CA Lyon, 1re ch. civ. A, 18 septembre 2025, n° 23/08823
LYON
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Ast Groupe (SA)
Défendeur :
Ast Groupe (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Wyon
Conseillers :
M. Seitz, M. Goursaud
Avocats :
SCP Baufume et Sourbe, Me Teixeira, SELAS Lega-Cite, Me V, Me N, Me O
Selon contrat de construction de maison individuelle du 14 février 2015, M. [G] [A] et Mme [H] [U] épouse [A] (les époux [A]) ont confié à la société AST Groupe la construction d'un pavillon de 80 mètres carrés sur un terrain indivis situé à [Localité 13] ([Localité 12]), contre versement d'un prix de 93.102 euros.
L'achat du terrain et le paiement du contrat de construction ont été financés au moyen de quatre prêts souscrits auprès de la société Crédit Foncier de France d'une part et de l'Institution de gestion sociale des armées (Igesa) d'autre part.
Les travaux ont débuté le 11 juillet 2016. Estimant que l'immeuble bâti se trouvait affecté d'une erreur d'altimétrie et demeurait partiellement inachevé, les époux [A] ont refusé de le réceptionner.
Par acte d'huissier du 04 août 2017, les époux [A] ont fait citer la société AST Groupe, son assureur CGI Bâtiment et le Crédit foncier de France devant le tribunal de grande instance de Besançon, en sollicitant pour l'essentiel :
- le constat de la nullité du contrat de construction, subsidiairement sa résolution,
- la condamnation de la société AST Groupe à leur payer la somme de 125.575,78 euros au titre du remboursement des acomptes réglés,
- la condamnation de la société AST Groupe la somme de 20.000 euros en réparation de leur préjudice moral et de jouissance,
- la condamnation sous astreinte de la société AST Groupe à remettre en état leur parcelle,
- de constater la nullité des deux crédits consentis par la société Crédit foncier de France.
Par jugement du 09 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Besançon a :
- constaté la mise en oeuvre régulière du droit de rétractation des époux [A] et la mise à néant corrélative du contrat de construction ;
- ordonné la remise des parties en l'état antérieur ;
- rejeté la demande de démolition de l'ouvrage, au regard de son caractère disproportionné;
- condamné la société AST Groupe à verser aux époux [A] la somme de 114.851,20 euros en restitution des sommes versées, outre celle de 5.900 euros en indemnisation de leurs frais de relogement et celle de 5.000 euros en indemnisation de leur préjudice moral et de jouissance,
- constaté la nullité des deux crédits souscrits pour le financement de l'opération ;
- condamné les époux [A] à restituer à la société Crédit foncier de France la somme de 110.115 et 31.796,52 euros, sous déduction des sommes déja versées et à l'exclusion de tous frais et intérêts, en remboursement du capital emprunté ;
- condamné la société AST Groupe à garantir la société Crédit foncier de France de tout paiement ou condamnation à la charge des épous [A] ;
- dit que seront exclus de cette garantie les remboursements réalisés en exécution d'un éventuek accord transactionnel entre les époux [A] et le Crédit foncier de France, sur la seule somme de 59.408,12 euros correspondant au prix d'achat du terrain ;
- condamné la société AST Groupe à payer à la société Crédit foncier de France les intérêts et les frais des deux prêts ;
- renvoyé le règlement du surplus à un accord transactionnel, avec renvoi de la cause à la mise en état ;
- condamné la société AST groupe à payer aux époux [A] la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- sursis à statuer sur les dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Les époux [A] et la société AST Groupe ont relevé appel de ce jugement devant la cour d'appel de Besaçon.
Par arrêt du 14 janvier 2020, la cour d'appel de Besançon a :
- confirmé partiellement le jugement entrepris, s'agissant notamment du rejet de la demande de démolition de l'ouvrage, en l'infirmant pour le surplus ;
statuant à ouveau des chefs de jugement infirmés et y ajoutant :
- déclaré recevable la demande de provision présentée par la société AST Groupe ;
- débouté la société ASTt Groupe de cette demande ;
- condamné la société AST Groupe à payer aux époux [A], ensemble, au titre des restitutions, la somme de 8.783,32 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 juin 2017 ;
- débouté les époux [A] de leurs demandes indemnitaires dirigées contre la société AST Groupe ;
- débouté les époux [A] de leurs demandes principales tendant au prononcé de la réception de l'ouvrage au 16 juin 2017 ;
- condamné solidairement les époux [A] à régler à la société Crédit foncier de France les sommes de 106.422,99 euros au titre du prêt PAS et de 31.309,80 euros au titre du prêt PTZ, a actualisé en fonction du bon provisionnement des échéances postérieures, outre intérêts au taux légal à compter de l'arrêt ;
- débouté la société Crédit foncier de France de sa demande tendant à la conservation du bénéfice de ses sûretés réelles sur le fond des époux [A] au titre des sommes dues à la banque par la société AST groupe au titre des prêts souscrits par ceux-ci ;
- débouté la société Crédit foncier de France de sa demande tendant à voir condamner la société AST Groupe à le garantir du remboursement des sommes dues par les consorts [A] ;
- débouté la société Crédit foncier de France de sa demande en condamnation de la société AST Groupe à lui payer la somme de 46.760,03 euros correspondant à son préjudice résultant de l'annulation des contrats prêts ;
- rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné les époux [A], la société AST Groupe et la société Crédit foncier de France à payer, chacun, un tiers des dépens de première instance et d'appel.
Les époux [A] se sont pourvus en cassation contre cet arrêt.
Par arrêt du 27 mai 2021, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 14 janvier 2020, mais seulement en ce qu'il rejetait la demande de démolition, en renvoyant la cause et les parties devant la cour d'appel de Lyon.
Par arrêt du 13 avril 2022, la cour d'appel de Lyon a :
- déclaré irrecevables les demandes d'indemnisation présentées par les époux [A] et celle relative à la résolution des contrats de prêts ;
- ordonné la démolition de la construction aux frais de la société AST Groupe et ce, dans un délai de 4 mois à compter de la signification de son arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard pendant un délai de 6 mois ;
- condamné la société AST Groupe aux dépens de première instance et d'appel ;
- confirmé la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société AST Groupe à payer aux époux [A] la somme de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société AST Groupe à verser aux époux [A] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en appel.
La cour d'appel de Lyon a notamment retenu que la cassation prononcée le 27 mai 2021 ne portait que sur le rejet de la demande de démolition, à l'exception des dispositions de l'arrêt d'appel du 14 janvier 2020 relatives à l'indemnisation des époux [A] et à la résolution des contrats de prêt.
M. et Mme [A] ont formé pourvoi contre cet arrêt.
Par arrêt du 28 septembre 2023, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 13 avril 2022 entre les parties, mais seulement en ce qu'il déclarait irrecevable la demande en paiement de la somme de 125.575,78 euros formée par M. et Mme [A] conrte la société AST Groupe au titre du remboursement des acomptes réglés et en ce qu'il statuait sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La Cour a retenu :
- qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce ;
- qu'elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ;
- qu'il en résulte que, même si le dispositif de l'arrêt de cassation ne vise que certaines dispositions, la cassation peut en atteindre d'autres, dès lors qu'elles se trouvent avec les premières dans un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ;
- que pour déclarer irrecevables les 'demandes d'indemnisation' formées par M. et Mme [A], en ce comprise la demande de paiement de la somme de 125.575,78 euros au titre du remboursement des acomptes réglés, l'arrêt de la cour d'appel de Lyon retenait que la Cour de cassation avait cassé et annulé l'arrêt du 14 janvier 2020 uniquement en ce qu'il rejetait la demande de démolition de l'ouvrage, de sorte que le périmètre de la saisine de la cour d'appel de renvoi se limitait à apprécier les éléments que doit fournir le constructeur pour décider de la démolition ou non de l'ouvrage ;
- qu'en statuant ainsi, alors que la fixation de la somme revenant aux maîtres de l'ouvrage à la suite de l'anéantissement du contrat se trouvait dans un lien de dépendance nécessaire avec le rejet de la demande de démolition de l'ouvrage, puisque cette somme tenait compte de l'allocation au constructeur, par voie de compensation, du prix coûtant des travaux, la cour d'appel avait violé le texte susvisé.
Prenant le soin de définir précisément la portée et les conséquences de la cassation, elle a indiqué:
- que la cassation prononcée le 27 mai 2021 s'étendait au chef de dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Besançon du 14 janvier 2020 condamnant la société Ast groupe à payer à M. et Mme [A], ensemble, au titre des restitutions, la somme de 8.783,32 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 juin 2017 ;
- qu'elle ne s'étendait pas au chef de dispositif rejetant les demandes indemnitaires de M. et Mme [A], le moyen de cassation dirigé contre ce chef de dispositif ayant été rejeté et les demandes ne se trouvant pas dans un lien de dépendance nécessaire ;
- que la seconde cassation ne concernait, dès lors, que la déclaration d'irrecevabilité de la demande de paiement de 'la somme de 125.575,78 euros au titre du remboursement des acomptes réglés', en ce qu'elle comprenait des sommes relevant des restitutions réciproques, et n'atteignait pas la déclaration d'irrecevabilité de la demande de paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices moral et de jouissance subis ;
- qu'elle n'atteignait pas non plus la déclaration d'irrecevabilité de la demande de M. et Mme [A] formée contre la société Crédit foncier de France au titre de la résolution des contrats de prêts, dès lors que les dispositions de l'arrêt du 14 janvier 2020 constatant la nullité des prêts et condamnant la société Ast groupe à payer diverses sommes à la banque au titre des restitutions ne se trouvaient pas dans un lien de dépendance nécessaire avec le rejet de la demande de démolition de l'ouvrage ;
- qu'en effet, la démolition ou la conservation de l'ouvrage, de même que les sommes revenant à M. et Mme [A] et à la société Ast groupe au titre de leurs restitutions réciproques, étaient sans incidence sur l'annulation des prêts par suite de l'anéantissement du contrat de construction et sur les restitutions à opérer entre les emprunteurs et la banque.
M. et Mme [A] ont saisi la présente cour de renvoi selon déclaration enregistrée le 24 novembre 2023.
Par jugement du premier août 2014, la société AST Groupe a été placée en redressement judiciaire. Le redressement a été converti en liquidation judiciaire selon jugement du 26 novembre 2024.
La clôture, initialement prévue le 14 novembre 2024 pour une audience fixée au 21 novembre 2024, a été différée au 15 mai 2025 et l'audience renvoyée au 22 mai 2025.
Par assignation en intervention forcée signifiée le 15 novembre 2024, M. et Mme [A] ont appelé en intervention forcée la société MJ Synergie et la société [Y] [O], en leur qualité de mandataires judiciaires au redressement de la société AST Groupe, ainsi que la société FHBX et la société BCM en leur qualité d'administrateurs judiciaires de la même société.
Par assignation signifiée le 07 janvier 2025, les époux [A] ont appelé en intervention forcée la société MJ Synergie et la société [Y] [O], en leur qualité de liquidatrices judiciaires.
Aux termes de cette dernière assignation, les époux [A] demandent à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Besançon le 9 janvier 2018 , en ce qu'il :
condamne la société AST Groupe à rembourser aux époux [A] les montants suivants : 94.530 euros au titre des encaissements réalisés par le constructeur, 19.721,20 euros au titre des travaux réalisés par les concluants, 600 euros au titre des frais de géomètre et d'expertise, soit un montant total de 114.851,20 euros, assorti des intérêts au taux légal à compter du 18 août 2017,
condamne la société AST groupe à payer aux époux [A] la somme de 5.900 euros à titre de dommages intérêts en indemnisation de leurs frais de relogement,
condamne la société AST Groupe à payer aux époux [A] la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts en indemnisation de leur préjudice moral résultant de la privat ion de jouissance de leur habitation,
condamne la société AST Groupe à payer aux époux [A] la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
statuant à nouveau :
- juger que Mme [H] [U] ex-épouse [A] et M. [G] [A] recevables et bien fondés à attraire dans la cause la société MJ Synergie, mandataires judiciaires, prise en la personne de Me [L] [B] ou de Me [T] [N], en qualité de mandataires judiciaires de la société AST Groupe, la société [Y] [O], membre du GIE ADN MJ, en qualité de mandataire judiciaire de la société AST Groupe, la société FHBX, représentée par Me [M] [P] ou [F] [Z], en sa qualité d'administratrice judiciaire de la société AST Groupe et la société BCM, représentée par Me [E] [K] ou Me [J] [I], en sa qualité d'administratrice judiciaire de la société AST Groupe,
- juger l'arrêt à intervenir opposable aux intervenants forcés,
en conséquence, établir le montant de la créance des époux [A] à l'égard de la société AST Groupe comme suit :
- condamner la société AST Groupe ou si mieux aime la cour les administrateurs et mandataires judiciaires à leur payer la somme de 125.575,78 euros au titre du remboursement des acomptes réglés avec intérêt au taux légal à compter de la mise en demeure du 15 juin 2017,
- condamner les mêmes à leur payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et de jouissance subi,
- débouter les mêmes de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à leur encontre,
- condamner les mêmes à leur payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, qui comprendront ceux de première instance, de la cour d'appel de Besançon, de la cour d'appel de Lyon et de la Cour de cassation, lesquels seront recouvrés par la société Baufumé-Sourbe conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
M. et Mme [A] estiment que la cassation partielle s'étend nécessairement aux conséquences de l'anéantissement du contrat de construction, ainsi partant qu'à leurs demandes indemnitaires, lesquelles entretiennent un lien de dépendance nécessaire avec la décision d'ordonner la démolition de l'ouvrage.
Ils estiment que la restitution à laquelle la société AST Groupe est tenue suite à l'anéantissement du contrat s'entend non seulement des acomptes versés au constructeur, mais encore de l'ensemble des sommes qu'ils ont dépensées pour la construction de leur habitation et la gestion du sinistre, en ce inclus les cotisations d'assurance crédit, les frais de déménagement, les frais de géomètre ou le coût de l'assurance dommages-ouvrage.
Ils ajoutent que l'action en nullité d'un contrat n'est pas exclusive de l'action en responsabilité contre le co-contractant et demandent en conséquence l'indemnisation de leur préjudice moral et de jouissance à concurrence de la somme de 20.000 euros.
Les liquidateurs judiciaires n'ont pas constitué ministère d'avocat et le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 15 mai 2025. L'affaire a été appelée à l'audience du 25 mai 2025, à laquelle elle a été mise en délibéré au 18 septembre 2025.
MOTIFS
Sur le périmètre de la cassation prononcée le 28 septembre 2023 et la recevabilité des demandes des consorts [A] formées au titre de leurs préjudices moral et de jouissance :
Vu l'article 638 du code de procédure civile ;
En vertu de l'article 638 susvisé, l'affaire ayant donné lieu à cassation d'un arrêt d'appel est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation.
La cassation prononcée le 28 septembre 2023 se limite au chef de dispositif par lequel la cour d'appel de Lyon a déclaré irrecevable la demande en paiement de 'la somme de 125.575,78 euros au titre du remboursement des acomptes réglés', en ce qu'elle comprend des sommes relevant des restitutions réciproques.
L'arrêt du 28 septembre précise expressément que cette cassation ne s'étend point au chef de dispositif par lequel la cour d'appel de Lyon a déclaré irrecevable la demande en paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour les préjudices moral et de jouissance,
dans la mesure où le chef de dispositif par lequel la cour d'appel de Besançon avait rejeté les demandes indemnitaires des époux [A] n'a pas donné lieu à cassation le 27 mai 2021, le moyen dirigé contre ce chef de dispositf ayany été rejeté et les demandes ne se trouvant pas dans un lien de dépendance nécessaire.
L'irrecevabilité de la demande formée au titre des préjudice moral et de jouissance étant acquise, il n'y a lieu de statuer derechef à cet égard, la demande n'entrant pas dans le périmètre de la dévolution s'opérant au profit de la présente cour de renvoi.
Il convient en revanche d'examiner la demande en paiement de la somme de 125.575,78 euros, afin de déterminer dans quelle mesure les montants mis en compte participent de la restitution due aux époux [A].
Sur le montant pécuniaire de la restitution due par AST Groupe aux époux [A] :
En cas d'anéantissement d'un contrat de construction, faisant suite à l'exercice par le maître de l'ouvrage de son droit de rétractation, le constructeur est tenu, au titre des restitutions, de lui rembourser l'ensemble des sommes reçues en exécution de ce contrat.
La créance de restitution du maître de l'ouvrage comprend également les frais nécessaires à la conservation de l'immeuble exposés par ses soins, nonobstant toute décision judiciaire ultérieure de faire démolir l'immeuble.
En revanche, la créance de restitution ne s'entend que de ces sommes, à l'exclusion de celles que le maître de l'ouvrage a payé à des tiers dans le cadre du processus de construction.
Ainsi, les consorts [A] ne peuvent, au titre de la restitution due par la société AST Groupe, mettre en compte les sommes suivantes, versées à des tiers :
- le coût de l'assurance dommages-ouvrage,
- l'ensemble des frais de dossier et d'assurances versés aux banques au titre des prêts,
- les sommes versées à la mairie de [Localité 13] au titre du raccordement total à l'égout,
- les consommations d'eau et d'électricité et les frais de résiliation des abonnements afférents,
- les frais de déménagement et de géomètre expert,
- les différentes taxes,
- les sommes versées à la société CCTP au titre de la viabilisation de l'immeuble.
Ils se trouvent fondés en revanche à mettre en compte les sommes suivantes, versées au constructeur en exécution du contrat :
- achèvement fondations : 23.632,74 euros,
- achèvement murs : 14.179,64 euros,
- mise hors d'eau : 18.906,19 euros,
- achèvement cloisons et mise hors d'air : 14.179,84 euros,
- avenant A01 : 1.428,96 euros,
- achèvement équipements : 18.906,19 euros,
- réception 4.726,55 euros.
Ils sont également fondés à mettre en compte les frais de clôture du terrain, exposées pour la conservation de l'immeuble, soit 920 euros.
La créance de restitution s'élève en conséquence à la somme de 96.880,11 euros.
La démolition de l'ouvrage ayant été ordonnée aux frais de la société AST Groupe, celle-ci est réputée n'avoir accompli aucune prestation et le coût des matériaux et main d'oeuvre engagés par ses soins ne peut donner lieu à restitution à son profit, par déduction sur la créance de restitution des consorts [A].
Sur le périmètre de la cassation prononcée le 14 janvier 2020 et la recevabilité des demandes des consorts [A], au-delà des préjudices moral et de jouissance :
Vu l'article 638 du code de procédure civile ;
Vu l'article 1240 du code civil ;
Conformément à l'article 1240 susvisé, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Si les sommes versées par les maître de l'ouvrage à des tiers au contrat de construction ne peuvent donner lieu à restitution à la charge du constructeur dans le cadre de la remise des parties dans l'état qui était le leur avant l'anéantissement du contrat, elles peuvent en revanche donner lieu à indemnisation dans le cadre d'une action en responsabilité quasi-délictuelle intentée contre le constructeur, sous réserve de la démonstration de ce que la faute de l'intéressé a conduit le maître de l'ouvrage à les exposer en pure perte.
En conséquence, le simple fait que les sommes versées à des tiers, précédemment évoquées dans le cadre de l'examen de la créance de restitution, ne puissent entrer dans le périmètre de cette créance ne fait pas obstacle en lui-même à ce que les consorts [A] recherchent leur indemnisation sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle de la société AST Groupe.
Toutefois, une telle action ne peut être intentée devant une cour de renvoi, si elle a déja été rejetée par une première cour d'appel, par un chef de dispositif exempt de cassation.
Or, les postes de dépense ne pouvant entrer dans le périmètre de la demande de restitution ont déja donné lieu à une action en responsabilité quasi-délictuelle dirigée contre la sociét AST Groupe, qui a été rejetée par arrêt de la cour d'appel de Besançon en date du 09 janvier 2018.
Le chef de dispositif par lequel la demande correspondante a été rejetée n'a pas donné lieu à cassation expresse le 14 janvier 2020 et la Cour de cassation a expressément précisé, en son arrêt du 28 septembre 2023 qu'il n'entrait pas, fût-ce implicitement et par voie de dépendance nécessaire, dans le champ de la cassation du 14 janvier 2020.
Cette demande indemnitaire n'entre donc pas dans le périmètre de la saisine de la présente cour, qui ne peut statuer à son égard.
Au regard de ce qui précède, il convient d'infirmer le chef de dispositif par lequel le tribunal de grande instance de Besançon a condamné la société AST Groupe à payer aux consorts [A] la somme totale de 114.851,20 euros et de fixer leur créance de restitution sur la société AST Groupe au montant total de 96.880,11 euros.
Sur les frais et les dépens :
Vu l'article 639 du code de procédure civile ;
Vu l'article L. 622-7 du code de commerce ;
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile ;
La société AST Groupe succombe pour l'essentiel à l'instance d'appel, ainsi qu'elle a succombé en première instance. Il lui incombe en conséquence de supporter les dépens de 1ère instance et d'appel.
En vertu de l'article L. 622-7 du code de procédure civile, l'instance pendante devant la présente cour ne constitue que la continuation de celle introduite par la société AST Groupe et les consorts [A] devant la cour d'appel de Besançon, sur appel du jugement du 09 janvier 2018.
La créance détenue par les époux [A] sur la société AST Groupe au titre des dépens de 1ère instance et d'appel est donc antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective en date et ne peut donner lieu à condamnation au détriment de la société intimée et des organes de la liquidation judiciaire.
La cour peut seulement la constater en son principe et en fixer le montant, sous réserve de disposer des éléments pertinents.
Or, les consorts [A] ne communiquent pas d'indication ni d'élements sur le montant des dépens. Il convient en conséquence de constater que la créance correspondante doit rester à la charge de la liquidation judiciaire de la société AST Groupe et d'inviter les consorts [A] à justifier de son montant auprès des organes de la procédure, en particulier le juge commissaire, vue de sa fixation.
L'équité commande également de fixer la créance des époux [A] sur la société AST Groupe au titre des frais irrépétibles à la somme de 10.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé en dernier ressort,
Vu les arrêts de cassation des 14 janvier 2020 et 143 septembre 2023,
- Constate qu'il a été statué définitivement sur la responsabilité quasi-délictuelle de la société AST Groupe et que les demandes de dommages-intérêts n'entrent pas dans le périmètre de la saisine de la présente cour ;
- Infirme le jugement prononcé entre les parties le 09 janvier 2018 par le tribunal de grande instance de Besançon sous le numéro RG 17/01503 en ce qu'il a condamné la société AST Groupe à payer à M. [G] [A] et Mme [H] [U] la somme de 114.851,20 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 18 août 2017 ;
Statuant à nouveau du chef de jugement infirmé et y ajoutant :
- Fixe la créance de restitution de M. [G] [A] et Mme [H] [U], ensemble, au passif de la liquidation judiciaire de la société AST Groupe à la somme de 96.880,11 euros ;
- Fixe la créance de M. [G] [A] et Mme [H] [U] sur la société AST Groupe au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 10.000 euros ;
- Juge que M. [G] [A] et Mme [H] [U] disposent sur la société AST Groupe d'une créance au titre des dépens incluant l'ensemble des dépens exposés devant le tribunal de grande instance de Besançon, la cour d'appel de Besançon et la cour d'appel de Lyon ;
- Invite les intéressés à justifier du montant de cette créance auprès des organes de la procédure de liquidation judiciaire.