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Décisions

CA Paris, Pôle 6 ch. 11, 23 septembre 2025, n° 22/07034

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Euro Disney Associes (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hartmann

Vice-président :

Mme Lecoq-Caron

Conseiller :

Mme Valantin

Avocats :

Me Affane, Me Vignes

Cons. prud'h. Meaux, formation paritaire…

16 juin 2022

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2025

(n°2025/ , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07034 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGD4F

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 20/00302

APPELANTE

S.A.S. EURO DISNEY ASSOCIES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Kheir AFFANE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0253

INTIMEE

Madame [W] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Catherine VALANTIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre

Madame Catherine VALANTIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre et par Monsieur Jadot TAMBUE, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [W] [E], née en 1969, a été engagée par la S.A.S. Euro Disney Associés, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 17 octobre 2005 en qualité d'acheteur.

En dernier lieu, Mme [E] occupait le poste de chef de produit.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des espaces de loisirs, d'attractions et culturels.

Mme [E] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 05 mars 2020.

Mme [E] a ensuite été licenciée pour cause réelle et sérieuse en raison de son insuffisance professionnelle par lettre datée du 27 mars 2020. Elle a été dispensée d'exécuter son préavis.

A la date du licenciement, Mme [E] avait une ancienneté de 14 ans et 5 mois et la S.A.S. Euro Disney Associés occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [E] a saisi le 10 juin 2020 le conseil de prud'hommes de Meaux qui, par jugement du 16 juin 2022, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :

- requalifie le licenciement de Mme [E] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamne la SAS Euro Disney Associés à verser à Mme [E] les sommes suivantes :

- 50 408,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,

- 1 500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Ces sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

- rejette les autres demandes de Mme [E],

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement,

- rejette les demandes de la société Euro Disney,

- condamne la société Euro Disney aux entiers dépens y compris les frais éventuels d'exécution par voie d'huissier de justice du présent jugement.

Par déclaration du 19 juillet 2022, la S.A.S. Euro Disney Associés a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 06 juillet 2022.

Par ordonnance du 03 janvier 2023, le magistrat en charge de la mise en état a ordonné la jonction des procédures inscrites au rôle sous les numéros 22/07034 et N° RG 22/08031.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 03 juin 2025, la S.A.S. Euro Disney Associés demande à la cour de :

- déclarer la société Euro Disney Associés SAS recevable et bien fondée en son appel,

- déclarer Mme [E] recevable et mal fondée en son appel incident et demandes,

en conséquence,

- infirmer le jugement rendu le 16 juin 2022 par le Conseil de prud'hommes de Meaux en qu'il a :

- requalifié le licenciement de Mme [E] en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Euro Disney Associés à verser à Mme [E] les sommes suivantes:

- 50.408,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,

- 1.500,00 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

les sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement,

- rejeté les demandes de la société Euro Disney Associés SAS,

- condamné la société Euro Disney Associés SAS aux entiers dépens y compris aux frais éventuels d'exécution par voie d'huissier de justice du présent jugement.

- d' infirmer le jugement rendu le 16 juin 2022 par le Conseil de prud'hommes de Meaux dans toutes ses dispositions,

et statuant à nouveau par l'effet dévolutif de l'appel :

- débouter Mme [E] de l'intégralité de ses demandes,

en tout état de cause,

- condamner Mme [E] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 02 juin 2025, Mme [E] demande à la cour de :

- débouter la SAS Eurodisney Associés de son appel et de toutes ses demandes,

- confirmer la décision du Conseil de prud'hommes de Meaux en ce qu'il a considéré que le licenciement était injustifié et que la SAS Eurodisney Associés n'avait pas respecté son obligation de sécurité de résultat,

- réformer le jugement sur le quantum des dommages et intérêts alloués à ces titres,

statuant à nouveau :

- condamner la SAS Eurodisney Associés à payer à Mme [E] la somme de 75.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que la somme de 20.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,

- réformer le jugement du Conseil de prud'hommes de Meaux en ce qu'il a débouté Mme [E] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

statuant à nouveau :

- condamner la SAS Eurodisney Associés à payer à Mme [E] la somme de 25.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

ajoutant au jugement condamner la SAS Eurodisney Associés à payer à Mme [E] un article 700 du Code de Procédure Civile à hauteur de 3.500 euros nets,

en conséquence, la SAS Eurodisney Associés devra être condamnée à verser à Mme [E] les sommes suivantes :

- 75.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 20.000 euros nets pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,

- 25.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 3.500 euros nets en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile

avec intérêts légaux, à compter de la date de réception, par la partie appelante, de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation près le Conseil de prud'hommes de Meaux,

en outre, Mme [E] sollicite que soit ordonnée la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1151 du Code Civil.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 04 juin 2025 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 juin 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'obligation de sécurité :

L'employeur demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamné à des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité faisant valoir que la salariée procède par affirmations péremptoires, et ne rapporte pas la preuve d'avoir alerté sa hiérarchie d'une dégradation de son état de santé. Il ajoute qu'aucun arrêt de travail n'a été prescrit par le médecin du travail et qu'aucune démonstration de surmenage et de conflit n'est faite et souligne l'absence de demandes au titre d'un harcèlement moral ou d'heures supplémentaires.

La salariée réplique qu'elle a fait l'objet de nombreuses brimades et humiliations de la part de sa hiérarchie, d' une annulation arbitraire de sa gratification, de prises de décisions dans son secteur sans avoir été consultée, d'une dévalorisation de son travail auprès de ses équipes, de demandes incessantes de justifications écrites, et d'une surcharge de travail.

Elle fait valoir que ses conditions de travail seraient à l'origine de la dégradation de son état de santé ce qui aurait été constaté par son médecin traitant et le médecin du travail sans entraîner de réaction de son employeur .

Aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent:

1) des actions de prévention des risques professionnels,

2) des actions d'information et de formation,

3) la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes..

En l'espèce, la salariée produit plusieurs arrêts de travail ( juillet 2017 et octobre 2018) et des documents médicaux démontrant l'existence de problèmes de santé en lien avec ses conditions de travail.

Elle justifie ainsi du courrier du 17 décembre 2019 adressé par son médecin traitant au médecin du travail lui demandant de ' bien vouloir recevoir Mme [E], vue à plusieurs reprises depuis 2016 pour des situations de souffrance au travail liées à des problèmes de management au sein de son équipe', de plusieurs fiches médicales du médecin du travail l'ayant reçue les 1er mai 2017, 20 décembre 2017, 7 janvier 2020 et 15 janvier 2020 attestant du suivi spécifique dont elle faisait l'objet, le médecin ayant précisé les 1er mai et 20 décembre 2017 que la salariée nécessitait des soins et du repos et devait quitter son poste et voir son médecin traitant.

Le 17 octobre 2018 le médecin du travail avait plus particulièrement adressé la salariée à un des ses confrères pour une poussée tensionnelle dans un contexte de surcharge de travail.

Une salariée de l'entreprise atteste encore que Mme [E] avait déjà en 2010 fait un malaise sur son lieu de travail, et avait été conduite aux urgences.

Il ressort par ailleurs des attestations produites émanant de Mme [D], collègue de travail que Mme [A], devenue la supérieure hiérarchique de Mme [E] en 2016, après avoir été sa subordonnée, tenait sur elle des propos discréditant ses capacités en tant que chef de produits et de potentiel manager, les entretiens d'évaluation traduisant le malaise existant entre les 2 salariées .

Il est encore établi par les entretiens d'évaluation et par les échanges de mail que Mme [E] était soumise à une charge de travail excessive , notamment lorsque son assistante a été en arrêt maladie, sans que la société Euro Dysney ne puisse utilement opposer le fait qu'aucune demande en paiement d'heures supplémentaires n'est faite par la salariée, alors que celle-ci était soumise à une convention individuelle en forfait jours.

Il ressort enfin du compte rendu de la réunion des DP du mois de décembre 2018 que les méthodes de management conduisaient les salariés à des situations de souffrance au travail.

Il est ainsi établi que Mme [E] a été soumise à des conditions de travail qui ont eu des répercussions sur son état de santé, la société Euro Dysney n'ayant pris aucune mesure pour prévenir ou mettre un terme à cette situation et ayant ainsi manqué à son obligation de sécurité.

Le conseil de prud'hommes a justement évalué le préjudice de la salariée à la somme de 5 000 euros.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société Euro Dysney à payer à Mme [E] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

- sur le licenciement:

Pour infirmation du jugement, l'employeur soutient que le licenciement de Mme [E] est fondé sur son insuffisance et l'impossibilité de la corriger. Il prétend que la salariée a été licenciée en raison de sa défaillance dans la construction des plans de collections et dans l'élaboration de la stratégie commerciale. Il indique que l'insuffisance professionnelle de la salariée a été marquée par une défaillance dans la collaboration avec des partenaires internes et externes ne permettant pas l'opération de développement des produits.

La salariée réplique que la majorité des motifs figurant dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ne sont pas repris dans les écritures de l'employeur ni corroborés par les pièces de son dossier. Elle prétend que l'employeur n'apporte pas la preuve de faits précis, objectifs, vérifiables lui étant imputables. Elle conteste les griefs qui lui sont imputés.

Aux termes de l'article 1232-1 du code du travail tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si un doute subsiste il profite au salarié.

L'insuffisance professionnelle peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié. Le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

En l'espèce, aux termes de la lettre de licenciement du 27 mars 2020 pour insuffisance professionnelle ,la société Euro Dysney après avoir rappelé les fonctions exercées par la salariée et les formations suivies par elle depuis 2015, indique avoir relevé au cours des derniers mois de nombreuses difficultés dans la gestion de son périmètre, lui reprochant:

- son incapacité à construire ses stratégies en toute autonomie, son manager devant souvent la relancer pour qu'elle lui adresse les besoins de renouvellement de ses gammes et ayant dû en février 2019 l'accompagner en construisant à sa place la politique commerciale 'Disney Fashion', la salariée lui ayant à nouveau demandé en avril 2018 une trame pour présenter ses stratégies, démontrant ainsi son incapacité à s'organiser.

- de ne pas tirer les enseignements des ventes des collections passées et en cours (par exemple de l'analyse des résultats de la gamme 'Tink Flower' qui n'avait pas atteint ses objectifs) pour les appliquer aux futures gammes ou en faire le bilan, sa manager ayant ainsi dû revoir la stratégie 'DLP Collection'

- des difficultés à réaliser des plans de collections (collections Star Wars et Marvel), sa manager lui ayant transmis les informations et modèles nécessaires à la réalisation de cette tâche, mais ayant dû souvent la relancer pour obtenir l'envoi du plan de collection.

- de ne pas être force de proposition sur les différents programme qui lui incombent,(Par exemple pour la collection 'MK's90" et la collection 'Electroland') son manager ayant dû combler son inaction.

- de ne pas aboutir dans ses idées lorsqu'elle fait preuve de créativité.( Par exemple ne pas avoir présenté les produits connectés qu'elle avait évoqués en fin d'année 2019 pour le projet 'Electroland' et ne pas avoir mené à bien le projet de coopération avec une marque de sport présenté à 2 reprises dans les politiques commerciales de novembre 2018 et mars 2019).

- de ne pas assurer une bonne collaboration avec ses partenaires internes et externes ( documents d'informations incomplets ou inexistants empêchant les autres services ou les fournisseurs de procéder au développement de ces produits en raison d'informations essentielles manquantes, notamment concernant la gamme 'Park passeport' fin d'année 2018 et la gamme 'Minnie parisienne' en octobre 2019).

- une absence de rigueur dans le suivi de ses produits et la gestion de l'outil de suivi rétro planning qui n'est pas systématiquement rempli malgré les relances de son management (notamment en août 2019 pour la gamme 'Minnie parisienne').

- un manque de discernement en proposant un produit ressemblant beaucoup trop à un article de vente chez un commerçant textile, situation exposant l'entreprise à de potentielles poursuites pour concurrence déloyale ou contrefaçon.( Proposition du T- shirt 'flowers 'en novembre 2019)

- des lacunes et des erreurs dans la rédaction du cahier des charges pour ses produits (ainsi la collection 'Minnie parisenne' a nécessité pour les salariés des services 'sourcing' et 'art' d'organiser une réunion afin de pouvoir clarifier les points d'incompréhension et avancer sur le développement des produits et le développement des sweatshirt R2D2 en octobre 2019 et 3Zomm [Localité 5] 7 en novembre 2019 a été impacté.)

- un manque d'esprit collaboratif avec ses partenaires ( ex: opposition à toutes les propositions de modification manifestée en juillet 2018 lors d'une réunion autour de la gamme 'Roi lion Lifestyle' avec une posture non professionnelle et non constructive.)

En conclusion, la société Euro Dysney indique que les lacunes de la salariée dans la réalisation de ses missions se manifestent depuis de nombreux mois et génèrent une désorganisation obligeant sa hiérarchie ou ses partenaires à la relancer plusieurs fois pour permettre la progression du développement des produits et que malgré l'accompagnement dont elle a bénéficié, elle n'assure pas de manière satisfaisante les prérogatives liées à la fonction de chef de produits ce qui entraîne des conséquences préjudiciables, son insuffisance matérialisée principalement par des défauts d'élaboration et de clarification de ses stratégies entraînant une incompréhension voir un blocage chez ses partenaires dans le développement des produits, ces derniers étant contraints de compenser ses lacunes.

Il ressort des pièces versées aux débats que les difficultés imputées par la société à la salariée sont consécutives à la mise en place d'une nouvelle organisation en janvier 2017 avec la nomination de Mme [V] [A] en septembre 2016 au poste de Manager Développement Produit Softline-lifestyle, poste auquel Mme [E] avait elle même vainement postulé, étant relevé que suite à cette nomination Mme [V] [A] qui était sous la subordination de Mme [E] est devenue sa supérieure hiérarchique, alors que la salariée avait donné entière satisfaction à son employeur depuis son embauche.

C'est en vain que la société Euro Dysney prétend dans ses écritures, contrairement d'ailleurs à ce qui est indiqué dans la lettre de licenciement, que l'insuffisance professionnelle de la salariée remonterait à 2012. Il ressort de l'entretien d'évaluation du 15 décembre 2016 fait sous l'égide de sa Senior manager Mme [P] [K] que la salariée a été évaluée au niveau 3 correspondant à une 'bonne performance' sa responsable indiquant: ' De bons résultats en 'per cap' pour le secteur de l'adulte en FY16. [W] a eu une charge de travail importante cette année, malgré tout elle a su aboutir à de nombreux objectifs. [W] est force de proposition afin de trouver de nouveaux vecteurs de croissance et ose innover. [W] est également réactive vis à vis des priorités de la direction et des demandes souvent de dernière minute. Elle doit cependant mieux organiser et communiquer ses initiatives afin de fédérer ses collaborateurs. Une nouvelle structure s'est mise en place début FY 2017, j'encourage [W] a accueillir plus favorablement ce changement et à collaborer avec son nouveau manager.'

La salariée apporte des son côté les commentaires suivants:

' Cette année encore on note de bons résultats pour le secteur adulte malgré une tendance en baisse. Ma senior Manager me reconnaît une grande capacité de travail et d'initiative pour atteindre des challenges mais malheureusement difficile de la convaincre en mes aptitudes à évoluer au sein de fMerchandise. Consciente que mon expertise au sein du service est un atout, je suis tout à ait capable de me conformer aux exigences de la nouvelle structure mais j'aimerais que mon management m'aide à grandir pour garder toute ma motivation.'

Il ressort des entretiens 'rencontre' FY 2017, FY 2018 et FY2019 rédigés par Mme [V] [A], qu'en dépit des bons résultats de la salariée, lui sont reprochées des difficultés d'adaptation à la nouvelle organisation, reproches auxquels Mme [E] a toujours répondu de façon très circonstanciée, la société Euro Dysney indiquant:

- entretien rencontre FY 2017: '[W] a cependant eu des difficultés à se faire à la transformation de la structure du service: transformation d'organisation (acceptation de son manager, des nouvelles façons de travailler...) Et prise en compte des nouvelles priorités de l'entreprise en terme de suivi en particulier.'

- entretien rencontre FY 18: ' [W] a connu deux managers successifs cette année suite à mon congé maternité. [W] a eu du mal à collaborer avec sa nouvelle manager, prenant peu en compte ses conseils et remarques... Il est important que [W] respecte les stratégies de l'entreprise et en particulier celles de Merchandise en travaillant avec son manager pour répondre aux attentes de la direction...'

- entretien rencontre FY 19 '... [W] n'est pas à l'attendu du poste et les axes d'amélioration notés l'année dernière restent encore à travailler. [W] doit écouter et appliquer les conseils donnés lors de mon accompagnement, pour être au niveau attendu. Son expérience de 20 ans lui donne une expertise produit mais elle doit suivre les attentes du poste et de l'entreprise et structure son travail. Un plan d'accompagnement à construire ensemble est prévu en janvier.'

Or, la cour relève tout d'abord au regard des explications données par les parties que la construction des stratégies produits est le résultat d'un travail collectif, entre l'équipe de coordination et les équipes produits / planning et que les DLP collection sont des gammes transversales, développées par plusieurs secteurs sous la direction de la manager et du chef de produit d'équipe.

Il est encore relevé que le chiffre d'affaire du secteur textile adulte dont Mme [E] avait la charge a augmenté de 15,33 % entre 2018 et 2019 et de 19,30% entre 2019 et 2020.

Les attestations circonstanciées versées aux débats par la salariée émanant de M. [N], infographiste de 2002 à 2009 puis Manager conception artistique de 2009 à 2018, M. [S] Chef de Produit au sein du de la division merchandise, Mme [D] Chef de produit senior accessoires de novembre 2016 à octobre 2018, Mme [I] Chef de produits accessoire jusqu'en avril 2018 soulignent par ailleurs les difficultés auxquelles ils se trouvaient confrontés suite à la réorganisation survenue en 2016 pour avoir de leur nouvelle supérieure hiérarchique Mme [A] des directives claires de management alors que le mode de travail et le périmètre de responsabilité du chef de produit avaient évolué.

Les échanges partiels de mails versés aux débats par la société Euro Dysney pour justifier de l'insuffisance professionnelle alléguée, mails qui sont pour la plupart adressés à plusieurs salariés, et qui font état d'instructions, de demandes d'éclaircissement, de relances, d'apport de corrections ou de confrontations de point de vue ne permettent pas de caractériser l' insuffisance professionnelle de la salariée, alors que les quelques difficultés qui lui sont imputables restent résiduelles au regard de l'ensemble de son activité.

Ainsi s'agissant de la défaillance dans la construction des plans de collection c'est en vain que la société Euro Dysney invoque les mails adressés par Mme [A] à Mme [E] les 14 mars 2019 et 27 février 2020 lesquels n'évoquent aucunement une insuffisance professionnelle mais traduisent une collaboration constructive entre Mme [E] et sa supérieure chargée de valider les plans de collections après avoir le cas échéant fait des suggestions ou apporté des modifications, Mme [A] donnant ainsi à la salariée des instructions tout en lui demandant son point de vue. Les mails des13 juillet 2018, 22 août 2019, et 27 décembre 2019 encore invoqués par l'employeur ne sont pas spécifiquement adressés à Mme [E] mais à plusieurs salariés et ne mentionnent aucun élément susceptible de caractériser une insuffisance professionnelle imputable à l'un quelconque des salariés destinataires.

Par ailleurs, la note d'entretien du 16 avril 2019 sur laquelle s'appuie l'employeur pour évaluer les critères de performance de la salariée indique,

- s'agissant de la contribution aux résultats: 'les résultats du secteur sont bien drivés sur le lancement de spirit Jersey',

- s'agissant de la collaboration avec autrui : 'Mme [E] collabore mieux avec son manager et partage ses initiatives, elle doit mieux anticiper son travail pour ne pas faire les validations en last minute et elle collabore bien avec son ACP et son apprenti mais elle doit plus les accompagner pour les développer et leurs donner les clés de réussite à leur poste', ce qui ne permet pas de caractériser une insuffisance professionnelle, quand bien même certains points devant être améliorés sont évoqués.

Si la société Euro Dysney verse en outre aux débats un compte rendu d'un entretien rencontre de décembre 2019 , non signé par la salariée aux termes duquel elle indique que Mme [E] 'n'est pas à l'attendu du poste et que les axes d'amélioration restent à travailler, un plan d'accompagnement à construire avec elle devant être mis en place en janvier 2020", la cour retient que la procédure de licenciement a été engagée dès le 25 février 2020 sans que ne soit justifiée la mise en place du plan d'accompagnement annoncé, étant en outre relevé que la salarié fait valoir sans être démentie que son plan de collection présenté en janvier 2020 a été approuvé par la direction.

C'est encore en vain que la société Euro Dysney se base pour caractériser l' absence de suivi reprochée à la salariée, sur le mail qui lui a été adressé le 24 septembre 2019 , mail aux termes duquel Mme [A] fait suite au point organisation tenu le jour même pour faire face à l'arrêt prolongé de Corail (assistante de Mme [E]) et indique in fine ' Je sais que la situation n'est pas évidente ces dernières semaines, c'est pour cela que nous faisons tout pour nous organiser au mieux avec toutes les contraintes. Mais nous finissons FY19 sur des notes très positives grâce au travail d'équipe, maintenons la dynamique pour reproduire une aussi belle année FY2020".

Le mail adressé par Mme [A] à sa hiérarchie le 18 octobre 2019 pour lui récapituler les problèmes rencontrés les jours passés dans le service de Mme [E] relatifs à la communication d'un certain nombre d'informations , dans le contexte difficile rappelé ci-avant n'est ainsi pas suffisant pour caractériser une insuffisance imputable à la salariée.

Le mail du 12 novembre 2019 aux termes duquel Mme [A] fait également suite au point organisation tenu le jour même avec la salariée ne comporte pas le moindre reproche à l'égard du travail de Mme [E].

L'échange de mail en date du 4 octobre 2019 relatifs aux difficultés rencontrées sur le lancement de la robe 'Minnie parisienne' difficultés sur lesquelles la salariée s'explique de façon convaincante ne permet pas plus de caractériser une insuffisance professionnelle .

C'est toujours en vain que la société Euro Dysney invoque un échange de mail du 22 mars 2018 par lequel Mme [E] est interrogée sur sa recommandation de sélection, faisant valoir que la réponse de la salariée à savoir ' proposition de collection en bro-branding pour MK90 de Sugardbird' était laconique alors que cette réponse n'a entraîné aucune réaction de son interlocuteur , ou encore les mails adressés par Mme [E] à sa manager les 27 avril et 2 mai 2018 relatifs à une difficulté de replanifier un meeting alors que la salariée a tenté de résoudre le problème en demandant à ses collègues une permutation pour sa date de coordination.

L'échange de mails survenu en juillet 2018 entre Mme [E] et Mme [Y] [Z] qui traduisent un désaccord ponctuel entre les 2 salariées sur la rentabilité de certains modèles et une difficulté manifeste à échanger sur ce point en toute sérénité, ne permet pas plus de caractériser des difficultés à collaborer imputables à Mme [E], et ce d'autant plus que les attestations versées aux débats par cette dernière émanant de collègues ayant travaillé en étroite collaboration avec elle, font, au contraire, état de façon très circonstanciée de son professionnalisme et de ses compétences tant sur le plan technique que relationnel que ce soit à l'égard des ses collègues ou des partenaires ou fournisseurs dans un contexte parfois difficile avec de fortes pressions de la hiérarchie.

Les mails du 21 octobre 2019 et du 12 janvier 2020 ne permettent pas plus, contrairement à ce qu'affirme l'employeur, de pointer une difficulté imputable à Mme [E] concernant la définition de produits de la collection 'Electroland'.

S'il résulte des échanges de mails du 20 décembre 2018 que le 'brief' adulte pour 'Park passeport' du secteur Textile adulte dont Mme [E] avait la charge ne s'est pas bien passé (guide non étudié, 'brief' non préparé, pas d'engagement ni d'enthousiasme, soucis des shopping qui font et enferment les concepts) cette insuffisance ponctuelle, pour laquelle la salariée n'a pas spécifiquement été recadrée, alors qu'elle a donné satisfaction à son employeur jusqu'en 2016 et que l'entretien d'évaluation d'avril 2019 souligne les bons résultats du secteur et l'amélioration de la collaboration de Mme [E] avec sa manager et son équipe, ne peut sérieusement justifier un licenciement début 2020.

Contrairement à ce qu'affirme la société, le mail du 22 novembre 2019 qu'elle verse aux débats, ne permet aucunement d'établir que Mme [E] aurait exposé la société à des risques de poursuites pour concurrence déloyale

Enfin s'il ressort du mail adressé par M. [J] [X] le 13 décembre 2019 à la senior manager de Mme [E] indiquant 'Mon équipe m'alerte sur les très grandes difficultés qu'elle rencontre, et notamment [U] pour aboutir nos pièces adultes Minnie's [Localité 5] Couture. [U] se retrouve en direct avec un fournisseur qui semble ne pas comprendre nos demandes et me remonte que [W], limité par son anglais n'arrive pas à communiquer clairement ses demandes. De plus , alors que le meeting est en VTC, elle montre une image qui ajoute sûrement des tensions, elle s'énerve et peste en français, ce que notre fournisseur voit bien sûr et ce qui crée un malaise au sein de l'équipe française présente' que la salarié se serait trouvé ponctuellement en difficultés du fait d'une maîtrise insuffisante de l'anglais jamais évoquée auparavant, ce qui n'est au demeurant confirmé par aucune attestation émanant des salariés de l'équipe de M. [X] ou du fournisseur, la cour retient au regard de l'ensemble des éléments qui précèdent que ce mail ne suffit pas à caractériser une insuffisance professionnelle constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- sur les conséquences financières du licenciement:

Aux termes de l'article L 1235-3 du code du travail Mme [E] qui comptabilisait plus de 14 ans d'ancienneté au sein de l'entreprise peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 12 mois de salaire brut.

Agée de 51 ans au jour du licenciement Mme [E] qui justifie avoir été prise en charge par Pôle emploi à compter du mois d'octobre 2020 puis admise au bénéfice de l'allocation de solidarité spécifique à compter du mois de mai 2023, sans que la société Euro Dysney ne puisse utilement lui opposer les mentions portées sur son compte LinkedIn lesquelles n'ont aucune valeur probante, a subi un préjudice que la cour évalue, par infirmation du jugement, au regard de son ancienneté de son âge, de sa situation professionnelle postérieure au licenciement et des difficultés à pouvoir retrouver un emploi similaire, à la somme de 60 000 euros.

En application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur à France Travail des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié licencié à compter de son licenciement dans la limite des 6 mois prévus par la loi.

- sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral :

Il est constant que lorsque le licenciement a été prononcé dans des circonstances abusives ou vexatoires , le salarié peut prétendre en sus de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à des dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.

En l'espèce, il n'est pas justifié de circonstances particulières ayant entraîné un préjudice moral distinct de celui pris en compte dans l'évaluation du préjudice au titre de la rupture abusive du contrat de travail en application de l'article L1235-3 précité.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [E] de la demande faite à ce titre.

Sur les autres demandes:

Pour faire valoir ses droits en cause d'appel Mme [E] a dû exposer des frais qu'il serait inéquitable de laisser à sa charge.

La société Euro Dysney sera en conséquence condamnée à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre la somme allouée à ce titre en 1ère instance.

La cour rappelle par ailleurs que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue et ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a condamné la SAS Euro Dysney associés à payer à Mme [W] [E] la somme de 50.408,00 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

et statuant à nouveau du chef de jugement infirmé, et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Euro Dysney associés à payer à Mme [W] [E] la somme de 60 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE le remboursement par la SAS Euro Dysney associés à France Travail des indemnités de chomâge éventuellement versées à Mme [W] [E] dans la limite de 6 mois.

CONDAMNE la SAS Euro Dysney associés à payer à Mme [W] [E] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la SAS Euro Dysney associés aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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