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Décisions

CA Nouméa, ch. com., 22 septembre 2025, n° 24/00046

NOUMÉA

Arrêt

Autre

CA Nouméa n° 24/00046

22 septembre 2025

N° de minute : 41/2025

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 22 Septembre 2025

Chambrecommerciale

N° RG 24/00046 - N° Portalis DBWF-V-B7I-U7Z

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 18 Juillet 2024 par le Juge commissaire de NOUMEA (RG n° :2024/00145)

Saisine de la cour : 05 Août 2024

APPELANT

M. [E] [O]

né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Patrice TEHIO de la SELARL TEHIO, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

M. [T] [Z]

né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Nicolas MILLION de la SARL NICOLAS MILLION, avocat au barreau de NOUMEA

LE MINISTERE PUBLIC

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Juillet 2025, en audience publique, devant la cour composée de :

M. François GENICON, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller, rapporteur,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Zouaouïa MAGHERBI.

Greffier lors des débats : Mme Sabrina VAKIE

Greffier lors lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

22.09.2025 : Copie revêtue de la formule exécutoire : - Me MILLION

Expéditions : - Me TEHIO

- Dossiers CA et TMC

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. François GENICON, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par jugement du 3 avril 2006, le Tribunal Mixte de Commerce de NOUMEA a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. [E] [O] exerçant en qualité de patenté, une activité de menus travaux en bâtiment et jardinage.

M. [Z] n'a déclaré aucune créance à la procédure collective de M. [O].

Par jugement du 18 octobre 2006 ,un plan de redressement sur 10 ans a été arrêté par le Tribunal de Commerce afin de permettre à M. [O] d'apurer son passif auquel n'était pas admis M. [Z].

Le 17 décembre 2007, le Tribunal a condamné M. [O] et son épouse, suite à un litige foncier qui les opposait à M. [Z], leur voisin, hors la présence du mandataire judiciaire n'ayant pas été appelé à la cause, au paiement de la créance revendiquée par M. [Z].

Par jugement du 21 mars 2016, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a prononcé la liquidation judiciaire de M. [O] ayant accumulé un important arriéré en violation du plan de redressement et contracté une nouvelle dette auprès de la CAFAT; cette décision a été confirmée par la cour d'appel le 15 septembre 2016.

Le 1er juin 2016, M. [Z] a déclaré une créance de 7.608.659 F CFP au passif de M. [O] à titre chirographaire.

Par requête du 3 janvier 2017 Me [I], ès qualités de mandataire liquidateur, a contesté la créance déclarée de M. [Z] qui est selon elle prescrite au 8 juillet 2013.

Par ordonnance du 22 novembre 2018, le juge commissaire du tribunal mixte de commerce, s'est déclaré incompétent pour connaître de la prescription soulevée et a ordonné le renvoi de l'affaire devant le tribunal de première instance de Nouméa.

Par requête déposée le 28 janvier 2020, Me [I], ès qualités, a saisi le juge commissaire pour tirer les conséquences de l'absence de saisine de la juridiction compétente dans le mois de l'ordonnance du 22 novembre 2018 en application des dispositions de l'article 107 de la délibération n° 352 du 18 janvier 2008, et demandé le rejet de cette créance.

Par ordonnance en date du 27 janvier 2020, le juge commissaire du tribunal mixte de commerce de Nouméa a rejeté la créance de M. [Z] pour un montant de 7.608.659 F CFP en application des dispositions de l'article 107 de la délibération n° 352 du 18 janvier 2008.

Le 15 juin 2020, M. [Z] a fait appel de cette ordonnance, annulée par la cour d'appel le 31 mai 2021, qui a relevé un défaut de motivation de la décision entreprise et estimé qu'il ne pouvait être reproché à M. [Z] de ne pas avoir saisi le juge du fond dans le mois de la notification de la décision dès lors que le juge commissaire, nonobstant le fait qu'il n'avait pas compétence pour le faire, a ordonné le renvoi de l'affaire devant le tribunal de première instance.

Statuant à nouveau, la cour a débouté Me [I] ès qualités de ses demandes, M. [Z] de sa demande de fixation de créance et dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 17 août 2021, la juge commissaire, saisi de nouveau par une requête du mandataire judiciaire du 30 juin 2021, a renvoyé les parties à saisir la juridiction compétente.

Par jugement du 4 décembre 2023, le tribunal de première instance de Nouméa, saisi par M. [Z], a fixé la créance de M. [Z] à l'encontre de M. [O] à hauteur de 7 608 659 F CFPjugeant que la prescription invoquée n'était pas acquise à la date de la déclaration de créance à la liquidation judiciaire intervenue le 21 mars 2016.

Par ordonnance du 18 juillet 2024, le juge commissaire a admis la créance de M [Z] à la liquidation judiciaire de [O] pour un montant de 7 608 659 F CFP.

PROCEDURE D'APPEL :

Par requête et mémoire ampliatif déposés les 5 août et 10 septembre 2024, M. [O] sollicite l'infirmation de cette ordonnance et demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- dire que le jugement du 7 décembre 2007 rendu par le tribunal de première instance est non avenu et nul d'effet ;

- juger la créance de M. [Z] inexistante ;

- juger que cette créance est éteinte pour ne pas avoir été déclarée dans le délai légal à la procédure collective ;

- rejeter intégralement la créance de M. [Z] ;

- ordonner la radiation de cette créance du passif de la liquidation judiciaire de M. [O] ;

- condamner M. [Z] à lui payer 530 000 F CFP au titre de l'article 700 du CPC NC, ainsi qu'aux dépens.

Par mémoire d'appel n°1, auquel il convient de se référer pour de plus amples développements des moyens en fait et en droit, il reproche à titre principal au premier juge un déni de justice dès lors qu'il estime que ce dernier n'a pas répondu aux moyenssoulevés concernant l'inexistence de la créance litigieuse et son extinction.

Selon lui, il appartient au juge commissaire avant d'admettre l'inscription d'une créance au passif du débiteur d'en vérifier la validité, ce qui n'a été le cas en l'espèce car la décision attaquée est dénuée de motivation.

Il fait valoir que le jugement rendu le 17 décembre 2007, qui le condamne à payer à M. [Z] une somme de 8 582 350 F CFP, est entaché de nullité au motif que l'appelant, alors qu'il était en procédure de redressement judiciaire, a été attrait avec son épouse devant le tribunal de première instance, sans que le mandataire judiciaire désigné par le tribunal mixte de commerce n'ait été appelé en la cause.

Il estime que la créance est éteinte de ce fait et ne peut dès lors être admise à la liquidation judiciaire, M. [Z] étant hors délai pour voir sa créance admise.

Par conclusions en réponse déposées le 22 juillet 2025, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements des moyens en fait et en droit, M. [Z] demande à la cour de confirmer la décision entreprise.

Il expose que la décisiontire sa motivation d'un jugement définitif, ayant acquis l'autorité de la chose jugée, qui a fixé la créance que détient M. [Z] à l'égard de M. [O].

[L] [I], par courrier reçu le 11 juin 2025, a déclaré s'en rapporter à la sagesse de la cour.

MOTIFS

L'article L. 622-24 du code de commerce applicable en Nouvelle Calédonie dispose :

A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement. La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 351-21 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article.

En l'espèce, il est constant que la procédure collective concernant M. [O], étant postérieure au litige opposant les parties. M. [Z] se devait de déclarer sa créance préalablement et d'attraire dans la cause le mandataire judiciaire afin de voir fixer cette créance pour la déclarer au redressement judiciaire de ce dernier.

Or, le jugement rendu le 17 décembre 2007, non frappé d'appel, est devenu définitif et que par conséquent ne peut être opposable au mandataire judiciaire ès qualités, non valablement attrait en la cause.

L'interruption de l'instance par l'effet du jugement qui prononce la liquidation judiciaire peut être invoquée en tout état de cause, qu'elle est d'ordre public et ne peut être reprise qu'une fois la créance invoquée déclarée et après la mise en cause du liquidateur.

Nonobstant la nullité soulevée quant à l'absence de mise en cause du mandataire judiciaire désigné par le tribunal mixte de commerce dans le cadre du redressement judiciaire de M.[O], aucune forclusion n'a été opposée à M. [Z] lors de sa première déclaration de créance le 1er juin 2016 intervenue après le jugement prononçant la liquidation de ce dernier, le mandataire ayant limité sa contestation à la prescription de la créance.

M. [Z] a procédé à l'inscription de sa créance après avoir obtenu du tribunal de première instance le 4 décembre 2023, en présence du mandataire judiciaire es qualité et M. [O], sa fixation.

L'argument de M. [O] tiré de l'absence de motivation de l'ordonnance critiquée n'est pas pertinente dès lors que le juge commissaire a exposé certes de manière lapidaire s'en référer au jugement du 4 décembre 2023, titre judiciaire dont se prévaut l'intimé, faisant ainsi sien sa motivation dès lors qu'il ne relevait pas de sa compétence de fixer sa créance et encore moins de statuer sur la prescription soulevée.

Il convient donc de confirmer l'ordonnance du juge commissaire en ce qu'elle a admis au passif de la liquidation de M. [O] la créance fixée par le jugement non frappé d'appel du 4 décembre 2023, ayant acquis l'autorité de la chose jugée, titre dont se prévaut à juste titre M. [Z], et dont la motivation est suffisante dès lors que le juge commissaire fait sien celle du premier juge dont la décision n'a pas été contestée par la voie de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

Confirme l'ordonnance du 18 juillet 2024 ;

Y ajoutant

Fixe à 4 les unités de valeur revenant à Me [D] [W] au titre de l'aide judiciaire.

Le greffier, Le président.

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