Cass. 1re civ., 28 février 1995, n° 93-18.486
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Société générale pour l'industrie (SA)
Défendeur :
Ewbank and partners Ltd (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Gregoire
Sur le pourvoi formé par la Société générale pour l'industrie (SGI), société anonyme d'ingénieur conseil, dont le siège social est ..., en cassation d'un arêt rendu le 28 mai 1993 par la cour d'appel de Paris (1ère chambre, section C), au profit de la société Ewbank and partners Ltd, dont le siège est prudential House, North Street Brighton Eni I RW (Grande-Bretagne), défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 janvier 1995, où étaient présents : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Lemontey, conseiller rapporteur, MM. Thierry, Renard-Payen, Chartier, Gélineau-Larrivet, Mme Gié, M. Ancel, conseillers, M. Savatier, Mme Bignon, conseillers référendaires, Mme le Foyer de Costil, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Lemontey, les observations de Me Ryziger, avocat de la Société générale pourl'industrie (SGI), de Me Foussard, avocat de la société Ewbank and Partners, les conclusions de Mme le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique pris en ses trois branches :
Attendu que pour l'exécution d'une mision de consultant, la société libyenne ISP a conclu, le 6 avril 1978, avec la Société suisse d'ingénieurs-conseil SGI et la société britannique Ewbank and Partners LTD un contrat qui était soumis au droit libyen et stipulait la solidarité de ces deux sociétés sans tenir compte de la répartition des travaux entre elles ;
qu'à la demande d'ISP, les sociétés SGI et Ewbank ont constitué, dès le 31 mars 1978, une "joint-venture" régie par le droit suisse, prévoyant la même solidarité et précisant que l'accord restera en vigueur jusqu'à ce que toutes les obligations aient été exécutées et les comptes soldés ;
que le 28 septembre 1978, SGI, Ewbank et une filiale de celle-ci ont conclu un accord, également soumis au droit suisse, mais stipulant que dans leurs relations, SGI sera seule reponsable à la bonne exécution du contrat de consultant ;
que la société SGI, se plaignant de ce que son partenaire s'était engagé, en 1983, avec ISP à exécuter seule la mission, a mis en oeuvre deux procédures d'arbitrage, la première à l'égard d'ISP au terme de laquelle a été rendue, le 19 novembre 1987, une sentence décidant que les deux parties avaient enfreint leurs obligations et que le contrat de consultant avait pris fin le 30 janvier 1983, la seconde à l'encontre d'Ewbank dans le cadre de laquelle est intervenue, le 2 décembre 1991, une sentence partielle décidant que les deux autres accords n'avaient pas pris fin et que SGI avait commis une faute dans l'exécution de ses engagements vis-à -vis d'Ewbank ;
Attendu que la société SGI reproche à l'arrêt attaqué (Paris, 28 mai 1993) d'avoir rejeté partiellement son recours en annulation de la sentence de 1991, alors, selon le moyen, d'une part, que les arbitres ont violé le principe de la contradiction pour s'être fondés sur des dispositions du droit suisse qu'aucune des parties n'avait invoquées ;
alors, d'autre part, qu'ils se sont contredits lorsque d'un côté, ils ont constaté que selon la sentence de 1987, il n'y avait plus de relations contractuelles ente ISP et SGI depuis le 30 janvier 1983 et que, de l'autre, ils ont retenu qu'Ewbank devait être indemnisée pour avoir pris à sa charge, à partir de cette date, les droits de SGI vis-à -vis d'ISP ;
alors, enfin, que les arbitres ne se sont pas conformés à leur mission en déterminant de manière précise les principes d'évaluation des préjudices subis par Ewbank ;
Mais attendu, en premier lieu, que la société suisse SGI, qui avait rappelé tant dans sa requête d'arbitrage que dans l'acte de mission que les accords la liant avec Ewbank étaient régis par le droit suisse, ne saurait se plaindre qu'il a été fait application au litige du droit déterminé par les parties même si, par la suite, elle s'est abstenue de présenter des observation sur ce point ;
Attendu, en deuxième lieu, que la contradiction de motifs alléguée, à la supposer établie, concerne, en l'espèce, non l'énonciation de faits, mais la pertinence du raisonnement juridique dont la remise en cause est, au surplus, exclue de l'office de la cour d'appel statuant en application des articles 1504 et 1502 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que celle-ci l'a exactement rappelé ;
Et attendu, enfin, que c'est, par son interprétation souveraine de l'accord procédural des parties intervenu le 2 novembre 1990, que la cour d'appel a estimé que le tribunal arbitral, en statuant comme il lui est reproché par la dernière branche du moyen, n'a pas excédé sa mission selon laquelle "il devait rendre une sentence intérimaire sur les chefs de responsabilité et les principes sur lesquels les condamnations financières en découlant seront calculées sans être tenu de quantifier les dommages-intérêts ou d'autres montants payables aux termes de celle-ci" ;
D'où il suit qu'en aucune de ses branches, le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SGI à une amende civile de vingt mille francs, envers le Trésor public ;
la condamne, envers la société Ewbank and Partners, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Condamne la société SGI à payer à la société Ewbank and Partners LTD la somme de 20 000 francs sur le fondement de l'article 700 du novueau Code de procédure civile ;