CA Nîmes, 5e ch. Pôle soc., 18 septembre 2025, n° 24/02704
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 24/02704 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JJMG
CRL/DO
POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON
11 juillet 2024
RG :20/00918
[V]
C/
S.A.S. SOCIETE [7]
CPAM HD [Localité 5]
Grosse délivrée le 18 SEPTEMBRE 2025 à :
- Me BRUYERE
- Me DUMOULIN
- CPAM
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5e chambre Pole social
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 11 Juillet 2024, N°20/00918
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 Mai 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Septembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [C] [V]
née le 29 Janvier 1968 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Julie-gaëlle BRUYERE, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
S.A.S. SOCIETE [7]
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représentée par Me Delphine DUMOULIN de la SELARL GALLIZIA DUMOULIN ALVINERIE, avocat au barreau de GRENOBLE
CPAM HD [Localité 5]
[Adresse 12]
[Localité 3]
Non comparant, non représenté
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 18 Septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 18 août 2016, Mme [C] [V], salariée de la SASU [7] en qualité de chef d'agence, a été victime d'un accident du travail, lequel a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse au titre de la législation professionnelle.
L'accident est ainsi décrit dans la déclaration effectuée par l'employeur le 19 août 2016 ' la victime charge du matériel travaux publics dans le camion d'un client. Une bordure béton glisse lors du chargement - contusion oedème sur dessus du pied droit'. Le certificat médical initial établi le 19 juillet 2016 mentionne ' contusion du pied droit'.
L'état de santé de Mme [V] a été consolidé à compter du 16 septembre 2018 et son taux d'incapacité permanente partielle a été fixé à 20% par la Caisse Primaire d'assurance maladie et sur décision judiciaire en date du 12 juillet 2022 à 31% dont 6% pour le taux professionnel.
Le 16 avril 2019, Mme [V] a sollicité auprès de la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse la mise en 'uvre d'une tentative de conciliation avec son employeur l'organisme social a dressé un constat de carence en date du 12 mars 2020.
Par requête déposée au greffe le 22 octobre 2020, Mme [V] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur comme étant à l'origine de son accident du travail en date du 18 août 2016.
Par jugement contradictoire rendu le 11 juillet 2024, le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon a :
- débouté Mme [C] [V] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamné Mme [C] [V] à payer la somme de 500,00 euros à la SASU [7] au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné Mme [C] [V] aux dépens.
Par acte du 07 août 2024, Mme [C] [V] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Enregistrée sous le numéro RG 24 02704, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 6 mai 2025.
Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, Mme [C] [V] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu en date du 11 Juillet 2024, le Pôle social d'[Localité 5] qui a :
- Débouté Madame [C] [V] de l'intégralité de ses demandes;
- Condamné Madame [C] [V] à payer la somme de 500 euros à la SASU [7] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamné Madame [C] [V] aux dépens,
- dire et juger que son accident du 18 août 2016 est dû à la faute inexcusable de l'employeur la société [7],
- dire et juger que la société [7] a commis une faute inexcusable.
- ordonner une majoration de la rente au titre de la réparation du préjudice
- avant dire droit, ordonner une expertise médicale avec pour mission, après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l'identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son niveau scolaire, son statut et sa formation, son mode de vie antérieur à l'accident et sa situation actuelle,
A partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et de tous les documents médicaux fournis, sachant décrire en détail, les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation, et pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement et services concernés et la nature des soins,
- Recueillir les doléances de la victime et au besoin de ses proches ; l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,
- Décrire au besoin, un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,
- Procéder en présence des médecins mandatés par les parties avec l'assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,
1/ souffrances physiques et morales
- décrire les souffrances physiques et morales liées à l'accident, s'étendant de la date de celui-ci à la consolidation et les évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés.
2/ préjudice esthétique
- donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance d'un préjudice esthétique définitif et l'évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés,
3/ préjudice d'agrément
- apprécier les répercussions définitives dans l'exercice d'activités sportives et de loisirs pratiquées antérieurement à l'accident,
4/ perte ou diminution de promotion professionnelle
- inviter la victime à indique son niveau d'études et de formation, son expérience et les différents postes occupés dans sa carrière, et les perspectives prévisibles de promotion à la date du fait accidentel,
- interroger la victime, au cas où elle suivait un enseignement à la date de l'accident, sur ses diplômes, la nature de ses études et son niveau,
5/ déficit fonctionnel temporaire avant consolidation
- indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles,
- en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée,
6/ tierce personne avant consolidation
La victime est atteint d'un taux d'incapacité supérieur à 80 % indiquer si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étranger ou non à la famille) a été nécessaire, avant consolidation pour effectuer les démarches et plus généralement, accomplir les actes de la vie quotidienne ; préciser la nature de l'aide à apporter et sa durée quotidienne.
7/ frais de logement et ou de véhicule adaptés
- donner son avis sur d'éventuels aménagements nécessaires pour permettre le cas échéant à la victime d'adapter son logement et /ou son véhicule à son handicap.
8/préjudice sexuel
- indiquer s'il existe ou s'il existera un préjudice sexuel (perte ou diminution de la libido, impuissance ou frigidité, perte de fertilité).
9/ préjudice d'établissement
- dire si la victime subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser un projet de vie familiale,
- dire et juger que la société [7] devra faire l'avance des frais d'expertise
- dire et juger que le jugement sera commun et opposable à la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse,
- condamner la société [7] à lui verser la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, Mme [C] [V] fait valoir que :
- la SASU [7] a manqué à son obligation de sécurité dans la mesure où le manque de personnel l'a contrainte à se retrouver seule avec son assistante commerciale pour tenir l'agence, et en l'absence des magasiniers, elle a dû prendre les bordures et les charger manuellement sur la palette,
- le risque ayant entrainé son accident n'est pas mentionné dans le DUERP, ce dont il se déduit que l'employeur n'a pas déterminé les opérations nécessaires pour organiser les opérations de débourrage sur voie publique, et donc d'organiser son travail et d'assurer sa sécurité,
- elle a du faire face à l'absence d'un magasinier et d'un responsable des ventes sans que l'employeur, informé de ce manque d'effectif, ne réagisse, et elle a du pallier ces absences,
- la motivation du premier juge est inique et scandaleuse car elle revient à considérer que la victime d'un accident de nature en engager la faute inexcusable de l'employeur s'il ne dispose pas de témoin, ne peut obtenir réparation,
- la réalité du fait accidentel n'a jamais été contestée par l'employeur et elle produit deux témoignages qui en attestent,
- l'accident est dû au fait que l'employeur n'a pas vérifié l'état du matériel mis à disposition de ses salariés, et qu'elle a procédé aux opérations de chargement avec une palette en bois pourri,
- l'effectif de l'agence n'était pas au complet, ce dont l'employeur était informé, et elle a dû effectuer une tâche qui n'entrait pas dans ses attributions,
- ensuite de la reconnaissance de la faute inexcusable de la SASU [7], elle est fondée à solliciter l'indemnisation de ses préjudices et avant dire droit une expertise pour les quantifier, les blessures qu'elle a subies ayant conduit à la reconnaissance du statut de travailleur handicapé.
Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la SASU [7] demande à la cour de :
- débouter Mme [C] [V] de toutes ses prétentions,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- condamner Mme [C] [V] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Au soutien de ses demandes, la SASU [7] fait valoir que:
- Mme [C] [V] n'apporte pas d'explications sur les circonstances de son accident, et notamment sur la manière dont la bordure en béton lui est tombée sur le pied alors qu'elle était dans le chariot élévateur,
- elle n'a pas contesté l'accident du travail dès lors que Mme [C] [V] s'est blessée sur son lieu de travail, mais cette absence de contestation n'équivaut pas à un aveu sur l'existence d'une faute inexcusable,
- outre que Mme [C] [V] a évoqué tardivement la détérioration de la palette utilisée, elle n'en rapporte pas la preuve, ni celle d'une connaissance de sa détérioration par l'employeur,
- les deux attestations produites par Mme [C] [V] en cause d'appel ne permettent pas de caractériser la faute inexcusable qui lui est reprochée, les deux témoins étant absents au moment des faits, et la photographie versée aux débats n'est pas datée et ne porte aucune indication quant au lieu où elle a été prise,
- Mme [C] [V] ne rapporte pas la preuve qu'elle était seule avec une assistante commerciale au moment de son accident, et surtout, par ses fonctions et la délégation de pouvoir dont elle était titulaire, il lui appartenait de recruter le personnel relevant de son établissement,
- au surplus, contrairement à ce qu'elle soutient, elle n'a jamais alerté sa hiérarchie d'une situation de sous-effectif,
- par ailleurs, la communication relative aux accidents du travail dont Mme [C] [V] se prévaut ne concerne pas la structure dans laquelle elle exerçait et ne peut caractériser un quelconque manquement qui serait imputable à sa hiérarchie,
- elle a mis en place une organisation permettant de pallier les absences de ses salariés,
- Mme [C] [V], en raison de ses fonctions, est la seule responsable de la situation qu'elle dénonce désormais, et échoue à démontrer que la situation de sous-effectif qu'elle dénonce serait à l'origine de son accident,
- elle justifie de son DUERP et Mme [C] [V] elle-même reconnait dans ses écritures qu'elle portait ses chaussures de sécurité et était titulaire du permis requis pour conduire le chariot,
- Mme [C] [V], qui par la délégation de pouvoir dont elle était titulaire avait en charge la sécurité et l'hygiène du site, ne démontre pas en quoi son employeur aurait manqué à son obligation de sécurité à son égard,
- Mme [C] [V] a délibérément décidé de procéder à une opération de manutention qui ne relevait pas de ses fonctions, comme elle le reconnait dans ses écritures, alors qu'aucun impératif ne l'obligeait à agir de la sorte, et ne peut donc reprocher une quelconque carence à ce titre à son employeur,
- les circonstances de l'accident étant en tout état de cause indéterminées, aucune faute inexcusable ne peut être retenue à son égard.
Lors de l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse a indiqué s'en remettre à la sagesse de la cour.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
Selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise
Selon l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale , lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants".
Ainsi, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation légale de sécurité et de protection de la santé a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.
La conscience du danger s'apprécie au moment ou pendant la période d'exposition au risque.
La conscience du danger exigée de l'employeur s'apprécie in abstracto par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d'activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations, la jurisprudence se référant à l'entrepreneur avisé et averti et au risque raisonnablement prévisible.
Il a ainsi été jugé que l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié lorsqu'aucune anomalie du matériel en relation avec l'accident n'a pu être constatée, ou lorsque l'entrepreneur n'a pas été alerté du mal-être au travail du salarié et de la dégradation de sa santé mentale, ou de la dégradation de ses conditions de travail et de sa souffrance au travail. Le salarié doit également établir que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver du danger encouru. Ces critères sont cumulatifs.
Le juge n'a pas à s'interroger sur la gravité de la négligence de l'employeur mais doit seulement contrôler, au regard de la sécurité, la pertinence et l'efficacité de la mesure que l'employeur a prise ou aurait dû prendre.
Ainsi, ne commet pas une faute inexcusable l'employeur qui a mis à disposition des salariés tous les moyens leur permettant de travailler dans des conditions de sécurité satisfaisantes, aussi bien les moyens de protection individuelle, que les moyens de prévention à travers des stages de formation permettant de sensibiliser le personnel à la sécurité ; de même, il n'y a pas de faute inexcusable lorsque le salarié avait suivi une formation interne à la sécurité menée par des salariés expérimentés, qu'il avait pris connaissance du règlement intérieur et des règles de sécurité et que le matériel était conforme aux règles de sécurité et ne présentait aucune défectuosité.
En revanche, la faute inexcusable peut être retenue lorsque l'employeur n'a pris aucune mesure pour préserver le salarié du danger auquel il était exposé ou que les mesures prises étaient insuffisantes.
Enfin, une relation de causalité entre les manquements susceptibles d'être imputés à l'employeur et la survenance de l'accident doit exister, à défaut de laquelle la faute inexcusable ne peut être retenue. Ainsi, la faute inexcusable ne peut être retenue si les circonstances de l'accident sont indéterminées
Il incombe en conséquence au salarié de prouver, en dehors des hypothèses de faute inexcusable présumée, que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
L'article L 4121-1 du code du travail, dans sa version applicable, dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° des actions de préventions des risques professionnels et de la pénibilité au travail,
2° des actions d'information et de formation,
3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
En l'espèce, les circonstances de l'accident du travail en date du 18 août 2016 sont décrites :
- dans la déclaration effectuée par l'employeur le 19 août 2016 ' la victime charge du matériel travaux publics dans le camion d'un client. Une bordure béton glisse lors du chargement - contusion oedème sur dessus du pied droit',
- dans les écritures de Mme [C] [V] qui précise ' lors du chargement de bordures en béton d'un poids unitaire de 80kg, dans le camion d'un client, la palette de stockage a cédé faisant chuter une des bordures sur le pied droit de Madame [V]. Pour charger des bordures en béton, la technique est de mettre une palette vide au niveau de la palette pleine cela avec l'aide d'un chariot élévateur, descendre du chariot et ensuite faire glisser manuellement les bordures d'une palette à l'autre. Il s'est avéré que le bois de la palette pleine était pourri par le dessous donc invisible par le dessus. Lorsque la bordure est arrivée sur le bord, la palette a cédé en partie en faisant tomber la bordure sur son pied droit chaussé de chaussures de sécurité. La violence de l'impact formant un oedème au-delà de la coque de la chaussure'
Cette description des faits est compatible avec les lésions décrites au certificat médical initial, soit ' contusion du pied droit'.
Pour établir que son employeur avait conscience d'un danger auquel elle était exposée, c'est à dire un risque de blessures lors d'une opération de chargement de matériel pour un client, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, Mme [C] [V] fait valoir que le risque qui s'est réalisé lors de son accident n'est pas prévu au DUERP, soit le débourrage sur la voie publique, et la SASU [7] ne justifie pas avoir pris les mesures nécessaires pour prévenir un tel risque en ne lui ayant pas fourni les équipements individuels nécessaires.
Elle fait valoir que le risque survenu n'était pas prévu au DUERP s'agissant du poste de chef d'agence, qu'elle n'avait pas à procéder à des opérations de manutention et qu'elle y a été contrainte en raison du sous-effectif auquel elle devait faire face, sa hiérarchie n'ayant pas réagi à ses alertes sur ce sujet.
Elle produit en ce sens :
- des courriels datés du 11 juillet au 19 août 2016 relatifs à l'absence injustifiée de M. [J], qui précisent notamment que celui-ci est absence injustifiée du 4 au 17 juillet inclus et que ses congés payés sont maintenus du 18 juillet au 6 août 2016,
- un document dactylographié intitulé ' Organisation dépôt [Localité 5]' auquel est rajouté la mention manuscrite 2016, sans précision de son origine,
- un document intitulé ' commentaires résultats' sur la période arrêtée au 30 juin 2016 qui mentionne pour le site d'[Localité 5] : '[L] [S] parti d'[Localité 5] et remplacé par [T] [N] ventilé sur les 4 agences',
- des échanges de courriels en date du 1er juin 2016 informant du départ de M. [N],
Elle fait valoir que contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, les circonstances de son accident, outre qu'elles n'ont pas été contestées par l'employeur, sont confirmées par les deux attestations qu'elle produit, complétées par une photographie, soit :
- l'attestation de Mme [X] [U], qui se présente comme partenaire de PACS de Mme [C] [V] et indique ' le 18/08/2016, [C] m'a informé par téléphone de l'incident survenu le matin. Je suis venue la chercher à l'agence, je suis allée voir à l'extérieur l'endroit où l'incident avait eu lieu. En voyant l'état de la palette et les bordures, je me suis dit que tout cela aurait pu être vraiment catastrophique. Etant dans l'incapacité de conduire, je l'ai amené passer une radio et je l'ai ramenée chez elle.',
- l'attestation de M. [G] qui se présente comme retraité et indique ' le 18/8/2016 je me suis rendu à la sté [6] [Localité 5] afin de voir Mme [V] pour lui faire faire un chiffrage. A l'accueil, on m'a dit qu'elle se trouvait sur le parc. Lorsque je suis arrivé, une pallette de bordure béton était éclatée au sol. Mme [V] était livide, elle venait de recevoir la bordure sur le pied lors de la chute de la palette. Elle m'a demandé de l'aide pour rejoindre le bureau. Avec Mme [E], nous avons essayé de lui oter sa chaussure mais elle avait trop mal et je lui ai proposé de l'amener passer une radio. Elle a refusé car elle ne pouvait pas laisser [W] seule sur le site',
- une photographie non datée, non localisée de blocs de métaux dont un présente un angle cassé.
Mme [C] [V] considère que l'employeur avait conscience du risque auquel elle était exposée qu'il s'agisse de l'état de pourrissement de la palette, un incident de même nature étant survenu antérieurement sur un autre site, ou de la situation de sous-effectif à laquelle elle était confrontée, compte tenu de la vacance de deux postes et des congés pris par deux salariés et de l'absence non justifiée du magasinier.
Elle produit en ce sens un courriel en date du 13 juin 2016 intitulé ' Incident sur [11] [Localité 9]' qui décrit un incident survenu le jour même suite à une mauvaise utilisation de sangles lors d'une opération de manipulation de fers tords, aux termes duquel il est demandé de rappeler aux chefs d'agence, chefs de parc et caristes les règles de sécurité et aux animateurs sécurité de faire de la pédagogie à partir de cette situation, lequel est sans lien ou identité de situation avec l'accident qu'elle a subi.
La SASU [7] conteste toute faute inexcusable qui pourrait lui être imputée, considérant que les circonstances de l'accident sont imprécises puisque Mme [C] [V] ne donne aucun détail sur la manière dont il s'est déroulé, et ne produit pas le témoignage de Mme [E], salariée de la société également présente sur le site.
Elle précise que le fait qu'elle n'ait pas contesté l'accident du travail dès lors que Mme [C] [V] a été blessée sur son lieu de travail, ne signifie pas pour autant qu'elle reconnait l'existence d'une faute inexcusable.
La SASU [7] observe que Mme [C] [V] n'expliquera que tardivement l'aspect vieillissant de la palette, et ne rapporte pas la preuve que son employeur en aurait été informé.
S'agissant du manque d'effectif invoqué par Mme [C] [V], elle se réfère à la délégation de pouvoir au profit de la salariée qui en sa qualité de chef d'agence avait tout pouvoir pour 'embaucher et gérer au mieux les personnels relevant de [son] établissement, avec tous pouvoirs disciplinaires en la matière' et soutient que Mme [C] [V] ne l'a jamais alertée d'une situation de sous-effectif et n'a jamais formulé une demande de personnel supplémentaire.
Elle rappelle que par cette même délégation de pouvoir, Mme [C] [V] était en charge d'assurer et de faire assurer la sécurité des biens et des personnes, et est donc elle-même responsable de ce dont elle impute à son employeur.
La SASU [7] verse aux débats cette délégation de pouvoir en date du 17 mars 2016 qui porte ' pleine et entière délégation de pouvoirs et d'autorité pour :
a) assurer les meilleurs conditions possible de qualité de vie, d'hygiène, de sécurité et de sûreté, d'environnement, d'apprécier tous les risques et donc de mettre en oeuvre immédiatement les moyens adaptés aux situations, avec pouvoir d'engager sans délai les dépenses qui se révèlent nécessaires afin de protéger les biens et les personnes. Vous vous assurerez particulièrement du bon état des locaux et des matériels, de leur contrôle périodique et de la mise en oeuvre sans délai des réparations nécessaires, de la formation de votre personnel et de la délivrance des autorisations réglementaires ( notamment pour les nouveaux embauchés). Vous tiendrez à jour et appliquerez les préconisations du document unique de sécurité.
b) appliquer et faire appliquer les réglementation de toutes natures qui s'imposent et notamment en matière de
- réglementations du travail et d'application du règlement intérieur (..)
- réglementations de circulation à l'intérieur de nos établissements comme sur la voie publique
- réglementations et obligations de commerce,
(...)
e) embaucher et gérer au mieux les personnels relevant de votre établissement, avec tous pouvoirs disciplinaires en la matière. (...)
Vous disposez sans restriction de tous les moyens matériels et humains à votre disposition dans votre région, et d le'aide de tous les services centraux du siège.
Vous veillerez à me faire périodiquement état des conditions d'exercice de votre responsabilité, de vos besoins éventuels, et à me référer directement des points les plus importants qui pourraient se présenter et particulièrement si vous estimez sur tel point ne pouvoir assumer vos responsabilités.'
La SASU [7] rappelle que Mme [C] [V] était régulièrement suivie par la médecine du travail, qu'elle est titulaire d'une autorisation de conduite - CACES délivré le 7 octobre 2015 versé aux débats - et que par la délégation de pouvoir dont elle bénéficiait, elle était en capacité d'organiser le site, et était en charge de sa sécurité.
Enfin, la SASU [7] verse aux débats son document unique d'évaluation des risques qui mentionne les risques ' liés à l'activité physique - manutentions de charges lourdes' et qui liste par ailleurs les ' bonnes pratiques de travail magasinier / cariste - opération de chargement/déchargement'.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est pas contesté que Mme [C] [V] a été blessé au pied sur son lieu de travail, au temps du travail.
Pour établir les circonstances de cet accident, Mme [C] [V] a expliqué de manière constante qu'elle avait procédé à une opération de chargement de bordures en béton, amené dans le camion d'un client par un chariot et que la pratique consistait ensuite à descendre de ce chariot et faire glisser manuellement ces blocs de béton de 80 kg sur une palette vide et que c'est à l'occasion de cette manipulation qu'elle avait été blessée par une bordure de béton qui était tombée sur son pied en raison de la vétusté de la palette.
Force est de constater que cette description n'est objectivée par aucun élément, qu'il s'agisse de la régularité de la procédure mise en oeuvre pour procéder au chargement des bordures en béton, le fait de manipuler sans aide des blocs de 80 kg étant difficilement compréhensible, ou de la vétusté de la palette utilisée.
Au surplus, alors que Mme [C] [V] reproche à la SASU [7] la vétusté de la palette utilisée, elle n'apporte aucune explication quant au fait qu'aux termes de la délégation de pouvoirs dont elle était titulaire, il lui appartenait de s'assurer du bon état de fonctionnement des matériels.
Par ailleurs, alors qu'elle dénonce un manque de personnel, en raison notamment d'une absence injustifiée d'un des salariés de son site, elle ne justifie ni du manque d'effectif qu'elle dénonce, ni des moyens qu'elle a mis en oeuvre pour y remédier conformément à sa délégation de pouvoir en sa qualité de chef d'agence, ni d'une information de sa hiérarchie quant aux difficultés organisationnelles qu'elle rencontrait, étant observé que les personnes régulièrement en situation de congés l'étaient sur son autorisation.
Le fait que la SASU [7] ait eu connaissance d'une absence injustifiée ou n'ai pas procédé au remplacement d'une personne qui avait vocation à intervenir sur 4 sites de la région ne suffit pas à caractériser de facto une carence en personnel du site d'[Localité 5] mettant la sécurité de son personnel en danger, alors même que le chef d'agence est en poste, et qu'aucune alerte n'a été formalisée en ce sens.
Enfin, si Mme [C] [V] en sa qualité de chef d'agence a fait le choix de procéder à une opération de chargement au profit d'un client, l'accomplissement de cette tâche relève de sa responsabilité, étant rappelé qu'elle était porteuse des équipements de sécurité adaptés et titulaire d'une autorisation de conduite lui permettant de déplacer un chariot.
En conséquence, la cour ne peut que constater que les circonstances de l'accident sont imprécises et que par ailleurs, Mme [C] [V] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que son employeur, la SASU [7], avait conscience d'une situation de danger à laquelle elle était exposée et qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
La décision déférée qui a jugé qu'il n'y avait pas de faute inexcusable de la SASU [7] à l'origine de l'accident du travail dont a été victime Mme [C] [V] le 18 août 2016 et qui a débouté cette dernière de ses demandes indemnitaires sera confirmée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 juillet 2024 par le tribunal judiciaire d'Avignon - Contentieux de la protection sociale,
Condamne Mme [C] [V] à verser à la SASU [7] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne Mme [C] [V] aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 24/02704 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JJMG
CRL/DO
POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON
11 juillet 2024
RG :20/00918
[V]
C/
S.A.S. SOCIETE [7]
CPAM HD [Localité 5]
Grosse délivrée le 18 SEPTEMBRE 2025 à :
- Me BRUYERE
- Me DUMOULIN
- CPAM
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5e chambre Pole social
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 11 Juillet 2024, N°20/00918
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 Mai 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 Septembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [C] [V]
née le 29 Janvier 1968 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Julie-gaëlle BRUYERE, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
S.A.S. SOCIETE [7]
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représentée par Me Delphine DUMOULIN de la SELARL GALLIZIA DUMOULIN ALVINERIE, avocat au barreau de GRENOBLE
CPAM HD [Localité 5]
[Adresse 12]
[Localité 3]
Non comparant, non représenté
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 18 Septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Le 18 août 2016, Mme [C] [V], salariée de la SASU [7] en qualité de chef d'agence, a été victime d'un accident du travail, lequel a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse au titre de la législation professionnelle.
L'accident est ainsi décrit dans la déclaration effectuée par l'employeur le 19 août 2016 ' la victime charge du matériel travaux publics dans le camion d'un client. Une bordure béton glisse lors du chargement - contusion oedème sur dessus du pied droit'. Le certificat médical initial établi le 19 juillet 2016 mentionne ' contusion du pied droit'.
L'état de santé de Mme [V] a été consolidé à compter du 16 septembre 2018 et son taux d'incapacité permanente partielle a été fixé à 20% par la Caisse Primaire d'assurance maladie et sur décision judiciaire en date du 12 juillet 2022 à 31% dont 6% pour le taux professionnel.
Le 16 avril 2019, Mme [V] a sollicité auprès de la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse la mise en 'uvre d'une tentative de conciliation avec son employeur l'organisme social a dressé un constat de carence en date du 12 mars 2020.
Par requête déposée au greffe le 22 octobre 2020, Mme [V] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur comme étant à l'origine de son accident du travail en date du 18 août 2016.
Par jugement contradictoire rendu le 11 juillet 2024, le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon a :
- débouté Mme [C] [V] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamné Mme [C] [V] à payer la somme de 500,00 euros à la SASU [7] au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné Mme [C] [V] aux dépens.
Par acte du 07 août 2024, Mme [C] [V] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Enregistrée sous le numéro RG 24 02704, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 6 mai 2025.
Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, Mme [C] [V] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu en date du 11 Juillet 2024, le Pôle social d'[Localité 5] qui a :
- Débouté Madame [C] [V] de l'intégralité de ses demandes;
- Condamné Madame [C] [V] à payer la somme de 500 euros à la SASU [7] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamné Madame [C] [V] aux dépens,
- dire et juger que son accident du 18 août 2016 est dû à la faute inexcusable de l'employeur la société [7],
- dire et juger que la société [7] a commis une faute inexcusable.
- ordonner une majoration de la rente au titre de la réparation du préjudice
- avant dire droit, ordonner une expertise médicale avec pour mission, après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l'identité de la victime et sa situation, les conditions de son activité professionnelle, son niveau scolaire, son statut et sa formation, son mode de vie antérieur à l'accident et sa situation actuelle,
A partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et de tous les documents médicaux fournis, sachant décrire en détail, les lésions initiales, les modalités de traitement, en précisant le cas échéant, les durées exactes d'hospitalisation, et pour chaque période d'hospitalisation, le nom de l'établissement et services concernés et la nature des soins,
- Recueillir les doléances de la victime et au besoin de ses proches ; l'interroger sur les conditions d'apparition des lésions, l'importance des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences,
- Décrire au besoin, un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles,
- Procéder en présence des médecins mandatés par les parties avec l'assentiment de la victime, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,
1/ souffrances physiques et morales
- décrire les souffrances physiques et morales liées à l'accident, s'étendant de la date de celui-ci à la consolidation et les évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés.
2/ préjudice esthétique
- donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance d'un préjudice esthétique définitif et l'évaluer selon l'échelle habituelle de 7 degrés,
3/ préjudice d'agrément
- apprécier les répercussions définitives dans l'exercice d'activités sportives et de loisirs pratiquées antérieurement à l'accident,
4/ perte ou diminution de promotion professionnelle
- inviter la victime à indique son niveau d'études et de formation, son expérience et les différents postes occupés dans sa carrière, et les perspectives prévisibles de promotion à la date du fait accidentel,
- interroger la victime, au cas où elle suivait un enseignement à la date de l'accident, sur ses diplômes, la nature de ses études et son niveau,
5/ déficit fonctionnel temporaire avant consolidation
- indiquer les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles,
- en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée,
6/ tierce personne avant consolidation
La victime est atteint d'un taux d'incapacité supérieur à 80 % indiquer si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne (étranger ou non à la famille) a été nécessaire, avant consolidation pour effectuer les démarches et plus généralement, accomplir les actes de la vie quotidienne ; préciser la nature de l'aide à apporter et sa durée quotidienne.
7/ frais de logement et ou de véhicule adaptés
- donner son avis sur d'éventuels aménagements nécessaires pour permettre le cas échéant à la victime d'adapter son logement et /ou son véhicule à son handicap.
8/préjudice sexuel
- indiquer s'il existe ou s'il existera un préjudice sexuel (perte ou diminution de la libido, impuissance ou frigidité, perte de fertilité).
9/ préjudice d'établissement
- dire si la victime subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser un projet de vie familiale,
- dire et juger que la société [7] devra faire l'avance des frais d'expertise
- dire et juger que le jugement sera commun et opposable à la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse,
- condamner la société [7] à lui verser la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, Mme [C] [V] fait valoir que :
- la SASU [7] a manqué à son obligation de sécurité dans la mesure où le manque de personnel l'a contrainte à se retrouver seule avec son assistante commerciale pour tenir l'agence, et en l'absence des magasiniers, elle a dû prendre les bordures et les charger manuellement sur la palette,
- le risque ayant entrainé son accident n'est pas mentionné dans le DUERP, ce dont il se déduit que l'employeur n'a pas déterminé les opérations nécessaires pour organiser les opérations de débourrage sur voie publique, et donc d'organiser son travail et d'assurer sa sécurité,
- elle a du faire face à l'absence d'un magasinier et d'un responsable des ventes sans que l'employeur, informé de ce manque d'effectif, ne réagisse, et elle a du pallier ces absences,
- la motivation du premier juge est inique et scandaleuse car elle revient à considérer que la victime d'un accident de nature en engager la faute inexcusable de l'employeur s'il ne dispose pas de témoin, ne peut obtenir réparation,
- la réalité du fait accidentel n'a jamais été contestée par l'employeur et elle produit deux témoignages qui en attestent,
- l'accident est dû au fait que l'employeur n'a pas vérifié l'état du matériel mis à disposition de ses salariés, et qu'elle a procédé aux opérations de chargement avec une palette en bois pourri,
- l'effectif de l'agence n'était pas au complet, ce dont l'employeur était informé, et elle a dû effectuer une tâche qui n'entrait pas dans ses attributions,
- ensuite de la reconnaissance de la faute inexcusable de la SASU [7], elle est fondée à solliciter l'indemnisation de ses préjudices et avant dire droit une expertise pour les quantifier, les blessures qu'elle a subies ayant conduit à la reconnaissance du statut de travailleur handicapé.
Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la SASU [7] demande à la cour de :
- débouter Mme [C] [V] de toutes ses prétentions,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- condamner Mme [C] [V] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.
Au soutien de ses demandes, la SASU [7] fait valoir que:
- Mme [C] [V] n'apporte pas d'explications sur les circonstances de son accident, et notamment sur la manière dont la bordure en béton lui est tombée sur le pied alors qu'elle était dans le chariot élévateur,
- elle n'a pas contesté l'accident du travail dès lors que Mme [C] [V] s'est blessée sur son lieu de travail, mais cette absence de contestation n'équivaut pas à un aveu sur l'existence d'une faute inexcusable,
- outre que Mme [C] [V] a évoqué tardivement la détérioration de la palette utilisée, elle n'en rapporte pas la preuve, ni celle d'une connaissance de sa détérioration par l'employeur,
- les deux attestations produites par Mme [C] [V] en cause d'appel ne permettent pas de caractériser la faute inexcusable qui lui est reprochée, les deux témoins étant absents au moment des faits, et la photographie versée aux débats n'est pas datée et ne porte aucune indication quant au lieu où elle a été prise,
- Mme [C] [V] ne rapporte pas la preuve qu'elle était seule avec une assistante commerciale au moment de son accident, et surtout, par ses fonctions et la délégation de pouvoir dont elle était titulaire, il lui appartenait de recruter le personnel relevant de son établissement,
- au surplus, contrairement à ce qu'elle soutient, elle n'a jamais alerté sa hiérarchie d'une situation de sous-effectif,
- par ailleurs, la communication relative aux accidents du travail dont Mme [C] [V] se prévaut ne concerne pas la structure dans laquelle elle exerçait et ne peut caractériser un quelconque manquement qui serait imputable à sa hiérarchie,
- elle a mis en place une organisation permettant de pallier les absences de ses salariés,
- Mme [C] [V], en raison de ses fonctions, est la seule responsable de la situation qu'elle dénonce désormais, et échoue à démontrer que la situation de sous-effectif qu'elle dénonce serait à l'origine de son accident,
- elle justifie de son DUERP et Mme [C] [V] elle-même reconnait dans ses écritures qu'elle portait ses chaussures de sécurité et était titulaire du permis requis pour conduire le chariot,
- Mme [C] [V], qui par la délégation de pouvoir dont elle était titulaire avait en charge la sécurité et l'hygiène du site, ne démontre pas en quoi son employeur aurait manqué à son obligation de sécurité à son égard,
- Mme [C] [V] a délibérément décidé de procéder à une opération de manutention qui ne relevait pas de ses fonctions, comme elle le reconnait dans ses écritures, alors qu'aucun impératif ne l'obligeait à agir de la sorte, et ne peut donc reprocher une quelconque carence à ce titre à son employeur,
- les circonstances de l'accident étant en tout état de cause indéterminées, aucune faute inexcusable ne peut être retenue à son égard.
Lors de l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse a indiqué s'en remettre à la sagesse de la cour.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
Selon l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail de toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise
Selon l'article L. 452-1 du Code de la Sécurité Sociale , lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants".
Ainsi, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation légale de sécurité et de protection de la santé a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.
La conscience du danger s'apprécie au moment ou pendant la période d'exposition au risque.
La conscience du danger exigée de l'employeur s'apprécie in abstracto par rapport à ce que doit savoir, dans son secteur d'activité, un employeur conscient de ses devoirs et obligations, la jurisprudence se référant à l'entrepreneur avisé et averti et au risque raisonnablement prévisible.
Il a ainsi été jugé que l'employeur ne pouvait avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié lorsqu'aucune anomalie du matériel en relation avec l'accident n'a pu être constatée, ou lorsque l'entrepreneur n'a pas été alerté du mal-être au travail du salarié et de la dégradation de sa santé mentale, ou de la dégradation de ses conditions de travail et de sa souffrance au travail. Le salarié doit également établir que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour le préserver du danger encouru. Ces critères sont cumulatifs.
Le juge n'a pas à s'interroger sur la gravité de la négligence de l'employeur mais doit seulement contrôler, au regard de la sécurité, la pertinence et l'efficacité de la mesure que l'employeur a prise ou aurait dû prendre.
Ainsi, ne commet pas une faute inexcusable l'employeur qui a mis à disposition des salariés tous les moyens leur permettant de travailler dans des conditions de sécurité satisfaisantes, aussi bien les moyens de protection individuelle, que les moyens de prévention à travers des stages de formation permettant de sensibiliser le personnel à la sécurité ; de même, il n'y a pas de faute inexcusable lorsque le salarié avait suivi une formation interne à la sécurité menée par des salariés expérimentés, qu'il avait pris connaissance du règlement intérieur et des règles de sécurité et que le matériel était conforme aux règles de sécurité et ne présentait aucune défectuosité.
En revanche, la faute inexcusable peut être retenue lorsque l'employeur n'a pris aucune mesure pour préserver le salarié du danger auquel il était exposé ou que les mesures prises étaient insuffisantes.
Enfin, une relation de causalité entre les manquements susceptibles d'être imputés à l'employeur et la survenance de l'accident doit exister, à défaut de laquelle la faute inexcusable ne peut être retenue. Ainsi, la faute inexcusable ne peut être retenue si les circonstances de l'accident sont indéterminées
Il incombe en conséquence au salarié de prouver, en dehors des hypothèses de faute inexcusable présumée, que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
L'article L 4121-1 du code du travail, dans sa version applicable, dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :
1° des actions de préventions des risques professionnels et de la pénibilité au travail,
2° des actions d'information et de formation,
3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
En l'espèce, les circonstances de l'accident du travail en date du 18 août 2016 sont décrites :
- dans la déclaration effectuée par l'employeur le 19 août 2016 ' la victime charge du matériel travaux publics dans le camion d'un client. Une bordure béton glisse lors du chargement - contusion oedème sur dessus du pied droit',
- dans les écritures de Mme [C] [V] qui précise ' lors du chargement de bordures en béton d'un poids unitaire de 80kg, dans le camion d'un client, la palette de stockage a cédé faisant chuter une des bordures sur le pied droit de Madame [V]. Pour charger des bordures en béton, la technique est de mettre une palette vide au niveau de la palette pleine cela avec l'aide d'un chariot élévateur, descendre du chariot et ensuite faire glisser manuellement les bordures d'une palette à l'autre. Il s'est avéré que le bois de la palette pleine était pourri par le dessous donc invisible par le dessus. Lorsque la bordure est arrivée sur le bord, la palette a cédé en partie en faisant tomber la bordure sur son pied droit chaussé de chaussures de sécurité. La violence de l'impact formant un oedème au-delà de la coque de la chaussure'
Cette description des faits est compatible avec les lésions décrites au certificat médical initial, soit ' contusion du pied droit'.
Pour établir que son employeur avait conscience d'un danger auquel elle était exposée, c'est à dire un risque de blessures lors d'une opération de chargement de matériel pour un client, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, Mme [C] [V] fait valoir que le risque qui s'est réalisé lors de son accident n'est pas prévu au DUERP, soit le débourrage sur la voie publique, et la SASU [7] ne justifie pas avoir pris les mesures nécessaires pour prévenir un tel risque en ne lui ayant pas fourni les équipements individuels nécessaires.
Elle fait valoir que le risque survenu n'était pas prévu au DUERP s'agissant du poste de chef d'agence, qu'elle n'avait pas à procéder à des opérations de manutention et qu'elle y a été contrainte en raison du sous-effectif auquel elle devait faire face, sa hiérarchie n'ayant pas réagi à ses alertes sur ce sujet.
Elle produit en ce sens :
- des courriels datés du 11 juillet au 19 août 2016 relatifs à l'absence injustifiée de M. [J], qui précisent notamment que celui-ci est absence injustifiée du 4 au 17 juillet inclus et que ses congés payés sont maintenus du 18 juillet au 6 août 2016,
- un document dactylographié intitulé ' Organisation dépôt [Localité 5]' auquel est rajouté la mention manuscrite 2016, sans précision de son origine,
- un document intitulé ' commentaires résultats' sur la période arrêtée au 30 juin 2016 qui mentionne pour le site d'[Localité 5] : '[L] [S] parti d'[Localité 5] et remplacé par [T] [N] ventilé sur les 4 agences',
- des échanges de courriels en date du 1er juin 2016 informant du départ de M. [N],
Elle fait valoir que contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, les circonstances de son accident, outre qu'elles n'ont pas été contestées par l'employeur, sont confirmées par les deux attestations qu'elle produit, complétées par une photographie, soit :
- l'attestation de Mme [X] [U], qui se présente comme partenaire de PACS de Mme [C] [V] et indique ' le 18/08/2016, [C] m'a informé par téléphone de l'incident survenu le matin. Je suis venue la chercher à l'agence, je suis allée voir à l'extérieur l'endroit où l'incident avait eu lieu. En voyant l'état de la palette et les bordures, je me suis dit que tout cela aurait pu être vraiment catastrophique. Etant dans l'incapacité de conduire, je l'ai amené passer une radio et je l'ai ramenée chez elle.',
- l'attestation de M. [G] qui se présente comme retraité et indique ' le 18/8/2016 je me suis rendu à la sté [6] [Localité 5] afin de voir Mme [V] pour lui faire faire un chiffrage. A l'accueil, on m'a dit qu'elle se trouvait sur le parc. Lorsque je suis arrivé, une pallette de bordure béton était éclatée au sol. Mme [V] était livide, elle venait de recevoir la bordure sur le pied lors de la chute de la palette. Elle m'a demandé de l'aide pour rejoindre le bureau. Avec Mme [E], nous avons essayé de lui oter sa chaussure mais elle avait trop mal et je lui ai proposé de l'amener passer une radio. Elle a refusé car elle ne pouvait pas laisser [W] seule sur le site',
- une photographie non datée, non localisée de blocs de métaux dont un présente un angle cassé.
Mme [C] [V] considère que l'employeur avait conscience du risque auquel elle était exposée qu'il s'agisse de l'état de pourrissement de la palette, un incident de même nature étant survenu antérieurement sur un autre site, ou de la situation de sous-effectif à laquelle elle était confrontée, compte tenu de la vacance de deux postes et des congés pris par deux salariés et de l'absence non justifiée du magasinier.
Elle produit en ce sens un courriel en date du 13 juin 2016 intitulé ' Incident sur [11] [Localité 9]' qui décrit un incident survenu le jour même suite à une mauvaise utilisation de sangles lors d'une opération de manipulation de fers tords, aux termes duquel il est demandé de rappeler aux chefs d'agence, chefs de parc et caristes les règles de sécurité et aux animateurs sécurité de faire de la pédagogie à partir de cette situation, lequel est sans lien ou identité de situation avec l'accident qu'elle a subi.
La SASU [7] conteste toute faute inexcusable qui pourrait lui être imputée, considérant que les circonstances de l'accident sont imprécises puisque Mme [C] [V] ne donne aucun détail sur la manière dont il s'est déroulé, et ne produit pas le témoignage de Mme [E], salariée de la société également présente sur le site.
Elle précise que le fait qu'elle n'ait pas contesté l'accident du travail dès lors que Mme [C] [V] a été blessée sur son lieu de travail, ne signifie pas pour autant qu'elle reconnait l'existence d'une faute inexcusable.
La SASU [7] observe que Mme [C] [V] n'expliquera que tardivement l'aspect vieillissant de la palette, et ne rapporte pas la preuve que son employeur en aurait été informé.
S'agissant du manque d'effectif invoqué par Mme [C] [V], elle se réfère à la délégation de pouvoir au profit de la salariée qui en sa qualité de chef d'agence avait tout pouvoir pour 'embaucher et gérer au mieux les personnels relevant de [son] établissement, avec tous pouvoirs disciplinaires en la matière' et soutient que Mme [C] [V] ne l'a jamais alertée d'une situation de sous-effectif et n'a jamais formulé une demande de personnel supplémentaire.
Elle rappelle que par cette même délégation de pouvoir, Mme [C] [V] était en charge d'assurer et de faire assurer la sécurité des biens et des personnes, et est donc elle-même responsable de ce dont elle impute à son employeur.
La SASU [7] verse aux débats cette délégation de pouvoir en date du 17 mars 2016 qui porte ' pleine et entière délégation de pouvoirs et d'autorité pour :
a) assurer les meilleurs conditions possible de qualité de vie, d'hygiène, de sécurité et de sûreté, d'environnement, d'apprécier tous les risques et donc de mettre en oeuvre immédiatement les moyens adaptés aux situations, avec pouvoir d'engager sans délai les dépenses qui se révèlent nécessaires afin de protéger les biens et les personnes. Vous vous assurerez particulièrement du bon état des locaux et des matériels, de leur contrôle périodique et de la mise en oeuvre sans délai des réparations nécessaires, de la formation de votre personnel et de la délivrance des autorisations réglementaires ( notamment pour les nouveaux embauchés). Vous tiendrez à jour et appliquerez les préconisations du document unique de sécurité.
b) appliquer et faire appliquer les réglementation de toutes natures qui s'imposent et notamment en matière de
- réglementations du travail et d'application du règlement intérieur (..)
- réglementations de circulation à l'intérieur de nos établissements comme sur la voie publique
- réglementations et obligations de commerce,
(...)
e) embaucher et gérer au mieux les personnels relevant de votre établissement, avec tous pouvoirs disciplinaires en la matière. (...)
Vous disposez sans restriction de tous les moyens matériels et humains à votre disposition dans votre région, et d le'aide de tous les services centraux du siège.
Vous veillerez à me faire périodiquement état des conditions d'exercice de votre responsabilité, de vos besoins éventuels, et à me référer directement des points les plus importants qui pourraient se présenter et particulièrement si vous estimez sur tel point ne pouvoir assumer vos responsabilités.'
La SASU [7] rappelle que Mme [C] [V] était régulièrement suivie par la médecine du travail, qu'elle est titulaire d'une autorisation de conduite - CACES délivré le 7 octobre 2015 versé aux débats - et que par la délégation de pouvoir dont elle bénéficiait, elle était en capacité d'organiser le site, et était en charge de sa sécurité.
Enfin, la SASU [7] verse aux débats son document unique d'évaluation des risques qui mentionne les risques ' liés à l'activité physique - manutentions de charges lourdes' et qui liste par ailleurs les ' bonnes pratiques de travail magasinier / cariste - opération de chargement/déchargement'.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il n'est pas contesté que Mme [C] [V] a été blessé au pied sur son lieu de travail, au temps du travail.
Pour établir les circonstances de cet accident, Mme [C] [V] a expliqué de manière constante qu'elle avait procédé à une opération de chargement de bordures en béton, amené dans le camion d'un client par un chariot et que la pratique consistait ensuite à descendre de ce chariot et faire glisser manuellement ces blocs de béton de 80 kg sur une palette vide et que c'est à l'occasion de cette manipulation qu'elle avait été blessée par une bordure de béton qui était tombée sur son pied en raison de la vétusté de la palette.
Force est de constater que cette description n'est objectivée par aucun élément, qu'il s'agisse de la régularité de la procédure mise en oeuvre pour procéder au chargement des bordures en béton, le fait de manipuler sans aide des blocs de 80 kg étant difficilement compréhensible, ou de la vétusté de la palette utilisée.
Au surplus, alors que Mme [C] [V] reproche à la SASU [7] la vétusté de la palette utilisée, elle n'apporte aucune explication quant au fait qu'aux termes de la délégation de pouvoirs dont elle était titulaire, il lui appartenait de s'assurer du bon état de fonctionnement des matériels.
Par ailleurs, alors qu'elle dénonce un manque de personnel, en raison notamment d'une absence injustifiée d'un des salariés de son site, elle ne justifie ni du manque d'effectif qu'elle dénonce, ni des moyens qu'elle a mis en oeuvre pour y remédier conformément à sa délégation de pouvoir en sa qualité de chef d'agence, ni d'une information de sa hiérarchie quant aux difficultés organisationnelles qu'elle rencontrait, étant observé que les personnes régulièrement en situation de congés l'étaient sur son autorisation.
Le fait que la SASU [7] ait eu connaissance d'une absence injustifiée ou n'ai pas procédé au remplacement d'une personne qui avait vocation à intervenir sur 4 sites de la région ne suffit pas à caractériser de facto une carence en personnel du site d'[Localité 5] mettant la sécurité de son personnel en danger, alors même que le chef d'agence est en poste, et qu'aucune alerte n'a été formalisée en ce sens.
Enfin, si Mme [C] [V] en sa qualité de chef d'agence a fait le choix de procéder à une opération de chargement au profit d'un client, l'accomplissement de cette tâche relève de sa responsabilité, étant rappelé qu'elle était porteuse des équipements de sécurité adaptés et titulaire d'une autorisation de conduite lui permettant de déplacer un chariot.
En conséquence, la cour ne peut que constater que les circonstances de l'accident sont imprécises et que par ailleurs, Mme [C] [V] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que son employeur, la SASU [7], avait conscience d'une situation de danger à laquelle elle était exposée et qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
La décision déférée qui a jugé qu'il n'y avait pas de faute inexcusable de la SASU [7] à l'origine de l'accident du travail dont a été victime Mme [C] [V] le 18 août 2016 et qui a débouté cette dernière de ses demandes indemnitaires sera confirmée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 juillet 2024 par le tribunal judiciaire d'Avignon - Contentieux de la protection sociale,
Condamne Mme [C] [V] à verser à la SASU [7] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne Mme [C] [V] aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,