CA Dijon, 2 e ch. civ., 18 septembre 2025, n° 24/01285
DIJON
Arrêt
Autre
[T] [L]
E.A.R.L. EARL DU MONTROND
C/
[D] [C]
expédition et copie exécutoire
délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2 e chambre civile
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025
N° RG 24/01285 - N° Portalis DBVF-V-B7I-GQ4C
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du 09 octobre 2024,
rendue par le président du tribunal judiciaire de Dijon - RG : 24/00281
APPELANTS :
Monsieur [T] [L]
né le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 12]
[Adresse 9]
[Localité 7]
EARL DU MONTROND prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 7]
Représentés par Me Marie GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126
INTIMÉE :
Madame [D] [C]
née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 10]
domiciliée :
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Corine GAUDILLIERE de la SCP PROFUMO GAUDILLIERE DUBAELE AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 97
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et Michèle BRUGERE, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,
Michèle BRUGERE, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 05 Juin 2025 pour être prorogée au 18 Septembre 2025,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
M. [T] [L] a créé le GAEC du Montrond avec son père, M. [I] [L] le [Date naissance 6] 1977.
Par acte du 22 juillet 1991, le GAEC du Montrond a été transformé en EARL du Montrond et Mme [D] [C] épouse [L], en a acquis 1.450 parts sociales, les deux époux étant ****************
M. [T] [L] et Mme [D] [C] étaient alors co-gérants et associés à parts égales au sein de l'EARL du Montrond.
Le divorce des époux [L] a été prononcé le 20 octobre 2011.
Par ailleurs, par jugement du tribunal judiciaire de Dijon du 4 septembre 2009, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Dijon du 5 octobre 2010, M. [L] a obtenu la révocation de Mme [C] de ses fonctions de gérante.
M. [L] et Mme [C] demeurent à ce jour associés égalitaires de l'EARL du Montrond dont ils détiennent chacun 1 450 parts sociales et M. [L] en est le gérant et unique associé exploitant.
Pour mettre la société en conformité avec les dispositions de l'article L.324-8 du code rural et de la pêche maritime, M. [L] a convoqué une assemblée générale extraordinaire afin de décider une augmentation de capital par la création de 10 nouvelles parts sociales émises à son seul profit.
Mme [D] [C] s'est opposée aux résolutions en ce sens soumises à l'assemblée générale extraordinaire du 29 mars 2024.
Par acte de commissaire de justice du 28 mai 2024, l'EARL du Montrond et M. [T] [L] ont fait assigner en référé Mme [D] [C] aux fins, notamment, de voir désigner un mandataire ad'hoc chargé de voter, en lieu et place de Mme [C], lors de l'assemblée générale extraordinaire appelée à statuer sur l'augmentation de capital par voie d'émission de 10 parts sociales nouvelles réservées à M. [L].
Par ordonnance du 9 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Dijon a :
- dit n'y avoir lieu à référé ;
- débouté l'EARL du Montrond et M. [T] [L] de leurs demandes ;
- condamné in solidum l'EARL du Montrond et M. [T] [L] à payer à Mme [D] [C] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum l'EARL du Montrond et M. [T] [L] aux dépens de l'instance.
Par déclaration au greffe du 17 octobre 2024, l'EARL du Montrond et M. [T] [L] ont interjeté appel de cette ordonnance.
Prétentions de l'EARL du Montrond et de M. [T] [L] :
Par dernières conclusions notifiées le 20 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, l'EARL du Montrond et M. [T] [L] demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Dijon le 9 octobre 2024 en toutes ses dispositions.
statuant à nouveau,
- désigner un mandataire ad'hoc aux fins de voter, en lieu et place de Mme [C], dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social mais ne portant pas atteinte à l'intérêt légitime de celui-ci, lors de l'assemblée générale extraordinaire appelée à statuer sur l'augmentation de capital par voie d'émission de 10 parts sociales nouvelles réservée à M. [T] [L] ;
- condamner Mme [D] [C] à payer à M. [T] [L] 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter Mme [D] [C] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner Mme [D] [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Prétentions de Mme [C] :
En l'état de ses dernières écritures notifiées le 6 mars 2025, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, Mme [D] [C] entend voir au visa des articles 1844-1 et 1844-10 du code civil :
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
y ajoutant,
- condamner in solidum l'EARL du Montrond et M. [T] [L] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum les mêmes aux dépens de l'instance d'appel.
La clôture est intervenue le 11 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
L'EARL du Montrond et M. [L] sollicitent la désignation d'un mandataire ad'hoc avec mission de voter en lieu et place de Mme [C] aux motifs que cette dernière refuse de manière systématique de voter toute décision en assemblée générale, et notamment l'augmentation de capital proposée ; que l'EARL du Montrond ne peut se mettre en conformité avec les dispositions impératives de l'article L.324-8 du code rural et de la pêche maritime, en vertu desquelles l'associé exploitant doit obligatoirement détenir plus de 50% du capital.
Ils font valoir qu'il n'a pas été demandé au juge des référés de se prononcer sur le comportement fautif de l'associée mais de faire cesser un trouble manifestement illicite, constitué par la méconnaissance d'une norme juridique obligatoire.
Ils ajoutent que la répartition du résultat social proposée en assemblée générale est conforme aux statuts, que Mme [C] ne peut s'opposer, dans le cadre de la présente instance, à la règle d'affectation des résultats « en fonction du travail », adoptée lors de l'assemblée générale de 2010, alors qu'elle en a tiré profit dans le cadre d'un précédent litige et qu'elle vote de manière systématique contre toutes les résolutions en assemblée générale (approbation des comptes, approbation des conventions réglementées, quitus de la gérance).
Mme [C] conteste l'existence d'un trouble manifestement illicite et fait valoir que dès 2020, M. [L] était informé du non-respect des dispositions de l'article L.324-8 du code rural et de la pêche maritime mais qu'il n'a alors effectué aucune démarche de mise en conformité ; que l'irrégularité relevée dans le cadre du contrôle administratif pratiqué en 2022 n'a donné lieu à aucune sanction et n'a notamment pas empêché l'EARL du Montrond de percevoir en totalité les aides PAC qui ont été régulièrement versées depuis sans modification de leur montant.
Elle explique que M. [L] tente chaque année d'obtenir une répartition léonine du résultat social, qu'elle se heurte à son refus de lui racheter ses 1 450 parts sociales, à quelque prix que ce soit, qu'elle est empêchée depuis quatorze ans de percevoir les dividendes auxquels elle a droit et que sa situation financière ne lui permet pas de demander son retrait de la société en respectant les stipulations de l'article 21 des statuts et que son opposition vise à empêcher M. [L] d'abuser de sa position d'associé-gérant en s'attribuant 'la totalité du profit' procuré par la société, en contradiction avec les dispositions de l'article 1844-1 du code civil.
- - - - - -
Selon les termes de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Ce dernier s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
L'article L.324-8 du code rural et de la pêche maritime prescrit qu'au sein d'une EARL, les associés exploitants doivent détenir ensemble plus de 50 % des parts représentatives du capital social.
A défaut et en l'absence de régularisation, l'article L.324-9 du même code prévoit que tout intéressé peut intenter une action en dissolution.
Or, il est constant entre les parties qu'ainsi que l'a relevé la direction départementale des territoires par courrier du 27 janvier 2022, l'EARL du Montrond n'est pas en conformité avec ces dispositions puisque M. [L], seul associé exploitant, ne détient que 50 % des parts sociales, situation illicite au regard des dispositions rappelées dont l'objectif est d'assurer aux exploitants la pleine maîtrise de la structure sociale.
Selon les termes de la convocation de Mme [C] à l'assemblée générale extraordinaire du 29 mars 2024, étaient soumises au vote des associés des résolutions visant à augmenter le capital social de l'EARL de 10 parts, à réserver leur souscription à M. [L], ce qui revenait à lui attribuer 50,17 % du capital social contre 49,82 % à Mme [C], ainsi qu'à modifier les statuts en conséquence.
Mme [C] a exprimé un vote défavorable à toutes ces résolutions et un courrier de son conseil du 8 mars 2024 révèle que sa position est motivée par son refus de perdre sa qualité d'associée égalitaire, alors même que la loi l'impose.
Son refus de voter une modification des statuts de la société permettant de mettre un terme à cette illicéité expose l'EARL à un risque d'action en dissolution, qu'elle-même a déjà exercé par deux fois, notamment par son assignation du 30 juillet 2020, instance toujours pendante devant le tribunal judiciaire.
Il est donc de l'intérêt de l'EARL, lequel ne se confond pas avec celui de ses associés, que soient prises toutes décisions de nature à assurer sa perennité, indépendamment des buts individuels poursuivis par les dits associés dans le conflit post-divorce qui les opposent, notamment par des modifications de ses statuts incluant des dispositifs protecteurs des associés minoritaires.
Aux fins de cessation du trouble manifeste illicite, il apparaît nécessaire de procéder à la désignation d'un mandataire ad'hoc avec mission d'exercer le droit de vote de Mme [C] lors de l'assemblée générale extraordinaire convoquée aux fins de modifications des statuts, sans que M.[L] et l'EARL puissent cependant exiger que soit fixé par avance le sens de ce vote, lequel devra être conforme à l'intérêt social sans pour autant porter atteinte à l'intérêt légitime des associés, notamment appelés à être minoritaires.
L'ordonnance de référé sera en conséquence infirmée en ce sens.
PAR CES MOTIFS :
Infirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Dijon en date du 9 octobre 2024 ;
statuant à nouveau,
Désigne Maître [E] [M],
[Adresse 3]
[XXXXXXXX01]
[Courriel 11]
en qualité de mandataire ad'hoc avec pour mission d'exercer, lors de la prochaine assemblée générale extraordinaire convoquée aux fins de modifications des statuts de l'EARL du Montrond, le droit de vote de Mme [D] [C], associée, en conformité avec l'intérêt social et sans porter atteinte à l'intérêt légitime de Mme [C],
Dit que l'EARL du Montrond devra verser à Maître [E] [M], ès qualités, la somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération définitive qu'elle devra lui payer ;
Condamne Mme [D] [C] aux dépens de l'instance d'appel ;
Rejette les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
E.A.R.L. EARL DU MONTROND
C/
[D] [C]
expédition et copie exécutoire
délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2 e chambre civile
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025
N° RG 24/01285 - N° Portalis DBVF-V-B7I-GQ4C
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du 09 octobre 2024,
rendue par le président du tribunal judiciaire de Dijon - RG : 24/00281
APPELANTS :
Monsieur [T] [L]
né le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 12]
[Adresse 9]
[Localité 7]
EARL DU MONTROND prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège
[Adresse 9]
[Localité 7]
Représentés par Me Marie GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126
INTIMÉE :
Madame [D] [C]
née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 10]
domiciliée :
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Corine GAUDILLIERE de la SCP PROFUMO GAUDILLIERE DUBAELE AVOCATS, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 97
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 mars 2025 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et Michèle BRUGERE, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,
Michèle BRUGERE, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 05 Juin 2025 pour être prorogée au 18 Septembre 2025,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
M. [T] [L] a créé le GAEC du Montrond avec son père, M. [I] [L] le [Date naissance 6] 1977.
Par acte du 22 juillet 1991, le GAEC du Montrond a été transformé en EARL du Montrond et Mme [D] [C] épouse [L], en a acquis 1.450 parts sociales, les deux époux étant ****************
M. [T] [L] et Mme [D] [C] étaient alors co-gérants et associés à parts égales au sein de l'EARL du Montrond.
Le divorce des époux [L] a été prononcé le 20 octobre 2011.
Par ailleurs, par jugement du tribunal judiciaire de Dijon du 4 septembre 2009, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Dijon du 5 octobre 2010, M. [L] a obtenu la révocation de Mme [C] de ses fonctions de gérante.
M. [L] et Mme [C] demeurent à ce jour associés égalitaires de l'EARL du Montrond dont ils détiennent chacun 1 450 parts sociales et M. [L] en est le gérant et unique associé exploitant.
Pour mettre la société en conformité avec les dispositions de l'article L.324-8 du code rural et de la pêche maritime, M. [L] a convoqué une assemblée générale extraordinaire afin de décider une augmentation de capital par la création de 10 nouvelles parts sociales émises à son seul profit.
Mme [D] [C] s'est opposée aux résolutions en ce sens soumises à l'assemblée générale extraordinaire du 29 mars 2024.
Par acte de commissaire de justice du 28 mai 2024, l'EARL du Montrond et M. [T] [L] ont fait assigner en référé Mme [D] [C] aux fins, notamment, de voir désigner un mandataire ad'hoc chargé de voter, en lieu et place de Mme [C], lors de l'assemblée générale extraordinaire appelée à statuer sur l'augmentation de capital par voie d'émission de 10 parts sociales nouvelles réservées à M. [L].
Par ordonnance du 9 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Dijon a :
- dit n'y avoir lieu à référé ;
- débouté l'EARL du Montrond et M. [T] [L] de leurs demandes ;
- condamné in solidum l'EARL du Montrond et M. [T] [L] à payer à Mme [D] [C] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné in solidum l'EARL du Montrond et M. [T] [L] aux dépens de l'instance.
Par déclaration au greffe du 17 octobre 2024, l'EARL du Montrond et M. [T] [L] ont interjeté appel de cette ordonnance.
Prétentions de l'EARL du Montrond et de M. [T] [L] :
Par dernières conclusions notifiées le 20 janvier 2025, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, l'EARL du Montrond et M. [T] [L] demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire de Dijon le 9 octobre 2024 en toutes ses dispositions.
statuant à nouveau,
- désigner un mandataire ad'hoc aux fins de voter, en lieu et place de Mme [C], dans le sens des décisions conformes à l'intérêt social mais ne portant pas atteinte à l'intérêt légitime de celui-ci, lors de l'assemblée générale extraordinaire appelée à statuer sur l'augmentation de capital par voie d'émission de 10 parts sociales nouvelles réservée à M. [T] [L] ;
- condamner Mme [D] [C] à payer à M. [T] [L] 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter Mme [D] [C] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner Mme [D] [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Prétentions de Mme [C] :
En l'état de ses dernières écritures notifiées le 6 mars 2025, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien des prétentions, Mme [D] [C] entend voir au visa des articles 1844-1 et 1844-10 du code civil :
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions.
y ajoutant,
- condamner in solidum l'EARL du Montrond et M. [T] [L] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner in solidum les mêmes aux dépens de l'instance d'appel.
La clôture est intervenue le 11 mars 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
L'EARL du Montrond et M. [L] sollicitent la désignation d'un mandataire ad'hoc avec mission de voter en lieu et place de Mme [C] aux motifs que cette dernière refuse de manière systématique de voter toute décision en assemblée générale, et notamment l'augmentation de capital proposée ; que l'EARL du Montrond ne peut se mettre en conformité avec les dispositions impératives de l'article L.324-8 du code rural et de la pêche maritime, en vertu desquelles l'associé exploitant doit obligatoirement détenir plus de 50% du capital.
Ils font valoir qu'il n'a pas été demandé au juge des référés de se prononcer sur le comportement fautif de l'associée mais de faire cesser un trouble manifestement illicite, constitué par la méconnaissance d'une norme juridique obligatoire.
Ils ajoutent que la répartition du résultat social proposée en assemblée générale est conforme aux statuts, que Mme [C] ne peut s'opposer, dans le cadre de la présente instance, à la règle d'affectation des résultats « en fonction du travail », adoptée lors de l'assemblée générale de 2010, alors qu'elle en a tiré profit dans le cadre d'un précédent litige et qu'elle vote de manière systématique contre toutes les résolutions en assemblée générale (approbation des comptes, approbation des conventions réglementées, quitus de la gérance).
Mme [C] conteste l'existence d'un trouble manifestement illicite et fait valoir que dès 2020, M. [L] était informé du non-respect des dispositions de l'article L.324-8 du code rural et de la pêche maritime mais qu'il n'a alors effectué aucune démarche de mise en conformité ; que l'irrégularité relevée dans le cadre du contrôle administratif pratiqué en 2022 n'a donné lieu à aucune sanction et n'a notamment pas empêché l'EARL du Montrond de percevoir en totalité les aides PAC qui ont été régulièrement versées depuis sans modification de leur montant.
Elle explique que M. [L] tente chaque année d'obtenir une répartition léonine du résultat social, qu'elle se heurte à son refus de lui racheter ses 1 450 parts sociales, à quelque prix que ce soit, qu'elle est empêchée depuis quatorze ans de percevoir les dividendes auxquels elle a droit et que sa situation financière ne lui permet pas de demander son retrait de la société en respectant les stipulations de l'article 21 des statuts et que son opposition vise à empêcher M. [L] d'abuser de sa position d'associé-gérant en s'attribuant 'la totalité du profit' procuré par la société, en contradiction avec les dispositions de l'article 1844-1 du code civil.
- - - - - -
Selon les termes de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Ce dernier s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
L'article L.324-8 du code rural et de la pêche maritime prescrit qu'au sein d'une EARL, les associés exploitants doivent détenir ensemble plus de 50 % des parts représentatives du capital social.
A défaut et en l'absence de régularisation, l'article L.324-9 du même code prévoit que tout intéressé peut intenter une action en dissolution.
Or, il est constant entre les parties qu'ainsi que l'a relevé la direction départementale des territoires par courrier du 27 janvier 2022, l'EARL du Montrond n'est pas en conformité avec ces dispositions puisque M. [L], seul associé exploitant, ne détient que 50 % des parts sociales, situation illicite au regard des dispositions rappelées dont l'objectif est d'assurer aux exploitants la pleine maîtrise de la structure sociale.
Selon les termes de la convocation de Mme [C] à l'assemblée générale extraordinaire du 29 mars 2024, étaient soumises au vote des associés des résolutions visant à augmenter le capital social de l'EARL de 10 parts, à réserver leur souscription à M. [L], ce qui revenait à lui attribuer 50,17 % du capital social contre 49,82 % à Mme [C], ainsi qu'à modifier les statuts en conséquence.
Mme [C] a exprimé un vote défavorable à toutes ces résolutions et un courrier de son conseil du 8 mars 2024 révèle que sa position est motivée par son refus de perdre sa qualité d'associée égalitaire, alors même que la loi l'impose.
Son refus de voter une modification des statuts de la société permettant de mettre un terme à cette illicéité expose l'EARL à un risque d'action en dissolution, qu'elle-même a déjà exercé par deux fois, notamment par son assignation du 30 juillet 2020, instance toujours pendante devant le tribunal judiciaire.
Il est donc de l'intérêt de l'EARL, lequel ne se confond pas avec celui de ses associés, que soient prises toutes décisions de nature à assurer sa perennité, indépendamment des buts individuels poursuivis par les dits associés dans le conflit post-divorce qui les opposent, notamment par des modifications de ses statuts incluant des dispositifs protecteurs des associés minoritaires.
Aux fins de cessation du trouble manifeste illicite, il apparaît nécessaire de procéder à la désignation d'un mandataire ad'hoc avec mission d'exercer le droit de vote de Mme [C] lors de l'assemblée générale extraordinaire convoquée aux fins de modifications des statuts, sans que M.[L] et l'EARL puissent cependant exiger que soit fixé par avance le sens de ce vote, lequel devra être conforme à l'intérêt social sans pour autant porter atteinte à l'intérêt légitime des associés, notamment appelés à être minoritaires.
L'ordonnance de référé sera en conséquence infirmée en ce sens.
PAR CES MOTIFS :
Infirme l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Dijon en date du 9 octobre 2024 ;
statuant à nouveau,
Désigne Maître [E] [M],
[Adresse 3]
[XXXXXXXX01]
[Courriel 11]
en qualité de mandataire ad'hoc avec pour mission d'exercer, lors de la prochaine assemblée générale extraordinaire convoquée aux fins de modifications des statuts de l'EARL du Montrond, le droit de vote de Mme [D] [C], associée, en conformité avec l'intérêt social et sans porter atteinte à l'intérêt légitime de Mme [C],
Dit que l'EARL du Montrond devra verser à Maître [E] [M], ès qualités, la somme de 2 000 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération définitive qu'elle devra lui payer ;
Condamne Mme [D] [C] aux dépens de l'instance d'appel ;
Rejette les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,