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Décisions

Cass. crim., 24 septembre 2025, n° 24-81.971

COUR DE CASSATION

Autre

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnal

Rapporteur :

Mme Piazza

Avocat général :

M. Micolet

Avocats :

SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Reims, ch. corr., du 12 mars 2024

12 mars 2024

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 17 janvier 2017, un cadre de la [9], détentrice de comptes bancaires de [Z] et [I] [D], respectivement âgés de 87 et 85 ans, a signalé au procureur de la République l'existence de mouvements bancaires importants sans lien apparent avec leur besoins, tandis que Mme [E] [H] bénéficiait de procurations sur leurs comptes.

3. Une information a été ouverte le 9 février 2018 des chefs d'abus de vulnérabilité, abus de confiance aggravé, escroquerie et blanchiment, à l'issue de laquelle, par ordonnance du juge d'instruction en date du 22 septembre 2021, M. [F] [N], Mme [H] et M. [O] [L], ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, notamment des chefs susvisés.

4. Par jugement en date du 25 janvier 2022, le tribunal correctionnel a, d'une part, partiellement relaxé M. [N], l'a déclaré coupable d'abus de faiblesse, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, d'autre part, partiellement relaxé Mme [H], l'a déclarée coupable d'abus de faiblesse, abus de confiance aggravé et blanchiment, l'a condamnée à vingt-quatre mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, des confiscations, enfin, partiellement relaxé M. [L], l'a déclaré coupable d'abus de confiance aggravé et l'a condamné à cinq mois d'emprisonnement avec sursis probatoire et des confiscations.

5. M. [N], Mme [H] et M. [L], ainsi que le procureur de la République et [Z] et [I] [D] ont relevé appel du jugement.

6. [Z] et [I] [D] sont respectivement décédés les [Date décès 3] et [Date décès 4] 2022, laissant pour héritiers M. [T] [R], Mmes [V] [R], [C] [K], épouse [A], [S] [K], épouse [W], [Y] [D], veuve [U], représentée par sa tutrice, Mme [X], et [G] [R].

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, le sixième moyen, pris en sa deuxième branche, le septième moyen proposés pour Mme [H] et M. [L], et le premier moyen proposé pour M. [N]

7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le troisième moyen proposé pour Mme [H]

Enoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré Mme [H] coupable de blanchiment d'abus de faiblesse et d'abus de confiance aggravé, alors :

« 1°/ que d'une part, il résulte de l'article 324-1 du code pénal que l'auteur d'un auto-blanchiment doit avoir non seulement utilisé les fonds issus de l'infraction mais encore déployé une activité spécifique destinée à lui permettre d'en faire usage et qui, à la différence du recel, ne s'inscrit pas simplement dans la continuité naturelle de l'infraction principale ; qu'en déclarant la prévenue coupable de blanchiment d'abus de faiblesse et d'abus de confiance pour avoir simplement alimenté des opérations de placement, constitutives par ailleurs d'un abus de faiblesse, avec des fonds qu'elle aurait prélevé sur les comptes des consorts [D], ou encore pour avoir utilisé les fonds prétendument retirés frauduleusement pour rembourser les prêts obtenus au moyen d'un abus de faiblesse, activité qui ne correspondait qu'aux seuls actes reprochés sous la prévention d'abus de faiblesse et d'abus de confiance et à de simples actes d'usage dans la continuité naturelle de la remise des fonds, exclusifs de l'activité spécifique au sens restrictif du texte, la cour d'appel a méconnu les articles 324-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que d'autre part, la loi pénale est d'interprétation stricte ; qu'en déclarant la prévenue coupable de blanchiment d'abus de faiblesse et d'abus de confiance pour avoir simplement alimenté des opérations de placement, constitutives par ailleurs d'un abus de faiblesse, avec des fonds qu'elle aurait prélevé sur les comptes des consorts [D], ou encore pour avoir utilisé les fonds prétendument retirés frauduleusement pour rembourser les prêts obtenus au moyen d'un abus de faiblesse, activité qui ne correspondait qu'aux seuls actes reprochés sous la prévention d'abus de faiblesse et d'abus de confiance et à de simples actes d'usage dans la continuité naturelle de la remise des fonds, exclusifs de l'activité spécifique au sens restrictif du texte, la cour d'appel, qui a étendu le champ d'application du délit à une hypothèse non prévue par l'incrimination, a méconnu le principe d'interprétation stricte de la loi pénale, ensemble les articles 111-4, 3241 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

9. Pour dire établi le délit de blanchiment et en déclarer Mme [H] coupable, l'arrêt attaqué énonce par motifs propres et adoptés qu'elle a, avec le produit des infractions d'abus de vulnérabilité et d'abus de confiance, réalisé des opérations de placements immobiliers et mobiliers, remboursé des prêts, financé des travaux à son domicile et payé les dépenses de la vie courante.

10. En statuant ainsi, par des motifs dénués d'insuffisance et de contradiction, qui procèdent de son appréciation souveraine et qui caractérisent des opérations de placement ou de conversion du produit des infractions d'abus de faiblesse et de confiance, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen.

11. Ainsi, le moyen doit être écarté.

Mais sur le quatrième moyen proposé pour Mme [H] et M. [L]

Enoncé du moyen

12. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné les prévenus, s'agissant de Mme [H], à la peine de trente mois d'emprisonnement dont vingt-quatre mois avec sursis probatoire pendant deux ans, et dit que la peine d'emprisonnement sera aménagée sous le régime de la détention à domicile sous surveillance électronique dans les conditions fixées ci-après conformément aux dispositions de l'article 132-26 du code pénal, précisant que Mme [H] ne sera autorisée à s'absenter de son domicile que du lundi au dimanche entre 8 heures et 17 heures, temps nécessaire à la participation à la vie de famille ou à tout projet d'insertion ou de réinsertion, ainsi qu'à une amende de 75 000 euros et, s'agissant de M. [L], à la peine de sept mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans et à une amende de 5 000 euros, alors :

« 3°/ qu'enfin, en matière correctionnelle, le juge qui prononce une peine d'amende doit motiver décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur, en tenant compte de ses ressources et de ses charges ; qu'en l'espèce, pour prononcer les peines de 75 000 et 5 000 euros d'amende à l'encontre de chacun des prévenus, la cour d'appel s'est contentée de considérer qu'elle « apparaît adaptée et proportionnée pour tenir compte du caractère véniel, de la multiplicité des faits et de l'étendue de la période couverte par la condamnation » (arrêt, pp. 56 et 57) ; qu'en statuant ainsi, par des constatations impropres à caractériser la prise en compte des charges pesant sur chacun des prévenus dans le calcul du quantum de l'amende, la cour d'appel n'a pas justifié ce chef de décision au regard des articles 130-1, 132-1, 132-20, du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 132-1 et 132-20 du code pénal, 485-1 et 512 du code de procédure pénale :

13. Il se déduit de ces textes qu'en matière correctionnelle toute peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle, et que le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu.

14. De première part, pour condamner Mme [H] au paiement d'une amende de 75 000 euros, l'arrêt attaqué énonce notamment que celle-ci indique gagner 2 500 euros par mois, qu'elle n'a pas produit sa déclaration de revenus, qu'elle a versé un cautionnement de 75 000 euros dans le cadre de son contrôle judiciaire et que les circonstances de l'infraction, sa personnalité et sa situation personnelle, ainsi que ses ressources et ses charges justifient la peine d'amende prononcée qui est adaptée et proportionnée à la gravité des faits.

15. De seconde part, pour condamner M. [L] au paiement d'une amende de 5 000 euros, l'arrêt attaqué énonce notamment que celui-ci perçoit un revenu mensuel de 1 500 euros, qu'il a versé un cautionnement de 5 000 euros dans le cadre de son contrôle judiciaire, qu'il est célibataire sans enfant et que les circonstances de l'infraction, sa personnalité et sa situation personnelle, ainsi que ses ressources et ses charges justifient la peine d'amende prononcée qui est adaptée et proportionnée à la gravité des faits.

16. En statuant ainsi sans mieux s'expliquer sur les charges des prévenus, présents à l'audience, qu'il lui appartenait d'interroger si elle estimait n'être pas en possession d'éléments suffisants, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés.

17. Dès lors, la cassation est encourue sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs.

Et sur le second moyen proposé pour M. [N]

Enoncé du moyen

18. Le moyen proposé critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné le prévenu à dix-huit mois d'emprisonnement, dont douze mois avec sursis probatoire pendant deux ans, à une amende de 50 000 euros et a prononcé à son encontre l'interdiction d'exercer la profession de notaire pour une durée d'un an, alors :

« 1°/ qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de son auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en se bornant à faire état, au titre de la situation matérielle, familiale et sociale de M. [N], qu'elle indiquait prendre en considération pour le choix des peines et la fixation de leur quantum, de sa profession de notaire et du montant de ses revenus, sans donner de précision sur sa situation familiale, la cour d'appel a méconnu les articles 132-1 du code pénal, 4851 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que l'amende doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, dont ses ressources et charges ; qu'en retenant qu'une amende de 50.000 euros apparaissait adaptée et proportionnée compte tenu des ressources et des charges de M [N], sans donner de précision sur ses charges, la cour d'appel, à qui il appartenait d'interroger M. [N], présent à l'audience, si elle estimait n'être pas en possession d'éléments suffisants sur ce point, a méconnu les articles 132-1 et 132-20 du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale ;

3°/ que lorsqu'il prononce une peine qui a pour effet de priver le prévenu de la possibilité de continuer à exercer la profession libérale qui est la sienne, le juge doit apprécier d'office le caractère proportionné de l'atteinte au droit de propriété portée par cette peine lorsqu'elle n'a pas été prononcée en première instance et n'a pas été requise par le ministère public ; qu'en prononçant à l'encontre de M. [N] la peine d'interdiction d'exercer sa profession de notaire pour une durée d'un an, sans rechercher si l'atteinte portée au droit de propriété de M. [N] par cette peine était proportionnée, la cour d'appel a méconnu les articles 1er du protocole n° 1 à la convention européenne des droits de l'homme, 6 de cette convention, 223-15-4, 2° du code pénal, 485-1, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 132-1 et 132-20 du code pénal, 485-1 et 512 du code de procédure pénale :

19. Il se déduit de ces textes qu'en matière correctionnelle toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle, que le juge qui prononce une amende doit motiver sa décision en tenant compte des ressources et des charges du prévenu.

20. Pour condamner M. [N] à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement dont douze mois avec sursis probatoire, 50 000 euros d'amende et un an d'interdiction professionnelle, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci est notaire, qu'il perçoit 3 000 euros par mois, qu'il a versé un cautionnement de 100 000 euros dans le cadre de son contrôle judiciaire et que son casier judiciaire ne porte mention d'aucune condamnation.

21. Les juges précisent que les peines prononcées en première instance sont insuffisantes, que les circonstances de l'infraction, la personnalité et la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, qui révèlent un manquement grave et répété à ses obligations déontologiques, rendent indispensable une peine d'emprisonnement ferme, qui fera l'objet d'un aménagement, et que toute autre sanction est manifestement inadéquate.

22. Ils ajoutent que les faits sont graves tant par leur nature, leur durée, leurs conséquences, puisqu'ils ont contribué à la spoliation massive du patrimoine des victimes, que par la qualité d'officier ministériel du prévenu qui a passé des actes complexes et déséquilibrés traduisant ses liens particuliers avec la famille [H].

23. Ils ajoutent encore que ces mêmes éléments, ainsi que les ressources et les charges du prévenu justifient la peine d'amende et la peine d'interdiction de la profession à l'occasion de laquelle l'infraction a été commise.

24. En statuant ainsi, sans s'expliquer, d'une part, sur la situation familiale de M. [N], qu'elle devait prendre en considération pour prononcer les peines, d'autre part, s'agissant de l'amende, sur ses charges, qu'il lui appartenait de faire préciser si elle estimait ne pas être en possession d'éléments suffisants, enfin, sur le caractère nécessaire et proportionné de l'interdiction professionnelle prononcée, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés.

25. Dès lors, la cassation est également encourue de ces chefs.

Et sur le cinquième moyen proposé pour Mme [H] et M. [L]

Enoncé du moyen

26. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a ordonné, à titre de peine complémentaire, la confiscation des scellés à la société [7], dont le siège social est sise [Adresse 2] à Sainte Savine (10) : 2018-0-001095 scellé n° 6/F et à la société [8], dont le siège social est sise [Adresse 2] à Sainte Savine (10) : 2018-0-001095 scellé n° 4/G, des biens immobiliers suivants : les six maisons à usage d'habitation situées au [Adresse 1] à Sigean et la maison située au [Adresse 5] Mergey, la confiscation du produit de la vente du véhicule BMW M6 immatriculé [Immatriculation 6] appartenant à Mme [H], et la confiscation des instruments financiers et des sommes saisies sur les comptes bancaires détenus par Mme [H] et M. [L] pour un total de 403 727,99 euros, alors :

« 1°/ que, d'une part, lorsque plusieurs auteurs ou complices ont participé à un ensemble de faits, soit à la totalité soit à une partie de ceux-ci, chacun d'eux encourt la confiscation du produit de la seule ou des seules infractions qui lui sont reprochées ; qu'en l'espèce, en ne s'assurant pas que la valeur des confiscations ordonnées n'excédait pas la valeur du produit de l'infraction imputable aux seuls agissements de l'un ou l'autre des prévenus, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a méconnu les articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1er du premier protocole additionnel à cette Convention, 131-21 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

2°/ que, d'autre part, la peine complémentaire de confiscation ordonnée en valeur ne peut frapper des biens que dans la limite de la valeur du produit de l'infraction poursuivie, de sorte que le juge qui prononce cette peine doit préalablement identifier, au terme d'une motivation exempte d'insuffisance et de contradiction, le produit de l'infraction susceptible d'être confisqué en nature et en évaluer la valeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait péremptoirement affirmer que les biens immobiliers et les véhicules automobiles constituent le produit direct des infractions d'abus de faiblesse, de blanchiment et d'abus de confiance aggravé (arrêt attaqué, p. 58) sans préciser le montant du produit de chacune de ces infractions ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer précisément sur les montants retenus au regard des différentes infractions poursuivies, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 1er du premier protocole additionnel à cette Convention, 131-21, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 6, § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 131-21, alinéas 3 et 9, du code pénal et 593 du code de procédure pénale :

27. Il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser, outre la nature et l'origine de ce bien, le fondement de la mesure, en indiquant s'il constitue l'instrument, le produit ou l'objet de l'infraction et d'apprécier, le cas échéant, son caractère proportionné.

28. S'il décide de confisquer le bien en valeur, il doit également préciser le fondement du caractère confiscable du bien auquel le bien confisqué se substitue et s'assurer que la valeur de ce bien n'excède pas celle de l'instrument, de l'objet ou du produit de l'infraction.

29. Pour confirmer la confiscation de la somme de 20 000 euros sur le compte bancaire de M. [L] et de son véhicule, l'arrêt attaqué énonce que le véhicule est le produit de l'infraction et que le solde créditeur du compte constitue le produit en valeur de l'abus de confiance aggravé pour lequel M. [L] a été condamné.

30. Pour confirmer les confiscations des avoirs bancaires détenus par Mme [H] sur huit comptes bancaires ou compte-titre pour un montant total de 403 727,99 euros et ordonner la confiscation, d'une part, des maisons de Sigean et de Mergey, d'autre part, du produit de la vente du véhicule Bmw, enfin, des scellés de la société [8] et de la société [7], l'arrêt attaqué énonce que les biens immobiliers constituent le produit direct des infractions d'abus de faiblesse et de blanchiment et que le véhicule automobile constitue celui de l'infraction d'abus de confiance aggravé.

31. Les juges précisent, sur la confiscation des avoirs bancaires, qu'ils constituent en partie le produit en valeur de l'abus de confiance aggravé et que la confiscation du solde de l'ensemble des comptes bancaires pour la somme de 403 727,99 euros est proportionnée en valeur au produit total des infractions qui s'élève à 2 615 082, 79 euros.

32. En se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent.

33. En premier lieu, si, s'agissant de M. [L], la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que la valeur des confiscations ordonnées n'excède pas le produit de l'infraction commise, la cour d'appel n'a pas pris en compte, s'agissant de Mme [H], le montant cumulé de toutes les confiscations ordonnées tant en valeur qu'en nature pour apprécier leur caractère proportionné au produit des infractions.

34. En deuxième lieu, la cour d'appel a ordonné la confiscation d'immeubles qui, n'appartenant pas en pleine propriété à Mme [H], ne pouvaient être confisqués au titre du produit de l'infraction.

35. Enfin, elle n'a précisé ni l'origine des scellés confisqués ni le fondement de la mesure.

36. D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef.

Et sur le sixième moyen, pris en sa première branche, proposé pour Mme [H] et M. [L]

Enoncé du moyen

37. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé partiellement le jugement sur le préjudice matériel et moral, condamné Mme [H] à payer la somme de 1 589 111,18 euros aux consorts [R] venant aux droits de [Z] et [I] [D], et condamné additionnellement M. [L] et Mme [H] solidairement à payer la somme de 1 025 971,61 euros aux consorts [R], parties civiles, venant aux droits de [Z] et [I] [D], et solidairement condamné Mme [H], MM. [L] et [N] à payer la somme totale de 10 000 euros aux consorts [R], parties civiles, venant aux droits de [Z] et [I] [D], alors :

« 1°/ que d'une part, si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice résultant d'une infraction, cette appréciation cesse d'être souveraine lorsqu'elle est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ; qu'en condamnant « Madame [H] à payer aux parties civiles la somme de 1 589 111,18 euros aux consorts [R] venant aux droits de [Z] et [I] [D] et de condamner additionnellement [O] [L] et [E] [H] solidairement à payer la somme de 1 025 971,61 euros aux consorts [R] venant aux droits de [Z] et [I] [D] » (arrêt, p. 59) en prenant en compte, au titre du préjudice matériel, l'ensemble des paiements par carte bancaire, retraits d'espèce et paiements par chèques, sans distinction aucune, lorsque les conclusions faisaient pourtant valoir qu'une partie conséquente de ces sommes ne pouvaient être imputables aux prévenus, pièces à l'appui, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale, ensemble les articles 1240 du code civil, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1240 du code civil et 593 du code de procédure pénale :

38. Il résulte du premier de ces textes que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties.

39. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.

40. Pour condamner à payer, d'une part, Mme [H], la somme de 1 589 111,18 euros, d'autre part, M. [L] et Mme [H], solidairement, la somme de 1 025 971,61 euros, aux parties civiles en réparation de leur préjudice matériel, l'arrêt attaqué énonce que les investigations et les pièces produites permettent de fixer le montant des fonds détournés à la somme de 2 676 282,29 euros, dont 226 830,35 euros au titre des paiements par carte bancaire, 1 280 360 euros au titre des retraits d'espèces et 1 169 091,94 euros au titre des paiements par chèques.

41. Les juges précisent qu'il doit être retranché du montant du préjudice matériel causé par l'abus de faiblesse à hauteur de 1 589 111,18 euros et de l'abus de confiance aggravé à hauteur de 1 025 971,61 euros, la somme de 61 200 euros, pour tenir compte des fonds concourant à hauteur de 600 euros par mois à l'entretien des frères [D] sur la période considérée, soit un préjudice matériel total de 2 615 082,79 euros.

42. Ils ajoutent que les explications données par les prévenus sont sans emport, dès lors que l'essentiel des prélèvements effectués sur les comptes des frères [D] est sans lien avec leurs dépenses de la vie courante et que, même les retraits qu'ils ont effectués ont bénéficié à Mme [H] et M. [L], notamment pour procéder à des remboursements de prêts.

43. En se déterminant ainsi, sans mieux répondre aux conclusions de Mme [H] et M. [L] qui soutenaient que [Z] et [I] [D] ont réalisé des retraits d'espèces au guichet pour un montant total de 402 600 euros, que d'autres retraits ont été faits par ceux-ci à leur demande, et qui produisaient un tableau détaillé des chèques dont ils considéraient qu'ils ne leur ont pas bénéficié, notamment ceux établis à l'ordre du bailleur et de la résidence qui hébergeait [I] [D], la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

44. La cassation est ainsi encourue.

Portée et conséquences de la cassation

45. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux peines prononcées à l'égard de M. [N], de Mme [H] et de M. [L] et aux condamnations civiles prononcées à l'égard de Mme [H] et M. [L] en réparation du préjudice matériel des parties civiles. Les autres dispositions seront donc maintenues.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Reims, en date du 12 mars 2024, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'égard de M. [N], de Mme [H] et de M. [L] et aux condamnations civiles prononcées à l'égard de Mme [H] et M. [L] en réparation du préjudice matériel des parties civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Reims et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

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