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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 18 septembre 2025, n° 21/13574

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Locam (SAS)

Défendeur :

Selarl De Veterinaires (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Vignon, Mme Martin

Avocats :

Me Kouyoumdjian, Me Arnaud

TJ Draguignan, du 7 juill. 2021, n° 19/0…

7 juillet 2021

EXPOSE DU LITIGE

Mme [P] [D], qui exerce dans le cadre de la société d'exercice libéral Vétérinaires [D] une activité professionnelle de vétérinaire dans son cabinet, a fait l'objet d'un démarchage au mois de juin 2016, par M. [O], commercial au sein de la société SIN, société de négoce de photocopieurs.

Ayant souhaité disposer d'un photocopieur de la marque Triumph Adler neuf, elle s'est engagée dans une opération tripartite impliquant les sociétés Solution impression numérique (SIN,en qualité de fournisseur de l'équipement et de prestataire de la maintenance) et LOCAM (en qualité de société de location).

Les contrats suivants ont été conclus tous le 24 juin 2016:

- un bon'de'commande'entre la société Vétérinaires [D] et INPS groupe portant sur un copieur neuf Triumph Adler, un scan, un fax,

- entre les mêmes parties, un contrat de maintenance associé,

- un contrat de location longue durée, entre la société LOCAM et la société Vétérinaires [D], portant sur un matériel TA PC 3565 MFP, neuf, fourni par la société SIN, mettant à la charge de la locataire le réglement de 21 loyers mensuels de 1980 € TTC.

Le copieur a fait l'objet d'un bon de livraison et de conformité le 5 juillet 2016.

Par jugement du 7 mai 2019, la société SIN a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Toulon et Me [Z] a été désigné en qualité de liquidateur.

Par courrier adressé au liquidateur de la société SIN le 25 mai 2019, la SELARL Vétérinaires [D] a déclaré sa créance et mettait en demeure de ce dernier de la fixer sur les contrats en cours.

Par courrier du 10 juillet 2019, Me [Z] répondait à Mme [P] [D] que la société SIN avait définitivement cessé son activité à compter du 7 mai 2019 et qu'elle ne pourrait donc assurer l'exécution du contrat en cours.

Par actes d'huissier de justice des 6 et 9 mars 2019, la société de Vétérinaires [D] faisait assigner les sociétés SIN et LOCAM devant le tribunal judiciaire de Draguignan en particulier pour solliciter l'annulation des contrats de fournitures et de location.

Par jugement du 7 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Draguignan se prononçait en ces termes :

- prononce l'annulation du contrat de location longue durée conclu le 24 juin 2016 entre la société

LOCAM et la SELARL de Vétérinaires [D],

- dit que la société LOCAM est tenue au remboursement des loyers versés et la condamne à payer à la SELARL De Vétérinaires [D] la somme de 16.477, 68 euros, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement

- prononce l'annulation du contrat de fourniture et de maintenance conclu le 24 juin 2016 entre la société S.I.N et la SELARL De Vétérinaires [D]

- dit que la SELARL de Vétérinaires [D] tient à disposition de Maître [Z] en qualité de liquidateur de la société S.I.N le photocopieur TAP.C 3565MFP et qu'il pourra venir le récupérer aux frais de la société S.I.N

- condamne in solidum Maître [Z] en qualité de liquidateur de la société S.I.N et la société LOCAM à payer à la SELARL de Vétérinaires [D] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamne in solidum Maître [Z] en qualité de liquidateur de la société S.I.N et la société LOCAM aux dépens et

- autorise Maître Sophie Arnaud à recouvrer directement ceux dont elle a fait avance sans en avoir reçu provision

Le 23 septembre 2021, la société LOCAM formait un appel en intimant la société de vétérinaires [D] et Me [V] [Z], en qualité de liquidateur de la société SIN.

La déclaration d'appel est ainsi rédigée : 'l'annulation du jugement entrepris en ce qu'il a fait droit aux moyens et prétentions de LA SELARL De Vétérinaires [D], en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat de location longue durée conclu le 24 juin 2016 entre la société LOCAM et la SELARL de Vétérinaires [D]

- dit que la société LOCAM est tenue au remboursement des loyers versés et la condamne à payer à la SELARL de Vétérinaires [D] la somme de 16.477, 68 euros, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement

- prononcé l'annulation du contrat de fourniture et de maintenance conclu le 24 juin 2016 entre la société S.I.N et la SELARL De Vétérinaires [D]

- dit que la SELARL de Vétérinaires [D] tient à disposition de Maître [Z] en qualité de liquidateur de la société S.I.N le photocopieur TAP.C 3565MFP et qu'il pourra venir le récupérer aux frais de la société S.I.N

- condamné in solidum Maître [Z] en qualité de liquidateur de la société S.I.N et la société LOCAM à payer à la SELARL de Vétérinaires [D] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné in solidum Maître [Z] en qualité de liquidateur de la société S.I.N et la société LOCAM aux dépens et autorisé Maître Sophie Arnaud à recouvrer directement ceux dont elle a fait avance sans en avoir reçu provision

- en rejetant les moyens de la SAS LOCAM,

sur l''application des dispositions du code de la consommation,

à titre principal, débouter la SELARL de Vétérinaires [D] de sa demande en annulation du contrat de location longue durée en vertu de l'article L 121 16 1 I 4° du code de la consommation,

- juger que la SELARL de Vétérinaires [D] a agi dans le cadre de son champ d'activité principal

en tout état de cause,

- dire et juger que la SELARL De Vétérinaires [D] ne s'est jamais prévalue dans le délai de l'article L 121 21 1 du code de la consommation, de l'absence de défaut de bordereau de rétractation,

- débouter la SELARL de Vétérinaires [D] de sa demande de caducité du contrat de location comme conséquences des manquements invoqués à l'encontre de SIN et non avérés,

- dire que le contrat de location longue durée liant LOCAM à la société de Vétérinaires [D] a pour terme contractuel le 30 septembre 2021,

- dire et juger que les loyers devront être réglés jusqu'au 30 septembre 2021,

- dire et juger que le matériel est toujours en possession de la société Vétérinaires [D] qui ne l'a pas restitué,

- condamner la société de Vétérinaires [D] à restituer le TA PC 3565 MFP à ses frais et au siège social de la SAS LOCAM sous astreinte de 30 euros par jour de retard,

- condamner la société de Vétérinaires [D] à verser une somme de 1500 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,

- condamner la société de Vétérinaires [D] aux dépens

Par acte d'huissier du 8 décembre 2021, la société LOCAM signifiait à la société BR associés, à personne morale, ses conclusions et la déclaration d'appel.

Par courriers des 4 janvier 2022, la société BR associés, prise en la personne de Me [V] [Z], déclarait intervenir en qualité de liquidateur de la société SIN, ajoutant que la société LOCAM avait déclaré sa créance à hauteur de 5 369 313, 56 euros entre ses mains et qu'il ne constituerait pas avocat compte tenu de l'impécuniosité de la société SIN.

L=ordonnance de clôture de l'instruction était prononcée le 6 mai 2025.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Par conclusions notifiées par voie électronique le 5 mai 2025, la société LOCAM demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a annulé le contrat de location souscrit dans le champ d'activité principal de la SELARL de vétérinaires [D], en le soumettant aux dispositions du code de la consommation contrairement aux dispositions de l'article L 221 2 4° (L121 16 1 4° ancien),

- dire que la SELARL de Vétérinaires [D] a exécuté volontairement le contrat de location sans se prévaloir des dispositions de l'article L 221-20 du code de la consommation (L121 21 1 ancien) en étant dans l'impossibilité de restituer le matériel dans son état d'origine,

- débouter la SELARL de Vétérinaires [D] de sa demande d'annulation du contrat de location fondée sur les pratiques déloyales, à l'encontre de SIN,

- débouter LA SELARL De Vétérinaires [D] de sa demande de restitution des loyers versés entre les mains de la société LOCAM compte tenu de l'exécution volontaire du contrat de location jusqu'au jour du jugement,

- condamner la société Vétérinaires [D] à restituer le matériel objet du contrat de location à ses frais et au siège social de la SAS LOCAM sous astreinte de 30 € par jour de retard,

- condamner la SELARL de Vétérinaires [D] à verser une somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SELARL de Vétérinaires [D] aux dépens.

Par conclusions notifiées par voies électroniques le 2 mai 2015, la société Vétérinaire [D] demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles L221-3 et suivants du code de la consommation, L242-1 du code de la consommation,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- débouter la société LOCAM de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner Me [Z] et la société LOCAM au paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, distraits au profit de Me S. Arnaud, avocat,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour entrait en voie de réformation,

vu l'article 1 des conditions générales de location, les dispositions des articles L121-1 et suivants du code de la consommation,les dispositions des anciens articles 1108, 1109, 1116,1117, 1134, 1147, 1152, 1162 et 1184 du code civil,

- prononcer la nullité des contrats de fourniture établis par la société SIN et de location longue durée avec la société LOCAM des 24 juin 2016,

- condamner la société LOCAM à restituer à la SELARL [D] la somme de 16 477,68 euros correspondant aux loyers versés, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir, avec intérêts à taux légal à compter de l'assignation.

- dire que la SELARL [D] tient à la disposition de la société SIN le copieur TA 3565,

et qu'il conviendra que cette dernière vienne le récupérer à ses frais.

- fixer la créance de la SELARL de Vétérinaires [D] au montant des frais d'enlèvement, au passif de la société SIN,

à titre infiniment subsidiaire,

Vu les dispositions des anciens articles 1134, 1147, 1152, 1162 et 1184 du code civil,

- prononcer la résiliation aux torts de la société SIN du contrat du 24 juin 2016, à la date du 31 mai 2017.

- prononcer la caducité des contrats de locations longue durée attachés à ces opérations contractuelles conclus auprès de la société LOCAM, à compter de cette date.

- condamner la société LOCAM à restituer à la SELARL [D] le montant les loyers versés, à partir du 31 mai 2017, soit 10 298,5 euros somme à parfaire au jour de la décision à intervenir avec intérêt à taux légal à compter du 31 mai 2017.

- dire que la SELARL [D] tient à la disposition de la société LOCAM le copieur Olivetti MF3100, et qu'il conviendra que cette dernière vienne le récupérer, à ses frais.

à titre très infiniment subsidiaire,

vu l'article L641-11-1 du code de commerce,

- constater la résiliation de plein droit du contrat de la société SIN le 24 juin 2019.

- prononcer la caducité des contrats de locations longue durée attachés à ces opérations contractuelles conclus auprès de la société LOCAM, à compter de cette date.

- condamner la société LOCAM à restituer à la SELARL [D] le montant les loyers versés, à partir de cette date.

- condamner la société SIN au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- fixer la créance de la SELARL De Vétérinaires [D] à la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au passif de la société SIN.

- condamner la société SIN, en tant que de besoin à relever et garantir la requérante de toute condamnation éventuelle prononcée à son encontre à l'égard de la société LOCAM, tant en principal, frais et accessoires.

- fixer la créance de la SELARL [D] au passif de la société SIN au montant des éventuelles condamnations prononcées à son encontre.

- débouter la société LOCAM de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

- condamner la société LOCAM au paiement de la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, distraits au profit de Me S. Arnaud, avocat.

'MOTIFS

Maître [Z]-en qualité de liquidateur de la société SIN- n'ayant pas constitué avocat-est réputé s'approprier les motifs du jugement.

1-sur la demande de la société de Vétérinaires [D] d'annulation des contrats litigieux

1-1 sur l'applicabilité au présent litige des dispositions du code de la consommation

Selon l'article L121-16-1III dans sa version en vigueur du 08 août 2015 au 01 juillet 2016 applicable aux contrats litigieux tous conclus le 24 juin 2016:III.-Les sous-sections 2, 3, 6, 7 et 8, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

L'article L 121-16-1 III du code de la consommation étend le régime protecteur ,applicable au consommateur concluant un contrat hors établissement, au professionnel démarché ,sous certaines conditions énoncées par cet article.

S'agissant tout d'abord de la condition tenant au fait que les contrats doivent avoir été conclus hors établissement, l'existence de celle-ci n'est pas clairement contestée par la société de location appelante.

S'agissant ensuite de la condition relative au nombre de salariés employés au un moment de la souscription du contrat (inférieur ou égal à cinq), la locataire intimée produit une attestation du 17 septembre 2018 de son expert comptable, dont il résulte qu'au cours de l'année 2016, l'effectif salarié équivalent temps plein de la société Vétérinaires [D] s'est élevé à 1,26. Cette condition est satisfaite.

S'agissant enfin de la dernière condition posée par l'article L 121-16-1 III du code de la consommation, à savoir la nécessité d'un contrat n'entrant pas dans le champ de l'activité principale du professionnel, la SELARL de Vétérinaires [D] a pour activité principale, selon le registre national des entreprises, la profession de vétérinaire, c'est-à-dire les examens, diagnostics et soins aux animaux.

L'activité principale d'une SELARL qui consiste à faciliter l'exercice de la profession de ses membres en instaurant leur responsabilité limitée et en offrant un cadre une structure adaptée aux spécificités des professions libérales, doit s'apprécier au regard de cette activité professionnelle.

Les objets des contrats litigieux, à savoir la commande, la maintenance, la garantie ou la location de photocopieurs n'entrent pas dans le champ de l'activité principale du professionnel.

Au regard des exigences posées par l'article L 121-16-1 III du code de la consommation, pour son application à un professionnel, il importe peu de savoir que la société locataire a utilisé le matériel loué pour les besoins de son activité professionnelle, ledit article prévoyant expressément d'étendre certaines dispositions protectrices du code de la consommation aux professionnels et donc aux contrats pouvant répondre à leurs besoins professionnels.

Les conditions d'application des dispositions du code de la consommation visées à l'article L 121-16-1 III du code de la consommation, précédemment reproduit, sont en l'espèce réunies.

1-2 sur le moyen relatif aux services financiers

Selon l'article L121-16-1 4° du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 08 août 2015 au 01 juillet 2016 ;I.-Sont exclus du champ d'application de la présente section : 4° Les contrats portant sur les services financiers ;

L'article L. 341-1 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 01 octobre 2014 au 24 mai 2019, indique expressément les démarchages concernés par le statut prévu par le code monétaire et financier :Constitue un acte de démarchage bancaire ou financier toute prise de contact non sollicitée, par quelque moyen que ce soit, avec une personne physique ou une personne morale déterminée, en vue d'obtenir, de sa part, un accord sur :

1° La réalisation par une des personnes mentionnées au 1° de l'article L. 341-3 d'une opération sur un des instruments financiers énumérés à l'article L. 211-1 ;

2° La réalisation par une des personnes mentionnées au 1° ou au 4° de l'article L. 341-3 d'une opération de banque ou d'une opération connexe définies aux articles L. 311-1 et L. 311-2 ;

3° La fourniture par une des personnes mentionnées au 1° de l'article L. 341-3 d'un service d'investissement ou d'un service connexe définis aux articles L. 321-1 et L. 321-2 ;

4° La réalisation d'une opération sur biens divers mentionnée à l'article L. 550-1 ;

5° La fourniture par une des personnes mentionnées au 3° de l'article L. 341-3 d'une prestation de conseil en investissement prévu au I de l'article L. 541-1 ;

6° La fourniture par une des personnes mentionnées au 1° de l'article L. 341-3 d'un service de paiement prévu au II de l'article L. 314-1 ;

7° La fourniture par un conseiller en investissement participatif de la prestation de conseil en investissement prévu au I de l'article L. 547-1.

Constitue également un acte de démarchage bancaire ou financier, quelle que soit la personne à l'initiative de la démarche, le fait de se rendre physiquement au domicile des personnes, sur leur lieu de travail ou dans les lieux non destinés à la commercialisation de produits, instruments et services financiers, en vue des mêmes fins.

L'activité de démarchage bancaire ou financier est exercée sans préjudice de l'application des dispositions particulières relatives à la prestation de services d'investissement, à la réalisation d'opérations de banque et de services de paiement et à la réalisation d'opérations sur biens divers, ainsi que des dispositions de l'article 66-4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

L'article L311-1 du code de monétaire et financier ajoute :Les opérations de banque comprennent la réception de fonds remboursables du public, les opérations de crédit, ainsi que les services bancaires de paiement.

L'article L 311-2 6° du code monétaire et financier, inséré dans la section 2 intitulée :' Définition des opérations connexes aux opérations de banque'ajoute : I. ' Les établissements de crédit peuvent aussi effectuer les opérations connexes à leur activité telles que :6. Les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit-bail.

L'article L341-2 du code monétaire et financier, dans sa version en vigueur du 01 janvier 2014 au 01 juillet 2016 dispose enfin : Les règles concernant le démarchage bancaire ou financier ne s'appliquent pas :

6° Aux démarches effectuées, pour le compte d'un établissement de crédit ou d'une société de financement, en vue de proposer un contrat de financement de biens ou de prestations de services répondant aux conditions prévues à la section 9 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de la consommation, ou constituant une location-vente ou une location avec option d'achat visées à l'article L. 311-2 dudit code. Il en va de même lorsque ces contrats sont destinés aux besoins d'une activité professionnelle ;

7° Sans préjudice des dispositions prévues au 6°, aux démarches effectuées pour le compte d'un établissement de crédit ou d'une société de financement en vue de proposer des contrats de financement de ventes à tempérament ou de location aux personnes, physiques ou morales, autres que celles visées au 1°, à la condition que le nom de l'établissement ou de la société prêteur et le coût du crédit ou de la location soient mentionnés, sous peine de nullité.

Vu l'article L313-1 al 2 d u code monétaire et financier énonçant : Sont assimilés à des opérations de crédit le crédit-bail, et, de manière générale, toute opération de location assortie d'une option d'achat.

La société LOCAM tente de s'opposer à l'application du code de la consommation à son contrat de location conclu le 24 juin 2016 en soutenant que ce dernier porte sur des services financiers et qu'il serait donc exclu du champ protecteur applicable aux contrats conclus hors établissement.

Toutefois, la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, transposée en droit interne par la loi nº2014-344 du 17 mars 2014, définit les services financiers comme tout service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements.(chapitre 1er intitulé 'objet, définition et champ d'application', article 2, paragraphe 12).

Les contrats litigieux dont la nullité est recherchée (bons de commande, contrat de maintenance, contrat de location),et en particulier le contrat de location consenti par la société LOCAM, n'entrent pas dans la catégorie de la notion de services financiers telle que définie par la directive 2011/83/UE, ne constituant pas un 'service ayant trait à la banque, au crédit, à l'assurance, aux pensions individuelles, aux investissements ou aux paiements'.

En outre,le contrat de location litigieux, qui n'est qu'une location simple sans option d'achat, n'est pas assimilable à une opération de crédit au sens de l'article L 313-1 du code monétaire et financier ci-dessus reproduit ni à un service financier au sens de la directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011.

Toujours pour soutenir que la location litigieuse constitue un service financier exclu du champ d'application du code de la consommation relatif aux ventes hors établissement, la société LOCAM invoque l'article L 311-2 6° du code monétaire et financier, précédemment reproduit, lequel indique cependant seulement que les établissements de crédit peuvent aussi effectuer les opérations connexes à leur activité telles que ':Les opérations de location simple de biens mobiliers ou immobiliers pour les établissements habilités à effectuer des opérations de crédit- bail'.

La faculté offerte aux établissements de crédit d'effectuer des opérations connexes, telles que les opérations de location simple ne signifie pas que les contrats de location litigieux, déjà énumérés, constitueraient un service financier.

Par ailleurs, il est exact que dans son arrêt du 21 décembre 2023 (dans les affaires jointes C-38/21, C-47/21 et C-232/21), la cour de justice de l'union européenne a notamment jugé qu'un contrat de leasing relatif à un véhicule automobile, caractérisé par le fait que ni ce contrat ni un contrat séparé ne prévoient que le consommateur est tenu d'acheter le véhicule à l'expiration du contrat, relève du champ d'application de la directive 2011/83, en tant que « contrat de service », au sens de l'article 2, point 6, de celle-ci.

Toutefois, la cour n'est pas saisie d'un contrat de leasing relatif à un véhicule automobile mais d'un contrat de location portant sur un photocopieur.

En conclusion, les contrats litigieux, qui sont des bons de commande, des contrats de garantie et de locations simples ne sauraient s'analyser en des services financiers au sens de l'article L 221-2 du code de la consommation.

Si la société LOCAM justifie être inscrite au 2 mai 2015 au registre unique des intermédiaires en assurance, banque, finance, cela ne change rien à la nature du contrat litigieux qui a été conclu en l''espèce, soit une simple opération de location ne constituant pas un service financier.

Enfin, si l'article L341-2 du code monétaire et financier prévoit des hypothèses dans lesquelles les 'règles concernant le démarchage bancaire ou financier ne s'appliquent pas', cet article, qui se réfère aux règles du code monétaire et financier, n'a pas d'incidence sur ce litige. En effet, la société locataire revendique l'application, à son profit, non pas des règles issues du code monétaire et financier concernant le démarchage bancaire ou financier, mais le bénéfice des règles prévues par le code de la consommation concernant les contrats hors établissement souscrits par les consommateurs.

Les moyens opposés par la société LOCAM sont donc inopérants et ne permettent pas d'exclure les contrats litigieux souscrits en 2016 du champ de protection du code de la consommation applicable aux contrats conclus hors établissement.

1-3- sur le moyen tiré de la confirmation du contrat de location

Selon l'article 1338 du code civil, dans sa version en vigueur du 14 mars 2000 au 01 octobre 2016 :L'acte de confirmation ou ratification d'une obligation contre laquelle la loi admet l'action en nullité ou en rescision n'est valable que lorsqu'on y trouve la substance de cette obligation, la mention du motif de l'action en rescision, et l'intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée.A défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée.La confirmation, ratification, ou exécution volontaire dans les formes et à l'époque déterminées par la loi, emporte la renonciation aux moyens et exceptions que l'on pouvait opposer contre cet acte, sans préjudice néanmoins du droit des tiers.

Pour tenter de faire échec à la sanction de nullité du contrat de location, la société LOCAM, oppose à la société locataire le moyen tiré de la confirmation du contrat nul, précisant que la poursuite volontaire du contrat a eu pour conséquence de purger l'éventuelle nullité du contrat pour défaut de bordereau invoquée par la SELARL [D].

Toutefois, il est désormais de principe que la reproduction même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances permettant de justifier d'une telle connaissance.

En l'espèce, si la société [D] a poursuivi volontairement le contrat de location, cela ne signifie pas pour autant que celle-ci avait connaissance des vices de forme qui affectaient les différents contrats conclus, ni qu'elle aurait renoncé à solliciter la nullité desdits contrats ou à exercer son droit de rétractation.En tout état de cause, il ne ressort d'aucun des éléments aux débats que l'intimé avait conscience du vice affectant le contrat de location au moment de sa souscription ou de son exécution.

Le moyen tiré de la confirmation de l'acte nul est donc inefficace.

La société [D] est bien fondée à invoquer la sanction de nullité applicable à tous les contrats en litige.

1-4 sur la sanction de nullité

Selon l'article L121-16-1III du code de la consommation, dans sa version en vigueur du 08 août 2015 au 01 juillet 2016 applicable aux contrats litigieux : III.-Les sous-sections 2, 3, 6, 7 et 8, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

L'article L121-18-1 du même code, dans sa version en vigueur du 22 décembre 2014 au 01 juillet 2016, ajoute :Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties. Ce contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17.Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° du I de l'article L. 121-17.

L'article L 121-17 du même code, dans sa en vigueur du 14 juin 2014 au 01 juillet 2016, en ses I et III, énonce :

I.-Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;

III.-La charge de la preuve concernant le respect des obligations d'information mentionnées à la présente sous-section pèse sur le professionnel.

Il résulte des dispositions combinées précédentes que le contrat hors établissement doit être accompagné d'un formulaire type de rétractation et qu'il doit comprendre toutes les informations prévues aux articles L 111-1 et L 111-2 à défaut de quoi il est nul, en application de l'article L 121-18-1 précédemment reproduit.

En l'espèce, ni la société SIN, qui n'a pas constitué avocat, ni la société LOCAM, ne rapportent la preuve que les contrats litigieux comprenaient un bordereau de rétractation et toutes les informations obligatoires relatives au droit de rétractation prévues à l'article L. 121-17 du code de la consommation.

Enfin, résulte de l'article L. 121-18-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, que, lorsque les informations relatives à l'exercice du droit de rétractation mentionnées à l'article L. 121-17, I, 2°, dudit code ne figurent pas dans un contrat conclu hors établissement, la nullité de ce contrat est encourue. Il s'ensuit qu'une telle sanction peut être invoquée par le souscripteur du contrat, au même titre que la prolongation du délai de rétractation prévue par l'article L. 121-21-1 du même code.

Le bon de commande, le contrat de garantie et de maintenance, le contrat de location sont donc nuls et le jugement doit être confirmé en ce qu'il :

- prononce l'annulation du contrat de location longue durée conclu le 24 juin 2016 entre la société

LOCAM et la société de Vétérinaires [D],

- prononce l'annulation du contrat de fourniture et de maintenance conclu le 24 juin 2016 entre la société S.I.N et la société de Vétérinaires [D].

2 -sur la demande de la société de location de restitution de sommes

Il est de principe que le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé et que les prestations exécutées donnent lieu à restitution.

La sanction de nullité du contrat de garantie et de maintenance, ainsi que du contrat de location, étant confirmée par la cour, les prestations exécutées par les parties doivent donner lieu à restitution entre elles.

La société de location appelante ne conteste pas que la locataire intimée lui a versé des loyers en exécution du contrat de location,dont la nullité a été prononcée, et ce à hauteur de 16 477,68 euros.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il condamne la société LOCAM à payer à la société Vétérinaires [D] la somme de 16 477, 68 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement.

3-sur la restitution des équipements loués

En l'espèce, les contrat de location litigieux ayant été annulés par la cour, la société Veterinaires [D] est tenue de restituer le matériel loué dont elle ne conteste pas être toujours en possession.

Le légitime propriétaire du matériel loué est la seule société LOCAM ,et non la société SIN, dès lors que la société de location produit la facture d'achat du matériel auprès de cette dernière.

En conséquence, infirmant le jugement en ce qu'il dit que la société locataire tient le matériel loué à disposition du liquidateur de la société SIN, la cour condamne la société Vétérinaires [D] à restituer à la société LOCAM le matériel objet des contrats de location à ses frais et au siège social de la SAS LOCAM

En revanche, le prononcé d'une astreinte n'étant pas justifié, la cour rejette la demande en ce sens de la société LOCAM.

4-sur la créance de la société Vétérinaires [D] au titre des frais d'enlèvement

Le jugement critiqué contient le chef de jugement suivant dans son dispositif : 'Fixe la créance de la SELARL Vétérinaires [D], inscrite au passif de la société S. I.N,au montant des frais d'enlèvement'.

La société intimée demande la confirmation de ce chef particulier, tandis que la société SIN, qui n'a pas constitué avocat, est réputée s'approprier les motifs du jugement.

La cour confirme le jugement en ce qu'il prononce le chef de dispositif précédemment reproduit.

5 -sur les frais du procès

A hauteur d'appel, la société LOCAM est déboutée de la totalité de ses prétentions.

Le jugement est donc confirmé du chef de l'article 700 et des dépens.

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société LOCAM aux entiers dépens d'appel (dont ceux exposés par la société Vétérinaires [D] dont distraction au profit de Me Sophie Arnaud) et à payer à la société Vétérinaires [D] une somme de 4500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société LOCAM est déboutée de ses demandes au titre de l'article 700 du code procédure civile et des dépens.

Me [Z] et la société SIN supporteront la charge de leurs entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, réputé contradictoire:

- confirme le jugement en toutes ses dispositions soumises à la cour sauf en ce qu'il dit que la société de Vétérinaires [D] tient à disposition de Maître [Z] en sa qualité de liquidateur de la société SIN, le photocopieur TA PC 3S65MFP et qu'il pourra venir le récupérer aux frais de la société SIN,

- statuant à nouveau et y ajoutant,

- condamne la société Vétérinaires [D] à restituer à la société LOCAM le matériel objet des contrats de location à ses frais et au siège social de la SAS LOCAM,

- rejette la demande d'astreinte,

- rejette la demande de la société LOCAM au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

- condamne la société LOCAM à payer à la à la société Vétérinaires [D] une somme de 4500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la société LOCAM aux dépens d'appel exposés par la société Vétérinaires [D] dont distraction au profit de Me Sophie Arnaud,

- dit que Me [Z], en sa qualité de liquidateur de la société SIN, les sociétés SIN et LOCAM supporteront la charge de leurs entiers dépens.

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