Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-3, 19 septembre 2025, n° 21/02794

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/02794

19 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-3

ARRÊT AU FOND

DU 19 SEPTEMBRE 2025

N° 2025/169

Rôle N° RG 21/02794 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BG77J

S.C.I. SAINT [Adresse 6]

C/

S.A.S. BDR & ASSOCIÉS

S.A.S. [W]

S.A.S. SINCOBA

S.A.M.C.V. SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TR AVAUX PUBLICS (SMABTP)*

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean-Raphaël DEMARCHI

Me Joseph MAGNAN

Me Elie MUSACCHIA

Me Françoise BOULAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du tribunal judiciaire de NICE en date du 26 janvier 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 16/03171.

APPELANTE

S.C.I. SAINT ANDRE LA VALLIERE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

sis [Adresse 1]

représentée par Me Jean-Raphaël DEMARCHI de la SELARL CABINET DEMARCHI AVOCATS, avocat au barreau de NICE

INTIMÉES

S.A.S. SINCOBA prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

sis [Adresse 3]

S.A.S. BDR & ASSOCIÉS prise en la personne de Maître [R] [L], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS SINCOBA

sise [Adresse 2]

Intervenante forcée

représentées par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Anaïs KORSIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assistées de Me Benjamin DERSY de la SARL CINERSY, avocat au barreau de NICE substitué par Me Florence PAULUS, avocat au barreau de NICE

S.A.S. [W] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

sis [Adresse 4]

représentée par Me Elie MUSACCHIA, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assistée de Me Jean-Louis DEPLANO de l'ASSOCIATION DEMES, avocat au barreau de NICE

Société MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLIC - SMABTP prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

sis [Adresse 5]

représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL LX AIX EN PROVENCE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Rachid CHENIGUER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et assistée de Me Nathalie PUJOL, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Béatrice MARS, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marianne FEBVRE, présidente,

Madame Béatrice MARS, conseillère rapporteure,

Madame Florence TANGUY, conseillère.

Greffier lors des débats : Mme Flavie DRILHON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2025.

Signé par Marianne FEBVRE, présidente et Flavie DRILHON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société Saint André La Vallière a confié à la société [W] un marché de travaux, selon devis accepté du 30 juillet 2013, pour un montant de 98 439,61 euros TTC, consistant à aménager un parking de surface de 40 places avec un escalier d'accès au parking sur une dalle existante au sein de la commune de [Localité 7].

La phase de conception a été confiée à la société Sincoba.

La mission de vérification de la structure existante à la société Best Ingenierie.

Se plaignant d'infiltrations, la société Saint André La Vallière a assigné les sociétés [W] et Sincoba devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nice aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise.

Par ordonnance en date du 20 mai 2014, le juge des référés a ordonné une expertise confiée à M. [F], remplacé par M. [P].

Les opérations d'expertise ont été déclarées communes à la SMABTP, assureur de la société [W], par ordonnance du 28 mai 2015.

L'expert a déposé son rapport le 16 février 2016.

Par actes des 26, 27 et 30 mai 2016, la société Saint André La Vallière a assigné les sociétés [W], Sincoba et la SMABTP aux fins de voir réparer ses préjudices.

Par ordonnance du 9 avril 2018, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nice a débouté la société Saint André La Vallière de sa demande de provision.

Par jugement du 26 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Nice a':

- déclaré recevable l'action de la SCI Saint André La Vallière';

- débouté la SCI Saint André La Vallière prise en la personne de son représentant légal de l'ensemble de ses demandes';

- condamné la SCI Saint André La Vallière à payer à la SAS [W] la somme de 67 830,43 euros correspondant au solde de la créance avec intérêts au taux légal à compter du jugement';

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154 du code civil';

- ordonné le prononcé de l'exécution provisoire';

- débouté la SCI Saint André La Vallière, la SMABTP, la SAS Sincoba et la SAS [W] de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamné la SCI Saint André La Vallière aux dépens qui pourront être distraits conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Saint André La Vallière a relevé appel de cette décision le 23 février 2021.

Vu les dernières conclusions de la société Saint André La Vallière, notifiées par voie électronique le 12 septembre 2023, aux termes desquelles il est demandé à la cour de':

- infirmer le jugement dont appel,

Et statuant de nouveau,

A titre principal, sur le fondement contractuel,

- juger que les sociétés Sincoba et [W] sont entièrement responsables des dommages et autres préjudices subis par la SCI Saint André La Vallière aux visas des anciens articles 1134 et 1147 du code civil,

- débouter les sociétés Sincoba, [W] et la SMABTP de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions après les avoir jugées irrecevables et en tout état de cause mal fondées,

A titre subsidiaire, sur le fondement décennal,

- juger que les sociétés Sincoba et [W] sont entièrement responsables des dommages et autres préjudices subis par la SCI appelante au visa de la responsabilité de plein droit définie par les articles 1792 et suivants du code civil,

- débouter les sociétés Sincoba, [W] et la SMABTP de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions après les avoir jugées irrecevables et en tout état de cause mal fondées,

En tout état de cause et dans les deux hypothèses, condamnations à réparer les dommages et les préjudices subis,

- condamner solidairement dans leur rapport entre assuré et assureur, aux visas des articles 1310 et 1313 du code civil, [W] et son assureur la SMABTP à payer à la société Saint André La Vallière la somme de 294 852,95 euros TTC représentant le coût du devis de la SMAC déduction faite de 67'830,43 euros (chiffrage de M. [P]), pour la réalisation des travaux de réfection du parking,

- fixer la somme de 294 852,95 euros TTC représentant le coût du devis de la SMAC déduction faite de 67'830,43 euros (chiffrage de M. [P]), au passif de la société Sincoba, en liquidation judiciaire et au profit de la SCI concluante,

- juger que le montant de la condamnation prononcée au titre des travaux de reprise sera indexé sur l'indice du coût de la construction BT 01 à compter du 14/02/2014 (date de leur assignation en référé) et produira intérêt au taux légal à compter de la signification de la décision avec capitalisation des intérêts jusqu'au paiement,

- débouter les sociétés Sincoba, [W] et la SMABTP de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions après les avoir jugées irrecevables et, en tout état de cause, mal fondées,

- condamner solidairement dans leur rapport entre assuré et assureur, aux visas des articles 1310 et 1313 du code civil, [W] et son assureur la SMABTP à payer à la société Saint André La Vallière les sommes suivantes :

- 167 104,24 euros HT représentant le préjudice financier et locatif selon décompte arrêté à la date des présentes conclusions et somme à parfaire au jour de la décision à intervenir,

- 26 257,15 euros représentant la perte d'exploitation du locataire « Us Advance »,

- fixer au passif de la société Sincoba, en liquidation judiciaire et au profit de la SCI concluante, les sommes suivantes :

- 167 104,24 euros HT représentant le préjudice financier et locatif selon décompte arrêté à la date des présentes conclusions et somme à parfaire au jour de la décision à intervenir,

- 26 257,15 euros représentant la perte d'exploitation du locataire « US Advance », coût des travaux d'embellissement des 3 locaux commerciaux,

- condamner solidairement dans leur rapport entre assuré et assureur, aux visas des articles 1310 et 1313 du code civil, [W] et son assureur la SMABTP à payer à la société Saint André La Vallière 12 000 euros, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir, représentant le coût des travaux de remise en état des trois locaux commerciaux dégradés par les infiltrations dont la cause et l'origine est l'ouvrage réalisé,

- fixer au passif de la société Sincoba, en liquidation judiciaire et au profit de la SCI concluante, 12'000 euros, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir, représentant le coût des travaux de remise en état des trois locaux commerciaux dégradés par les infiltrations dont la cause et l'origine est l'ouvrage réalisé,

- fixer au passif de la société Sincoba, en liquidation judiciaire et au profit de la SCI concluante, les sommes suivantes : 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC (1 ère instance et cause d'appel) et les entiers frais et dépens de l'instance (référés et fond en ce compris le coût de l'expertise judiciaire selon ordonnance de taxe), distraits au profit de Maître Demarchi, avocat aux offres de droit par application de l'article 699 du CPC,

Vu les dernières conclusions de la société [W], notifiées par voie électronique le 9 novembre 2023, aux termes desquelles il est demandé à la cour de':

- confirmer le jugement rendu le 26 janvier 2021 et débouter la SCI de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société [W],

Subsidiairement,

- débouter la SCI de sa demande reposant sur un préjudice locatif non prouvé,

- condamner la SMABTP à relever et garantir la société [W] de l'intégralité des condamnations en principal, intérêts et frais éventuellement prononcées à son encontre,

En tout état de cause,

- confirmer le jugement rendu le 26 janvier 2021 concernant la condamnation prononcée au profit de la société [W],

- condamner tout succombant au paiement d'une somme de 5'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Vu les dernières conclusions de la société Sincoba et de la société BDR & Associés ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sincoba, notifiées par voie électronique le 18 mars 2025 aux termes desquelles il est demandé à la cour de':

Sur la liquidation judiciaire de la société Sincoba,

- accueillir et juger recevable l'intervention volontaire de Maitre [R] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sincoba,

- juger qu'aucune créance n'a été déclarée au mandataire judiciaire dans un délai de 2 mois à compter du placement en liquidation judiciaire de la société Sincoba,

En conséquence,

- débouter la SCI Saint André La Vallière de sa demande d'inscription d'éventuelles condamnations au passif de la société Sincoba,

Sur l'appel de la SCI Saint André La Vallière,

- juger que le fondement décennal est exclusif de la responsabilité contractuelle,

- dire et juger qu'en présentant à titre principal les demandes sur un fondement contractuel et subsidiairement sur un fondement décennal, la SCI Saint André La Vallière exclut de fait l'application de la responsabilité contractuelle,

En conséquence,

- rejeter ses demandes,

A titre principal,

- confirmer le jugement dont appel,

- dire et juger que l'expert judiciaire n'a pas rempli sa mission, refusant d'effectuer les investigations qui lui auraient permis de déterminer les causes des désordres,

- dire et juger que la SAS Sincoba était en charge d'une mission limitée à la conception de l'ouvrage,

- dire et juger que la SCI Saint André La Vallière, maître d'ouvrage s'est immiscé dans la réalisation des travaux,

- dire et juger que la société [W] a livré un ouvrage empreint de défauts d'exécutions de la société [W],

- dire et juger que les désordres allégués ne résultent pas de la mission de conception confiée à la SAS Sincoba,

En conséquence,

- débouter la SCI Saint André La Vallière de ses demandes formulées à l'encontre de la SAS Sincoba et Maitre [R] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sincoba,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que les préjudices allégués par la SCI Saint André La Vallière ne sont pas démontrés,

En conséquence,

- débouter la SCI Saint André La Vallière de ses demandes formulées à l'encontre de la SAS Sincoba et Maître [R] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sincoba,

En tout état de cause, si la cour faisait droit aux demandes de la SCI Saint André La Vallière,

- dire et juger que les concluantes seront relevées et garanties in solidum par la SAS [W], son assureur, la SMABTP et la SCI Saint André La Vallière,

- condamner tout succombant à verser à Maître [R] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sincoba la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Me Joseph Magnan, avocat aux offres de droit,

Vu les dernières conclusions de la SMABTP, notifiées par voie électronique le 29 novembre 2023, aux termes desquelles il est demandé à la cour de':

- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté la SCI Saint André La Vallière de toutes ses demandes,

A titre subsidiaire,

- mettre hors de cause la SMABTP,

A titre très subsidiaire,

- juger que l'indemnité au titre de la réparation du préjudice matériel sera limitée à la somme de 26'333,57 euros TTC portant compensation avec le solde du marché non réglé par le maître d'ouvrage et ce faisant écarter des débats le devis Sud Route, non soumis à l'expert judiciaire,

- ramener à de plus justes proportions l'indemnisation du préjudice immatériel allégué par la SCI Saint André La Vallière,

- juger opposable la franchise contractuelle à hauteur de 1'008 euros à la SCI Saint André La Vallière, s'agissant d'une garantie facultative,

- rejeter les demandes de la SAS Sincoba ou de tout autre intervenant en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la SMABTP,

- condamner la SCI Saint André La Vallière ou tout autre succombant au paiement de la somme de 3'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance distraits au profit de Maître Boulan, avocat au barreau d'Aix en Provence, sur sa due affirmation de droit.

L'ordonnance de clôture est en date du 25 mars 2025.

A l'audience du 23 mai 2025 les parties ont été avisées de ce que l'affaire était mise en délibéré au 19 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION':

- Sur les responsabilités':

La société Saint André La Vallière recherche la responsabilité des sociétés Sincoba et [W] à titre principal sur le fondement contractuel, invoquant les fautes commises tant au niveau de la conception que de l'exécution de l'ouvrage et à titre subsidiaire sur le fondement décennal.

Les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité de droit commun. Ainsi, il ne peut être invoqué la responsabilité des intervenants pour des désordres de nature décennale à titre subsidiaire.

Les dommages ayant fait l'objet d'une réserve lors de la réception de l'ouvrage ne peuvent relever de la garantie décennale.

La société Saint André La Vallière, qui ne conteste pas la date de réception avec réserve relative à un «'problème d'infiltration d'eau » retenue au 29 novembre 2013, soutient que les désordres se sont révélés dans leur ampleur et conséquences postérieurement aux opérations de réception.

Antérieurement à la réception intervenue le 29 novembre 2023 :

- la société US Advance s'est plaint, par courrier du 10 septembre 2013 adressé à la société Saint André La Vallière, d'infiltrations affectant le local loué dans les termes suivants : «'je vous informe que lors de chaque pluie l'eau coule le long de la poutre horizontale parallèle à la porte d'entrée ainsi que sur le mur en béton le long du disjoncteur. Pour la poutre horizontale, nous sommes obligés de mettre des récipients au sol afin de recueillir l'eau ».

-'un constat d'huissier a été établi le 24 octobre 2013, à la demande de la société Saint André La Vallière, faisant état dans les locaux exploités par la société Pat Racing «'à de nombreux endroits de la présence de gouttes d'eau et de flaques (') en partie inférieure de l'escalier un ruissellement d'eau démontrant à l'évidence un problème d'étanchéité (') à l'intérieur de l'IPN un ruissellement d'eau qui a déjà participé à rouiller le métal ».

Il convient également de noter que le constat d'huissier établi le 29 novembre 2013 mentionne'que : «'le locataire exploitant un fonds de commerce à usage de garage (') a commencé à se plaindre d'importantes infiltrations d'eau dans son local commercial (') quatre points d'infiltrations d'eau ont été parfaitement identifiés. Le premier point au niveau de la création et dans le soubassement de l'escalier. Les trois autres points correspondant à des piliers de soutènement dans le garage (') le second fonds de commerce (') s'est plaint beaucoup plus récemment d'infiltrations d'eau également (') la SCI Saint André La Vallière émet des réserves concernant ce problème d'infiltrations d'eau comme désignées précédemment ».

Il en résulte que les désordres, s'agissant d'infiltrations d'eau affectant les locaux loués, étaient connus lors des opérations de réception, dans leur ampleur et leurs conséquences.

En présence de désordres réservés à réception, seule la responsabilité contractuelle de droit commun des locateurs d'ouvrage peut donc être recherchée.

Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que les locaux appartenant la société Saint André La Vallière sont affectés de désordres et que les réserves mentionnées au procès-verbal de réception, s'agissant d'infiltrations, n'ont été ni reprises, ni levées.

L'expert conclut que les infiltrations à l'intérieur des locaux professionnels sont dues à l'absence d'interposition d'une étanchéité spécifique lors des travaux d'aménagement du parking, qui n'a pas été prévue par la société Sincoba, en non-respect du DTU 43-1.

Il constate également des dégradations de l'enduit de façades et des infiltrations d'eau et indique qu'une partie des eaux du parking sont rejetées en façade par trois anciennes barbacanes qui ont été conservées par la société Sicoba, ce qui relève d'une erreur de conception.

Cette société, qui invoque la faute du maître d'ouvrage excluant sa responsabilité, ne précise pas les motifs pour lesquels M. [D], associé de la société Saint André La Vallière et qui exercerait la profession d'ébéniste, devrait être, de ce seul fait, considéré comme un «'professionnel du bâtiment » et donc de la construction, constitutif d'une immixtion fautive du maître d'ouvrage qui aurait connu l'existence des manquements. De même, le fait que la société Saint André La Vallière n'ait pas contracté avec un maître d''uvre d'exécution est sans influence sur la responsabilité de la société Sincoba alors que l'expert souligne que les désordres proviennent d'un défaut de conception, que les interventions réalisées ne présentaient pas de difficultés particulières et que ni la société Sincoba, ni la société [W], n'ont conseillé au maître d'ouvrage la nécessité de faire appel à un maître d''uvre d'exécution.

Dans son rapport, l'expert précise également que «'lors des 3 réunions d'expertise, l'entreprise [W] a reconnu ne pas avoir étanché la dalle existante avant la mise en place de l'enrobé bitumeux ». Il appartenait pourtant à cette société, en sa qualité de professionnel, d'informer le maître d'ouvrage des risques afférents à la mise en 'uvre d'un enrobé bitumeux qui n'est pas étanche et de ne pas accepter de réaliser un dispositif non conforme aux règles de l'art. La responsabilité de cette société sera donc également retenue.

En conséquence des éléments ci-dessus précisés, le partage de responsabilité sera ainsi établi : 60 % pour la société Sincobat et 40 % pour la société [W].

- Sur les préjudices':

La société Saint André La Vallière a procédé à une déclaration de créance auprès du liquidateur de la société Sincoba le 10 septembre 2018 à hauteur de la somme de 51 565 euros, qu'il appartenait au liquidateur de contester en temps utile et devant la juridiction compétente.

La société Saint André La Vallière sollicite une somme de 294 852,95 euros TTC au titre des travaux réparatoires en produisant un devis établi le 12 juin 2019 par la société SMAC Assistance Service.

Dans son rapport l'expert fixe à la somme de 94 164 euros TTC le montant de ces travaux.

Outre le fait que le devis produit par la société Saint André La Vallière n'a pas été soumis à l'expert, il comporte divers postes (création d'un muret...) qui n'ont pas été retenus par ce dernier. La demande formée sur ce point sera donc rejetée. En revanche, il convient de lui allouer une somme au titre des travaux réparatoires sur la base de l'évaluation que l'expert a faite de ce chef de préjudice.

La société Saint André La Vallière sollicite également une somme de 12 000 euros au titre des travaux de remise en état « des trois locaux », mais elle ne produit aucun élément (devis...) justifiant de ce montant et de la réalité du préjudice invoqué. Elle sera donc déboutée de cette demande ainsi que de celle présentée par ailleurs au titre de «'la perte d'exploitation subie par la société US Advance » qu'elle aurait pris en charge et pour laquelle elle ne produit aucun justificatif.

Enfin, la société Saint André La Vallière sollicite une somme de 167 104,24 euros en réparation de la perte locative subie ainsi détaillée :

- locaux exploités par la société US Advance': Elle fait valoir que cette société, du fait des désordres, a résilié son bail à compter de mai 2015. Elle demande donc la somme de 108 614,24 euros pour un loyer mensuel de 1'159,87 euros jusqu'en septembre 2023. Sa demande indemnitaire qui est justifiée sera reçue.

-'locaux exploités par la société Crovetto, à l'enseigne Pat Racing, qui a résilié son bail en mars 2017 : loyer mensuel de 1'820 euros jusqu'à avril 2018, date d'entrée dans les lieux d'un nouveau locataire,'soit 49 490 euros. Le préjudice subi est en fait de 13 mois x 1'820 euros, soit un total de 23'660 euros.

-'parking loué à la Poste': 9'000 euros. La société Saint André La Vallière ne produit aucun élément démontrant l'existence d'une «'location de parking » à la Poste. Sa demande sera rejetée.

En conséquence, au vu des éléments ci-dessus précisés, il sera alloué à la société Saint André La Vallière une somme de 132 274,24 euros au titre de son préjudice locatif.

- Sur la garantie de la SMABTP':

La société [W] demande la garantie de son assureur la SMABTP, faisant valoir que cette dernière a pris la direction du procès et lui a, par courrier du 13 mai 2016, accordé sa garantie.

La SMABTP fait valoir que le sinistre subi par la société Saint André La Vallière était partiellement couvert par la police souscrite, raison pour laquelle elle a informé son sociétaire de cette position lui proposant de prendre le même avocat lors des opérations d'expertise.

En application de l'article L 113-17 du code des assurances, l'assureur qui prend la direction du procès est censé renoncer à toutes les exceptions de garantie dont il avait alors connaissance.

En l'espèce, la société [W] et la SMABTP ont été représentées pendant les opérations d'expertise par un avocat mandaté par la seconde en qualité d'assureur de la première, qui n'a donc pas pu contester les conclusions de l'expert et l'étendue de sa responsabilité. Cette situation caractérise l'organisation d'une défense commune privant l'assureur de la possibilité d'opposer une quelconque exception.

De plus, il résulte du courrier adressé le 13 mai 2016 par la SMABP à la société [W] que l'assureur a, sans équivoque, accordé sa garantie au titre de la «'responsabilité civile en cours ou après travaux'» ainsi libellé': « cette garantie couvre la responsabilité encourue vis-à-vis des tiers par le sociétaire, du fait des activités déclarées ou du fait de ses sous-traitants, que ce soit en cours ou après exécution de ses travaux'».

Le courrier visé mentionne'en effet : «'le montant des travaux pour remédier aux désordres est chiffré à 94 164 euros (') nous ne pouvons intervenir financièrement sur la reprise de votre ouvrage (') concernant les dommages aux tiers relevant de votre responsabilité civile, le montant des préjudices est estimé à 72 883,78 euros. Nous accorderons nos garanties sur cette partie avec une franchise à votre charge de 1 008 euros ».

La garantie dommages causés aux tiers stipule': «'nous garantissons le paiement des dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers y compris vos cocontractants, par vous-même ou vos sous-traitants, lorsque, dans l'exercice de vos activités déclarées, votre responsabilité est engagée sur quelque fondement juridique que ce soit, aussi longtemps qu'elle peut être recherchée ».

En l'état de ces éléments, la SMABTP n'est pas fondée à opposer une absence de garantie à la société [W] qui engage sa responsabilité civile et elle sera donc condamnée à la garantir des condamnations prononcées au profit de la société Saint André La Vallière.

Parties perdantes la société [W], la SMABTP et la société BDR & Associés ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Sincoba seront condamnées aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à la société Saint André La Vallière une somme de 3'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe';

Infirme le jugement en date du 26 janvier 2021 en ce que la société Saint André La Vallière a été déboutée de l'ensemble de ses demandes'et condamnée aux dépens ;

Statuant à nouveau de ces chefs, et y ajoutant,

Condamne la société [W], garantie par son assureur la SMABTP, à payer à la société Saint André La Vallière la somme de 94 164 euros TTC au titre des travaux réparatoires'; 132 274,24 euros en réparation de son préjudice immatériel'; 3'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile'ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire de M. [P] ;

Fixe la créance de la société Saint André La Vallière au passif de la liquidation judiciaire de la société Sincoba à la somme de 94 164 euros TTC au titre des travaux réparatoires'; 132 274,24 euros au titre du préjudice immatériel'et 3'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile'et aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire de M. [P] ;

Dit que dans leurs rapports entre elles, les parties condamnées ci-dessus seront tenues comme suit : 60 % pour la société Sincoba et 40 % pour la société [W], garantie par son assureur la SMABTP';

Rappelle à l'ouverture de la procédure collective l'arrêt du cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations ;

Ordonne, pour la société Sincoba, l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.

Le Greffier, La Présidente,

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site