CA Douai, ch. 1 sect. 1, 18 septembre 2025, n° 22/04013
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 18/09/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 22/04013 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UOMB
Jugement (N° 20/03572)
rendu le 19 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Béthune
APPELANTS
Monsieur [O] [Y]
né le 04 septembre 1989 à [Localité 11]
Madame [J] [H] épouse [Y]
née le 10 décembre 1989 à [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 4]
La SAS Pulpimo
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 5]
représentés par Me Julien Briout, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [Z] [I]
né le 09 octobre 1953 à [Localité 10]
Madame [M] [N] épouse [I]
née le 20 août 1967 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentés par Me Philippe Talleux, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 12 juin 2025, tenue par Céline Miller, magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Hélène Billières, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 24 avril 2025
****
Le 9 février 2019, M. [O] [Y] et son épouse, Mme [J] [H] (les époux [Y]), ont confié à la société par actions simplifiée Pulpimo (la société Pulpimo) un mandat de vendre un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 7] à [Localité 12] (Pas-de-[Localité 8]).
Ayant été mis en relation par la société Pulpimo, par acte sous seing privé du 2 avril 2019, les époux [Y] se sont engagés à vendre l'immeuble à M. [Z] [I] et son épouse, Mme'[M] [N] (les époux [I]), qui se sont engagés à l'acquérir moyennant un prix de 234'000'euros, entièrement financé par leurs deniers personnels.
L'acte de vente prévoyait, au titre des conditions générales, que l'immeuble devrait être pris par les acquéreurs dans l'état où il se trouvait et se trouverait encore le jour de l'entrée en jouissance et, au titre des conditions particulières, la prise en charge par les vendeurs, avant la réitération de la vente, du remplacement ou de la réparation du cumulus, le ramonage du poêle à pellets et le vidage du bac à poissons.
Par courrier du 11 avril 2019, la société Pulpimo a notifié l'acte de vente aux acquéreurs afin de leur permettre, le cas échéant, d'exercer leur faculté de rétractation.
La réitération de l'acte en la forme authentique, dont la date avait été fixée au 26 juillet 2019, n'a pas finalement eu lieu en raison du refus des acquéreurs d'y procéder.
Par acte d'huissier en date du 3 novembre 2020, la société Pulpimo et les époux [Y] ont fait assigner les époux [I] devant le tribunal judiciaire de Béthune aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire à payer aux époux [Y], à titre principal, la somme de 23 400 euros au titre de la clause pénale contractuelle, à titre subsidiaire, des dommages et intérêts au titre de l'immobilisation abusive du bien, du cumul d'un loyer avec leur prêt immobilier, de frais annexes et en réparation de leur préjudice moral et, en tout état de cause, leur condamnation à payer à la société Pulpimo la somme de 9 000 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte de sa rémunération, outre des indemnités à chacun d'eux au titre de leurs frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire du 19 mai 2022, le tribunal judiciaire de Béthune a :
- débouté les époux [Y] de l'ensemble de leurs demandes principales et subsidiaires dirigées contre les époux [I],
- débouté la société Pulpimo de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre les époux [I],
- débouté les époux [I] de leurs demandes reconventionnelles de dommages et intérêts, en réparation de leurs préjudices moral et financier, dirigées contre les époux [Y],
- dit que les époux [Y] supporteraient les entiers dépens de la procédure,
- condamné les mêmes à payer une somme de 2 000 euros aux époux [I] au titre des frais irrépétibles,
- laissé aux époux [Y] et à la société Pulpimo la charge de leurs propres frais irrépétibles.
Les époux [Y] et la société Pulpimo ont interjeté appel de ce jugement le 17 août 2022 et, aux termes de leurs dernières conclusions remises le 15 novembre 2022, demandent à la cour, au visa des articles 1103 et suivants et 1240 du code civil, de confirmer celui-ci en ce qu'il a débouté les époux [I] de leurs demandes reconventionnelles de dommages et intérêts dirigées à leur encontre mais de le réformer pour le surplus et, statuant à nouveau, de :
A titre principal,
- condamner solidairement les époux [I] à payer aux époux [Y] la somme de 23 400 euros au titre de la clause pénale prévue au compromis de vente régularisé entre les parties ;
A titre subsidiaire,
- condamner solidairement les époux [I] à payer aux époux [Y] les sommes de :
' 5 400 euros au titre de l'immobilisation abusive du bien,
' 4 860 euros au titre du cumul d'un loyer avec le prêt immobilier,
' 2 403,57 euros au titre des frais annexes,
' 8 000 euros au titre de leur préjudice moral ;
En tout état de cause :
- débouter les époux [I] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner solidairement les époux [I] à payer à la société Pulpimo les sommes de 9 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'avoir privée de son droit à commission et de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel,
- condamner solidairement les époux [I] à payer aux époux [Y] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance et de l'appel.
Ils font valoir, d'une part, que les époux [I] n'ont pas exercé leur droit de rétractation dans le délai légal et que, d'autre part, les trois conditions particulières prévues au compromis ont été parfaitement remplies, de sorte que le refus des acquéreurs de réitérer la vente en la forme authentique doit être considéré comme fautif, justifiant l'application de la clause pénale prévue au compromis de vente.
A titre subsidiaire, si la cour estimait devoir réduire le montant de la clause pénale, ils sollicitent l'indemnisation de l'entier préjudice résultant, pour les époux [Y], de l'immobilisation abusive de leur bien pendant six mois, des frais de location qu'ils ont engagés le temps de trouver un autre bien, de frais annexes (taxes foncières et d'habitation, frais bancaires, assurances) et du préjudice moral qu'ils ont subi du fait du refus fautif des époux [I] de réitérer la vente.
En tout état de cause, ils soutiennent que le refus fautif des époux [I] de réitérer la vente engage leur responsabilité délictuelle à l'égard de la société Pulpimo, ayant entraîné pour celle-ci la perte de son droit à commission.
Aux termes de leurs conclusions remises le 14 février 2023, les époux [I] demandent à la cour, au visa des articles L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, L. 243-2 du code des assurances, 1112-1, 1132 et 1133 du code civil, de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes reconventionnelles de dommages et intérêts formées à l'encontre des époux [Y] et, statuant à nouveau, de :
- condamner in solidum, ou l'un à défaut de l'autre, les époux [Y] et la société Pulpimo à leur payer la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
- condamner in solidum, ou l'un à défaut de l'autre, les époux [Y] et la société Pulpimo à leur payer la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice financier ;
En tout état de cause :
- débouter les époux [Y] et la société Pulpimo de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner in solidum, ou l'un à défaut de l'autre, les époux [Y] et la société Pulpimo aux entiers frais et dépens de l'appel et à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.
A cet effet, ils soutiennent tout d'abord que leur refus de régulariser le compromis de vente en la forme authentique était pleinement justifié dès lors que les époux [Y], en remplaçant le cumulus existant par un cumulus moins économique et en omettant de vider le bac à poissons, n'ont pas exécuté intégralement les obligations particulières mises à leur charge dans l'acte de vente.
Ils ajoutent avoir découvert après la signature de la vente que de nombreux désordres affectaient le bien vendu, que certains travaux avaient été effectués par leurs vendeurs eux-mêmes, sans assurance dommage-ouvrage, et que des travaux d'aménagement des combles avaient été réalisés sans déclaration préalable auprès de la mairie. Ils soutiennent que ces éléments n'ayant été portés à leur connaissance qu'après l'expiration du délai de rétractation, ils n'ont dès lors pas pu exercer en connaissance de cause leur droit de rétractation et que la découverte de ces informations essentielles et déterminantes de leur consentement leur a en conséquence offert un nouveau délai de rétractation. Ils ajoutent que ces éléments auraient dû figurer dans l'acte de vente ou en tout cas leur être notifiés ultérieurement afin de faire courir ce nouveau délai et qu'ils étaient, par conséquent, bien fondés à refuser de réitérer la vente, leur délai de rétractation n'ayant pas commencé à courir.
Subsidiairement, ils font valoir que les époux [Y] et la société Pulpimo ont manqué à leur devoir d'information sur des éléments dont l'importance était déterminante de leur consentement, justifiant l'annulation du compromis de vente sur le fondement des articles 1132 et 1133 du code civil. Ils ajoutent que la société Pulpimo a manqué à son devoir de conseil renforcé à leur égard.
Ils contestent tout comportement fautif de leur part en lien avec les préjudices invoqués par les époux [Y] et la société Pulpimo, considérant que leur absence de réitération de la vente ne résulte que de la faute de ces derniers.
A l'appui de leur demande de dommages et intérêts, ils font valoir que l'échec de la vente et la procédure leur ont occasionné un préjudice moral et un préjudice financier.
L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 24 avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Liminaire
Le premier juge a débouté les époux [Y] et la société Pulpimo de leurs demandes respectives tendant, pour les premiers, à la condamnation des époux [I] à leur payer le montant de la clause pénale stipulée au contrat de vente et, pour la seconde, à leur condamnation à lui payer des dommages et intérêts au titre de la perte de son droit à commission, au motif que deux des trois conditions particulières prévues dans le contrat de vente n'auraient pas été réalisées, légitimant le refus des acquéreurs de réitérer la vente en la forme authentique.
Cependant, la cour observe que les motifs du premier juge, outre qu'ils sont formulés de manière hypothétique et ne permettent pas de caractériser un manquement effectif des vendeurs aux obligations mises à leur charge dans le cadre des conditions particulières stipulées au contrat de vente, ont trait, non pas aux conditions de formation du contrat, mais à son exécution, les conditions particulières litigieuses ne s'analysant pas en des conditions suspensives, mais en des obligations particulières mises à la charge des vendeurs dans le cadre de leur obligation générale de délivrance.
Etant observé que la cour n'est pas tenue par l'ordre de présentation des moyens tel que figurant dans les écritures des parties, il convient en premier lieu d'examiner le moyen soulevé par les époux [I] relatif aux conditions d'exercice de leur droit de rétractation, aux fins tout d'abord de déterminer si le contrat a valablement été formé avant d'aborder, le cas échéant, les questions relatives à l'exécution par les parties de leurs obligations contractuelles respectives et à la mise en oeuvre de la clause pénale contractuelle.
Sur l'exercice du droit de rétractation
* Aux termes de l'article 1112-1 du code civil, 'celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. (...)/ Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. (...)'.
* L'acquéreur, non professionnel, d'un logement d'habitation, neuf ou ancien, bénéficie d'un délai de rétractation de dix jours.
L'article L.271-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018, applicable au litige, dispose ainsi que :
'Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, la souscription de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation ou la vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte.
Cet acte est notifié à l'acquéreur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes.
Lorsque l'acte est conclu par l'intermédiaire d'un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l'acte, qui doit être attestée selon des modalités fixées par décret.
Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est précédé d'un contrat préliminaire ou d'une promesse synallagmatique ou unilatérale, les dispositions figurant aux trois alinéas précédents ne s'appliquent qu'à ce contrat ou à cette promesse.
Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est dressé en la forme authentique et n'est pas précédé d'un contrat préliminaire ou d'une promesse synallagmatique ou unilatérale, l'acquéreur non professionnel dispose d'un délai de réflexion de dix jours à compter de la notification ou de la remise du projet d'acte selon les mêmes modalités que celles prévues pour le délai de rétractation mentionné aux premier et troisième alinéas. En aucun cas l'acte authentique ne peut être signé pendant ce délai de dix jours.
Les actes mentionnés au présent article indiquent, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux conditions et aux modalités d'exercice du droit de rétractation ou de réflexion. (...)' (passages soulignés par la cour).
Il est constant que la modification substantielle, intervenue après la signature de la promesse de vente ou du contrat préliminaire, des éléments sur lesquels les parties ont donné leur accord, peut justifier l'ouverture d'un nouveau délai de réflexion au profit de l'acquéreur (3ème civ., 26 septembre 2007, n°06-17-187, diffusé ; 24 novembre 2016, pourvoi n°15-19.073, diffusé).
* Par ailleurs, aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
L'article 1792-2 du même code ajoute que la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.
L'article 1792-4-1 du même code précise que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.
En vertu de l'article L.241-1du code des assurances, 'toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance. / (...)Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance.'
L'article L242-1 du même code dispose que 'toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil. (...)'
Enfin, aux termes de l'article L.243-2 du même code, 'les personnes soumises aux obligations prévues par les articles L. 241-1 à L. 242-1 du présent code doivent justifier qu'elles ont satisfait auxdites obligations./ Les justifications prévues au premier alinéa, lorsqu'elles sont relatives aux obligations prévues par les articles L. 241-1 et L. 241-2, prennent la forme d'attestations d'assurance, jointes aux devis et factures des professionnels assurés. (...). / Lorsqu'un acte intervenant avant l'expiration du délai de dix ans prévu à l'article 1792-4-1 du code civil a pour effet de transférer la propriété ou la jouissance du bien, quelle que soit la nature du contrat destiné à conférer ces droits, à l'exception toutefois des baux à loyer, mention doit être faite dans le corps de l'acte ou en annexe de l'existence ou de l'absence des assurances mentionnées au premier alinéa du présent article. L'attestation d'assurance mentionnée au deuxième alinéa y est annexée.' (Passage souligné par la cour)
Il découle de ce qui précède que la mention, dans le contrat de vente d'un bien immobilier intervenant avant l'expiration du délai de dix ans de travaux ouvrant droit à la garantie prévue aux articles 1792 et suivants du code civil, de l'existence ou de l'absence des assurances mentionnées à l'article L.243-2 susvisé, constitue l'un des éléments essentiels de nature à déterminer le consentement de l'acquéreur.
Sur ce
En l'espèce, il n'est pas contesté que les époux [I] ont bénéficié d'un délai de rétractation de dix jours à compter de la notification qui leur a été faite, par courriers recommandés reçus le 20 avril 2019, du contrat sous seing privé de vente d'immeuble conclu le 2 avril 2019 avec les époux [Y], et qu'ils n'ont pas fait usage de cette faculté.
Il résulte cependant des échanges entre les conseils respectifs des parties, versés aux débats, qu'avant la réitération de l'acte en la forme authentique, les époux [I] ont sollicité la communication, par les vendeurs, d'un certain nombre de pièces relatives à la construction de la maison, celle-ci datant de moins de dix ans, et qu'ils ont appris à cette occasion que si l'immeuble avait été construit en 2013 par un constructeur de maisons individuelles, un certain nombre de prestations, dont l'aménagement des combles et la mise en place d'une fenêtre de toit de type Vélux, de nature à engager la responsabilité décennale de leur auteur, avaient été réalisées par M.'[Y] lui-même sans qu'il soit justifié d'une déclaration préalable de travaux, ni de la souscription, par les époux [Y], de l'assurance permettant de garantir leur responsabilité décennale ou d'une assurance dommage-ouvrage.
Or le contrat de vente signé entre les parties ne comporte aucune clause mentionnant l'existence ou l'absence d'une telle assurance, alors qu'une telle mention porte sur une information de nature à déterminer le consentement des acquéreurs.
Il s'ensuit que le projet d'acte authentique, comportant cette indication essentielle non mentionnée au compromis, aggravant les risques encourus par les acquéreurs et constituant une modification substantielle du contrat préliminaire, aurait dû être notifié aux acquéreurs afin qu'ils bénéficient conformément à l'article L.271-1 du code de la construction et de l'habitation, d'un nouveau délai de réflexion de dix jours.
En l'absence de notification régulière du projet substantiellement modifié, le délai de réflexion dont ils auraient dû bénéficier n'a pas couru, de sorte que les époux [I] pouvaient, sans encourir les pénalités prévues au contrat de vente, renoncer, par courriel de leur conseil du 27 septembre 2019, réitéré par courrier officiel et motivé de celui-ci en date du 8 octobre 2019, à l'acquisition de l'immeuble des époux [Y].
Par ailleurs, l'anéantissement du contrat résultant, non pas d'une faute des acquéreurs, mais de l'exercice régulier par ceux-ci de leur faculté de rétractation, l'agence Pulpimo n'est pas fondée à obtenir leur condamnation à lui payer, sur un fondement délictuel, des dommages et intérêts en réparation de la perte de son droit à commission.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté tant les époux [Y] que la société Pulpimo de l'ensemble de leurs demandes respectives.
Sur les demandes reconventionnelles indemnitaires
Vu l'article 1112-1 du code civil et l'article L.243-2 du code des assurances, précités,
Aux termes de l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
En vertu de l'article 1231-6 du même code, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
L'article 1240 du même code dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass. Plén., 6 octobre 2006, pourvoi n°05-13.255, publié).
Il est tout aussi constant, en application de l'article 1992 du même code, que l'intermédiaire professionnel, négociateur et rédacteur d'acte, est tenu de s'assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention (1ère civ., 17 janvier 1995, pourvoi n°92-21.193 P), même à l'égard de la partie qui ne l'a pas mandaté (1ère civ., 25 novembre 1997, pourvoi n°96-12.325 P).
En l'espèce, alors que les époux [Y] ont commis une faute de nature contractuelle à l'égard des époux [I] en omettant de préciser, que ce soit avant la vente, lors des pourparlers, ou dans l'acte de vente lui-même, qu'ils n'avaient pas conclu d'assurance de responsabilité décennale ou dommage-ouvrage pour les travaux réalisés par leurs soins dans l'immeuble, l'agent immobilier a, pour sa part, manqué à son obligation d'assurer la sécurité juridique de l'acte, en omettant de s'enquérir auprès de ses mandants des travaux qu'ils avaient effectués dans les dix ans précédant la vente et des assurances souscrites par ceux-ci à cet effet, cette faute étant de nature à engager sa responsabilité délictuelle à l'égard des acquéreurs pour le préjudice qui leur a été occasionné en raison de cette faute, à l'origine de l'anéantissement de la vente.
A ce titre, si les époux [I] peuvent légitimement prétendre avoir subi un préjudice moral résultant de l'anéantissement de la vente suivie d'une procédure engagée à leur encontre, ils ne rapportent pas la preuve du préjudice financier qu'ils allèguent, ni de son lien de causalité avec les fautes des vendeurs et de l'agent immobilier.
Il convient en conséquence, et par infirmation de la décision entreprise sur ce point, de condamner in solidum les époux [Y], d'une part, et la société Pulpimo, d'autre part, coresponsables du dommage, à leur payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral, la décision étant en revanche confirmée en ce qu'elle les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts au titre de leur préjudice financier.
Sur les demandes accessoires
Les époux [Y] et la société Pulpimo, parties perdantes, seront tenus in solidum aux dépens de première instance et d'appel et à payer aux époux [I] la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais irrépétibles de première instance, outre celle de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.
Ils seront par ailleurs déboutés de leurs demandes respectives formées au même titre.
PAR CES MOTIFS
Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a :
- débouté M. [Z] [I] et son épouse, Mme'[M] [N], de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour préjudice moral formée à l'encontre de M.'[O] [Y] et de son épouse, Mme [J] [H] ;
- dit que les époux [Y] supporteraient les entiers dépens de la procédure ;
- condamné les mêmes à payer aux époux [I] la somme de 2 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles ;
La confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Condamne in solidum M. [O] [Y] et son épouse, Mme [J] [H], d'une part, et la société Pulpimo, d'autre part, à payer à M.[Z] [I] et son épouse, Mme'[M] [N], la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,
Condamne in solidum M. [O] [Y] et son épouse, Mme [J] [H], d'une part, et la société Pulpimo, d'autre part, aux entiers dépens de première instance ;
Condamne les mêmes, in solidum, à payer à M.[Z] [I] et son épouse, Mme'[M] [N], la somme de 2 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance ;
Y ajoutant
Condamne in solidum M. [O] [Y] et son épouse, Mme [J] [H], d'une part, et la société Pulpimo, d'autre part, aux entiers dépens d'appel ;
Condamne les mêmes, in solidum, à payer à M.[Z] [I] et son épouse, Mme'[M] [N], la somme de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;
Déboute les mêmes de leurs demandes formées au même titre.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Samuel Vitse
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 18/09/2025
****
N° de MINUTE :
N° RG 22/04013 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UOMB
Jugement (N° 20/03572)
rendu le 19 mai 2022 par le tribunal judiciaire de Béthune
APPELANTS
Monsieur [O] [Y]
né le 04 septembre 1989 à [Localité 11]
Madame [J] [H] épouse [Y]
née le 10 décembre 1989 à [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 4]
La SAS Pulpimo
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 5]
représentés par Me Julien Briout, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [Z] [I]
né le 09 octobre 1953 à [Localité 10]
Madame [M] [N] épouse [I]
née le 20 août 1967 à [Localité 11]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentés par Me Philippe Talleux, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 12 juin 2025, tenue par Céline Miller, magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Samuel Vitse, président de chambre
Céline Miller, conseiller
Hélène Billières, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé par mise à disposition au greffe le 18 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 24 avril 2025
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Le 9 février 2019, M. [O] [Y] et son épouse, Mme [J] [H] (les époux [Y]), ont confié à la société par actions simplifiée Pulpimo (la société Pulpimo) un mandat de vendre un immeuble à usage d'habitation situé [Adresse 7] à [Localité 12] (Pas-de-[Localité 8]).
Ayant été mis en relation par la société Pulpimo, par acte sous seing privé du 2 avril 2019, les époux [Y] se sont engagés à vendre l'immeuble à M. [Z] [I] et son épouse, Mme'[M] [N] (les époux [I]), qui se sont engagés à l'acquérir moyennant un prix de 234'000'euros, entièrement financé par leurs deniers personnels.
L'acte de vente prévoyait, au titre des conditions générales, que l'immeuble devrait être pris par les acquéreurs dans l'état où il se trouvait et se trouverait encore le jour de l'entrée en jouissance et, au titre des conditions particulières, la prise en charge par les vendeurs, avant la réitération de la vente, du remplacement ou de la réparation du cumulus, le ramonage du poêle à pellets et le vidage du bac à poissons.
Par courrier du 11 avril 2019, la société Pulpimo a notifié l'acte de vente aux acquéreurs afin de leur permettre, le cas échéant, d'exercer leur faculté de rétractation.
La réitération de l'acte en la forme authentique, dont la date avait été fixée au 26 juillet 2019, n'a pas finalement eu lieu en raison du refus des acquéreurs d'y procéder.
Par acte d'huissier en date du 3 novembre 2020, la société Pulpimo et les époux [Y] ont fait assigner les époux [I] devant le tribunal judiciaire de Béthune aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire à payer aux époux [Y], à titre principal, la somme de 23 400 euros au titre de la clause pénale contractuelle, à titre subsidiaire, des dommages et intérêts au titre de l'immobilisation abusive du bien, du cumul d'un loyer avec leur prêt immobilier, de frais annexes et en réparation de leur préjudice moral et, en tout état de cause, leur condamnation à payer à la société Pulpimo la somme de 9 000 euros de dommages et intérêts en réparation de la perte de sa rémunération, outre des indemnités à chacun d'eux au titre de leurs frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire du 19 mai 2022, le tribunal judiciaire de Béthune a :
- débouté les époux [Y] de l'ensemble de leurs demandes principales et subsidiaires dirigées contre les époux [I],
- débouté la société Pulpimo de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre les époux [I],
- débouté les époux [I] de leurs demandes reconventionnelles de dommages et intérêts, en réparation de leurs préjudices moral et financier, dirigées contre les époux [Y],
- dit que les époux [Y] supporteraient les entiers dépens de la procédure,
- condamné les mêmes à payer une somme de 2 000 euros aux époux [I] au titre des frais irrépétibles,
- laissé aux époux [Y] et à la société Pulpimo la charge de leurs propres frais irrépétibles.
Les époux [Y] et la société Pulpimo ont interjeté appel de ce jugement le 17 août 2022 et, aux termes de leurs dernières conclusions remises le 15 novembre 2022, demandent à la cour, au visa des articles 1103 et suivants et 1240 du code civil, de confirmer celui-ci en ce qu'il a débouté les époux [I] de leurs demandes reconventionnelles de dommages et intérêts dirigées à leur encontre mais de le réformer pour le surplus et, statuant à nouveau, de :
A titre principal,
- condamner solidairement les époux [I] à payer aux époux [Y] la somme de 23 400 euros au titre de la clause pénale prévue au compromis de vente régularisé entre les parties ;
A titre subsidiaire,
- condamner solidairement les époux [I] à payer aux époux [Y] les sommes de :
' 5 400 euros au titre de l'immobilisation abusive du bien,
' 4 860 euros au titre du cumul d'un loyer avec le prêt immobilier,
' 2 403,57 euros au titre des frais annexes,
' 8 000 euros au titre de leur préjudice moral ;
En tout état de cause :
- débouter les époux [I] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner solidairement les époux [I] à payer à la société Pulpimo les sommes de 9 000 euros à titre de dommages et intérêts pour l'avoir privée de son droit à commission et de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel,
- condamner solidairement les époux [I] à payer aux époux [Y] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance et de l'appel.
Ils font valoir, d'une part, que les époux [I] n'ont pas exercé leur droit de rétractation dans le délai légal et que, d'autre part, les trois conditions particulières prévues au compromis ont été parfaitement remplies, de sorte que le refus des acquéreurs de réitérer la vente en la forme authentique doit être considéré comme fautif, justifiant l'application de la clause pénale prévue au compromis de vente.
A titre subsidiaire, si la cour estimait devoir réduire le montant de la clause pénale, ils sollicitent l'indemnisation de l'entier préjudice résultant, pour les époux [Y], de l'immobilisation abusive de leur bien pendant six mois, des frais de location qu'ils ont engagés le temps de trouver un autre bien, de frais annexes (taxes foncières et d'habitation, frais bancaires, assurances) et du préjudice moral qu'ils ont subi du fait du refus fautif des époux [I] de réitérer la vente.
En tout état de cause, ils soutiennent que le refus fautif des époux [I] de réitérer la vente engage leur responsabilité délictuelle à l'égard de la société Pulpimo, ayant entraîné pour celle-ci la perte de son droit à commission.
Aux termes de leurs conclusions remises le 14 février 2023, les époux [I] demandent à la cour, au visa des articles L. 271-1 du code de la construction et de l'habitation, L. 243-2 du code des assurances, 1112-1, 1132 et 1133 du code civil, de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes reconventionnelles de dommages et intérêts formées à l'encontre des époux [Y] et, statuant à nouveau, de :
- condamner in solidum, ou l'un à défaut de l'autre, les époux [Y] et la société Pulpimo à leur payer la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
- condamner in solidum, ou l'un à défaut de l'autre, les époux [Y] et la société Pulpimo à leur payer la somme de 5 000 euros en réparation de leur préjudice financier ;
En tout état de cause :
- débouter les époux [Y] et la société Pulpimo de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- condamner in solidum, ou l'un à défaut de l'autre, les époux [Y] et la société Pulpimo aux entiers frais et dépens de l'appel et à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.
A cet effet, ils soutiennent tout d'abord que leur refus de régulariser le compromis de vente en la forme authentique était pleinement justifié dès lors que les époux [Y], en remplaçant le cumulus existant par un cumulus moins économique et en omettant de vider le bac à poissons, n'ont pas exécuté intégralement les obligations particulières mises à leur charge dans l'acte de vente.
Ils ajoutent avoir découvert après la signature de la vente que de nombreux désordres affectaient le bien vendu, que certains travaux avaient été effectués par leurs vendeurs eux-mêmes, sans assurance dommage-ouvrage, et que des travaux d'aménagement des combles avaient été réalisés sans déclaration préalable auprès de la mairie. Ils soutiennent que ces éléments n'ayant été portés à leur connaissance qu'après l'expiration du délai de rétractation, ils n'ont dès lors pas pu exercer en connaissance de cause leur droit de rétractation et que la découverte de ces informations essentielles et déterminantes de leur consentement leur a en conséquence offert un nouveau délai de rétractation. Ils ajoutent que ces éléments auraient dû figurer dans l'acte de vente ou en tout cas leur être notifiés ultérieurement afin de faire courir ce nouveau délai et qu'ils étaient, par conséquent, bien fondés à refuser de réitérer la vente, leur délai de rétractation n'ayant pas commencé à courir.
Subsidiairement, ils font valoir que les époux [Y] et la société Pulpimo ont manqué à leur devoir d'information sur des éléments dont l'importance était déterminante de leur consentement, justifiant l'annulation du compromis de vente sur le fondement des articles 1132 et 1133 du code civil. Ils ajoutent que la société Pulpimo a manqué à son devoir de conseil renforcé à leur égard.
Ils contestent tout comportement fautif de leur part en lien avec les préjudices invoqués par les époux [Y] et la société Pulpimo, considérant que leur absence de réitération de la vente ne résulte que de la faute de ces derniers.
A l'appui de leur demande de dommages et intérêts, ils font valoir que l'échec de la vente et la procédure leur ont occasionné un préjudice moral et un préjudice financier.
L'ordonnance de clôture de la mise en état a été rendue le 24 avril 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Liminaire
Le premier juge a débouté les époux [Y] et la société Pulpimo de leurs demandes respectives tendant, pour les premiers, à la condamnation des époux [I] à leur payer le montant de la clause pénale stipulée au contrat de vente et, pour la seconde, à leur condamnation à lui payer des dommages et intérêts au titre de la perte de son droit à commission, au motif que deux des trois conditions particulières prévues dans le contrat de vente n'auraient pas été réalisées, légitimant le refus des acquéreurs de réitérer la vente en la forme authentique.
Cependant, la cour observe que les motifs du premier juge, outre qu'ils sont formulés de manière hypothétique et ne permettent pas de caractériser un manquement effectif des vendeurs aux obligations mises à leur charge dans le cadre des conditions particulières stipulées au contrat de vente, ont trait, non pas aux conditions de formation du contrat, mais à son exécution, les conditions particulières litigieuses ne s'analysant pas en des conditions suspensives, mais en des obligations particulières mises à la charge des vendeurs dans le cadre de leur obligation générale de délivrance.
Etant observé que la cour n'est pas tenue par l'ordre de présentation des moyens tel que figurant dans les écritures des parties, il convient en premier lieu d'examiner le moyen soulevé par les époux [I] relatif aux conditions d'exercice de leur droit de rétractation, aux fins tout d'abord de déterminer si le contrat a valablement été formé avant d'aborder, le cas échéant, les questions relatives à l'exécution par les parties de leurs obligations contractuelles respectives et à la mise en oeuvre de la clause pénale contractuelle.
Sur l'exercice du droit de rétractation
* Aux termes de l'article 1112-1 du code civil, 'celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. (...)/ Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. (...)'.
* L'acquéreur, non professionnel, d'un logement d'habitation, neuf ou ancien, bénéficie d'un délai de rétractation de dix jours.
L'article L.271-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction issue de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018, applicable au litige, dispose ainsi que :
'Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'un immeuble à usage d'habitation, la souscription de parts donnant vocation à l'attribution en jouissance ou en propriété d'immeubles d'habitation ou la vente d'immeubles à construire ou de location-accession à la propriété immobilière, l'acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l'acte.
Cet acte est notifié à l'acquéreur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est exercée dans ces mêmes formes.
Lorsque l'acte est conclu par l'intermédiaire d'un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l'acte, qui doit être attestée selon des modalités fixées par décret.
Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est précédé d'un contrat préliminaire ou d'une promesse synallagmatique ou unilatérale, les dispositions figurant aux trois alinéas précédents ne s'appliquent qu'à ce contrat ou à cette promesse.
Lorsque le contrat constatant ou réalisant la convention est dressé en la forme authentique et n'est pas précédé d'un contrat préliminaire ou d'une promesse synallagmatique ou unilatérale, l'acquéreur non professionnel dispose d'un délai de réflexion de dix jours à compter de la notification ou de la remise du projet d'acte selon les mêmes modalités que celles prévues pour le délai de rétractation mentionné aux premier et troisième alinéas. En aucun cas l'acte authentique ne peut être signé pendant ce délai de dix jours.
Les actes mentionnés au présent article indiquent, de manière lisible et compréhensible, les informations relatives aux conditions et aux modalités d'exercice du droit de rétractation ou de réflexion. (...)' (passages soulignés par la cour).
Il est constant que la modification substantielle, intervenue après la signature de la promesse de vente ou du contrat préliminaire, des éléments sur lesquels les parties ont donné leur accord, peut justifier l'ouverture d'un nouveau délai de réflexion au profit de l'acquéreur (3ème civ., 26 septembre 2007, n°06-17-187, diffusé ; 24 novembre 2016, pourvoi n°15-19.073, diffusé).
* Par ailleurs, aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
L'article 1792-2 du même code ajoute que la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.
L'article 1792-4-1 du même code précise que toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.
En vertu de l'article L.241-1du code des assurances, 'toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance. / (...)Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance.'
L'article L242-1 du même code dispose que 'toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil. (...)'
Enfin, aux termes de l'article L.243-2 du même code, 'les personnes soumises aux obligations prévues par les articles L. 241-1 à L. 242-1 du présent code doivent justifier qu'elles ont satisfait auxdites obligations./ Les justifications prévues au premier alinéa, lorsqu'elles sont relatives aux obligations prévues par les articles L. 241-1 et L. 241-2, prennent la forme d'attestations d'assurance, jointes aux devis et factures des professionnels assurés. (...). / Lorsqu'un acte intervenant avant l'expiration du délai de dix ans prévu à l'article 1792-4-1 du code civil a pour effet de transférer la propriété ou la jouissance du bien, quelle que soit la nature du contrat destiné à conférer ces droits, à l'exception toutefois des baux à loyer, mention doit être faite dans le corps de l'acte ou en annexe de l'existence ou de l'absence des assurances mentionnées au premier alinéa du présent article. L'attestation d'assurance mentionnée au deuxième alinéa y est annexée.' (Passage souligné par la cour)
Il découle de ce qui précède que la mention, dans le contrat de vente d'un bien immobilier intervenant avant l'expiration du délai de dix ans de travaux ouvrant droit à la garantie prévue aux articles 1792 et suivants du code civil, de l'existence ou de l'absence des assurances mentionnées à l'article L.243-2 susvisé, constitue l'un des éléments essentiels de nature à déterminer le consentement de l'acquéreur.
Sur ce
En l'espèce, il n'est pas contesté que les époux [I] ont bénéficié d'un délai de rétractation de dix jours à compter de la notification qui leur a été faite, par courriers recommandés reçus le 20 avril 2019, du contrat sous seing privé de vente d'immeuble conclu le 2 avril 2019 avec les époux [Y], et qu'ils n'ont pas fait usage de cette faculté.
Il résulte cependant des échanges entre les conseils respectifs des parties, versés aux débats, qu'avant la réitération de l'acte en la forme authentique, les époux [I] ont sollicité la communication, par les vendeurs, d'un certain nombre de pièces relatives à la construction de la maison, celle-ci datant de moins de dix ans, et qu'ils ont appris à cette occasion que si l'immeuble avait été construit en 2013 par un constructeur de maisons individuelles, un certain nombre de prestations, dont l'aménagement des combles et la mise en place d'une fenêtre de toit de type Vélux, de nature à engager la responsabilité décennale de leur auteur, avaient été réalisées par M.'[Y] lui-même sans qu'il soit justifié d'une déclaration préalable de travaux, ni de la souscription, par les époux [Y], de l'assurance permettant de garantir leur responsabilité décennale ou d'une assurance dommage-ouvrage.
Or le contrat de vente signé entre les parties ne comporte aucune clause mentionnant l'existence ou l'absence d'une telle assurance, alors qu'une telle mention porte sur une information de nature à déterminer le consentement des acquéreurs.
Il s'ensuit que le projet d'acte authentique, comportant cette indication essentielle non mentionnée au compromis, aggravant les risques encourus par les acquéreurs et constituant une modification substantielle du contrat préliminaire, aurait dû être notifié aux acquéreurs afin qu'ils bénéficient conformément à l'article L.271-1 du code de la construction et de l'habitation, d'un nouveau délai de réflexion de dix jours.
En l'absence de notification régulière du projet substantiellement modifié, le délai de réflexion dont ils auraient dû bénéficier n'a pas couru, de sorte que les époux [I] pouvaient, sans encourir les pénalités prévues au contrat de vente, renoncer, par courriel de leur conseil du 27 septembre 2019, réitéré par courrier officiel et motivé de celui-ci en date du 8 octobre 2019, à l'acquisition de l'immeuble des époux [Y].
Par ailleurs, l'anéantissement du contrat résultant, non pas d'une faute des acquéreurs, mais de l'exercice régulier par ceux-ci de leur faculté de rétractation, l'agence Pulpimo n'est pas fondée à obtenir leur condamnation à lui payer, sur un fondement délictuel, des dommages et intérêts en réparation de la perte de son droit à commission.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté tant les époux [Y] que la société Pulpimo de l'ensemble de leurs demandes respectives.
Sur les demandes reconventionnelles indemnitaires
Vu l'article 1112-1 du code civil et l'article L.243-2 du code des assurances, précités,
Aux termes de l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
En vertu de l'article 1231-6 du même code, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
L'article 1240 du même code dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Il est constant que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage (Ass. Plén., 6 octobre 2006, pourvoi n°05-13.255, publié).
Il est tout aussi constant, en application de l'article 1992 du même code, que l'intermédiaire professionnel, négociateur et rédacteur d'acte, est tenu de s'assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention (1ère civ., 17 janvier 1995, pourvoi n°92-21.193 P), même à l'égard de la partie qui ne l'a pas mandaté (1ère civ., 25 novembre 1997, pourvoi n°96-12.325 P).
En l'espèce, alors que les époux [Y] ont commis une faute de nature contractuelle à l'égard des époux [I] en omettant de préciser, que ce soit avant la vente, lors des pourparlers, ou dans l'acte de vente lui-même, qu'ils n'avaient pas conclu d'assurance de responsabilité décennale ou dommage-ouvrage pour les travaux réalisés par leurs soins dans l'immeuble, l'agent immobilier a, pour sa part, manqué à son obligation d'assurer la sécurité juridique de l'acte, en omettant de s'enquérir auprès de ses mandants des travaux qu'ils avaient effectués dans les dix ans précédant la vente et des assurances souscrites par ceux-ci à cet effet, cette faute étant de nature à engager sa responsabilité délictuelle à l'égard des acquéreurs pour le préjudice qui leur a été occasionné en raison de cette faute, à l'origine de l'anéantissement de la vente.
A ce titre, si les époux [I] peuvent légitimement prétendre avoir subi un préjudice moral résultant de l'anéantissement de la vente suivie d'une procédure engagée à leur encontre, ils ne rapportent pas la preuve du préjudice financier qu'ils allèguent, ni de son lien de causalité avec les fautes des vendeurs et de l'agent immobilier.
Il convient en conséquence, et par infirmation de la décision entreprise sur ce point, de condamner in solidum les époux [Y], d'une part, et la société Pulpimo, d'autre part, coresponsables du dommage, à leur payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral, la décision étant en revanche confirmée en ce qu'elle les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts au titre de leur préjudice financier.
Sur les demandes accessoires
Les époux [Y] et la société Pulpimo, parties perdantes, seront tenus in solidum aux dépens de première instance et d'appel et à payer aux époux [I] la somme de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de leurs frais irrépétibles de première instance, outre celle de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.
Ils seront par ailleurs déboutés de leurs demandes respectives formées au même titre.
PAR CES MOTIFS
Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a :
- débouté M. [Z] [I] et son épouse, Mme'[M] [N], de leur demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour préjudice moral formée à l'encontre de M.'[O] [Y] et de son épouse, Mme [J] [H] ;
- dit que les époux [Y] supporteraient les entiers dépens de la procédure ;
- condamné les mêmes à payer aux époux [I] la somme de 2 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles ;
La confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Condamne in solidum M. [O] [Y] et son épouse, Mme [J] [H], d'une part, et la société Pulpimo, d'autre part, à payer à M.[Z] [I] et son épouse, Mme'[M] [N], la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral,
Condamne in solidum M. [O] [Y] et son épouse, Mme [J] [H], d'une part, et la société Pulpimo, d'autre part, aux entiers dépens de première instance ;
Condamne les mêmes, in solidum, à payer à M.[Z] [I] et son épouse, Mme'[M] [N], la somme de 2 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de première instance ;
Y ajoutant
Condamne in solidum M. [O] [Y] et son épouse, Mme [J] [H], d'une part, et la société Pulpimo, d'autre part, aux entiers dépens d'appel ;
Condamne les mêmes, in solidum, à payer à M.[Z] [I] et son épouse, Mme'[M] [N], la somme de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;
Déboute les mêmes de leurs demandes formées au même titre.
Le greffier
Delphine Verhaeghe
Le président
Samuel Vitse