CA Toulouse, 2e ch., 23 septembre 2025, n° 25/00031
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Biotrade (SARL)
Défendeur :
F.B Procedes (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron
Conseillers :
Mme Martin de la Moutte, Mme Moulayes
Avocats :
Me Thevenot, Me Dessart, Me Boret
Exposé des faits et de la procédure :
Les sociétés Biotrade et Fb Procédés sont spécialisées dans les technologies dédiées au traitement de l'eau et notamment le développement et la commercialisation de dégrilleurs automatiques verticaux, dispositifs destinés au prétraitement des eaux usées.
En 1982, Monsieur [Z], associé de la société Fb Procédés, a déposé un brevet afin de protéger son dégrilleur vertical « SG 400 ».
En 2012, s'inspirant de cette invention tombée dans le domaine public, la société Biotrade a commercialisé son propre dégrilleur.
Reprochant à la société Biotrade d'avoir copié son dégrilleur, la société Fb Procédés a, dans le cadre d'un référé-expertise, sollicité la désignation d'un expert.
Elle a assigné sa concurrente pour voir reconnaitre l'existence d'une concurrence déloyale
Par jugement du 15 septembre 2016, le tribunal de commerce de Toulouse a retenu que les agissements de la société Biotrade constituaient des actes de concurrence déloyale et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 5000 euros.
Par déclaration du 6 mars 2017, la société Biotrade a relevé appel du jugement.
Par arrêt du 4 mars 2020, la cour d'appel de Toulouse a interdit à la société Biotrade de poursuivre la commercialisation de ses dégrilleurs DV 400 et DV 450 et l'a condamnée à verser à la société Fb Procédés la somme de 30 000 euros au titre du préjudice commercial subi.
La société Biotrade a formé un pourvoi en cassation qui a fait l'objet d'une décision de rejet.
En 2020, la société Biotrade a proposé à la vente un nouveau modèle de dégrilleur « Bioscreen 120 ».
Par courrier du 27 juillet 2020, la société Fb Procédés a mis en demeure la société Biotrade de cesser la vente de son nouveau dégrilleur lui reprochant d'avoir à nouveau copié son modèle « SG 400 ».
Par courrier du 18 août 2020, la société Biotrade a indiqué que le dégrilleur « Bioscreen » était en tous points différents de celui qu'elle avait commercialisé dans le passé.
Par ordonnance du 21 octobre 2021, le président du tribunal de commerce de Toulouse a ordonné une mesure d'expertise afin de déterminer notamment si le dégrilleur BioScreen de la société Biotrade était une copie du dégrilleur SG 400 de la société FB.
L'expert a déposé son rapport le 7 juillet 2023.
Depuis la société Biotrade a commercialisé un nouveau modèle de dégrilleur sous le nom de « BioScreen DV 350 ».
Par requête du 23 mai 2024, la société Fb Procédés, exposant qu'elle envisageait une nouvelle action en concurrence déloyale à l'encontre de la société Biotrade, a saisi le président du tribunal de commerce de Toulouse afin qu'il autorise des mesures d'instructions permettant d'établir et conserver des preuves des agissements fautifs de la société Biotrade.
Par ordonnance du 31 mai 2024, le président du tribunal de commerce de Toulouse a désigné un commissaire de justice, autorisé diverses recherches au siège de la société Biotrade sur tous supports informatiques,dit que les documents récoltés seront placés sous séquestre et que le sequestre sera levé à défaut de demande de rétractation dans le mois suivant la notification de l'ordonnance.
Le commissaire de justice a exécuté sa mission le 9 juillet 2024.
Par acte du 6 août 2024, la SARL Biotrade a saisi le président du tribunal de commerce pour solliciter outre de la rétractation de l'ordonnance du 31mai 2024, la destruction du procès-verbal de constat d'huissier et la restitution des pièces et documents saisis.
Par ordonnance du 7 novembre 2024, le président du tribunal de commerce de Toulouse a :
- Débouté la SARL Biotrade de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions
- Confirmé l'ordonnance rendue le 31 mai 2024 par le président du tribunal de commerce de Toulouse en toutes ses dispositions
- Condamné la société Biotrade à payer la somme de 2 500 euros à la SAS Fb procédés au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamné la SARL Biotrade aux entiers dépens qui comprendront les frais de commissaires de justice et d'expertise supportés.
Par déclaration en date du 6 janvier 2025, la société Biotrade a relevé appel de l'ordonnance du président du tribunal de commerce du 7 novembre 2024 ayant confirmé en toutes ses dispositions une ordonnance du 31 mai 2024 rendue sur la requête de la société FB Procédé et l'autorisant à pratiquer une mesure d'instruction.
La clôture est intervenue le 12 mai 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 26 mai 2025 à 9h30.
Exposé des prétentions et des moyens :
Vu les conclusions d'appelante notifiées par RPVA le 17 janvier 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la SARL Biotrade demandant, au visa des articles 145 et 493 du code de procédure civile de :
- Infirmer l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce de Toulouse le 7 novembre 2024 (RG 2024R00582) en ce qu'elle a :
- Débouté la SARL Biotrade de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- Confirmé l'ordonnance rendue le 31 mai 2024 par le Président du Tribunal de commerce de Toulouse en toutes ses dispositions,
- Condamné la SARL Biotrade à payer la somme de 2.500 euros à la SAS FB Procédés au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la SARL Biotrade aux entiers dépens qui comprendront les frais de commissaire de justice et d'expertise supportés,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- Juger que la société Fb Procédés a fait, dans sa requête, une présentation déloyale des faits de l'espèce et ne justifiait d'aucun motif légitime ;
- Juger que la requête du 23 mai 2024 et l'ordonnance du 31 mai 2024 ne contiennent pas de motivation tenant aux circonstances justifiant la dérogation au principe du contradictoire ;
- Juger que les mesures ordonnées par l'ordonnance du 31 mai 2024 ne sont pas légalement admissibles, ni proportionnées ;
En conséquence,
- Rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 31 mai 2024 par le Président du Tribunal de commerce de Toulouse ;
- Prononcer la nullité du procès-verbal de constat dressé par la Scp Bache Descazaux-Dufrene [S] ou tout autre commissaire de justice, et dire qu'il sera exclu, ainsi que son contenu, de tous débats ;
- Ordonner à la société Fb Procédés de détruire tout original et toute copie du procès-verbal de constat dressé par la Scp Bache Descazaux-Dufrene [S] ou tout autre commissaire de justice, qui serait en sa possession ou en celle de son conseil ;
- Ordonner, dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir, la restitution de l'intégralité des documents saisis en original ou en copie quels qu'en soient les supports (informatique, papier ou autre), et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
- Interdire l'utilisation future du procès-verbal de constat d'huissier, documents et informations saisis sur le fondement de l'ordonnance du 31 mai 2024 ;
A titre subsidiaire,
- Modifier l'ordonnance en supprimant la recherche de documents basée sur les mots clés «DV 400 », « DV400 », « DV 450 » et « DV450 » et en retirant les plans des documents saisis ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Fb procédés à payer à la société Biotrade la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel (en ce compris les frais de commissaire de justice et d'expertise supportés).
Vu les conclusions d'intimée n°1 notifiées par RPVA le 20 mars 2025 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la SAS Fb Procédés demandant, au visa des articles 145, 493 et suivants, 874 et suivants, 32-1, 559 et 700 du code de procédure civile de :
- Débouter la société Biotrade de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
- Confirmer l'ordonnance du 07 novembre 2024 en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
- Condamner la société Biotrade à payer 5 000 euros à la société Fb Procédés au titre d'un abus de droit d'agir
- Condamner la société Biotrade à payer 8 000 euros à la société Fb Procédés au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamner la société Biotrade aux dépens
Motifs
La cour est saisie par l'appel de la société Biotrade d'une demande d'infirmation de l'ordonnance du président du tribunal judiciaire qui a refusé de rétracter l'ordonnance ayant autorisé, à la demande de la société FB Procédés la saisie de diverses pièces à son siège afin d'établir la preuve de faits de concurrence déloyale.
Au soutien de sa demande de saisie de diverses pièces au siège de la société Biotrade la société FB Promotion fait valoir qu'alors que par arrêt du 4 mars 2020, la cour d'appel de Toulouse a fait injonction sous astreinte à la société Biotrade de ne plus commercialiser les dégrilleurs DV 400 et DV 450, reconnu comme étant une copie servile de son dégrilleur SG 400, cette dernière a proposé à la vente un dégrilleur dénommé Bioscreen 120 ou Bioscreen DV 120 (le dégrilleur Bioscreen 120) dont seul le nom est inédit, puisqu'il constitue également une copie servile du dégrilleur DG 400.
Elle précise que la société Biotrade a refusé de retirer de la vente ce dégrilleur et que toutes les tentatives de résolution amiable du litige ont échoué.
Elle ajoute qu'à la suite du dépôt d'un rapport d'expertise dont les conclusions ont consacré la similitude des dégrilleurs FB DG 400 et Biotrade Bioscreen 120 ou DV 120, la société Biotrade a commercialisé un dégrilleur Bioscreen DV350 dont les photos et les plans correspondent en tout point au dégrilleur Bioscreen 120.
Pour voir rétracter les mesures ordonnées par le président du tribunal de commerce, la société Biotrade fait valoir que rien ne justifiait qu'il soit dérogé au principe contradictoire, que la société FB ne justifie pas d'un intérêt légitime et que les mesures sollicitées, disproportionnées, ne sont pas légalement admissibles.
L'article 145 du code de procédure civile dispose que 's'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.'
Sont légalement admissibles, les mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi.
Selon l'article 493 du code de procédure civile ' l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.'
Il appartient à la société FB de démontrer l'existence d'un motif, lequel s'apprécie à la date de la requête initiale à la lumière des éléments de preuve produits à l'appui de la requête et de ceux produits ultérieurement et d'établir que les mesures sollicitées sont légalement admissibles, en ce qu'elles sont suffisamment circonscrites dans leur objet et qu'elles ne portent pas une atteinte disproportionnée au secret des affaires.
La requête, comme l'ordonnance rendue sur cette requête, doit énoncer les circonstances qui justifient que la mesure d'instruction réclamée sur le fondement de l'article 145 ne soit pas prise contradictoirement et il appartient à celui qui a déposé la requête de démontrer que celle-ci est fondée.
Le juge saisi d'une demande de rétractation est tenu d'apprécier au jour où il statue les mérites de la requête en se prononçant, au besoin d'office, sur la motivation de la requête ou de l'ordonnance justifiant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, motivation qui doit s'opérer in concreto et ne peut pas consister en une formule de style.
- Sur le motif légitime
Une demande de mesure d'instruction in futurum doit reposer sur des faits, précis, objectifs et vérifiables, laissant apparaître la perspective d'un litige éventuel mais crédible, dont le contenu et le fondement sont, au moins approximativement, cernés et sur lequel le résultat de la mesure sollicitée est susceptible d'influer.
En l'espèce, au soutien de sa requête, la société FB Promotion fait état de l'arrêt de la cour d'appel du 4 mars 2020 ayant fait injonction à la société Biotrade de ne plus commercialiser ses dégilleurs DV 400 et DV 450 et verse aux débats le rapport d'expertise de M.[Y], ayant comparé son dégrilleur DG 400 avec le dégrilleur Bioscreen 120 de Biotrade installé à la demande des communautés de commune du triangle vert à Sainte Marie en chaux ( 70300).
La société Biotrade estime pour sa part que l'expert judiciaire s'est borné à retenir que son dégrilleur présente avec celui de sa concurrente des similarités fonctionnelles, mais que la confusion entre les deux modèles n'est possible que pour les non-sachants, si bien qu'elle n'a commis aucune faute.
Le rapport d'expertise de M.[Y], établi le 7 juillet 2023 souligne (p 67 et 68) que les dimensions et l'architecture des deux dégrilleurs sont très similaires, que le procédé en terme de génie industriel est semblable, que 'les pièces dynamiques et leurs dimensions sont très proches aux erreurs de mesures près', et que la cinématique est identique.
Il n'appartient pas à la cour statuant avec les pouvoirs du président du tribunal de commerce de dire si, à la lumière du rapport d'expertise judiciaire de M.[Y], la société FB rapporte la preuve des nouveaux agissements parasitaires qu'elle impute à sa concurrente. Il suffit en revanche de constater qu'eu égard aux conclusions de ce rapport d'expertise, précises et circonstanciées, les faits de parasitisme, comme la violation de l'injonction prononcée par la cour d'appel, qui fondent les mesures sollicitées sont plausibles et l'action à venir devant le juge du fond n'est pas manifestement vouée à l'échec.
La société FB souligne en outre à juste titre que, malgré les ressemblances constatées, elle n'a pas pu, à ce jour, faire examiner le nouveau dégrilleur DV350 de Biotrade qui été commercialisé après l'expertise réalisée concernant le dégrilleur 120 mais présentant de grande ressemblance avec ce dernier.
Elle justifie ainsi d'un intérêt légitime à recueillir les éléments lui permettant de faire reconnaître la faute de la société Biotrade et de lui faire interdire toute nouvelle commercialisation des dégrilleurs qui constituent une copie de son propre dégrilleur, quel qu'en soit le nom.
C'est également à juste titre qu'elle fait valoir que son action au fond tendra également à l'indemnisation de son préjudice, et qu'à cette fin, elle justifie d'un intérêt légitime à voir déterminer l'ampleur du comportement fautif de la société Biotrade et plus particulièrement le nombre d'appareils constituant des reproduction de ses propres dégrilleurs, commercialisés depuis l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse.
La société Biotrade soutient également que les mesures sollicitées par référence aux mots clés DV 400, DV400, DV 450 et DV450 se heurtent à l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 4 mars 2020 qui a statué sur les demandes indemnitaires de la société FB s'agissant de la commercialisation de ces dégrilleurs, faisant ainsi obstacle à ce qu'une nouvelle demande soit formée à ce titre.
Mais, d'une part, la période de recherche définie est postérieure à l'arrêt du 4 mars 2020 et d'autre part, la cour d'appel a également dans l'arrêt susvisé fait injonction à la société Biotrade de cesser de commercialiser les dégrilleurs DV 400 et DV 450. La société FB justifie par conséquent d'un intérêt légitime à documenter toute infraction à cette injonction.
- Sur la dérogation au principe contradictoire
A supposer même que le motif invoqué soit légitime, il incombe au juge de la requête, à celui de la rétractation et à la cour saisie par la voie de l'appel de vérifier même d'office s'il existait, dans l'ordonnance et dans la requête, des circonstances justifiant de déroger au principe de la contradiction.
Ces circonstances doivent être caractérisées au jour de la requête et explicitées dans la requête ainsi que dans l'ordonnance lorsqu'elle ne renvoie pas à la requête.
En l'espèce, la société FB expose dans le cadre de sa requête à laquelle l'ordonnance renvoie que les pièces dont la saisie est sollicitée sont pour l'essentiel des documents informatiques pouvant facilement être détruits.
Elle ajoute que le comportement de la société Biotrade qui a, dans un premier temps nié avoir commercialisé des dégrilleurs, puis dans le cadre de l'instance dont la cour d'appel a été saisie, refusé de produire les pièces sollicitées malgré une sommation de communiquer, et enfin dissimulé ses agissements par divers artifices, justifie le recours à une procédure non contradictoire.
La cour d'appel avait déjà souligné dans son arrêt du 4 mars 2020 que bien que la société Biotrade eut affirmé qu'elle n'avait vendu aucun dégrilleur puisque la phase de développement n'était pas achevée, cet appareil avait bien été mis en vente sur son site public et quelques unités avaient été vendues, ce qui avait justifié une nouvelle mesure d'expertise.
Dans le cadre de cette procédure devant la cour, la société Biotrade n'avait pas déféré à la sommation du 6 juillet 2018 de communiquer le détail des unités vendues et des lieux d'installation de ces dégrilleurs, ce qui a fait obstacle à la fixation du préjudice de la société FB par référence au chiffre d'affaire réalisé par sa concurrente.
Enfin, les manoeuvres imputées par la société FB à la société Biotrade, résultant notamment, malgré l'injonction qui lui a été faite, de la commercialisation sous un nouveau nom d'un appareil que l'expert judiciaire a également estimé similaire sur de très nombreux points au dégrilleur FB, permettent de soupçonner une volonté de dissimulation.
Le risque de dépérissement des preuves est donc caractérisé.
C'est par conséquent à juste titre que l'ordonnance du 31 mai 2024, renvoyant sur ce point à la requête de la société FB a retenu que les circonstances exigeaient que la mesure ne soit pas prise contradictoirement.
- sur le caractère légalement admissible des mesures ordonnées
Les mesures sollicitées ne sont légalement admissibles qu'à la condition d'être circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi.
La société Biotrade soutient que les mesures ordonnées sont disproportionnées dans le temps, et attentatoires au secret des affaires ainsi qu'au respect de la vie privée de ses salariés, ces derniers n'étant pas autorisés à procéder à un tri préalable afin de discriminer les données professionnelles et les données privées.
Il incombe dès lors à la cour de vérifier si les mesures ordonnées étaient en l'espèce nécessaires à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnées aux intérêts antinomiques en présence.
En l'espèce, le président du tribunal de commerce a autorisé pour la période courant depuis le 4 mars 2020 et jusqu'à la date d'exécution de la mesure d'instruction, le commissaire de justice désigné à
- accéder à tous supports informatiques (tels que notamment ordinateurs, messageries, serveurs de données internes, externes ou distants, clouds, smartphones, disques durs, clés USB, CD [Localité 6] ...) présents sur place ou à distance, et à tous supports papier,
- se faire communiquer ou à rechercher, copier à partir de ces supports, tous documents, échanges, déclarations, emails, contenus de messagerie, pièces attachées, éléments dc toute nature (électronique ou papier), et notamment devis, bons de commande, factures, bons de livraison, plans grâce à la recherche de tout ou partie des mots clés listés ci-après (en minuscules ou majuscules, avec ou sans accent) :
- dégrilleurs verticaux, dégrilleur vertical, dégrillage vertical,
- dégri1leur, dégrilleurs,
- SG 400 »
- FB PROCEDES »
- BioScreen 120, BioScreen,
- DV 120
- DV 400, DV400
- DV 450 , DV450
- BioScreen DV350, BioScreen DV 350
- DV 350, DV350
- BioScreen DV,
- BioScreenDV ,
susceptibles de porter sur les faits litigieux, à savoir la commercialisation des dégrilleurs
verticaux constituant une reproduction du produit SG 400 de la société FB PROCEDES,
à l'exclusion de tout échange ou message identifié comme personnel , privé , dont le commissaire de justice sera autorisé à s'assurer du caractère réellement personnel ou privé ;
Contrairement à ce que soutient la société Biotrade, la période de recherche et le choix des mots clés sont cohérents avec l'objectif de la mesure, à savoir, la recherche d'infractions à l'injonction prononcée par la cour d'appel, celle de nouveaux faits susceptibles de caractériser un parasitisme ou une concurrence déloyale ainsi que des éléments de nature à permettre l'évaluation du préjudice.
Bien que larges les recherches ne sont donc pas disproportionnées à l'objectif poursuivi.
La cour constate en revanche que l'autorisation donnée au commissaire de justice de rechercher au siège social de la société les documents visés sur tous supports et notamment sur les smartphones, et à se faire remettre par les dirigeants ou leur préposés les codes d'accès, sans distinguer les téléphones privés des téléphones professionnels, ni limiter la mesure en précisant le nom des utilisateurs, autorise des recherches sur les smartphones personnels de l'ensemble des personnes présentes sur le site et notamment des salariés.
Certes la mission exclut la saisie de ' tout échange ou message identifié comme personnel ' mais elle prévoit qu'il appartiendra au commissaire de justice de 's'assurer du caractère réellement personnel ou privé' et confère ainsi à ce dernier un pouvoir d'immixtion dans la vie privée des personnes concernées que les objectifs poursuivis ne justifient pas.
Au regard de l'atteinte portée à la vie privée des salariés, non proportionnée aux objectifs de la mesure, la recherche sur les smartphones n'est pas légalement admissibles et doit être exclue de la mission confiée au commissaire de justice.
L'ordonnance du président du tribunal de commerce sera rétractée sur ce seul point.
Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la société FB Procédés qui a intérêt à la mesure.
Il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes formées au visa de l'article 700 du code de procédure civile.
La résistance à une action, comme l'exercice de l'appel, constituent un droit qui ne dégénère en abus qu'en présence d'une volonté de nuire qui n'est pas caractérisée en l'espèce.
La société FB sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par ces motifs
Infirme la décision déférée,
Statuant à nouveau,
Rétracte l'ordonnance du 31 mai 2024 mais seulement en ce qu'elle a autorisé le commissaire de justice et le(s) technicien(s), l'assistant à accéder aux smartphones,
Ordonne la destruction de tous les documents saisis à partir des smartphones ou toute copies issues de ces documents par le commissaire de justice avant levée du séquestre
Dit n'y avoir lieu à rétractation pour le surplus,
Déboute la société Biotrade de l'ensemble de ses autres demandes,
Déboute la société FB Procédés de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Dit que les dépens sont à la charge de la société FB procédés.
Déboute les parties de leurs demandes formées au visa des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.