CA Basse-Terre, ch. soc., 22 septembre 2025, n° 24/00285
BASSE-TERRE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT N°142 DU VINGT DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ
AFFAIRE N° : N° RG 24/00285 - N° Portalis DBV7-V-B7I-DVIA
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - section commerce - de Pointe-à-Pitre du 29 Février 2024.
APPELANTE
Madame [V] [N] [A] épouse [K]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Myriam MASSENGO LACAVE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
INTIMÉES
S.A.R.L. CARIBEENNE DE RECYCLAGE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Patrick ADELAIDE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES Prise en la personne de Me Alain MIROITE en qualité d'administrateur provisoire
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Patrick ADELAIDE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 2 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente,
Mme Annabelle CLEDAT, conseillère,
Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 22 septembre 2025
GREFFIER Lors des débats Valérie SOURIANT, greffier principal.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente et par Mme Lucile POMMIER, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE.
Par contrat de travail à durée déterminée à temps complet en date du 1er février 2017 à effet du même jour et jusqu'au 31 juillet 2017 inclus, la société Caribéenne de recyclage a recruté Mme [W] [T] [L] épouse [K] en qualité de chargée de recouvrement moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 480,30 euros, outre une commission de 3% sur toute créance effectivement et personnellement encaissée.
Le 31 juillet 2017, Mme [W] [T] [L] épouse [K] a été embauchée dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée aux mêmes fins et aux mêmes conditions.
Par avenant en date du 30 décembre 2019 à effet du 1er janvier 2020, la rémunération mensuelle brute de Mme [W] [T] [L] épouse [K] a été portée à 2 526,55 euros brut.
Par avenant en date du 2 juin 2020 à effet du même jour, Mme [W] [T] [L] épouse [K] a été promue au poste de responsable administratif moyennant une rémunération brute mensuelle de 2 565 euros pour un temps partiel de 86,66 heures de travail mensuel.
Par une ordonnance en date du 27 octobre 2020, le président du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a désigné la société BCM en qualité d'administrateur provisoire des sociétés C.G.T.S, [Adresse 5] et Caribéenne de recyclage.
Par ordonnance en date du 18 décembre 2020, M. [P] [K] époux de Mme [W] [T] [L] et gérant de la société Caribéenne de recyclage, a été placé sous le régime de la sauvegarde par le juge des contentieux et de la protection statuant en qualité de juge des tutelles du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre.
Par acte d'huissier de justice en date du 8 mars 2022, Mme [W] [T] [L] épouse [K] a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement devant se dérouler le 18 mars 2022.
Par lettre recommandé avec accusé de réception en date du 25 mars 2022, Mme [W] [T] [L] épouse [K] a été licenciée.
Par requête enregistrée au greffe le 12 avril 2022, Mme [W] [T] [L] épouse [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre lui demandant :
- de juger que son salaire de référence correspondait à la moyenne des trois derniers mois de salaire, soit 2565 euros bruts,
- de condamner l'employeur à lui verser 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral et de la discrimination,
- de juger que la rupture de son contrat devait être requalifiée en licenciement nul,
Et par conséquent,
- de la réintégrer à son poste,
- de condamner l'employeur à lui verser les salaires échus depuis la rupture,
- de juger que la rupture de contrat doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse
Et par conséquent,
- de condamner l'employeur à lui verser :
3 366,56 euros bruts à titre d'indemnité de licenciement,
2 565 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
256,5 euros de congés payés afférents
13 390,00 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à défaut de réintégration à son poste,
5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité résultat en matière de santé des travailleurs,
- de condamner l'employeur à lui verser 1000 euros de dommages et intérêts pour non-portabilité des droits à mutuelle,
- de condamner l'employeur à lui verser 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de dire que les sommes produiraient intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine de la juridiction et capitalisation,
- de condamner l'employeur aux entiers dépens.
Par ordonnance en date du 9 août 2023, le président du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a désigné la société AJ Associés prise en la personne de Me Alain Miroite en qualité d'administrateur de la société Caribéenne de recyclage avec mission de gestion générale de la société et aux fins de réaliser un audit, de convoquer une assemblée générale d'approbation des comptes, de convoquer au besoin une assemblée générale de révocation de M. [K] [G], de se prononcer sur la viabilité de la société, de vérifier la validité des actes effectués au nom et pour le compte de la société de M. [K] et leur cohérence avec les statuts et les intérêts de la société, en cas de faute avérée, d'engager la responsabilité personnelle de M. [K], de se faire remettre les statuts, les relevés bancaires, les éléments comptables et tout autre document lui permettant de mener à bien sa mission.
Il a fixé à six mois la mission de l'administrateur provisoire.
Par jugement en date du 29 février 2024, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- déclaré Mme [W] [T] [L] épouse [K] recevable en ses demandes,
- constaté l'absence de harcèlement moral et de discrimination,
- jugé que le licenciement n'était pas nul,
- rejeté la demande de réintégration,
- jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,
Sur ce,
- débouté la demanderesse de l'intégralité de ses prétentions,
- condamné Mme [W] [T] [L] épouse [K] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [W] [T] [L] épouse [K] aux éventuels dépens de l'instance.
Le jugement précité a été notifié à la personne de Mme [W] [T] [L] épouse [K] le 4 mars 2024.
Par déclaration notifiée par le réseau privé des avocats le 17 mars 2024, Mme [W] [T] [L] épouse [K] a relevé appel de la décision en ce qu'elle avait ' - constaté l'absence de harcèlement moral et de discrimination; - jugé que le licenciement n'était pas nul - rejeté la demande de réintégration; - jugé que le licenciement reposait bien sur une cause réelle et sérieuse ; - débouté la demanderesse de l'intégralité de ses prétentions; - condamné Madame [W] [T] [L] épouse [K] au paiement de la somme de 1.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile; - condamné la partie demanderesse aux éventuels dépens de l'instance.'
Par acte notifié le 16 avril 2024 par le réseau privé virtuel des avocats, la société Caribéenne de recyclage et la société AJ Associés, mandataire judiciaire, ont constitué avocat.
Par décision en date du 13 février 2025, le magistrat en charge de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et renvoyé la cause et les parties à l'audience du 3 juin 2025, date à laquelle l'affaire a été plaidée et mise en délibéré.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES.
Vu les dernières conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 17 juin 2024, par lesquelles Mme [W] [T] [L] épouse [K], demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 29 février 2024 en ce qu'il a :
'- constaté l'absence de harcèlement moral et de discrimination,
- jugé que le licenciement n'est pas nul,
- rejeté la demande de réintégration,
- jugé que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse,
- débouté la demanderesse de l'intégralité de ses prétentions,
- condamne Madame [W] [T] [L] épouse [K] au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la partie demanderesse aux éventuels dépens de l'instance. '
Et statuant à nouveau :
- de juger que le salaire de référence correspond à la moyenne des trois derniers mois de salaire : 2565 euros bruts,
- de condamner l'employeur à verser 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral et de la discrimination,
- de juger que la rupture de contrat doit être requalifiée en licenciement nul,
Et par conséquent,
- de la réintégrer à son poste,
- de condamner l'employeur à lui verser les salaires échus depuis la rupture,
- de juger que la rupture de contrat doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse
Et par conséquent,
- de condamner l'employeur à lui verser
une indemnité de licenciement : 3 366,56 euros bruts
une indemnité compensatrice de préavis : 2 565 euros bruts , ainsi que 256,5 euros de congés payés afférents
- de la réintégrer à son poste, et à défaut de lui verser une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse de 13.390,00 euros
- de condamner l'employeur à verser 5 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat en matière de santé des travailleurs,
- de condamner l'employeur à verser 1 000 euros de dommages et intérêts pour non-portabilité des droits à mutuelle,
- de condamner l'employeur à verser 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner l'employeur aux entiers dépens.
Pour l'essentiel, Mme [W] [T] [L] épouse [K] fait valoir qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur lequel a usé, en particulier, à son égard de moyens de pression et de techniques d'intimidation. Elle affirme aussi avoir fait l'objet d'une discrimination à raison de son état de santé, raisons pour lesquelles elle demande à la cour de prononcer la nullité de son licenciement et de dire que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité. A titre subsidiaire, Mme [W] [T] [L] épouse [K] demande à la présente juridiction de dire que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse dès lors que la désorganisation de l'entreprise à raison de son absence n'est pas établie et que son poste n'a pas été pourvu dans un temps ayant suivi la rupture de son contrat de travail.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] réclame sa réintégration et à défaut une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle forme, par ailleurs, d'autres demandes indemnitaires en lien avec la rupture de son contrat de travail et la non portabilité des droits à mutuelle.
Vu les dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2024 par le réseau privé virtuel des avocats par lesquelles, la société Caribéenne de recyclage et la société AJ Associés ès qualités d'administrateur provisoire de la société Caribéenne de recyclage demandent à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- de condamner Mme [W] [T] [L] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de la condamner aux entiers dépens.
L'employeur conteste tout harcèlement moral ou discrimination et affirme que Mme Mme [W] [T] [L] n'apporte aucun élément de nature à établir tant l'un que l'autre. Il indique que le seul reproche qui puisse lui être adressé est d'avoir demandé à Mme [W] [T] [L] de rejoindre son poste de travail. L'employeur soutient que le licenciement prononcé à l'encontre de Mme [W] [T] [L] repose sur une cause réelle et sérieuse. Il affirme avoir dû remplacer l'intéressée qui était absente de son travail depuis plus de six mois dès lors que le fonctionnement de l'entreprise était perturbé.
Pour le surplus des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION.
I. Sur le harcèlement moral et la discrimination.
L'article L 1152-1 du code du travail énonce qu' : 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'
L'article L 1154-1 du code du travail édicte que : 'lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions ont été justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
* Mme [W] [T] [L] épouse [K] soutient que le harcèlement moral dont elle a fait l'objet s'est caractérisé par :
- une pression de l'employeur aux fins de lui faire signer une rupture conventionnelle (1).
- un acharnement par plusieurs procédures de licenciement successives (2),
- une technique d'intimidation par un interrogatoire mené par l'employeur accompagné de plusieurs avocats (3),
- des demandes intempestives de justificatifs y compris sur des éléments ne relevant pas de sa mission (4),
- des accusations mensongères et délirantes (5),
- un acharnement durant l'arrêt maladie afin de la contraindre à venir à un entretien préalable (6).
* 1.3. 5. et 6.
Aucune pièce n'est produite à l'appui des allégations portées par Mme [W] [T] [L] épouse [K].
2.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] ne produit aux débats en pièces 13 et 14 que la convocation à l'entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement et la lettre de licenciement qui a suivi l'entretien préalable.
L'acharnement n'est pas établi.
4.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] produit aux débats une unique demande de documents comptables qui lui a été adressée au mois de décembre 2020 par l'admnistrateur judicaire ( pièce 16 de l'appelante).
Le fait n'est pas matériellement établi.
* Par ailleurs, Mme [W] [T] [L] épouse [K] verse à la procédure en pièce 21, 22 et 23 des pièces établissant qu'elle a été placée en arrêt maladie. Pour autant, rien n'établit que ces arrêts soient en lien avec un quelconque harcèlement moral. Au demeurant, Mme [W] [T] [L] épouse [K] produit, par sa pièce 24, un certificat médical du Dr [X] [U] faisant état de nombreux problèmes au travail mais également dans sa vie de couple.
Ainsi les faits avancés par Mme [W] [T] [L] épouse [K] ne sont-ils pas matériellement établis et ne sont pas de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Le harcèlement moral ne peut être retenu.
S'agissant de la discrimination, Mme [W] [T] [L] épouse [K] évoque celle-ci en raison de son état de santé. Les pièces produites, en particulier médicales, ne permettent pas à elles seules de l'établir en l'absence de toute précision dans les écritures de la salariée et de toute autre explication sur ce point. Dans ces conditions, aucun élément ne laissant supposer l'existence d'une discrimination, elle ne peut être davantage retenue.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] sera conséquemment déboutée de sa demande de réintégration et subsidiairement de sa demande d'indemnité pour licenciement nul en raison d'un harcèlement moral et d'une discrimination.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 29 février 2024 sera confirmé sur ces points.
II. Sur le licenciement.
Aux termes de l'article L. 1235-1 du Code du travail, il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur qui forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
L'article L 1132-1 du code du travail dispose que : ' Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.'
Aux termes des dispositions de l'article L 1235-2 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement ; dès lors celle-ci sera ci-après reproduite :
'Madame,
Nous faisons suite à l'entretien que nous avons eu le vendredi 18 mars 2022 au siège de l'entreprise.
Vous êtes en effet absente pour maladie depuis le 2 février 2021.
L'article 2.15 de la convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000, étendue par arrêté du 5 juillet 2001, qui nous interdit de licencier un salarié malade pendant six mois a été respecté.
Notre entreprise ne peut continuer plus longtemps à fonctionner en votre absence.
En effet, les problèmes suivants sont apparus :
- impossibilité de recouvrer les créances clients en retard,
- difficultés de trésorerie mettant en péril l'existence de l'entreprise.
Votre absence se prolongeant, nous avons été obligés de recruter sous contrat à durée indéterminée afin de pourvoir à votre remplacement.
La date de présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de deux mois, qui compte tenu de votre état de santé, ne sera pas effectué.
Veuillez agréer, madame, l'expression de nos sentiments distingués.'
* L'article L 1226-9 du code du travail dispose qu': 'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie'.
L'employeur déclare s'être prévalu des dispositions de l'article 2.15.1 de la convention collective nationale des activités du déchet du 16 avril 2019 étendue par arrêté du 5 février 2021, applicable à l'entreprise, lesquelles prévoient ce qui suit s'agissant de l'absence des salariés : 'a) Absence d'une durée au plus égale à 6 mois.
L'absence d'une durée continue au plus égale à 6 mois, justifiée par l'incapacité résultant d'une maladie, ne constitue pas une cause de rupture du contrat de travail.
b) Absence de plus de 6 mois.
En cas de prolongation de l'absence au-delà de la durée de 6 mois, s'il s'avère nécessaire de remplacer de façon définitive le salarié dont l'absence entraîne une désorganisation de l'entreprise, l'employeur peut prendre l'initiative de la rupture du contrat de travail du salarié absent, en engageant la procédure de licenciement. Le salarié conserve son droit à indemnité de licenciement.
Dans le cas où le poste serait à pourvoir de façon définitive, le salarié ayant effectué le remplacement sous contrat à durée déterminée du salarié absent bénéficiera d'une priorité d'embauche au poste qu'il occupe.
Toutefois, le salarié licencié bénéficie, jusqu'à l'expiration du délai de 5 ans à compter du début de sa maladie, d'une priorité de réembauchage pour reprendre son ancien emploi s'il est disponible, ou à défaut un emploi similaire correspondant à ses aptitudes. Il conserve alors son ancienneté dans l'entreprise. Le salarié qui désire bénéficier de cette priorité doit avertir son employeur de la date à partir de laquelle il sera en état de reprendre un emploi.'
Ainsi si les dispositions précitées du code du travail font interdiction à l'employeur de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, elles ne s'opposent pas au licenciement du salarié motivé par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée du salarié pour peu que ces perturbations entrainent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié.
Dans la lettre de licenciement en date du 25 mars 2022, la société Caribéenne de recyclage a fait état d'une impossibilité de recouvrer les créances clients en retard et des difficultés de trésorerie mettant en péril l'existence de l'entreprise (pièce 14 de l'appelante).
Il appartient à l'employeur de démontrer ce qu'il avance. Or, la société Caribéenne de recyclage ne produit aux débats aucun élément de nature à étayer ce qu'elle avance.
Par ailleurs, alors même que le licenciement de Mme [W] [T] [L] épouse [K] intervient en mars 2022, la société Caribéenne de recyclage affirme qu'elle a été contrainte de remplacer l'intéressée le 8 septembre 2021 par l'embauche dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée de M. [B] [R]. M. [B] [R] a été recruté en qualité de commercial responsable du recouvrement dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet. Ses fonctions étaient toutefois la prospection commerciale, le développement commercial, la gestion des clients et leur aspect administratif.
Or, Mme [W] [T] [L] épouse [K], par l'avenant en date du 2 juin 2020, avait été promue au poste de responsable administratif avec les fonctions suivantes :
'- assurer la gestion administrative de la société,
- conseiller la direction générale sur les prévisions à court terme et formuler les propositions sur la stratégie à moyen terme,
- négocier et gérer les achats de l'entreprise, gérer les relations avec les partenaires internes et externes,
- superviser les différents services fonctionnels au sein de la structure (trésorerie, comptabilité, gestion du personnel, paie et le juridique),
- définir et améliorer les procédures de gestion administrative, élaborer et mettre en place des tableaux de bord.'
Au regard de la date de la nature commerciale de ses fonctions, il ne peut être soutenu valablement par la société Caribéenne de recyclage, que par le recrutement de M. [B] [R], elle a pallié l'absence de Mme [W] [T] [L] épouse [K] qui occupait le poste de responsable administratif qui plus est à temps partiel.
La société Caribéenne de recyclage n'ayant pas procédé au remplacement de Mme [W] [T] [L] épouse [K], le licenciement de celle-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En revanche, le licenciement n'est pas nul dès lors que cette circonstance ne peut suffire à laisser présumer l'existence d'une discrimination. Mme [W] [T] [L] épouse [K] ne développe aucun argument à l'appui de la discrimination qu'elle allègue excepté le constat qu'elle était en arrêt maladie lorsqu'elle a été licenciée.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 29 février 2024 sera donc confirmé sur le rejet de la demande de la salariée tendant au prononcé de la nullité de son licenciement et à l'octroi des salaires échus depuis la rupture, mais infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [W] [T] [L] épouse [K] reposait sur une cause réelle et sérieuse.
III. Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le salaire de référence.
L'article R 1234-4 du code du travail dispose que :'Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié:
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.'
Mme [W] [T] [L] épouse [K] produit aux débats ses bulletins de salaire pour les années 2017, 2018, 2019, 2020 et pour le mois de janvier 2021.
Il s'évince des échanges entre les parties justifiés aux débats, que Mme [W] [T] [L] épouse [K] a été en congé du 30 novembre 2020 au16 décembre 2020 et qu'elle n'est plus apparue en suite.
Le bulletin de salaire du mois de novembre 2020 fait état d'un mois plein travaillé.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] a opté s'agissant du calcul du salaire de référence pour la moyenne des trois derniers mois de salaire, soit la moyenne des mois de septembre 2020, octobre 2020 et décembre 2020. Le salaire de référence retenu sera donc 2 565 euros brut. Il n'est au demeurant pas contesté par l'employeur.
1. La réintégration ou l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'article L 1235-3 du code du travail dispose que : 'Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.
(...)
En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux fixés ci-dessous sont applicables, par dérogation à ceux fixés à l'alinéa précédent :
(...)
Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9.
Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.'
La société Caribéenne de recyclage n'ayant pas manifesté son accord pour une réintégration de Mme Mme [W] [T] [L] épouse [K], celle-ci ne sera pas ordonnée.
Au visa des dispositions précitées et en l'absence de toute information sur la situation de Mme [W] [T] [L] épouse [K], il lui sera alloué, compte tenu de son ancienneté la somme de 7 695 euros représentant trois mois de salaire.
2. Sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de congés payés y afférente .
Il est de principe que l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas due si le salarié n'est pas en mesure d'exécuter sa prestation de travail.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] étant malade au moment où elle a été licenciée, elle n'était donc pas en mesure d'exécuter son préavis. Elle sera déboutée de sa demande de ce chef ainsi que de sa demande au titre de l'incidence des congés payés sur préavis.
3. Sur l'indemnité de licenciement.
L'article L 1234-9 du code du travail édicte que : 'Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire'.
L'article R 1234-2 dispose que : 'L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :
1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;
2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.'
Mme [W] [T] [L] épouse [K] ayant cinq années et trois mois d'ancienneté lorsqu'elle a été licenciée, peut prétendre à une indemnité de licenciement de 3 366,56 euros.
La société Caribéenne de recyclage sera condamnée au paiement de ladite somme.
4. Sur le rappel d'indemnité compensatrice de congés.
Aux termes des dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] ne forme aucune demande dans le dispositif de ses conclusions s'agissant de l'indemnité compensatrice de congés payés.
Elle se borne, dans le corps de ses conclusions, à évoquer le mode de calcul pour lequel a opté l'employeur.
La cour observe donc qu'elle n'est saisie d'aucune demande à ce sujet.
IV. Sur la violation de l'obligation de prévention en matière de santé des travailleurs.
L'article L 4121-1 du code du travail dispose que : 'l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'
Mme [W] [T] [L] épouse [K] ne donne aucun élément de nature à établir que l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité.
Elle sera déboutée de sa demande à cet égard.
V. Sur l'absence de mutuelle d'entreprise.
Ainsi que le fait à juste escient observer Mme [W] [T] [L] épouse [K], l'employeur a l'obligation de faire bénéficier tous ses salariés d'une complémentaire santé.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] soutient que la société Caribéenne de recyclage n'a pas satisfait à cette obligation légale.
Pour autant, l'employeur produit aux débats avec sa pièce 8 une attestation de la Fédération Française des Assurés établissant que Mme [W] [T] [L] épouse [K] bénéficiait bien d'une mutuelle.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] sera déboutée de sa demande de ce chef.
VI. Sur les frais irrépétibles et les dépens.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 29 février 2024 sera infirmé s'agissant des frais irrépétibles et des dépens de première instance qui seront mis à la charge de la société Caribéenne de recyclage.
La société Caribéenne de recyclage succombant pour l'essentiel, sera condamnée à payer à Mme [W] [T] [L] épouse [K] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. L'employeur supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 29 février 2024 en ce qu'il a constaté l'absence de harcèlement moral et de discrimination, en ce qu'il a dit que le licenciement n'était pas nul et en ce qu'il a rejeté la demande de réintégration et de versement des salaires échus depuis la rupture,
L'infime pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Mme [W] [T] [L] épouse [K] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute Mme [W] [T] [L] épouse [K] de sa demande de réintégration,
Condamne la société Caribéenne de recyclage à payer à Mme [W] [T] [L] épouse [K] la somme de 7 695 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Caribéenne de recyclage à payer à Mme [W] [T] [L] épouse [K] la somme de 3 366,56 euros à titre d'indemnité de licenciement,
Déboute Mme [W] [T] [L] épouse [K] de sa demande de dommages et intérêts au regard de l'absence de complémentaire santé au sein de l'entreprise,
Déboute Mme [W] [T] [L] épouse [K] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que de sa demande au titre de l'incidence des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis,
Condamne la société Caribéenne de recyclage à payer à Mme [W] [T] [L] épouse [K] la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne la société Caribéenne de recyclage aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Et ont signé
La greffière La présidente
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT N°142 DU VINGT DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ
AFFAIRE N° : N° RG 24/00285 - N° Portalis DBV7-V-B7I-DVIA
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - section commerce - de Pointe-à-Pitre du 29 Février 2024.
APPELANTE
Madame [V] [N] [A] épouse [K]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Myriam MASSENGO LACAVE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
INTIMÉES
S.A.R.L. CARIBEENNE DE RECYCLAGE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentée par Me Patrick ADELAIDE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES Prise en la personne de Me Alain MIROITE en qualité d'administrateur provisoire
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Me Patrick ADELAIDE, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 2 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente,
Mme Annabelle CLEDAT, conseillère,
Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 22 septembre 2025
GREFFIER Lors des débats Valérie SOURIANT, greffier principal.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente et par Mme Lucile POMMIER, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE.
Par contrat de travail à durée déterminée à temps complet en date du 1er février 2017 à effet du même jour et jusqu'au 31 juillet 2017 inclus, la société Caribéenne de recyclage a recruté Mme [W] [T] [L] épouse [K] en qualité de chargée de recouvrement moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 480,30 euros, outre une commission de 3% sur toute créance effectivement et personnellement encaissée.
Le 31 juillet 2017, Mme [W] [T] [L] épouse [K] a été embauchée dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée aux mêmes fins et aux mêmes conditions.
Par avenant en date du 30 décembre 2019 à effet du 1er janvier 2020, la rémunération mensuelle brute de Mme [W] [T] [L] épouse [K] a été portée à 2 526,55 euros brut.
Par avenant en date du 2 juin 2020 à effet du même jour, Mme [W] [T] [L] épouse [K] a été promue au poste de responsable administratif moyennant une rémunération brute mensuelle de 2 565 euros pour un temps partiel de 86,66 heures de travail mensuel.
Par une ordonnance en date du 27 octobre 2020, le président du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a désigné la société BCM en qualité d'administrateur provisoire des sociétés C.G.T.S, [Adresse 5] et Caribéenne de recyclage.
Par ordonnance en date du 18 décembre 2020, M. [P] [K] époux de Mme [W] [T] [L] et gérant de la société Caribéenne de recyclage, a été placé sous le régime de la sauvegarde par le juge des contentieux et de la protection statuant en qualité de juge des tutelles du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre.
Par acte d'huissier de justice en date du 8 mars 2022, Mme [W] [T] [L] épouse [K] a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement devant se dérouler le 18 mars 2022.
Par lettre recommandé avec accusé de réception en date du 25 mars 2022, Mme [W] [T] [L] épouse [K] a été licenciée.
Par requête enregistrée au greffe le 12 avril 2022, Mme [W] [T] [L] épouse [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre lui demandant :
- de juger que son salaire de référence correspondait à la moyenne des trois derniers mois de salaire, soit 2565 euros bruts,
- de condamner l'employeur à lui verser 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral et de la discrimination,
- de juger que la rupture de son contrat devait être requalifiée en licenciement nul,
Et par conséquent,
- de la réintégrer à son poste,
- de condamner l'employeur à lui verser les salaires échus depuis la rupture,
- de juger que la rupture de contrat doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse
Et par conséquent,
- de condamner l'employeur à lui verser :
3 366,56 euros bruts à titre d'indemnité de licenciement,
2 565 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
256,5 euros de congés payés afférents
13 390,00 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à défaut de réintégration à son poste,
5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité résultat en matière de santé des travailleurs,
- de condamner l'employeur à lui verser 1000 euros de dommages et intérêts pour non-portabilité des droits à mutuelle,
- de condamner l'employeur à lui verser 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de dire que les sommes produiraient intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine de la juridiction et capitalisation,
- de condamner l'employeur aux entiers dépens.
Par ordonnance en date du 9 août 2023, le président du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a désigné la société AJ Associés prise en la personne de Me Alain Miroite en qualité d'administrateur de la société Caribéenne de recyclage avec mission de gestion générale de la société et aux fins de réaliser un audit, de convoquer une assemblée générale d'approbation des comptes, de convoquer au besoin une assemblée générale de révocation de M. [K] [G], de se prononcer sur la viabilité de la société, de vérifier la validité des actes effectués au nom et pour le compte de la société de M. [K] et leur cohérence avec les statuts et les intérêts de la société, en cas de faute avérée, d'engager la responsabilité personnelle de M. [K], de se faire remettre les statuts, les relevés bancaires, les éléments comptables et tout autre document lui permettant de mener à bien sa mission.
Il a fixé à six mois la mission de l'administrateur provisoire.
Par jugement en date du 29 février 2024, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- déclaré Mme [W] [T] [L] épouse [K] recevable en ses demandes,
- constaté l'absence de harcèlement moral et de discrimination,
- jugé que le licenciement n'était pas nul,
- rejeté la demande de réintégration,
- jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,
Sur ce,
- débouté la demanderesse de l'intégralité de ses prétentions,
- condamné Mme [W] [T] [L] épouse [K] au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [W] [T] [L] épouse [K] aux éventuels dépens de l'instance.
Le jugement précité a été notifié à la personne de Mme [W] [T] [L] épouse [K] le 4 mars 2024.
Par déclaration notifiée par le réseau privé des avocats le 17 mars 2024, Mme [W] [T] [L] épouse [K] a relevé appel de la décision en ce qu'elle avait ' - constaté l'absence de harcèlement moral et de discrimination; - jugé que le licenciement n'était pas nul - rejeté la demande de réintégration; - jugé que le licenciement reposait bien sur une cause réelle et sérieuse ; - débouté la demanderesse de l'intégralité de ses prétentions; - condamné Madame [W] [T] [L] épouse [K] au paiement de la somme de 1.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile; - condamné la partie demanderesse aux éventuels dépens de l'instance.'
Par acte notifié le 16 avril 2024 par le réseau privé virtuel des avocats, la société Caribéenne de recyclage et la société AJ Associés, mandataire judiciaire, ont constitué avocat.
Par décision en date du 13 février 2025, le magistrat en charge de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et renvoyé la cause et les parties à l'audience du 3 juin 2025, date à laquelle l'affaire a été plaidée et mise en délibéré.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES.
Vu les dernières conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 17 juin 2024, par lesquelles Mme [W] [T] [L] épouse [K], demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 29 février 2024 en ce qu'il a :
'- constaté l'absence de harcèlement moral et de discrimination,
- jugé que le licenciement n'est pas nul,
- rejeté la demande de réintégration,
- jugé que le licenciement repose bien sur une cause réelle et sérieuse,
- débouté la demanderesse de l'intégralité de ses prétentions,
- condamne Madame [W] [T] [L] épouse [K] au paiement de la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la partie demanderesse aux éventuels dépens de l'instance. '
Et statuant à nouveau :
- de juger que le salaire de référence correspond à la moyenne des trois derniers mois de salaire : 2565 euros bruts,
- de condamner l'employeur à verser 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral et de la discrimination,
- de juger que la rupture de contrat doit être requalifiée en licenciement nul,
Et par conséquent,
- de la réintégrer à son poste,
- de condamner l'employeur à lui verser les salaires échus depuis la rupture,
- de juger que la rupture de contrat doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse
Et par conséquent,
- de condamner l'employeur à lui verser
une indemnité de licenciement : 3 366,56 euros bruts
une indemnité compensatrice de préavis : 2 565 euros bruts , ainsi que 256,5 euros de congés payés afférents
- de la réintégrer à son poste, et à défaut de lui verser une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse de 13.390,00 euros
- de condamner l'employeur à verser 5 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat en matière de santé des travailleurs,
- de condamner l'employeur à verser 1 000 euros de dommages et intérêts pour non-portabilité des droits à mutuelle,
- de condamner l'employeur à verser 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner l'employeur aux entiers dépens.
Pour l'essentiel, Mme [W] [T] [L] épouse [K] fait valoir qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur lequel a usé, en particulier, à son égard de moyens de pression et de techniques d'intimidation. Elle affirme aussi avoir fait l'objet d'une discrimination à raison de son état de santé, raisons pour lesquelles elle demande à la cour de prononcer la nullité de son licenciement et de dire que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité. A titre subsidiaire, Mme [W] [T] [L] épouse [K] demande à la présente juridiction de dire que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse dès lors que la désorganisation de l'entreprise à raison de son absence n'est pas établie et que son poste n'a pas été pourvu dans un temps ayant suivi la rupture de son contrat de travail.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] réclame sa réintégration et à défaut une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle forme, par ailleurs, d'autres demandes indemnitaires en lien avec la rupture de son contrat de travail et la non portabilité des droits à mutuelle.
Vu les dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2024 par le réseau privé virtuel des avocats par lesquelles, la société Caribéenne de recyclage et la société AJ Associés ès qualités d'administrateur provisoire de la société Caribéenne de recyclage demandent à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- de condamner Mme [W] [T] [L] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de la condamner aux entiers dépens.
L'employeur conteste tout harcèlement moral ou discrimination et affirme que Mme Mme [W] [T] [L] n'apporte aucun élément de nature à établir tant l'un que l'autre. Il indique que le seul reproche qui puisse lui être adressé est d'avoir demandé à Mme [W] [T] [L] de rejoindre son poste de travail. L'employeur soutient que le licenciement prononcé à l'encontre de Mme [W] [T] [L] repose sur une cause réelle et sérieuse. Il affirme avoir dû remplacer l'intéressée qui était absente de son travail depuis plus de six mois dès lors que le fonctionnement de l'entreprise était perturbé.
Pour le surplus des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION.
I. Sur le harcèlement moral et la discrimination.
L'article L 1152-1 du code du travail énonce qu' : 'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.'
L'article L 1154-1 du code du travail édicte que : 'lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions ont été justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
* Mme [W] [T] [L] épouse [K] soutient que le harcèlement moral dont elle a fait l'objet s'est caractérisé par :
- une pression de l'employeur aux fins de lui faire signer une rupture conventionnelle (1).
- un acharnement par plusieurs procédures de licenciement successives (2),
- une technique d'intimidation par un interrogatoire mené par l'employeur accompagné de plusieurs avocats (3),
- des demandes intempestives de justificatifs y compris sur des éléments ne relevant pas de sa mission (4),
- des accusations mensongères et délirantes (5),
- un acharnement durant l'arrêt maladie afin de la contraindre à venir à un entretien préalable (6).
* 1.3. 5. et 6.
Aucune pièce n'est produite à l'appui des allégations portées par Mme [W] [T] [L] épouse [K].
2.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] ne produit aux débats en pièces 13 et 14 que la convocation à l'entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement et la lettre de licenciement qui a suivi l'entretien préalable.
L'acharnement n'est pas établi.
4.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] produit aux débats une unique demande de documents comptables qui lui a été adressée au mois de décembre 2020 par l'admnistrateur judicaire ( pièce 16 de l'appelante).
Le fait n'est pas matériellement établi.
* Par ailleurs, Mme [W] [T] [L] épouse [K] verse à la procédure en pièce 21, 22 et 23 des pièces établissant qu'elle a été placée en arrêt maladie. Pour autant, rien n'établit que ces arrêts soient en lien avec un quelconque harcèlement moral. Au demeurant, Mme [W] [T] [L] épouse [K] produit, par sa pièce 24, un certificat médical du Dr [X] [U] faisant état de nombreux problèmes au travail mais également dans sa vie de couple.
Ainsi les faits avancés par Mme [W] [T] [L] épouse [K] ne sont-ils pas matériellement établis et ne sont pas de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral.
Le harcèlement moral ne peut être retenu.
S'agissant de la discrimination, Mme [W] [T] [L] épouse [K] évoque celle-ci en raison de son état de santé. Les pièces produites, en particulier médicales, ne permettent pas à elles seules de l'établir en l'absence de toute précision dans les écritures de la salariée et de toute autre explication sur ce point. Dans ces conditions, aucun élément ne laissant supposer l'existence d'une discrimination, elle ne peut être davantage retenue.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] sera conséquemment déboutée de sa demande de réintégration et subsidiairement de sa demande d'indemnité pour licenciement nul en raison d'un harcèlement moral et d'une discrimination.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 29 février 2024 sera confirmé sur ces points.
II. Sur le licenciement.
Aux termes de l'article L. 1235-1 du Code du travail, il appartient au juge d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur qui forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
L'article L 1132-1 du code du travail dispose que : ' Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, d'horaires de travail, d'évaluation de la performance, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte, au sens, respectivement, du I de l'article 6 et des 1° et 2° de l'article 6-1 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.'
Aux termes des dispositions de l'article L 1235-2 alinéa 2 du code du travail, la lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs du licenciement ; dès lors celle-ci sera ci-après reproduite :
'Madame,
Nous faisons suite à l'entretien que nous avons eu le vendredi 18 mars 2022 au siège de l'entreprise.
Vous êtes en effet absente pour maladie depuis le 2 février 2021.
L'article 2.15 de la convention collective nationale des activités du déchet du 11 mai 2000, étendue par arrêté du 5 juillet 2001, qui nous interdit de licencier un salarié malade pendant six mois a été respecté.
Notre entreprise ne peut continuer plus longtemps à fonctionner en votre absence.
En effet, les problèmes suivants sont apparus :
- impossibilité de recouvrer les créances clients en retard,
- difficultés de trésorerie mettant en péril l'existence de l'entreprise.
Votre absence se prolongeant, nous avons été obligés de recruter sous contrat à durée indéterminée afin de pourvoir à votre remplacement.
La date de présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de deux mois, qui compte tenu de votre état de santé, ne sera pas effectué.
Veuillez agréer, madame, l'expression de nos sentiments distingués.'
* L'article L 1226-9 du code du travail dispose qu': 'au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie'.
L'employeur déclare s'être prévalu des dispositions de l'article 2.15.1 de la convention collective nationale des activités du déchet du 16 avril 2019 étendue par arrêté du 5 février 2021, applicable à l'entreprise, lesquelles prévoient ce qui suit s'agissant de l'absence des salariés : 'a) Absence d'une durée au plus égale à 6 mois.
L'absence d'une durée continue au plus égale à 6 mois, justifiée par l'incapacité résultant d'une maladie, ne constitue pas une cause de rupture du contrat de travail.
b) Absence de plus de 6 mois.
En cas de prolongation de l'absence au-delà de la durée de 6 mois, s'il s'avère nécessaire de remplacer de façon définitive le salarié dont l'absence entraîne une désorganisation de l'entreprise, l'employeur peut prendre l'initiative de la rupture du contrat de travail du salarié absent, en engageant la procédure de licenciement. Le salarié conserve son droit à indemnité de licenciement.
Dans le cas où le poste serait à pourvoir de façon définitive, le salarié ayant effectué le remplacement sous contrat à durée déterminée du salarié absent bénéficiera d'une priorité d'embauche au poste qu'il occupe.
Toutefois, le salarié licencié bénéficie, jusqu'à l'expiration du délai de 5 ans à compter du début de sa maladie, d'une priorité de réembauchage pour reprendre son ancien emploi s'il est disponible, ou à défaut un emploi similaire correspondant à ses aptitudes. Il conserve alors son ancienneté dans l'entreprise. Le salarié qui désire bénéficier de cette priorité doit avertir son employeur de la date à partir de laquelle il sera en état de reprendre un emploi.'
Ainsi si les dispositions précitées du code du travail font interdiction à l'employeur de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap, elles ne s'opposent pas au licenciement du salarié motivé par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée du salarié pour peu que ces perturbations entrainent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié.
Dans la lettre de licenciement en date du 25 mars 2022, la société Caribéenne de recyclage a fait état d'une impossibilité de recouvrer les créances clients en retard et des difficultés de trésorerie mettant en péril l'existence de l'entreprise (pièce 14 de l'appelante).
Il appartient à l'employeur de démontrer ce qu'il avance. Or, la société Caribéenne de recyclage ne produit aux débats aucun élément de nature à étayer ce qu'elle avance.
Par ailleurs, alors même que le licenciement de Mme [W] [T] [L] épouse [K] intervient en mars 2022, la société Caribéenne de recyclage affirme qu'elle a été contrainte de remplacer l'intéressée le 8 septembre 2021 par l'embauche dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée de M. [B] [R]. M. [B] [R] a été recruté en qualité de commercial responsable du recouvrement dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet. Ses fonctions étaient toutefois la prospection commerciale, le développement commercial, la gestion des clients et leur aspect administratif.
Or, Mme [W] [T] [L] épouse [K], par l'avenant en date du 2 juin 2020, avait été promue au poste de responsable administratif avec les fonctions suivantes :
'- assurer la gestion administrative de la société,
- conseiller la direction générale sur les prévisions à court terme et formuler les propositions sur la stratégie à moyen terme,
- négocier et gérer les achats de l'entreprise, gérer les relations avec les partenaires internes et externes,
- superviser les différents services fonctionnels au sein de la structure (trésorerie, comptabilité, gestion du personnel, paie et le juridique),
- définir et améliorer les procédures de gestion administrative, élaborer et mettre en place des tableaux de bord.'
Au regard de la date de la nature commerciale de ses fonctions, il ne peut être soutenu valablement par la société Caribéenne de recyclage, que par le recrutement de M. [B] [R], elle a pallié l'absence de Mme [W] [T] [L] épouse [K] qui occupait le poste de responsable administratif qui plus est à temps partiel.
La société Caribéenne de recyclage n'ayant pas procédé au remplacement de Mme [W] [T] [L] épouse [K], le licenciement de celle-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse. En revanche, le licenciement n'est pas nul dès lors que cette circonstance ne peut suffire à laisser présumer l'existence d'une discrimination. Mme [W] [T] [L] épouse [K] ne développe aucun argument à l'appui de la discrimination qu'elle allègue excepté le constat qu'elle était en arrêt maladie lorsqu'elle a été licenciée.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 29 février 2024 sera donc confirmé sur le rejet de la demande de la salariée tendant au prononcé de la nullité de son licenciement et à l'octroi des salaires échus depuis la rupture, mais infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [W] [T] [L] épouse [K] reposait sur une cause réelle et sérieuse.
III. Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le salaire de référence.
L'article R 1234-4 du code du travail dispose que :'Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié:
1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;
2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.'
Mme [W] [T] [L] épouse [K] produit aux débats ses bulletins de salaire pour les années 2017, 2018, 2019, 2020 et pour le mois de janvier 2021.
Il s'évince des échanges entre les parties justifiés aux débats, que Mme [W] [T] [L] épouse [K] a été en congé du 30 novembre 2020 au16 décembre 2020 et qu'elle n'est plus apparue en suite.
Le bulletin de salaire du mois de novembre 2020 fait état d'un mois plein travaillé.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] a opté s'agissant du calcul du salaire de référence pour la moyenne des trois derniers mois de salaire, soit la moyenne des mois de septembre 2020, octobre 2020 et décembre 2020. Le salaire de référence retenu sera donc 2 565 euros brut. Il n'est au demeurant pas contesté par l'employeur.
1. La réintégration ou l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'article L 1235-3 du code du travail dispose que : 'Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous.
(...)
En cas de licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les montants minimaux fixés ci-dessous sont applicables, par dérogation à ceux fixés à l'alinéa précédent :
(...)
Pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9.
Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au présent article.'
La société Caribéenne de recyclage n'ayant pas manifesté son accord pour une réintégration de Mme Mme [W] [T] [L] épouse [K], celle-ci ne sera pas ordonnée.
Au visa des dispositions précitées et en l'absence de toute information sur la situation de Mme [W] [T] [L] épouse [K], il lui sera alloué, compte tenu de son ancienneté la somme de 7 695 euros représentant trois mois de salaire.
2. Sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de congés payés y afférente .
Il est de principe que l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas due si le salarié n'est pas en mesure d'exécuter sa prestation de travail.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] étant malade au moment où elle a été licenciée, elle n'était donc pas en mesure d'exécuter son préavis. Elle sera déboutée de sa demande de ce chef ainsi que de sa demande au titre de l'incidence des congés payés sur préavis.
3. Sur l'indemnité de licenciement.
L'article L 1234-9 du code du travail édicte que : 'Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.
Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire'.
L'article R 1234-2 dispose que : 'L'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :
1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;
2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.'
Mme [W] [T] [L] épouse [K] ayant cinq années et trois mois d'ancienneté lorsqu'elle a été licenciée, peut prétendre à une indemnité de licenciement de 3 366,56 euros.
La société Caribéenne de recyclage sera condamnée au paiement de ladite somme.
4. Sur le rappel d'indemnité compensatrice de congés.
Aux termes des dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] ne forme aucune demande dans le dispositif de ses conclusions s'agissant de l'indemnité compensatrice de congés payés.
Elle se borne, dans le corps de ses conclusions, à évoquer le mode de calcul pour lequel a opté l'employeur.
La cour observe donc qu'elle n'est saisie d'aucune demande à ce sujet.
IV. Sur la violation de l'obligation de prévention en matière de santé des travailleurs.
L'article L 4121-1 du code du travail dispose que : 'l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'
Mme [W] [T] [L] épouse [K] ne donne aucun élément de nature à établir que l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité.
Elle sera déboutée de sa demande à cet égard.
V. Sur l'absence de mutuelle d'entreprise.
Ainsi que le fait à juste escient observer Mme [W] [T] [L] épouse [K], l'employeur a l'obligation de faire bénéficier tous ses salariés d'une complémentaire santé.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] soutient que la société Caribéenne de recyclage n'a pas satisfait à cette obligation légale.
Pour autant, l'employeur produit aux débats avec sa pièce 8 une attestation de la Fédération Française des Assurés établissant que Mme [W] [T] [L] épouse [K] bénéficiait bien d'une mutuelle.
Mme [W] [T] [L] épouse [K] sera déboutée de sa demande de ce chef.
VI. Sur les frais irrépétibles et les dépens.
Le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 29 février 2024 sera infirmé s'agissant des frais irrépétibles et des dépens de première instance qui seront mis à la charge de la société Caribéenne de recyclage.
La société Caribéenne de recyclage succombant pour l'essentiel, sera condamnée à payer à Mme [W] [T] [L] épouse [K] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. L'employeur supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en date du 29 février 2024 en ce qu'il a constaté l'absence de harcèlement moral et de discrimination, en ce qu'il a dit que le licenciement n'était pas nul et en ce qu'il a rejeté la demande de réintégration et de versement des salaires échus depuis la rupture,
L'infime pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Mme [W] [T] [L] épouse [K] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute Mme [W] [T] [L] épouse [K] de sa demande de réintégration,
Condamne la société Caribéenne de recyclage à payer à Mme [W] [T] [L] épouse [K] la somme de 7 695 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société Caribéenne de recyclage à payer à Mme [W] [T] [L] épouse [K] la somme de 3 366,56 euros à titre d'indemnité de licenciement,
Déboute Mme [W] [T] [L] épouse [K] de sa demande de dommages et intérêts au regard de l'absence de complémentaire santé au sein de l'entreprise,
Déboute Mme [W] [T] [L] épouse [K] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ainsi que de sa demande au titre de l'incidence des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis,
Condamne la société Caribéenne de recyclage à payer à Mme [W] [T] [L] épouse [K] la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne la société Caribéenne de recyclage aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Et ont signé
La greffière La présidente