoit la SAS LE MAGELLAN en son opposition.
La déclare fondée et met à néant l'ordonnance querellée numéro 2018100740 rendue le 2 octobre 2018 par le tribunal de commerce de Cannes, pour un montant en principal de 51.356,85€.
Prononce la résiliation judicaire du contrat conclu le 3 février 2016 entre la SDE PROMO SPA et la SAS LE MAGELLAN, aux torts exclusifs de la SDE PROMO SPA, à la date du 4 mai 2016,
Déboute la SDE PROMO SPA de sa demande de paiement à hauteur de la somme de 51.356.85€ au titre de sa facture n o 81 du 4 mai 2016.
Ordonne la main levée totale de l'inscription de nantissement sur le fonds de commerce de la SAS LE MAGELLAN.
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions, en ce compris les demandes reconventionnelles.
Ordonne l'exécution provisoire.
Condamne la SDE PROMO SPA à verser à la SAS LE MAGELLAN la somme de 5.000,00€ (cinq mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamne la SDE PROMO SPA aux dépens.
Liquide les dépens de la présente instance à la somme de 76,66 € (soixante seize euros et soixante six centimes).
Par déclaration en date du 30 juillet 2021, la société PROMO SPA et formé appel de cette décision à l'encontre de la SAS LE MAGELLAN en ce qu'elle a :
- Reçu la SAS LE MAGELLAN en son opposition.
- Déclaré la SAS LE MAGELLAN fondée et met à néant l'ordonnance querellée numéro 2018100740 rendue le 2 octobre 2018 par le tribunal de commerce de Cannes, pour un montant en principal de 51.356,85 €.
- Prononcé la résiliation judicaire du contrat conclu le 3 février 2016 entre la société PROMO SPA et la SAS LE MAGELLAN, aux torts exclusifs de la société PROMO SPA, à la date du 4 mai 2016.
- Débouté la société PROMO SPA de sa demande de paiement à hauteur de la somme de 51.356.85 €, au titre de sa facture n° 81 du 4 mai 2016.
- Ordonné la main levée totale de l'inscription de nantissement sur le fonds de commerce de la SAS LE MAGELLAN.
- Débouté la société PROMO SPA de toutes ses autres demandes, fins et conclusions, en ce compris les demandes reconventionnelles.
- Ordonné l'exécution provisoire.
Condamné la société PROMO SPA à verser à la SAS LE MAGELLAN la somme de 5.000,00€ (cinq mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamné la société PROMO SPA aux dépens.
***
Par ordonnance d'incident en date du 8 septembre 2022, la magistrate de la mise en état de la chambre 1-4 de cette Cour :
CONSTATE le désistement de la SAS LE MAGELLAN tendant à voir prononcer la radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile,
DEBOUTE la société PROMO SPA de sa demande de dommages et intérêts,
DEBOUTE la société PROMO SPA et la SAS LE MAGELLAN de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,
CONDAMNE la société PROMO SPA aux dépens de l'incident.
Cette demande de radiation était fondée sur le fait que la société PROMO SPA n'avait pas justifié avoir exécuté la décision déférée portant sur la mainlevée du nantissement sur son fonds de commerce.
La magistrate de la mise en état a notamment constaté que le nantissement provisoire pris sur le fonds de commerce de la SAS LE MAGELLAN par la société PROMO SPA était périmé.
***
Les parties ont exposé leur demande ainsi qu'il suit, étant rappelé qu'au visa de l'article 455 du code de procédure civile, l'arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens :
Par ses dernières conclusions notifiées le 23 février 2022, la société PROMO SPA demande à la Cour de :
Vu les articles 122 et 233 du Code de Procédure civile ;
Vu l'article 39 de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale des marchandises (Convention de [Localité 6]) du 11 avril 1980 ;
Vu les articles 1147, 1184 et 1382 du Code civil (ancien ' applicable aux faits de l'espèce)
Vu l'article 1792-6 du Code Civil ;
Vu l'article 233 du Code de Procédure civile ;
Vu l'article 1 er alinéa 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Vu la jurisprudence ;
Vu les pièces ;
JUGER qu'une réception tacite de l'ouvrage est intervenue le 4 mai 2016.
JUGER que l'action au titre de la garantie de parfait achèvement est prescrite.
JUGER que l'exception d'inexécution fondée sur les désordres au titre de la garantie de parfait achèvement est prescrite.
JUGER que la société PROMO SPA n'a pas manqué à obligation de Conseil
JUGER que la société PROMO SPA n'a pas manqué à l'exécution de ses obligations contractuelles au titre du contrat conclu le 3 février 2016
JUGER que la société LE MAGELLAN a manqué à son obligation de paiement du solde du prix à hauteur de 51 356.85 euros
JUGER que le nantissement sur les fonds de commerce de la société LE MAGELLAN en vertu de l'ordonnance du Tribunal de Commerce de Cannes est périmée depuis le 21 avril 2021
JUGER que la société PROMO ne devait diligenter aucune demande de nantissement sur le fonds de commerce de la société LE MAGELLAN
En voie de conséquence, statuant à nouveau
INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de NICE le 2 juin 2021 en ce qu'il a :
Recu la SAS MAGELLAN en son opposition
La déclare fondée et met à néant l'ordonnance querellée numéro 2018100740 rendue le 2 octobre 2018 par le tribunal de Commerce de CANNES, pour un montant en principal de 51 356.85 euros.
Prononce la résiliation judiciaire du contrat conclu le 3 février 2016 entre la SDE PROMO SPA et la SAS MAGELLAN, aux torts exclusifs de la SDE PROMO SPA, à la date du 4 mai 2016.
Déboute la SDE PROMO SPA de sa demande de paiement à hauteur de la somme de 51 356.85 euros au titre de sa facture n o 81 du 4 mai 2016.
Ordonne la main levée totale de l'inscription de nantissement sur le fonds de commerce \*MERGEFORMATde la SAS MAGELLAN.
Déboute les parties de toutes leurs autres demandes fins et conclusions en ce compris les demandes reconventionnelles.
Ordonne l'exécution provisoire.
Condamne la SDE PROMO SPA à verser à la SAS LE MAGELLAN la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC.
Condamne la SDE PROMO SPA aux dépens.
Liquide les dépens de la présente instance à la somme de 76.66 euros. »
Sur ce, statuant à nouveau,
REJETER l'exception d'inexécution invoquée par la société LE MAGELLAN sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.
PRONONCER la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de la société LE MAGELLAN qui a cru pouvoir retenir la somme de 51.356,85€ pour un prétendu défaut de conseil et un prétendu défaut d'étanchéité ;
CONDAMNER la société LE MAGELLAN au paiement de la somme de 51 356,85 euros au titre du solde du prix restant du tel que cela résulte de sa facture n o 81 du 4 mai 2016.
DÉBOUTER la Société LE MAGELLAN de toutes ses demandes en toutes fins, moyens et prétentions qu'elles comportent ;
DÉBOUTER la société LE MAGELLAN en sa demande de radiation de l'appel interjeté par la société PROMO
CONDAMNER la Société LE MAGELLAN au paiement de 10.000€ de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
CONDAMNER la Société LE MAGELLAN au paiement de 10.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens ;
CONDAMNER la Société LE MAGELLAN aux entiers dépens ;
A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir qu'une réception tacite de la pergola a eu lieu le 4 mai 2016 et qu'en conséquence, le délai d'action sur le fondement de la garantie de parfait achèvement de l'article 1792-6 du Code civil était acquis lorsque le défaut de conformité a été dénoncé le 18 décembre 2017 ; elle conclut donc à la prescription de l'action.
Elle fait également valoir qu'elle n'a pas manqué à son obligation de conseil et d'information, notamment compte tenu de la compétence de la société LE MAGELLAN en la matière. Elle expose que la structure était parfaitement adaptée à la plage de la société LE MAGELLAN (adaptée et démontable) et qu'elle a parfaitement exécuté son obligation de livraison et de montage. Elle soutient que l'intimée se prévaut de dommages non prouvés qui ne sont pas liés à un manquement de sa part. Elle considère donc que les conditions d'exception d'inexécution et de résolution judiciaire du contrat ne sont pas réunies. Elle conclut également que la demande de radiation de l'appel pour défaut d'exécution soutenue par la société LE MAGELLAN n'est pas fondée.
La société LE MAGELLAN, par conclusions notifiées le 24 novembre 2021 demande à la Cour de :
Vu l'article 1134, 1147 et 1184 (ancien ' applicables aux faits de l'espèce) du Code civil ;
Vu le jugement du tribunal de commerce de Nice dont appel,
Vu les pièces ;
Vu les graves manquements de la société PROMO SPA dans le cadre de l'exécution de ses obligations contractuelles ;
Sous réserves des suites données à l'incident de radiation soulevé par LE MAGELLAN par conclusions signifiées devant le Conseiller de la mise en état du 15 octobre 2021, incident qui a été fixé pour être plaidé le 2 juin 2022,
- Recevoir la société LE MAGELLAN en ses conclusions, l'en dire bien fondée, et par conséquent,
- Juger que face aux manquements graves de son prestataire, la société LE MAGELLAN était fondée à opposer à la société PROMO SPA l'exception d'inexécution, puis de solliciter la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société PROMO SPA et ce, à compter de sa dernière facturation du 4 mai 2016, si bien que ce prestataire ne saurait revendiquer le paiement de la somme de 51.356,85 € ;
- Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nice le 2 juin 2021 qui a prononcé la résiliation judiciaire du contrat en date du 16 février 2016 liant les parties aux torts exclusifs de la société PROMO SPA avec ses conséquences de droit, ordonné la mainlevée totale de l'inscription de nantissement provisoire sur le fonds de commerce de la société LE MAGELLAN et condamné la société PROMO SPA à payer à la société LE MAGELLAN la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC ;
- Débouter la société PROMO SPA de toutes ses demandes en toutes fins, moyens et prétentions qu'elles comportent, en ce compris reconventionnelles ;
Subsidiairement, si par impossible la Cour ne prononçait pas la résiliation du contrat,
- Condamner la société PROMO SPA à payer à la société LE MAGELLAN la somme de 51.356,85 € à titre de dommages et intérêts au titre de ses inexécutions contractuelles,
- Confirmer également le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Nice le 2 juin 2021 qui a ordonné la mainlevée totale de l'inscription de nantissement provisoire sur le fonds de commerce de la société LE MAGELLAN et condamné la société PROMO SPA à payer à la société LE MAGELLAN la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du CPC.
En tout état de cause,
- Condamner la société PROMO SPA à verser à la société LE MAGELLAN la somme de 7.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société PROMO SPA aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Elle fait valoir en premier lieu que son action se fonde sur la responsabilité contractuelle de droit commun de sorte que le moyen d'irrecevabilité soulevé par PROMO SPA n'est pas fondé ; qu'en tout état de cause, ses demandes ne peuvent pas être considérées comme prescrites, même sur le fondement de la garantie de parfait achèvement. Elle reproche à la société PROMO SPA un manquement au titre de son devoir de conseil quant à la bonne intégration de la pergola sur cette plage et son adaptation aux contraintes et réglementations applicables ; qu'elle a subi à ce titre des désordres avérés, la structure s'étant montrée partiellement défectueuse. Elle soutient qu'en l'état de ces éléments elle est bien fondée à ne pas exécuter son obligation de paiement et à solliciter la résiliation du contrat aux torts de la société PROMO SPA ou, subsidiairement, à se voir allouer des dommages et intérêts.
L'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 28 avril 2025.
L'affaire mise en délibéré au 3 juillet 2025 a été prorogée au 18 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
En premier lieu, il convient de relever que les parties n'ont pas pris de nouvelles conclusions postérieurement à l'ordonnance d'incident du 8 septembre 2022 qui a constaté le désistement de la SAS LE MAGELLAN tendant à voir prononcer la radiation de l'affaire sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile. Les prétentions qui sont maintenues à ce titre sont donc sans objet.
Sur la demande principale :
Selon le devis daté du 16 février 2016 accepté par la SAS MAGELLAN, les parties s'étaient accordées sur une prestation de livraison et d'installation (hors maçonnerie) d'une structure en acier et de ses accessoires pour un montant total hors taxe de 150.000€ ; cette structure a été installée sur une plage privée exploitée par la société LE MAGELLAN sur la commune de [Localité 3]. Il est constant qu'en l'état des difficultés qui sont survenues suite à la pose de cet équipement, la SAS MAGELLAN a refusé de procéder au paiement d'un solde de facture d'un montant de 51.356,85€, somme qui est l'objet du litige.
Sur la réception de l'ouvrage et la prescription :
En premier lieu, la société PROMO SPA conclut à l'existence d'une réception de l'ouvrage concerné pour soutenir que les prétentions fondées sur une garantie de parfait achèvement seraient prescrites. La société MAGELLAN fonde cependant ses demandes sur le droit contractuel et non pas sur les garanties légales dues par les constructeurs. Cette dernière soutient que son action se fonde en effet sur les manquements contractuels de la société PROMO SPA à son obligation d'assistance, d'information et de conseil et non pas sur un défaut de conformité au sens de la garantie due par le constructeur. En tout état de cause, elle fait valoir que la réception dont se prévaut la société PROMO SPA n'est pas caractérisée et que le litige relève nécessairement de la responsabilité contractuelle.
Tout professionnel de la construction est tenu avant réception d'une obligation de conseil à l'égard du maître d'ouvrage. Il lui appartient en conséquence d'alerter ce dernier sur les caractéristiques et inconvénients des matériaux choisis ainsi que sur le caractère adapté de la construction à ses besoins. L'existence d'une réception est donc sans incidence sur l'éventuelle responsabilité contractuelle de l'entrepreneur pour manquement à une telle obligation.
En tout état de cause, en application des dispositions de l'article 1792-6 du Code civil :
« La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.
En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.
L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.
La garantie ne s'étend pas aux travaux nécessaires pour remédier aux effets de l'usure normale ou de l'usage ».
De façon constante, la réception est définie comme l'acte unilatéral de volonté par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage, avec ou sans les réserves. La réception ne consiste ainsi pas seulement dans la livraison de l'ouvrage, mais dans l'approbation par le maître de l'ouvrage de l'ouvrage exécuté. A cet égard, il est tout aussi constant que l'absence d'achèvement n'interdit pas la réception de l'ouvrage.
La réception peut résulter soit d'une décision expresse du maître de l'ouvrage, soit d'une attitude, d'un comportement duquel découle de manière certaine et non équivoque l'expression de sa volonté de recevoir l'ouvrage. Si aucune réception expresse n'est caractérisée, la réception de l'ouvrage peut ainsi être tacite ou être prononcée judiciairement.
En l'espèce, il doit être relevé que les travaux d'installation de la structure objet de la convention ont eu lieu en mai 2016 ; la dernière facture émise par la société PROMO SPA le 4 mai 2016 a fait l'objet d'un refus de paiement de la part de la société MAGELLAN ; il ressort du courrier adressé par la société MAGELLAN au conseil de la société PROMO SPA le 18 décembre 2017 que ce refus de paiement du solde avait été justifié par l'inadaptation de la structure et par des difficultés d'étanchéité.
Au vu de l'importance du prix du marché non soldé et de l'absence de démonstration d'une volonté non équivoque de la société MAGELLAN de recevoir cet ouvrage, les conditions pour qu'une réception tacite soit admise ne sont pas réunies.
Il n'y a donc pas lieu d'infirmer la décision au motif qu'elle n'a pas retenu de réception de l'ouvrage ; aucune prescription ne peut donc être opposée aux demandes de la société MAGELLAN.
Sur la résiliation du contrat :
Selon l'article 1184 du Code civil, dans sa version applicable à l'espèce, « la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ».
Il convient de préciser que la résolution judiciaire ne se confond pas avec l'exception d'inexécution, cette dernière n'ayant pas pour effet d'entraîner un anéantissement du contrat, mais simplement de justifier une suspension de l'exécution de son obligation en raison du non-respect de ses engagements par la partie contractante. En l'espèce, la société MAGELLAN demande à être jugée bien fondée à ne pas exécuter le paiement litigieux, mais conclut effectivement à une résiliation judiciaire (non-paiement du solde des travaux sans effet rétro actif) et à ce qu'il soit donc mis fin à la convention.
Ainsi, la société MAGELLAN conclut à la responsabilité fautive de la société PROMO SPA pour manquement de celle-ci à son obligation de conseil et d'information ; elle considère que ces manquements ont notamment conduit à l'installation d'une structure non démontable, donc non conforme à la réglementation applicable en matière d'occupation du littoral et à l'installation d'un brise soleil en bois non adapté à un bord de mer. Elle fait également part d'un défaut d'étanchéité de cette structure. Au vu de ces éléments, la société MAGELLAN considère avoir légitimement fait application d'une exception d'exécution en ne réglant pas la dernière facture émise par sa contractante, et que la résiliation du contrat avait bien lieu d'être prononcée aux torts exclusifs de la société PROMO SPA, conformément à la décision du Tribunal de commerce.
La société PROMO SPA oppose qu'elle a bien satisfait à son obligation de conseil et d'information et se prévaut du fait que la société MAGELLAN exerçant une activité d'exploitant de plage privée ne peut pas soutenir être profane en la matière. Elle soutient également que les inadaptations invoquées ne sont pas démontrées, que le caractère non démontable n'apparaît pas problématique et que l'inadaptation des matériaux n'est pas établie. De même, elle soutient que le défaut d'étanchéité de l'installation n'est pas prouvé. Elle conteste donc toute inexécution fautive et reproche à la société MAGELLAN de ne pas démontrer la réalité de ses allégations et des préjudices qu'elle invoque.
La société MAGELLAN verse aux débats un procès-verbal de constat d'huissier établi le 23 janvier 2017. Il y est fait mention de :
une irrégularité des espacements entre la structure métallique et l'habillage bois,
la présence de planches noircies en parte inférieure des piliers,
une irrégularité des découpes des planches situées en extrémité supérieure,
des planches sont tuilées avec traces de frottements noirâtres en partie inférieure du poteau,
certains stores se bloquent en fin de course.
Il est à relever que ce procès-verbal de constat met en évidence des phénomènes d'usure ou des conditions de pose imparfaites ainsi qu'un mauvais fonctionnement d'éléments mobiles (store, tablier, rideau) sans que l'origine de ces dysfonctionnements ne soit établie.
S'agissant de l'inadaptation du matériau bois utilisé pour équiper la structure, la Cour ne dispose pas des éléments permettant de caractériser un manquement de la société PROMO SPA à ce titre. En effet, la société MAGELLAN verse aux débats des extraits de documentation selon lesquelles le bois de mélèze de Sibérie, dont il n'est pas contesté qu'il s'agit de celui installé sur la structure, relève de la « classe 3 » (usage extérieur, bardages, bois exposé à une humidité fréquemment supérieure à 20%, menuiseries). Il se distingue ainsi des bois classés 4 et 5 plus adaptés à une exposition à l'humidité, voire à un contact permanent avec l'eau de mer.
A l'inverse, la société PROMO SPA verse aux débats une documentation dont elle indique qu'elle provient du site de la société JURAWOOD qui présente le mélèze de Sibérie comme un bois adapté aux usages extérieurs (sols et murs) en raison de sa résistance à l'humidité et aux intempéries (usage en terrasse et en bardages).
Ces documentations contiennent des données techniques factuelles qui, en l'absence d'analyse circonstanciée, ne peuvent qu'être insuffisantes pour apprécier le caractère adapté ou non de ce matériau à la structure vendue à la société MAGELLAN. Par la production de ces éléments purement factuels, cette dernière société ne démontre pas que l'installation d'un habillage en bois de mélèze sur la structure destinée à sa plage privée présenterait un caractère non adapté et résulterait d'un manquement à une obligation de conseil et d'information qui, sur ce point, n'aurait pas été satisfaite. Ainsi, la société MAGELLAN ne démontre pas de manquement de la société PROMO SPA à ce titre.
S'agissant des dysfonctionnements des éléments mobiles de cette structure tels qu'ils sont relevés par le procès-verbal d'huissier précité, il n'est pas davantage démontré que ceux-ci seraient imputables à une mauvaise exécution par la société PROMO SPA de ses obligations contractuelles, tant s'agissant de son obligation d'information et de conseil (la non-conformité de ces éléments à l'usage d'une plage privée n'est pas établie) qu'au titre de l'installation de la structure, puisque la cause de ces dysfonctionnements, constatés plusieurs mois après la pose des équipements, est inconnue. Les seules déclarations des personnes présentes lors du constat et reprises par l'huissier de justice selon lesquelles ces dysfonctionnements seraient la conséquence d'une pression ou d'un pincement exercé par les planches de bois ne sont corroborées par aucun élément objectif.
Quant au caractère démontable de la structure, la société MAGELLAN ne démontre pas que celle-ci n'est pas conforme à la réglementation applicable à la plage privée qu'elle exploite de sorte qu'aucune manquement ne peut être caractérisé à ce titre.
Enfin, concernant le défaut d'étanchéité de la structure, la société MAGELLAN intègre dans ses conclusions des photos d'éléments métalliques comportant des traces d'oxydation ainsi qu'un schéma indiquant l'existence de points de fuite. Elle produit également une facture de la société JOLY STORES du mois de juin 2016 pour une prestation de « fetage et toiture » et un devis qui lui a également été adressée par cette société pour une prestation d'intervention et de reprise sur « structure acier non étanchée ».
Comme précédemment, ces éléments de fait (images d'oxydation et prestations assurées par une autre société) ne permettent pas davantage de caractériser le manquement de la société PROMO SPA à ses obligations contractuelles. En l'absence de considérations circonstanciées pouvant être confrontées aux obligations du constructeur, la société MAGELLAN produit des éléments qui ne disposent pas d'une force probante suffisante pour qu'il soit fait droit à sa demande de résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de sa contractante. Elle ne caractérise pas davantage l'obligation qui pourrait être imposée à la société MAGELLAN de l'indemniser à hauteur de la somme de 51.356,85 € à titre de dommages et intérêts au titre de ses inexécutions contractuelles.
Dès lors, par application du texte précité, le prononcé d'une résolution judiciaire d'un contrat aux torts exclusifs d'une partie suppose la démonstration d'une inexécution avérée et d'une gravité suffisante des obligations contractuelles ; cette démonstration n'est pas rapportée par la société MAGELLAN.
Enfin, il convient de relever que la société MAGELLAN n'apporte aucun élément démontrant que les inexécutions dont elle se prévaut (et non retenues au terme de la présente décision) sont en rapport avec le montant du solde à payer à la société PROMO SPA. Cette valeur de l'inexécution alléguée ne saurait davantage se déduire du devis et de la facture émis par la société JOLY STORES.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement contesté en ce qu'il a prononcé la résolution judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société PROMO SPA et en ce qu'il a ordonné la mainlevée totale de l'inscription de nantissement sur le fonds de commerce de la SAS LE MAGELLAN étant rappelé que ce nantissement est devenu périmé.
De la même façon, la société MAGELLAN ne justifiant pas de la réalité des inexécutions contractuelles imputées à la société PROMO SPA, ni de la valeur de celles-ci au vu du montant général de ce contrat, il y a lieu de rejeter sa demande de dommages et intérêts formée à hauteur de 51.356,85€.
En l'état de ces éléments, sans qu'il y ait lieu de prononcer la résiliation du contrat, il convient au titre du principe de la force obligatoire des conventions, de condamner la société MAGELLAN à payer à la société PROMO SPA la somme due de 51.356,85€, les conditions pour que soit prononcée une résiliation du contrat aux torts de la société PROMO SPA ou qu'une exception d'inexécution soit jugée fondée n'étant pas réunies.
Sur la demande de dommages et intérêts :
La SAS PROMO SPA sollicite la condamnation de la société LE MAGELLAN au paiement de la somme de 10.000€ à titre de résistance abusive. Elle expose que cette société était débitrice d'une créance certaine, liquide et exigible dont elle ne s'est pas acquittée, manquant ainsi à ses obligations contractuelles.
Cependant, le seul refus de paiement d'une facture ne saurait en soi avoir un caractère fautif et être constitutif d'un préjudice indemnisable. En l'espèce, ce refus de paiement est intervenu dans un contexte de litige sur la bonne exécution de ses obligations par la société PROMO SPA ; si la société MAGELLAN échoue à rapporter la preuve des manquements dont elle se prévaut, il n'apparaît pas que son refus de paiement puisse être qualifié de fautif, le recours à une solution judiciaire étant apparue nécessaire pour déterminer les droits et obligations des parties en exécution du contrat litigieux.
Il convient donc de rejeter cette prétention.
Sur les demandes annexes :
Il convient d'infirmer la décision du Tribunal de commerce en ce qu'elle a condamné la société de droit italien PROMO SPA aux dépens et au paiement de la somme de 5.000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Statut à nouveau, il convient de condamner la société LE MAGELLAN à payer à la société PROMO SPA une somme totale de 4.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement du Tribunal de commerce de NICE en date du 2 juin 2021, sauf en ce qu'il a reçu la SAS LE MAGELLAN en son opposition et a mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer du 2 octobre 2018 ;
Statuant à nouveau,
Déboute la SAS LE MAGELLAN de sa demande de résiliation judiciaire du contrat du 16 février 2016 aux torts de la société PROMO SPA ;
Condamne la SAS LE MAGELLAN à payer à la société PROMO SPA la somme de 51.356,85€ au titre du solde des sommes dues en exécution du contrat du 16 février 2016 ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Y ajoutant,
Condamne la SAS MAGELLAN à payer à la société PROMO SPA la somme de 4.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
Condamne la SAS LE MAGELLAN aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,