CA Chambéry, 1re ch., 23 septembre 2025, n° 24/01529
CHAMBÉRY
Autre
Autre
NH/SL
N° Minute
[Immatriculation 1]/531
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 23 Septembre 2025
N° RG 24/01529 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HTGJ
Décision attaquée : Ordonnance du Juge commissaire de [Localité 5] en date du 31 Octobre 2024
Appelante
S.A.S. T ET M, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELEURL AXESS AVOCATS, avocats plaidants au barreau de PARIS
Intimées
S.E.L.A.R.L. ETUDE BOUVET [G] HARDY agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ALP'TRONIC, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentée par la SCP SAILLET & BOZON, avocats au barreau de CHAMBERY
S.A.S. ALP'TRONIC, dont le siège social est situé [Adresse 4]
Sans avocat constitué
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l'ordonnance de clôture : 10 Juin 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 septembre 2025
Date de mise à disposition : 23 septembre 2025
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Composition de la cour :
- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Faits et procédure
La société T&M, qui fabrique, vend et loue des box Wi-Fi portables permettant de proposer des solutions de divertissements aux passagers des professionnels du voyage, a sollicité la société Alp'Tronic, fabricant de cartes électroniques et composants.
Le 8 février 2013, un incendie est survenu dans les locaux de la société Alp'Tronic, endommageant notamment des matériels appartenant à la société T&M.
La société Alp'Tronic a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chambéry en date du 1er mars 2023. La Selarl Etude Bouvet [G] Hardy a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
La société T&M a déclaré entre les mains du mandataire, une créance globale de 593.922,41 euros, décomposée comme suit :
- 83.272,68 euros TTC correspondant au prix des composants électroniques appartenant à la société T&M et stockés par la société Alp'Tronic,
- 29.750,00 euros TTC correspondant à la facture 37632 réglée par la société T&M relative à l'acompte pour la fabrication de nouvelles cartes électroniques à la société Alp'Tronic non produites ;
- 84.083,02 euros TTC correspondant au coût des 20 serveurs partiellement assemblés par la société Alp'Tronic ayant brûlé dans le cadre de l'incendie ;
- 73.816,71 euros TTC correspondant au coût des 18 serveurs assemblés par la société Alp'Tronic, intégralement réglé par la société T&M, livrés et redéposés par la société T&M au sein des locaux de la société Alp'Tronic pour réparation ;
- 3 23.000,00 euros au titre du dommage immatériel subi par la société T&M caractérisé notamment par les pertes d'exploitation et la mobilisation en temps et personnel d'une solution, les délais de retard occasionnés.
Le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 22 mai 2023 qui a désigné la Selarl Etude Bouvet [G] Hardy en qualité de liquidateur.
Le liquidateur a contesté la créance déclarée par la société T&M par courrier du 27 septembre 2023, en ce qu'elle porte sur des dommages et intérêts à hauteur de 323.000 euros et a indiqué qu'il proposerait le rejet de ce montant et l'admission à hauteur de 270.922,41 euros.
La société T&M a fait part de ses explications par courrier du 26 octobre 2023 et maintenu sa déclaration de créance.
Par ordonnance en date du 31 octobre 2024, le juge commissaire de la procédure collective suivie au bénéfice de la société Alp'Tronic, a admis la créance de la société T&M à hauteur de 270.922,41 euros à titre chirographaire et rejeté la créance pour le surplus déclaré de 323.000 euros en retenant d'une part que cette créance n'était pas justifiée par les pièces produites, d'autre part qu'une expertise était en cours, pour indemnisation par la compagnie d'assurances.
Par déclaration au greffe du 8 novembre 2024, la SAS T&M a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a rejeté sa créance à hauteur de 323.000 euros, et a intimé la SAS Alp'Tronic et la Selarl Etude Bouvet [G] Hardy, en qualité de liquidateur de la société Alp'Tronic. La déclaration d'appel a été signifiée à la société Alp'Tronic par exploit du 2 décembre 2024.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures en date du 27 mai 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SAS T&M demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue par le Juge commissaire du Tribunal de commerce de Chambéry le 31 octobre 2024 en ce qu'elle a rejeté le surplus soit la somme de 323.000 euros, du passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Alp'Tronic,
A titre principal,
- admettre la créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Alp'Tronic à hauteur de 1.713.266,73 euros se décomposant comme suit :
- 83.272,68 euros TTC correspondants au prix des composants électroniques appartenant à la société T&M et stockés par la société Alp'Tronic (pièces n°2 et n°3),
- 29.750 euros TTC correspondants à la facture 37632 réglée par la société T&M relative à l'acompte pour la fabrication de nouvelles cartes électroniques à la société Alp'Tronic non produites (pièce n°5),
- 84.083,02 euros TTC correspondants au coût des 20 serveurs partiellement assemblés par la société Alp'Tronic et brûlés dans le cadre de l'incendie (pièces n°2 et 4),
- 73.816,71 euros TTC correspondants au coût des 18 serveurs assemblés par la société Alp'Tronic, intégralement réglés par la société T&M, livrés et redéposés par la société T&M au sein des locaux de la société Alp'Tronic pour réparation
- 1.442.345 euros au titre du préjudice immatériel subi par la société T&M,
A titre subsidiaire,
- admettre la créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Alp'Tronic à hauteur de la somme totale de 593.922,41 euros se décomposant comme suit :
- 83.272,68 euros TTC correspondants au prix des composants électroniques appartenant à la société T&M et stockés par la société Alp'Tronic(pièces n°2 et n°3),
- 29.750 euros TTC correspondants à la facture 37632 réglée par la société T&M relative à l'acompte pour la fabrication de nouvelles cartes électroniques à la société Alp'Tronic non produites (pièce n°5),
- 84.083,02 euros TTC correspondants au coût des 20 serveurs partiellement assemblés par la société Alp'Tronic et brûlés dans le cadre de l'incendie (pièces n°2 et 4),
- 73.816,71 euros TTC correspondants au coût des 18 serveurs assemblés par la société Alp'Tronic, intégralement réglés par la société T&M, livrés et redéposés par la société T&M au sein des locaux de la société Alp'Tronic pour réparation
- 323.000 euros correspondant à la partie déclarée du préjudice immatériel subi par la société T&M, préjudice n'étant pas inférieur à la somme de 1.442.345 euros.
Seules les premières conclusions de l'appelante ont été régulièrement signifiées à la société Alp'Tronic le 31 janvier 2025, elles diffèrent des dernières conclusions uniquement en ce qu'elles demandent à la cour 'd'inscrire' les mêmes créances au passif de la liquidation judiciaire, là où ses dernières conclusions tendent à voir 'admettre' ces créances au passif.
Au soutien de ses prétentions, la société T&M fait valoir en substance :
' qu'outre le préjudice matériel né de la perte des matériels endommagés, qui n'est pas contesté, elle subit un préjudice lié à l'absence de production par rapport à l'année précédente évaluée à la perte de 50,83 box, et à la perte de chiffre d'affaires complémentaire généré par l'exploitation des contenus des box perdues,
' que compte tenu de la marge applicable, son préjudice s'établit comme suit :
- 101.930 euros au titre de la vente 'sèche' des box,
- 1.340.415 euros au titre des contrats de licence et du contenu.
' que si la cour retenait que la déclaration de créance fixe la demande et ne peut être augmentée, sa créance devrait donc a minima être admise à hauteur de 323.000 euros au titre de son préjudice immatériel.
Par dernières écritures du 13 mars 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique et signifiées à la SAS Alp'Tronic le 28 mars 2025, la SELARL Etude Bouvet [G] Hardy, en qualité de liquidateur de la société Alp'Tronic, demande à la cour de :
- juger que l'appel ne porte que sur la contestation de la décision de rejet de la créance déclarée de 323.000 euros au titre d'un préjudice immatériel,
- juger irrecevable, subsidiairement mal fondée la demande d'INSCRIRE au passif une créance de 1.442.345 euros,
- juger mal fondée la demande d'INSCRIRE au passif une créance de 323.000 euros,
- débouter la société T&M de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer l'ordonnance du Juge Commissaire du 31 octobre 2024, qui a rejeté la créance de 323.000 euros déclarée au titre d'un préjudice immatériel,
- condamner la société T&M à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société T&M aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP SAILLET & BOZON, société d'avocats, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle fait notamment valoir que :
' la saisine de la Cour d'appel, aux termes de la déclaration d'appel, est limitée à la critique du rejet de la somme de 323.000 euros correspondant au préjudice immatériel allégué et ayant donné lieu à déclaration de créance,
' seule la déclaration de créance portant sur 323.000 euros a été effectuée dans le délai prévu par l'article R622-24 du code de commerce et la société T&M ne peut modifier sa déclaration à la hausse, étant forclose en application de l'article L622-26 du même code,
' la cour ne peut qu'admettre ou rejeter la créance et il ne lui appartient pas de 'l'inscrire' au passif ;
' au fond, aucun rapport d'expertise n'est versé à l'appui des calculs qui demeurent purement théoriques et reposent sur d'hypothétiques ventes et exploitation de contrat de licence, sans que la société T&M présente l'évolution et les chiffres de son activité qui ne s'est pas arrêtée après l'incendie, son activité n'ayant été que différée et non stoppée suite à ce sinistre ; elle ne justifie en conséquence nullement de son préjudice.
La société Alp'Tronic, est défaillante, sous réserve de l'étendue des pouvoirs de représentation de son liquidateur.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 juin 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 1er septembre 2025.
Motifs de la décision
I - Sur la portée de l'appel
Conformément aux dispositions de l'article 542 du Code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
L'article 562 énonce que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du dispositif de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La société T&M ne critique l'ordonnance déférée qu'en ce qu'elle a rejeté sa déclaration de créance au titre du préjudice immatériel, dès lors, les dispositions de cette décision qui ont admis sa créance au passif de la procédure collective à hauteur de 270.922,41 euros à titre chirographaire, sont définitives et il n'y a pas lieu de statuer à nouveau sur cette part de la créance déclarée et correspondant au préjudice lié à la perte matérielle des biens endommagés par l'incendie.
II - Sur la recevabilité des demandes
L'article L622-24 du code de commerce énonce :
' A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. Lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l'article L. 622-26, les délais ne courent qu'à compter de la notification de cette décision ; ils sont alors réduits de moitié. Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement.
La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance.
Lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa.
La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 5427-1 à L. 5427-6 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1. Si la détermination de l'assiette et du calcul de l'impôt est en cours, l'établissement définitif des créances admises à titre provisionnel doit être effectué par l'émission du titre exécutoire dans un délai de douze mois à compter de la publication du jugement d'ouverture. Toutefois, si une procédure de contrôle ou de rectification de l'impôt a été engagée, l'établissement définitif des créances qui en font l'objet doit être réalisé avant le dépôt au greffe du compte rendu de fin de mission par le mandataire judiciaire. Le délai de cet établissement définitif est suspendu par la saisine de l'une des commissions mentionnées à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales jusqu'à la date de réception par le contribuable ou son représentant de l'avis de cette commission ou celle d'un désistement.'
L'article R622-23 précise notamment que la déclaration de créance contient :
'1° Les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n'a pas encore été fixé ;'
L'article L622-26 sanctionne le respect de ces dispositions et énonce notamment que 'A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande'.
S'il apparaît en l'espèce que la société T&M a procédé à sa déclaration de créance le 25 avril 2023 en précisant 'montant exigible provisoire : 593.922,41 euros' avant d'indiquer la décomposition de ce montant, aucun des composants de sa créance n'est visé comme étant susceptible d'évolution pas plus qu'elle n'indique en quoi la créance pourrait être affinée ou modifier. Elle ne justifie ni d'une instance en cours ni même de ce qu'une expertise était en cours à la date de sa déclaration de créance ou aurait eu lieu pour déterminer son préjudice, sa déclaration étant clairement limitée à 323.000 euros au titre du préjudice immatériel, sans précision d'aucune sorte.
La demande tendant à la fixation de la créance au titre du préjudice immatériel ne peut dès lors excéder la somme déclarée initialement soit 323.000 euros, le surplus se heurtant à la forclusion, acquise depuis le 10 mai 2023 soit deux mois après la publication du jugement au Bodacc.
III - Au fond
L'article L624-2 du code de commerce, applicable à la liquidation judiciaire, énonce que le juge commissaire, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.
Les dernières conclusions de la société T&M sollicitent l'admission de ses créances au passif de la procédure collective, se différenciant en cela seulement de ses premières écritures qui sollicitaient l'inscription des dites créances au passif
Force est de constater que la société appelante a donc adapté ses demandes et se conforme à la lettre de la loi. De surcroît, sauf à faire preuve d'un formalisme excessif privant le créancier de l'accès au juge qui lui est garanti par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, la demande 'd'inscription' au passif ne peut s'entendre que comme tendant à ce que la créance soit admise au passif auquel elle figurera et sera donc 'inscrite', et elle ne saurait être considérée comme mal fondée au seul motif de cette formulation, parfaitement claire, étant observé que la déclaration de créance vaut demande d'admission au passif.
Sur le fond, il appartient à la société T&M qui argue d'une créance au titre de son préjudice immatériel, de rapporter la preuve de l'existence d'un tel préjudice.
Il peut être relevé à cet égard que si elle fait état de conclusions expertales qui auraient retenu que son activité avait subi une perturbation d'une durée pouvant être ramenée à 10 mois et qui, après calcul par comparaison, auraient évalué ses pertes d'exploitation au montant qu'elle sollicite, elle ne produit nullement ladite expertise et ne précise pas davantage dans quel cadre celle-ci serait intervenue.
Elle verse aux débats un tableau qu'elle a manifestement élaboré elle-même, qui fait apparaître un 'nombre de sorties moyen' en 2023 inférieur à celui de la même période 2022, ce dont il devrait se déduire, sans vérification possible par la cour du nombre de 'sorties' allégué, que cette diminution résulterait des pertes liées à l'incendie. En l'absence d'une part d'éléments objectifs permettant de vérifier les données portées dans ce tableau, d'autre part de données concernant les mêmes périodes des années postérieures, mais également d'information permettant de pondérer ces chiffres par le niveau du carnet de commandes pour les mêmes périodes, ce tableau est sans effet probatoire.
La cour peut par ailleurs constater :
- que les factures produites n'établissent pas que chaque box produirait le revenu allégué par la société T&M,
- qu'en tout état de cause, à supposer que l'activité ait été impactée, la perte des revenus provenant des licences ne saurait être calculée sur plusieurs années alors que les ventes n'ont, dans le pire des cas, été que différées et que ces revenus, à supposer qu'ils aient été perdus, ne l'ont été que durant quelques mois ;
- que contrairement aux affirmations de la société T&M, qui argue de perte d'exploitation, l'examen de ses bilans 2022 et 2023, fait apparaître que son chiffre d'affaires 2023 est supérieur au chiffre d'affaires 2022 (4.641.866 contre 3.910.896), que le résultat d'exploitation est également en forte hausse (419.533 euros en 2023 contre 252.094 euros en 2022) et que la société a réalisé en 2023 un bénéfice très largement supérieur à celui de 2022 (+113.000 euros) ; qu'ainsi alors que les bilans des années postérieurs n'ont pas été produits, aucune perte d'exploitation ne peut être constatée ;
- que la société T&M qui ne produit pas ses carnets de commandes, ne justifie d'aucune impossibilité de répondre à des demandes de clients à la suite de la perte des matériels se trouvant chez Alp'tronic lors de l'incendie et force est de constater qu'elle a manifestement pu répondre à de telles demandes, les bilans faisant apparaître une forte diminution du poste 'production stockée' entre 2022 et 2023 (811.328 euros en 2022 / 529.277 euros en 2023), ce poste restant néanmoins à un niveau élevé si on le ramène aux prix de vente annoncés par l'appelante et au nombre de 'sorties' qui résulte du tableau qu'elle invoque ;
- que la société T&M ne justifie pas davantage de réclamation de clients qui auraient déploré des retards de livraison ou toute autre impossibilité d'obtenir satisfaction.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la société T&M échoue à rapporter la preuve de l'existence même de pertes d'exploitation et c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la créance déclarée au titre du préjudice immatériel. La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions soumises à la cour.
IV - Sur les mesures accessoires
La société T&M qui succombe en son appel, supportera la charge des dépens dont distraction au profit de la SCP Saillet & Bozon et versera à la Selarl Etude Bouvet [G] Hardy, en qualité de liquidateur de la société Alp'Tronic, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par défaut et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,
Rappelle que la Cour n'est pas saisie des dispositions de l'ordonnance qui ne sont pas contestées,
Dit que la demande de la société T&M est irrecevable pour la part excédant sa déclaration de créance,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Ajoutant,
Déboute la société T&M de toutes ses plus amples demandes,
Condamne la société T&M aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Saillet & Bozon,
Condamne la société T&M à payer à la Selarl Etude Bouvet [G] Hardy, en qualité de liquidateur de la société Alp'Tronic, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Arrêt de Défaut rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 23 septembre 2025
à
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-[Localité 5]
la SCP SAILLET & BOZON
Copie exécutoire délivrée le 23 septembre 2025
à
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-[Localité 5]
la SCP SAILLET & BOZON
N° Minute
[Immatriculation 1]/531
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 23 Septembre 2025
N° RG 24/01529 - N° Portalis DBVY-V-B7I-HTGJ
Décision attaquée : Ordonnance du Juge commissaire de [Localité 5] en date du 31 Octobre 2024
Appelante
S.A.S. T ET M, dont le siège social est situé [Adresse 2]
Représentée par la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-CHAMBERY, avocats postulants au barreau de CHAMBERY
Représentée par la SELEURL AXESS AVOCATS, avocats plaidants au barreau de PARIS
Intimées
S.E.L.A.R.L. ETUDE BOUVET [G] HARDY agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS ALP'TRONIC, dont le siège social est situé [Adresse 3]
Représentée par la SCP SAILLET & BOZON, avocats au barreau de CHAMBERY
S.A.S. ALP'TRONIC, dont le siège social est situé [Adresse 4]
Sans avocat constitué
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Date de l'ordonnance de clôture : 10 Juin 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 01 septembre 2025
Date de mise à disposition : 23 septembre 2025
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Composition de la cour :
- Mme Nathalie HACQUARD, Présidente,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
avec l'assistance lors des débats de Mme Sylvie LAVAL, Greffier,
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Faits et procédure
La société T&M, qui fabrique, vend et loue des box Wi-Fi portables permettant de proposer des solutions de divertissements aux passagers des professionnels du voyage, a sollicité la société Alp'Tronic, fabricant de cartes électroniques et composants.
Le 8 février 2013, un incendie est survenu dans les locaux de la société Alp'Tronic, endommageant notamment des matériels appartenant à la société T&M.
La société Alp'Tronic a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chambéry en date du 1er mars 2023. La Selarl Etude Bouvet [G] Hardy a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
La société T&M a déclaré entre les mains du mandataire, une créance globale de 593.922,41 euros, décomposée comme suit :
- 83.272,68 euros TTC correspondant au prix des composants électroniques appartenant à la société T&M et stockés par la société Alp'Tronic,
- 29.750,00 euros TTC correspondant à la facture 37632 réglée par la société T&M relative à l'acompte pour la fabrication de nouvelles cartes électroniques à la société Alp'Tronic non produites ;
- 84.083,02 euros TTC correspondant au coût des 20 serveurs partiellement assemblés par la société Alp'Tronic ayant brûlé dans le cadre de l'incendie ;
- 73.816,71 euros TTC correspondant au coût des 18 serveurs assemblés par la société Alp'Tronic, intégralement réglé par la société T&M, livrés et redéposés par la société T&M au sein des locaux de la société Alp'Tronic pour réparation ;
- 3 23.000,00 euros au titre du dommage immatériel subi par la société T&M caractérisé notamment par les pertes d'exploitation et la mobilisation en temps et personnel d'une solution, les délais de retard occasionnés.
Le redressement judiciaire a été converti en liquidation judiciaire par jugement du 22 mai 2023 qui a désigné la Selarl Etude Bouvet [G] Hardy en qualité de liquidateur.
Le liquidateur a contesté la créance déclarée par la société T&M par courrier du 27 septembre 2023, en ce qu'elle porte sur des dommages et intérêts à hauteur de 323.000 euros et a indiqué qu'il proposerait le rejet de ce montant et l'admission à hauteur de 270.922,41 euros.
La société T&M a fait part de ses explications par courrier du 26 octobre 2023 et maintenu sa déclaration de créance.
Par ordonnance en date du 31 octobre 2024, le juge commissaire de la procédure collective suivie au bénéfice de la société Alp'Tronic, a admis la créance de la société T&M à hauteur de 270.922,41 euros à titre chirographaire et rejeté la créance pour le surplus déclaré de 323.000 euros en retenant d'une part que cette créance n'était pas justifiée par les pièces produites, d'autre part qu'une expertise était en cours, pour indemnisation par la compagnie d'assurances.
Par déclaration au greffe du 8 novembre 2024, la SAS T&M a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a rejeté sa créance à hauteur de 323.000 euros, et a intimé la SAS Alp'Tronic et la Selarl Etude Bouvet [G] Hardy, en qualité de liquidateur de la société Alp'Tronic. La déclaration d'appel a été signifiée à la société Alp'Tronic par exploit du 2 décembre 2024.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures en date du 27 mai 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, la SAS T&M demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue par le Juge commissaire du Tribunal de commerce de Chambéry le 31 octobre 2024 en ce qu'elle a rejeté le surplus soit la somme de 323.000 euros, du passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Alp'Tronic,
A titre principal,
- admettre la créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Alp'Tronic à hauteur de 1.713.266,73 euros se décomposant comme suit :
- 83.272,68 euros TTC correspondants au prix des composants électroniques appartenant à la société T&M et stockés par la société Alp'Tronic (pièces n°2 et n°3),
- 29.750 euros TTC correspondants à la facture 37632 réglée par la société T&M relative à l'acompte pour la fabrication de nouvelles cartes électroniques à la société Alp'Tronic non produites (pièce n°5),
- 84.083,02 euros TTC correspondants au coût des 20 serveurs partiellement assemblés par la société Alp'Tronic et brûlés dans le cadre de l'incendie (pièces n°2 et 4),
- 73.816,71 euros TTC correspondants au coût des 18 serveurs assemblés par la société Alp'Tronic, intégralement réglés par la société T&M, livrés et redéposés par la société T&M au sein des locaux de la société Alp'Tronic pour réparation
- 1.442.345 euros au titre du préjudice immatériel subi par la société T&M,
A titre subsidiaire,
- admettre la créance au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la SAS Alp'Tronic à hauteur de la somme totale de 593.922,41 euros se décomposant comme suit :
- 83.272,68 euros TTC correspondants au prix des composants électroniques appartenant à la société T&M et stockés par la société Alp'Tronic(pièces n°2 et n°3),
- 29.750 euros TTC correspondants à la facture 37632 réglée par la société T&M relative à l'acompte pour la fabrication de nouvelles cartes électroniques à la société Alp'Tronic non produites (pièce n°5),
- 84.083,02 euros TTC correspondants au coût des 20 serveurs partiellement assemblés par la société Alp'Tronic et brûlés dans le cadre de l'incendie (pièces n°2 et 4),
- 73.816,71 euros TTC correspondants au coût des 18 serveurs assemblés par la société Alp'Tronic, intégralement réglés par la société T&M, livrés et redéposés par la société T&M au sein des locaux de la société Alp'Tronic pour réparation
- 323.000 euros correspondant à la partie déclarée du préjudice immatériel subi par la société T&M, préjudice n'étant pas inférieur à la somme de 1.442.345 euros.
Seules les premières conclusions de l'appelante ont été régulièrement signifiées à la société Alp'Tronic le 31 janvier 2025, elles diffèrent des dernières conclusions uniquement en ce qu'elles demandent à la cour 'd'inscrire' les mêmes créances au passif de la liquidation judiciaire, là où ses dernières conclusions tendent à voir 'admettre' ces créances au passif.
Au soutien de ses prétentions, la société T&M fait valoir en substance :
' qu'outre le préjudice matériel né de la perte des matériels endommagés, qui n'est pas contesté, elle subit un préjudice lié à l'absence de production par rapport à l'année précédente évaluée à la perte de 50,83 box, et à la perte de chiffre d'affaires complémentaire généré par l'exploitation des contenus des box perdues,
' que compte tenu de la marge applicable, son préjudice s'établit comme suit :
- 101.930 euros au titre de la vente 'sèche' des box,
- 1.340.415 euros au titre des contrats de licence et du contenu.
' que si la cour retenait que la déclaration de créance fixe la demande et ne peut être augmentée, sa créance devrait donc a minima être admise à hauteur de 323.000 euros au titre de son préjudice immatériel.
Par dernières écritures du 13 mars 2025, régulièrement notifiées par voie de communication électronique et signifiées à la SAS Alp'Tronic le 28 mars 2025, la SELARL Etude Bouvet [G] Hardy, en qualité de liquidateur de la société Alp'Tronic, demande à la cour de :
- juger que l'appel ne porte que sur la contestation de la décision de rejet de la créance déclarée de 323.000 euros au titre d'un préjudice immatériel,
- juger irrecevable, subsidiairement mal fondée la demande d'INSCRIRE au passif une créance de 1.442.345 euros,
- juger mal fondée la demande d'INSCRIRE au passif une créance de 323.000 euros,
- débouter la société T&M de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer l'ordonnance du Juge Commissaire du 31 octobre 2024, qui a rejeté la créance de 323.000 euros déclarée au titre d'un préjudice immatériel,
- condamner la société T&M à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la société T&M aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP SAILLET & BOZON, société d'avocats, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, elle fait notamment valoir que :
' la saisine de la Cour d'appel, aux termes de la déclaration d'appel, est limitée à la critique du rejet de la somme de 323.000 euros correspondant au préjudice immatériel allégué et ayant donné lieu à déclaration de créance,
' seule la déclaration de créance portant sur 323.000 euros a été effectuée dans le délai prévu par l'article R622-24 du code de commerce et la société T&M ne peut modifier sa déclaration à la hausse, étant forclose en application de l'article L622-26 du même code,
' la cour ne peut qu'admettre ou rejeter la créance et il ne lui appartient pas de 'l'inscrire' au passif ;
' au fond, aucun rapport d'expertise n'est versé à l'appui des calculs qui demeurent purement théoriques et reposent sur d'hypothétiques ventes et exploitation de contrat de licence, sans que la société T&M présente l'évolution et les chiffres de son activité qui ne s'est pas arrêtée après l'incendie, son activité n'ayant été que différée et non stoppée suite à ce sinistre ; elle ne justifie en conséquence nullement de son préjudice.
La société Alp'Tronic, est défaillante, sous réserve de l'étendue des pouvoirs de représentation de son liquidateur.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 10 juin 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 1er septembre 2025.
Motifs de la décision
I - Sur la portée de l'appel
Conformément aux dispositions de l'article 542 du Code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.
L'article 562 énonce que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du dispositif de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La société T&M ne critique l'ordonnance déférée qu'en ce qu'elle a rejeté sa déclaration de créance au titre du préjudice immatériel, dès lors, les dispositions de cette décision qui ont admis sa créance au passif de la procédure collective à hauteur de 270.922,41 euros à titre chirographaire, sont définitives et il n'y a pas lieu de statuer à nouveau sur cette part de la créance déclarée et correspondant au préjudice lié à la perte matérielle des biens endommagés par l'incendie.
II - Sur la recevabilité des demandes
L'article L622-24 du code de commerce énonce :
' A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat. Lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l'article L. 622-26, les délais ne courent qu'à compter de la notification de cette décision ; ils sont alors réduits de moitié. Les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié sont avertis personnellement ou, s'il y a lieu, à domicile élu. Le délai de déclaration court à l'égard de ceux-ci à compter de la notification de cet avertissement.
La déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix. Le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu'à ce que le juge statue sur l'admission de la créance.
Lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire judiciaire, il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n'a pas adressé la déclaration de créance prévue au premier alinéa.
La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 5427-1 à L. 5427-6 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1. Si la détermination de l'assiette et du calcul de l'impôt est en cours, l'établissement définitif des créances admises à titre provisionnel doit être effectué par l'émission du titre exécutoire dans un délai de douze mois à compter de la publication du jugement d'ouverture. Toutefois, si une procédure de contrôle ou de rectification de l'impôt a été engagée, l'établissement définitif des créances qui en font l'objet doit être réalisé avant le dépôt au greffe du compte rendu de fin de mission par le mandataire judiciaire. Le délai de cet établissement définitif est suspendu par la saisine de l'une des commissions mentionnées à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales jusqu'à la date de réception par le contribuable ou son représentant de l'avis de cette commission ou celle d'un désistement.'
L'article R622-23 précise notamment que la déclaration de créance contient :
'1° Les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n'a pas encore été fixé ;'
L'article L622-26 sanctionne le respect de ces dispositions et énonce notamment que 'A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande'.
S'il apparaît en l'espèce que la société T&M a procédé à sa déclaration de créance le 25 avril 2023 en précisant 'montant exigible provisoire : 593.922,41 euros' avant d'indiquer la décomposition de ce montant, aucun des composants de sa créance n'est visé comme étant susceptible d'évolution pas plus qu'elle n'indique en quoi la créance pourrait être affinée ou modifier. Elle ne justifie ni d'une instance en cours ni même de ce qu'une expertise était en cours à la date de sa déclaration de créance ou aurait eu lieu pour déterminer son préjudice, sa déclaration étant clairement limitée à 323.000 euros au titre du préjudice immatériel, sans précision d'aucune sorte.
La demande tendant à la fixation de la créance au titre du préjudice immatériel ne peut dès lors excéder la somme déclarée initialement soit 323.000 euros, le surplus se heurtant à la forclusion, acquise depuis le 10 mai 2023 soit deux mois après la publication du jugement au Bodacc.
III - Au fond
L'article L624-2 du code de commerce, applicable à la liquidation judiciaire, énonce que le juge commissaire, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence.
Les dernières conclusions de la société T&M sollicitent l'admission de ses créances au passif de la procédure collective, se différenciant en cela seulement de ses premières écritures qui sollicitaient l'inscription des dites créances au passif
Force est de constater que la société appelante a donc adapté ses demandes et se conforme à la lettre de la loi. De surcroît, sauf à faire preuve d'un formalisme excessif privant le créancier de l'accès au juge qui lui est garanti par l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, la demande 'd'inscription' au passif ne peut s'entendre que comme tendant à ce que la créance soit admise au passif auquel elle figurera et sera donc 'inscrite', et elle ne saurait être considérée comme mal fondée au seul motif de cette formulation, parfaitement claire, étant observé que la déclaration de créance vaut demande d'admission au passif.
Sur le fond, il appartient à la société T&M qui argue d'une créance au titre de son préjudice immatériel, de rapporter la preuve de l'existence d'un tel préjudice.
Il peut être relevé à cet égard que si elle fait état de conclusions expertales qui auraient retenu que son activité avait subi une perturbation d'une durée pouvant être ramenée à 10 mois et qui, après calcul par comparaison, auraient évalué ses pertes d'exploitation au montant qu'elle sollicite, elle ne produit nullement ladite expertise et ne précise pas davantage dans quel cadre celle-ci serait intervenue.
Elle verse aux débats un tableau qu'elle a manifestement élaboré elle-même, qui fait apparaître un 'nombre de sorties moyen' en 2023 inférieur à celui de la même période 2022, ce dont il devrait se déduire, sans vérification possible par la cour du nombre de 'sorties' allégué, que cette diminution résulterait des pertes liées à l'incendie. En l'absence d'une part d'éléments objectifs permettant de vérifier les données portées dans ce tableau, d'autre part de données concernant les mêmes périodes des années postérieures, mais également d'information permettant de pondérer ces chiffres par le niveau du carnet de commandes pour les mêmes périodes, ce tableau est sans effet probatoire.
La cour peut par ailleurs constater :
- que les factures produites n'établissent pas que chaque box produirait le revenu allégué par la société T&M,
- qu'en tout état de cause, à supposer que l'activité ait été impactée, la perte des revenus provenant des licences ne saurait être calculée sur plusieurs années alors que les ventes n'ont, dans le pire des cas, été que différées et que ces revenus, à supposer qu'ils aient été perdus, ne l'ont été que durant quelques mois ;
- que contrairement aux affirmations de la société T&M, qui argue de perte d'exploitation, l'examen de ses bilans 2022 et 2023, fait apparaître que son chiffre d'affaires 2023 est supérieur au chiffre d'affaires 2022 (4.641.866 contre 3.910.896), que le résultat d'exploitation est également en forte hausse (419.533 euros en 2023 contre 252.094 euros en 2022) et que la société a réalisé en 2023 un bénéfice très largement supérieur à celui de 2022 (+113.000 euros) ; qu'ainsi alors que les bilans des années postérieurs n'ont pas été produits, aucune perte d'exploitation ne peut être constatée ;
- que la société T&M qui ne produit pas ses carnets de commandes, ne justifie d'aucune impossibilité de répondre à des demandes de clients à la suite de la perte des matériels se trouvant chez Alp'tronic lors de l'incendie et force est de constater qu'elle a manifestement pu répondre à de telles demandes, les bilans faisant apparaître une forte diminution du poste 'production stockée' entre 2022 et 2023 (811.328 euros en 2022 / 529.277 euros en 2023), ce poste restant néanmoins à un niveau élevé si on le ramène aux prix de vente annoncés par l'appelante et au nombre de 'sorties' qui résulte du tableau qu'elle invoque ;
- que la société T&M ne justifie pas davantage de réclamation de clients qui auraient déploré des retards de livraison ou toute autre impossibilité d'obtenir satisfaction.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la société T&M échoue à rapporter la preuve de l'existence même de pertes d'exploitation et c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la créance déclarée au titre du préjudice immatériel. La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions soumises à la cour.
IV - Sur les mesures accessoires
La société T&M qui succombe en son appel, supportera la charge des dépens dont distraction au profit de la SCP Saillet & Bozon et versera à la Selarl Etude Bouvet [G] Hardy, en qualité de liquidateur de la société Alp'Tronic, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par défaut et après en avoir délibéré conformément à la loi, dans les limites de sa saisine,
Rappelle que la Cour n'est pas saisie des dispositions de l'ordonnance qui ne sont pas contestées,
Dit que la demande de la société T&M est irrecevable pour la part excédant sa déclaration de créance,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Ajoutant,
Déboute la société T&M de toutes ses plus amples demandes,
Condamne la société T&M aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Saillet & Bozon,
Condamne la société T&M à payer à la Selarl Etude Bouvet [G] Hardy, en qualité de liquidateur de la société Alp'Tronic, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Arrêt de Défaut rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Nathalie HACQUARD, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 23 septembre 2025
à
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-[Localité 5]
la SCP SAILLET & BOZON
Copie exécutoire délivrée le 23 septembre 2025
à
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE-[Localité 5]
la SCP SAILLET & BOZON