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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-8b, 19 septembre 2025, n° 23/10882

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 23/10882

19 septembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-8b

ARRÊT AU FOND

DU 19 SEPTEMBRE 2025

N°2025/369

Rôle N° RG 23/10882 - N° Portalis DBVB-V-B7H-BLZAV

URSSAF PACA

C/

S.A.R.L. [3]

[R]-[U] [Z]

Copie exécutoire délivrée

le 19 septembre 2025:

à :

URSSAF PACA

Me Charles TOLLINCHI,

avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Pole social du TJ de NICE en date du 17 Juillet 2023,enregistré au répertoire général sous le n° 21/624.

APPELANTE

URSSAF PACA, demeurant [Adresse 2]

représenté par M. [F] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMES

Maître [R]-[U] [Z],Es qualité de Mandataire judiciaire de la S.A.R.L. [3], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Charles TOLLINCHI de la SCP SCP CHARLES TOLLINCHI - KARINE BUJOLI-TOLLINCHI AVOCATS ASSO CIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Stéphane CECCALDI, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Juin 2025, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie CACHET, Présidente de chambre, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame Sylvie CACHET, Présidente de chambre

Madame Colette DECHAUX, Présidente de chambre

Monsieur Benjamin FAURE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Corinne AUGUSTE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Septembre 2025

Signé par Madame Sylvie CACHET, Présidente de chambre et Madame Corinne AUGUSTE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement du 5 septembre 2019, le tribunal de commerce de Nice a prononcé le redressement judiciaire de la société SARL [3] et désigné Maître [R]-[U] [Z] en qualité de mandataire judiciaire.

Le 19 octobre 2020, la société SARL [3] a formé opposition à [3] émises par l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur en date du 23 septembre 2019 :

période de janvier à mai 2019 pour un montant de 37 111 €,

période de juillet et août 2018 pour un montant de 19 587 €,

septembre 2017 pour un montant de 13 785 €.

Par jugement en date du 17 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Nice, pôle social, a déclaré inopposables à la société SARL [3], débouté l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur de sa demande tendant à la reconnaissance d'un droit de créance contre la société fixée à ces montants, condamné l'URSSAF à payer à la société la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par courrier recommandé adressé le 10 août 2023, l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur a interjeté appel de cette décision dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.

Par conclusions visées par le greffe le 11 juin 2025, soutenues à l'audience et auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé plus ample des moyens et arguments, l'URSSAF Provence Alpes Côte d'Azur demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, de confirmer le bien-fondé et la régularité des [3] émises et d'ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure de redressement judiciaire ouverte le 12 octobre 2023 par le tribunal de commerce de Nice.

Par conclusions reçues par voie électronique le 6 juin 2025, soutenues à l'audience et auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé plus ample des moyens et arguments, la société SARL [3] demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- débouter de toutes ses demandes l'URSSAF,

- lui déclarer inopposables les trois contraintes litigieuses qui ne lui ont pas été notifiées ou signifiées,

- débouter l'URSSAF de sa demande tendant à la reconnaissance d'un droit de créance contre la Sarl [3] fixé aux montants des trois contraintes,

subsidiairement,

- débouter l'URSSAF de sa demande de validation des trois contraintes,

- annuler les trois contraintes litigieuses objet des oppositions,

Condamner l'URSSAF aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Les premiers juges ont déclaré les [3] établies le 23 septembre 2019 inopposables à la société, faute de lui avoir été valablement signifiées .

La consultation du BODACC par la cour fait apparaître, que par jugement du 20 janvier 2021, le tribunal de commerce de Nice a arrêté le plan de redressement d'une durée de 10 ans et nommé commissaire à l'exécution du plan, la SCP [Z] représentée par Me [R] [U] [Z].

L'URSSAF expose, qu'elle a notifié à la société deux mises en demeure établies:

le 19 juillet 2019, d'un montant total de 39 038 €, soit 37 116 € au titre des cotisations des mois de janvier à mai 2019 et 1927 € de majorations de retard (déduction faite d'un versement de 5 €)

le 8 août 2019 d'un montant total de 35 133 €, dont 33 379 € au titre des cotisations des mois de septembre 2017, juillet et août 2018 et 1761 euros de majorations de de retard (déduction faite du versement de 7 € ),

Elle rappelle, que par jugement du 5 septembre 2019, le tribunal de commerce de Nice a prononcé à l'égard de la société l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire et nommé en qualité de mandataire judiciaire la SCP [Z] représentée par Me [U] [Z] ; qu'elle a déclaré sa créance auprès du mandataire judiciaire le 11 septembre 2019 ;

Elle a établi et notifié par courrier le 23 septembre 2019, les [3] suivantes :

au titre des mois de janvier 2019 à mai 2019 pour un montant de 37 111 € de cotisations,

au titre des mois de juillet 2018 et août 2018 pour un montant de 19 587 € de cotisations,

au titre du mois de septembre 2017 pour un montant de 13 785 € de cotisations.

L'URSSAF rappelle, que l'absence de signification des contraintes a pour conséquence de ne pas faire courir le délai d'opposition et non pas une inopposabilité comme jugé par les premiers juges ;

Elle indique, qu'en application de l'article L. 622- 24 du code de commerce, « les créances du trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale (') qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré (') sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1. Si la détermination de l'assiette et du calcul de l'impôt est en cours, l'établissement définitif des créances admises à titre provisionnel doit être effectué par l'émission du titre exécutoire dans un délai de 12 mois à compter de la publication du jugement d'ouverture ... » ; que la Cour de cassation a précisé que la contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale après le jugement d'ouverture constitue, dès son prononcé, le titre exécutoire visé par l'article L. 622- 24 alinéa 4 du code de commerce qui permet à l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale de demander l'admission définitive de sa créance, la signification du titre au débiteur n'étant pas une condition de validité de la contrainte (cass com 10/06/2008 n°07-14828) ; qu'une fois la déclaration de créance effectuée, s'ouvre une phase juridictionnelle qui donne lieu à un débat contradictoire devant le juge commissaire, au terme duquel ce dernier décide, soit de l'admission de la créance, soit de son rejet total ou partiel, soit il constate l'existence d'une instance en cours ou décide que la contestation ne relève pas de sa compétence ; que le juge du fond alors saisi doit se limiter à fixer la créance et constater son montant ;

Elle soutient, que la débitrice a eu connaissance de ces contraintes au plus tard le 26 juin 2020, date de la lettre que le mandataire judiciaire a adressé à l'URSSAF pour lui faire part de sa contestation à leur sujet; que dans la mesure où les contraintes communiquées précisaient toutes le délai de 15 jours pour former opposition, la SCP [Z] était forclose lors des oppositions formées de 19 octobre 2020 ; que d'autre part, le juge commissaire ne s'est jamais déclaré incompétent pour trancher la contestation émise par la débitrice à l'encontre de la créance de l'URSSAF objet des contraintes litigieuses ; que la société a reconnu le bien-fondé des montants des contraintes et que depuis ces créances ont été intégrées au plan de continuation qui a déjà reçu exécution.

La société SARL [3] expose, que le juge commissaire du redressement judiciaire de la société, par une ordonnance unique en date du 15 décembre 2022, a prononcé le sursis à statuer pour la somme globale de 178 339,01 euros en l'état de la procédure d'opposition à contrainte portée devant le pôle social du tribunal judiciaire de Nice ; qu'il est de jurisprudence constante que les juridictions de la sécurité sociale sont seules compétentes pour connaître des contestations en matière de législation sociale et ce même en cas de procédure collective et même lorsque la contrainte a été émise après le jugement d'ouverture ;

Elle soutient, que l'URSSAF a reconnu dans ses conclusions ne pas avoir notifié les contraintes à la société, ce qui constitue un aveu judiciaire au sens de l'article 1383-2 du Code civil, qui fait foi contre celui qui l'a fait et qui est irrévocable ; que les courriers de notification versés aux débats datés du 21 septembre 2019 ne précisent pas davantage les délais et voies de recours et qu'il n'est pas justifié de leur envoi ; que la validité de la contrainte est subordonnée à la justification de sa notification au débiteur et que l'absence de signification ou de notification entraîne l'annulation voire l'inopposabilité de la contrainte ;

Elle rappelle, que le juge commissaire, juge de la vérification des créances n'est pas compétent pour vérifier la régularité de la notification/signification de la contrainte ; que néanmoins, l'admission définitive de sa créance suppose non seulement d'émettre la contrainte mais également de la signifier/notifier au débiteur en application de l'article L. 622-4 du code de commerce ;

À titre subsidiaire, elle argue que les courriers qui ont été envoyés à la société n'indiquant aucun délai ni modalités des voies de recours, n'ont pas pu faire courir le délai pour former opposition, de telle sorte que les oppositions formulées sont recevables ; qu'en l'absence de mise en demeure, les contraintes n'ont pas permis à la société de connaître l'étendue de son obligation et qu'à ce titre elles ne peuvent être qu'annulées.

Sur ce,

1-sur la recevabilité des oppositions à contrainte,

Il résulte des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Ainsi l'irrecevabilité de l'opposition à la contrainte constitue une fin de non-recevoir qui fait obstacle à tout examen au fond du litige et en particulier du moyen de nullité de la contrainte, comme de la demande de validation de la contrainte, laquelle a, ainsi que jugé par la décision entreprise, tous les effets d'un jugement.

Il est justifié au dossier, que le tribunal de commerce de Nice a prononcé par jugement du 5 septembre 2019, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la SARL [3].

En application de l'article L.622-24 du code de commerce, dans sa version applicable au litige ,(') la déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 5427-1 à L. 5427-6 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1. (') .

L'URSSAF a alors adressé par courrier daté du 21 septembre 2019 à la SARL [3], [3] établies le 23/09/2019 :

au titre des mois de janvier 2019 à mai 2019 pour un montant de 37 111 € de cotisations, visant la mise en demeure du 19/07/2019

au titre des mois de juillet 2018 et août 2018 pour un montant de 19 587 € de cotisations,

au titre du mois de septembre 2017 pour un montant de 13 785 € de cotisations, visant la mise en demeure du 8/08/2019 ;

En application de l'article L.244-9 du code de la sécurité sociale, la contrainte est décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard, comporte à défaut d'opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, dans les délais et selon les conditions fixées par décret, tous les effets d'un jugement et confère notamment hypothèque judiciaire.

En application de l'article R133-3 du même code dans sa version applicable au litige, si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

L'huissier de justice avise dans les huit jours l'organisme créancier de la date de signification.

Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l'étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l'organisme créancier par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification. L'opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l'organisme créancier dans les huit jours de la réception de l'opposition.

Les courriers d'accompagnement des contraintes, datés du 21 septembre 2019, sont adressés à la SARL [3] « [Adresse 4] » et sont ainsi libellés :

« Madame, Monsieur,

Une procédure collective a été ouverte à votre encontre.

Pour que nos créances puissent être admises à titre définitif, nous devons vous notifier une contrainte valant titre de justice. La présente lettre vaut notification de la contrainte jointe.

Vous ne devez en aucun cas payer la somme mentionnée sur la contrainte. Cette somme viendra s'inscrire au passif de votre procédure collective.

Une copie de la présente est adressée aux organes de la procédure (...) ».

Les courriers ne précisent ni les voies de recours ni les délais pour les exercer.

L'URSSAF n'est pas en mesure de rapporter la preuve de la date de réception des contraintes sus visées, celles ci n'ayant pas été signifiées par acte d'huissier ni envoyées par courrier recommandé.

Il résulte des articles L. 244-9 et R. 133-3 du code de la sécurité sociale, que la signification au débiteur de la contrainte sert de point de départ au délai d'opposition de ce dernier devant le tribunal judiciaire, pôle social . A défaut de signification, ou si cette dernière est irrégulière, le délai d'opposition n'a pas pu commencer à courir.

En l'espèce, la notification des contraintes par lettre simple dont il n'est pas rapporté la preuve de sa réception n'a pas pu faire courir le délai d'opposition, de telle sorte que les oppositions formées par requête du 19 octobre 2020 ont été justement déclarées recevables.

La lettre du 26 juin 2020 évoquée par l'URSSAF dans ses écritures consiste en réalité en un courrier du mandataire judiciaire adressé à l'organisme de recouvrement lui indiquant que sa déclaration de créance pour un montant de 526 657,60 euros était contestée en ces termes :

« la dirigeante conteste la créance car des procédures seraient en cours. En outre, les bordereaux des mois d'août et de septembre 2019 aurait été communiqués et aucun justificatif ni contraintes n'ont été communiquées. »

Contrairement à ce que soutient l'URSSAF, ce courrier indique clairement que la société n'a pas eu la communication officielle des contraintes à cette date du 16 juin 2020, qui ne peut donc pas davantage faire courir le délai de 15 jours pour faire opposition.

L'URSSAF est en conséquence mal fondée en son moyen tirée de l'irrecevabilité des oppositions aux trois contraintes.

2-sur les mises en demeure

L'URSSAF justifie avoir adressé par courrier recommandé les mises en demeure suivantes :

le 19 juillet 2019, d'un montant total de 39 038 €, soit 37 116 € au titre des cotisations des mois de janvier à mai 2019 et 1927 € de majorations de retard, accusé de réception signé le 22/07/2019

le 8 août 2019 d'un montant total de 35 133 €, dont 33 379 € au titre des cotisations des mois de septembre 2017, juillet et août 2018 et 1761 euros de majorations de de retard , accusé de réception signé le 9/08/2019.

Par applications combinées des articles L.244-2 et R.244-1 du code de la sécurité sociale, dans leurs versions applicables, la mise en demeure doit permettre à la personne à laquelle elle est notifiée, de régulariser impérativement la situation en procédant au paiement des sommes mentionnées, d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation.

La mise en demeure doit à peine de nullité être motivée.

En l'espèce, les deux mises en demeure précisent le numéro du cotisant, le numéro siren et les éléments suivants :

motif du recouvrement : insuffisance de versement

nature des cotisations : régime général

par période, les montants des cotisations, des majorations de retard et des versements effectués .

Elles mentionnent également le délai imparti pour le paiement ainsi que pour la contestation et l'adresse de la commission de recours amiable.

Ces énonciations sont suffisamment précises pour établir que la société a bien eu connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation et il y a lieu de considérer les deux mises en demeure régulières en la forme.

3-sur la validité des contraintes

En application de l'article R.133-3 du code de la sécurité sociale ( version en vigueur du 11 mai 2017 au 13 août 2022),si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

L'huissier de justice avise dans les huit jours l'organisme créancier de la date de signification.

Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l'étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l'organisme créancier par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification. L'opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l'organisme créancier dans les huit jours de la réception de l'opposition.

L'URSSAF a adressé par courrier daté du 21 septembre 2019 à la SARL [3], [3] établies le 23/09/2019 :

au titre des mois de janvier 2019 à mai 2019 pour un montant de 37 111 € de cotisations, visant la mise en demeure du 19/07/2019

au titre des mois de juillet 2018 et août 2018 pour un montant de 19 587 € de cotisations,

au titre du mois de septembre 2017 pour un montant de 13 785 € de cotisations, visant la mise en demeure du 8/08/2019 ;

La cour constate que les deux contraintes portant pour l'une sur les mois de janvier 2019 à mai 2019 et celle portant sur septembre 2017 font référence aux mises en demeure préalables régulièrement notifiées à la société et que les périodes visées sont les mêmes. Les montants réclamés dans les contraintes sont également identiques.

La contrainte émise au titre des mois de juillet 2018 et août 2018 ne mentionne pas le numéro de la mise en demeure préalablement notifiée mais, les périodes sont détaillées et identiques à la mise en demeure du 8/08/2019 ; La contrainte précise la nature et le montant des cotisations et majorations de retard conformes à la mise en demeure du 8/08/2019 ainsi que les versements effectués.

Les contraintes sont donc suffisamment motivées et la société a été mise en capacité de connaître l'étendue de ses obligations.

L'URSSAF ne justifie pas de la signification des contraintes par acte d'huissier ou de leur notification par lettre recommandée avec accusé de réception .

Les lettres simples datées du 21 septembre 2019 ne comportent aucune des mentions relatives aux références des contraintes et leur montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine comme exigé par les textes.

La pièce n°11 , un courriel envoyé par l'URSSAF à la SCP [Z] en date du 13 juillet 2020, indiquant « je vous prie de bien vouloir trouver, ci-joint, la copie des contraintes que je notifie par lettre recommandée à la société [3] » est insuffisant à rapporter la preuve de la notification évoquée et ne constitue pas davantage une signification régulière des contraintes.

Contrairement à ce que la société indique dans ses écritures, aucun administrateur judiciaire n'a été désigné par le jugement du 5 septembre 2019 du tribunal de commerce, de sorte que les contraintes n'avaient pas à être signifiées au mandataire judiciaire.

La signification du titre émis a d'abord une conséquence quant aux mesures d'exécution forcée : la contrainte doit avoir été valablement notifiée au débiteur pour fonder une mesure d'exécution forcée .

En matière de législation sociale, il résulte des articles L. 244-9 et R. 133-3 du code de la sécurité sociale, que la signification au débiteur de la contrainte sert de point de départ au délai d'opposition de ce dernier devant le tribunal judiciaire, pôle social . A défaut de signification, ou si cette dernière est irrégulière, le délai d'opposition n'a pu commencer à courir.

L'irrégularité de l'acte de signification ne peut affecter la validité du titre, mais empêche seulement le délai d'opposition de courir.

D'autre part, la jurisprudence constante de la cour de cassation continue de retenir la solution dégagée dans son arrêt Cass com du 10/06/2008 n°07-14.828, en ce que la contrainte décernée par le directeur d'un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard constitue, dès sa délivrance, le titre exécutoire visé par l'article L. 621-43 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, qui permet à cet organisme de demander l'admission définitive de sa créance dans le délai prévu par l'article L. 621-103 du même code, la signification du titre au débiteur n'étant pas une condition de validité du titre ;

C'est ainsi que le Trésor public et les organismes sociaux sont autorisés à continuer de se délivrer des titres exécutoires, après le jugement d'ouverture et dans le délai de vérification des créances.

Les jurisprudences cités par la société sont inopérantes à asseoir leur argumentation selon laquelle il est impératif que la contrainte ait été signifiée pour être définitivement admise par le juge commissaire au passif du débiteur : en effet, pour l'une (cass com 29/09/2021 n°20-12.208) aucune contrainte n'avait été délivrée par l'URSSAF et pour l'autre ( cass com 11/12/2019 n°18-18.665) la contrainte avait été émise puis signifiée en dehors du délai imparti.

La cour vient de dire les mises en demeures et les contraintes régulières, le jugement sera en conséquence infirmé.

4- sur le bien fondé des contraintes

La société reprend l'argumentation suivant laquelle, l'irrégularité de l'acte de notification/signification invalide la contrainte, l'absence de référence à la mise en demeure n'a pas permis au cotisant de connaître l'étendue de son obligation et l'existence une discordance entre les montants.

L'URSSAF soutient que la société a reconnu le bien fondé des contraintes mais aucun des courriers versés aux débats n'assoit cette allégation.

L'ordonnance du juge commissaire en date du 15/12/2022 a vérifié la créance déclarée par l'URSSAF , admis à ce titre la somme de 141 699,59 euros et constaté le sursis à statuer pour la somme globale de 178 339,01 euros, les oppositions aux contraintes formées par courrier du 19 octobre 2020 démontrant, contrairement aux écritures de l'URSSAF, une contestation de la société à leur encontre.

Cependant, la société ne développe pas d'autres arguments au soutien de sa contestation, que ceux auxquels il a été déjà répondu.

En conséquence de l'infirmation du jugement, le montant des contraintes établies le 23 septembre 2019 seront fixées au passif de la SARL [3] pour leur entier montant.

La SARL [3] et la SCP [Z] qui succombent en leurs prétentions verront les dépens fixés au passif de la société et ne peuvent prétendre au bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du 17 juillet 2023 en toutes ses dispositions, sauf en qu'il a déclaré la SARL [3] recevable en son action,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit les oppositions formulées à l'encontre des [3] établies le 23/09/2019 recevables,

Fixe au passif de la société SARL [3], les sommes suivantes :

au titre des mois de janvier 2019 à mai 2019, 37 111 € de cotisations,

au titre des mois de juillet 2018 et août 2018, 19 587 € de cotisations,

au titre du mois de septembre 2017, 13 785 € de cotisations ;

Déboute la société SARL [3] et la SCP [Z] représentée par Me [R]-[U] [Z] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Fixe les dépens d'appel au passif de la société SARL [3].

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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