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Décisions

CA Rennes, 3e ch. com., 23 septembre 2025, n° 24/03518

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 24/03518

23 septembre 2025

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°258

N° RG 24/03518 - N° Portalis DBVL-V-B7I-U376

(Réf 1ère instance : 2023F00253)

S.E.L.A.R.L. GRAND OUEST PROTECTION

C/

S.A.S. PRESTALIS

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me KERMARREC

Me ORIOT

Copie certifiée conforme délivrée

le :

à : TC de [Localité 8]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,

Assesseur : Madame Cécile HALLER, Conseillère, désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d'appel de Rennes du 26 mai 2025

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 juin 2025, devant M. Alexis CONTAMINE, Président de chambre, et Madame Sophie RAMIN, Conseillère, magistrats tenant seuls l'audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 23 Septembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

S.E.L.A.R.L. GRAND OUEST PROTECTION

prise en la personne de Me [Z] [P], Mandataire judiciaire, agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée [D] Réalisations, enregistrée au répertoire SIRENE sous le n°408 084 440, désignée en cette qualité en vertu d'un jugement du tribunal judiciaire de RENNES du 30 mai 2022

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Yann-Christophe KERMARREC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A.S. PRESTALIS

immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le n°793 683 871, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Maud ORIOT de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Guillaume LECLERC substituant Me Isaline POUX de la SELEURL IP ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

La société Prestalis a une activité de communication commerciale et institutionnelle et réalise des prestations graphiques et visuelles pour des centres aquatiques.

M. [D] a une activité de prépresse, création graphique en publicité et communication d'entreprise depuis 1996.

Il a opté postérieurement pour le statut d'EIRL et exerce sous la dénomination Bertand réalisations.

Le 2 mai 2019, M. [D] a conclu avec la société Prestalis un contrat de prestation de service à durée déterminée de 36 mois ayant pour objet la conception et l'exécution de supports « prints » et « graphique ».

Le mode de rémunération était fixé sous forme de budget prévisionnel forfaitaire annuel de 95.000 euros hors taxes pour 16 centres aquatiques.

Courant juin, juillet et août 2020, la société Prestalis a contesté les factures d'acomptes émises par M. [D] relative à la période du confinement, la facturation pour des prestations complémentaires, ainsi que le périmètre du contrat.

Les divergences dans les modalités d'exécution du contrat ont perduré.

Le 21 avril 2021, l'EIRL [D] réalisations a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Rennes afin d'obtenir le paiement des factures d'acomptes et de prestations complémentaires.

Le 27 mai 2021, par lettre recommandée récapitulant ses griefs, la société Prestalis a informé l'EIRL [D] réalisations de sa décision de résilier le contrat.

Par ordonnance du 20 octobre 2021, le président du tribunal de commerce de Rennes a renvoyé les parties à mieux se pourvoir au fond.

Le 30 mai 2022, l'EIRL [D] Realisations a été placée en liquidation judiciaire. La société Grand Ouest Protection Mandataire Judiciaire (ci-après la société GOPMJ), prise en la personne de Mme [P], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Le 9 août 2022 et le 21 novembre 2022, l'EIRL [D] Réalisations a assigné la société Prestalis afin d'obtenir le règlement d'indemnités au titre de la perte de chance d'obtenir un revenu tiré de la rupture anticipée des relations contractuelles, le règlement des indemnités exposées au titre de licenciements économiques engagés ainsi qu'une somme au titre d'un préjudice moral.

Le 14 mars 2023, le tribunal de commerce de Rennes a jugé irrecevable la demande pour défaut de qualité à agir en raison du dessaissement relatif au placement en liquidation judiciaire de l'EIRL [D] Réalisations.

Le 12 juillet 2023, la société GOPMJ, ès qualités, a assigné la société Prestalis afin d'obtenir tant le paiement des prestations exécutées que diverses indemnités au titre de la rupture du contrat.

Par jugement du 16 mai 2024, le tribunal de commerce de Rennes a :

- Dit que la demande de Me [P], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations, au titre du préjudice moral est irrecevable,

- Débouté Me [P], en qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations de sa demande de règlement de la somme de 56.867 euros hors taxes au titre des travaux supplémentaires en dépassement de budget,

- Condamné la société Prestalis à payer à Me [P], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations la somme de 4.435 euros hors taxes au titre des travaux spécifiques réalisés, outre les intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2020, et ordonné la capitalisation des intérêts,

- Débouté Me [F], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations du surplus de sa demande,

- Condamné la société Prestalis à payer à Me [P], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations la somme de 100.776 euros hors taxes au titre des mensualités forfaitaires non réglées, outre les intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2020, et ordonné la capitalisation des intérêts,

- Débouté Me [P], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations de sa demande au titre de la rupture anticipée du contrat,

- Débouté Me [P], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations de sa demande d'indemnisation pour les licenciements économiques,

- Débouté la société Prestalis de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 6.234,75 euros hors taxes, au titre d'un trop-perçu par l'EIRL [D] Realisations,

- Débouté la société Prestalis de sa demande en paiement de la somme de 57.383,04 euros en réparation du préjudice subi au titre de la non-exécution de bonne foi du contrat par l'EIRL [D] Realisations,

- Débouté la société Prestalis de sa demande d'écarter l'exécution provisoire,

- Condamné la société Prestalis à payer à Me [P], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté Me [P], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations du surplus de sa demande,

- Condamné la société Prestalis aux entiers dépens.

Par déclaration du 13 juin 2024, la société GOPMJ a interjeté appel.

Les dernières conclusions de la société GOPMJ ont été déposées le 4 juin 2025; celles de la société Prestalis, le 3 juin 2025.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 juin 2025.

La demande d'observations suivante a été adressée par la cour aux parties dans le cadre du délibéré :

« Maîtres,

Par application des dispositions de l'article D442-3 du code de commerce, la cour d'appel de Paris est compétente pour connaître de l'appel des

décisions rendues par les juridictions commerciales ayant compétence pour statuer sur les litiges relevant des dispositions de l'article L.442-1 du code de commerce. Il s'agit d'une compétence d'attribution exclusive.

Vous voudrez bien pour le 1er juillet 2025 au plus tard présenter vos observations à la cour, par note en délibéré, sur le point de savoir dans quelle mesure ces dispositions sont applicables au dossier et les conséquences qu'il convient d'en tirer.

En effet, le tribunal de commerce de Rennes a notamment :

« débouté Me [P], en qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations de sa demande au titre de la rupture anticipée du contrat », ce chef de dispositif correspondait au rejet de la demande en paiement « au titre de la rupture anticipée brutale d'un contrat à durée déterminée » fondée, a priori, sur deux moyens écartés par le tribunal : la rupture brutale des relations commerciale et la rupture fautive des relations commerciales.

Aux termes de ses conclusions devant la cour, la société GOPMJ ès qualités demande à la cour d'« infirmer « le jugement » en condamnant la société Prestalis à lui verser la somme de 129 155 € hors taxes au titre de la « rupture fautive » du contrat à durée déterminée (') » sans préciser quel est le chef de jugement expressément concerné. Or, dans la motivation de ses écritures, la société GOPMJ ès qualités critique notamment le rejet par le tribunal de la demande indemnitaire fondée sur l'article L.442-1 II du code de commerce, en précisant que le tribunal a « entaché son jugement d'erreur de droit et que la décision en litige sera nécessairement infirmée ». Il peut s'en déduire que la société GOPMJ demande notamment l'infirmation de la décision du tribunal de commerce en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire au titre de la rupture brutale fondée sur l'article L.442-1 et non pas seulement l'infirmation de la décision du tribunal en ce qu'il aurait rejeté une demande indemnitaire au titre d'une rupture fautive.»

La société GOPMJ ès qualités a adressé une note en délibéré le 27 juin 2025 pour faire valoir que « la Cour n'est plus saisie d'une demande indemnitaire relative à la rupture brutale d'une relation commerciale établie ».

MOYENS ET PRÉTENTIONS :

La société GOPMJ ès qualités demande à la cour de :

à titre principal :

- rejeter l'appel incident de la société Prestalis,

- infirmer le jugement en condamnant la société Prestalis à lui verser la somme de 129.155 euros hors taxes au titre de la rupture fautive du contrat à durée déterminée qui la liait à l'EIRL [D] Realisations, à laquelle il conviendra d'appliquer le taux d'intérêt légal à compter du 16 novembre 2020, avec capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle,

- infirmer le jugement en condamnant la société Prestalis à lui verser la somme de 11.487 euros au titre des indemnités pour licenciement économique versés par l'EIRL [D] Realisations, à laquelle il conviendra d'appliquer le taux d'intérêt légal à compter de la date de délivrance de l'assignation, avec capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle,

- infirmer le jugement en condamnant la société Prestalis à lui verser la somme de 57.267 euros hors taxes au titre des travaux réalisés en dépassement de budget, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2020 et de la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle,

à titre subsidiaire :

- dans l'hypothèse où la cour rejetterait la demande indemnitaire relative aux travaux réalisés en dépassement de budget sur un fondement contractuel, condamner la société Prestalis à lui verser la somme de 57.267 euros hors taxes au titre de l'enrichissement sans cause, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2020 et de la capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle,

en tout état de cause :

- condamner la société Prestalis à lui verser la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

La société Prestalis demande à la cour de :

- déclarer Me [P] ès qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations mal fondé en son appel, l'en débouter,

- déclarer la société Prestalis bien fondée en son appel incident,

y faisant droit :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Dit que la demande de Me [P], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations, au titre du préjudice moral est irrecevable,

- Débouté Me [P], es qualité de liquidation judiciaire de l'EIRL [D] Realisations de sa demande de règlement de la somme de 56.867 euros hors taxes au titre des travaux supplémentaires en dépassement de budget,

- Débouté Me [F], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations du surplus de sa demande,

- Débouté Me [P], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations de sa demande au titre de la rupture anticipée du contrat,

- Débouté Me [P], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations de sa demande d'indemnisation pour les licenciements économiques,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Prestalis à payer 100.776 euros hors taxes au titre des mensualités forfaitaires non réglées,

et statuant à nouveau,

- débouter à titre principal Me [P] ès qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations de sa demande de ce chef et, subsidiairement condamner [D] Realisations à émettre un avoir de 61.402 euros venant en déduction des sommes mises à sa charge de ce chef,

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré abusive la résiliation du contrat par anticipation,

- fixer à titre principal à 16 le nombre de centres aquatiques dans le périmètre contractuel, subsidiairement, à 17 centres aquatiques,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Prestalis de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 6.234,75 euros au titre du trop-perçu par l'EIRL [D] Realisations,

et, statuant à nouveau,

- condamner Me [P] ès qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations à payer 6.234,75 euros de ce chef,

- déclarer irrecevable la demande de Me [P] de paiement de la somme de 15.000 euros au titre du préjudice d'image et de réputation, comme nouvelle en cause d'appel,

- débouter Me [P] ès qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Me [P] ès qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations à verser 8.000 euros à la société Prestalis au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner la restitution de la somme de 135.804 euros versée par la société Prestalis à la société EIRL [D] Realisations pour se conformer à l'exécution provisoire assortissant le jugement de première instance,

- condamner Me [P] ès qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra ainsi qu'à la note en délibéré prise pour le compte du liquidateur judiciaire.

DISCUSSION

Sur la compétence de la cour

Comme rappelé dans la demande d'observations adressées aux parties par la cour, un doute subsistait à la lecture des conclusions de la société GOPMJ ès qualités quant au fondement de sa demande d'infirmation du chef de jugement au titre de la rupture anticipée du contrat et de sa demande de condamnation en conséquence (cf. Page 17 de ses écritures : « pour rejeter la demande indemnitaire fondée sur l'article L.442-1 II du code de commerce, (...) Le tribunal de commerce a entaché son jugement d'une erreur de droit (...) »).

Par note en délibéré, la société GOPMJ ès qualités indique ne se fonder que sur la rupture fautive du contrat en application de l'article 1212 du code civil et non plus sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales, dont l'analyse ne relève pas de la compétence de la cour d'appel de Rennes, pour solliciter l'infirmation du chef de jugement susévoqué et la condamnation de la société Prestalis à réparer ses préjudices.

Il n'y a en conséquence plus lieu à soulever l'incompétence de la cour.

Remarques préliminaires

En application de l'article 954 du code de procédure civile dans sa version antérieure au Décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023 :

« (...) La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. »

Il en résulte que la cour n'a pas à examiner les moyens présentés dans les conclusions de première instance qu'il s'agisse d'une demande d'infirmation ou d'une demande de confirmation, en l'absence d'énonciation de nouveaux moyens devant la cour, puisque la partie est alors réputée s'approprier les motifs du jugement.

Les renvois répétés de la société GOPMJ ès qualités à ses écritures de première instance, qui plus est non produites, ne peuvent donner lieu à la prise en compte des moyens qui y étaient développés.

Par ailleurs, il est rappelé que les demandes d'infirmation ne peuvent porter que sur les chefs du jugement mentionnés à son dispositif. La demande « d'infirmation le jugement en ce qu'il a considéré abusive la résiliation du contrat par anticipation » n'est relative qu'à une discussion sur les moyens.

Il est, en outre, relevé que, dans ses conclusions, la société GOPMJ vise à plusieurs reprises des pièces : « pièce n°x, première instance », non mentionnées dans le bordereau de communication de pièces et en conséquence, non produites devant la cour.

Le contrat

Avant d'étudier les demandes des parties, il est nécessaire de déterminer le périmètre du contrat.

Selon les articles 1188, 1189, 1190 et 1192 du code civil :

« Le contrat s'interprète d'après la commune intention des parties plutôt qu'en s'arrêtant au sens littéral de ses termes.

Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s'interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation. »

« Toutes les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier. (...) »

« Dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé. »

« On ne peut interpréter les clauses claires et précises à peine de dénaturation. »

Le contrat de prestations de service signé des parties le 2 mai 2019 annonce en préambule :

« Prestalis est une filiale du groupe Valmax qui est constitué de plusieurs entreprises indépendantes (...) Ces entreprises exercent leur activité dans le secteur de la gestion de centres aquatiques de sport et de loisirs qui sont à ce jour au nombre de seize (16) (...) »

« Afin d'optimiser l'efficacité économique des entités du groupe, des fonctions « supports » sont partagées entre elle. Dans le cadre de cette organisation, Prestalis assure la fonction de communication (...) qui l'amène à conseiller et organiser les autres entités du groupe notamment pour la réalisation des prestations d'exécution graphiques et visuelles répondant à leurs besoins récurrents de communication (...) »

« Prestalis souhaite confier l'ensemble des prestations de prépresse à M. [L] [D] et à ses collaborateurs. Elle indique que ce monopole ainsi que les modalités de règlement de M. [L] [D] ci-après déterminées seront scrupuleusement respectées (...) »

S'agissant de l'objet du contrat, il est indiqué :

« Le présent contrat est un contrat de prestations de services ayant pour unique objet la réalisation (conception et exécution) des supports « print » et « graphiques » répondant aux besoins récurrents de communication exprimés par le client.

Les travaux d'impression ou de reproduction quels qu'il soient n'entrent pas dans l'objet du présent contrat et ne sont confiés à [D] Réalisations que sur devis spécifique accepté par écrit par le client »

Quant au prix, il est indiqué :

« Les prestations définies à l'article 1er ci-dessus seront facturées au client à concurrence d'un budget prévisionnel forfaitaire annuel de 95 000 € HT évalué sur la base du nombre actuel de seize centres aquatiques »

« Tout gain ou perte d'un centre aquatique entraine une révision du budget de plus ou moins 5 937 € HT »

« Tout retard de livraison ou non-respect des critères de qualité entraîne de plein droit la suspension de l'engagement budgétaire de commande jusqu'à résorption du retard ou atteinte de qualité requis. L'engagement de commande est ajusté au prorata de la durée de suspension (...) »

« Prestalis s'engage à régler la totalité du budget annuel le cas échéant ajusté, même si les commandes réellement passées évaluées sur la base du tarif en vigueur de [D] Réalisations sont inférieures à ce budget »

« Un acompte d'un douzième est facturé et réglé mensuellement au premier jour du mois. Un décompte définitif s'effectue en fin de période annuelle en tenant compte des ajustements éventuels »

- Sur le monopole

La lecture du préambule et la partie du calcul du prix après gain ou perte d'un centre aquatique permet de considérer que c'est dans une logique d'unification et de rationalisation de la communication des entités du groupe Valmax que la société Prestalis a souhaité confier l'ensemble des prestations de prépresse à l'EIRL [D] réalisations. Le monopole de celle-ci s'étend dès lors, selon le contrat, à chaque prise en compte d'un nouveau centre aquatique par la société Prestalis pour le compte du groupe Valmax.

- Sur la base servant à la facturation

La société Prestalis fait valoir que pour l'exercice 2020-2021, seuls 16 centres aquatiques devaient être pris en compte pour la facturation, ou à défaut, 17 en tenant compte de la prise en compte de l'Effet bleu mais du retrait du centre Acorus par M. [D] lui-même, et non les 18 centres facturés.

Il n'est pas contesté que le budget prévisionnel forfaitaire annuel est évalué sur la base d'un nombre de centres aquatiques concernés par le périmètre du contrat lors de ladite évaluation.

Il est constant qu'à la formation du contrat le 2 mai 2019, 16 centres aquatiques devaient être pris en compte.

A partir de juin 2019, il est également constant que le centre aquatique « L'Effet Bleu » a été intégré dans le périmètre du contrat (page 10 conclusions Prestalis); le nombre de centres aquatiques à prendre en compte est donc passé à 17.

Pour la période du 1er mai 2019 au 30 avril 2020, l'EIRL [D] réalisations produit les listes de ses prestations concernant 17 piscines : Acorus, Aqualis, [Adresse 5], Carré d'ô, [Localité 6], Dolibulle, Galéa, Inoxia, L'Azuréo, L'Effet Bleu, L'Hyrôme, La Tourelle, Le Blavet, Le Layon, Naiadolis, OBB, Océlia.

Pour la période du 1er mai 2020 au 30 avril 2021, l'EIRL [D] produit les listes de ses prestations concernant 18 piscines, les mêmes que celles visées ci-dessus auxquelles a été ajoutée [Localité 7] pour laquelle, cependant, aucune prestation n'est mentionnée.

La société Prestalis conteste l'intégration de ce centre aquatique et relève d'ailleurs qu'aucune commande n'a été émise la concernant.

Bien que, contrairement à la première instance, la preuve des virements adressés par la société Prestalis en paiement des factures de février et mars 2020 mentionnant la prise en compte de 18 centres aquatiques ne soit pas produite devant la cour, la société Prestalis ne les conteste pas. En revanche, elle soutient que ces paiements ne valent pas acceptation non équivoque de l'intégration de cette piscine en ce que, notamment, elle n'avait pas été informée que ce centre avait été pris en compte par la société Prestalis.

Il ressort des échanges entre les parties, à compter du courrier recommandé de la société Prestalis (Eventis) à l'EIRL [D] réalisations du 10 juillet 2020 qui portait sur la contestation de la facturation en raison de la non-prise en compte de la période Covid, que la société Prestalis n'a jamais contesté que son groupe gérait le centre aquatique [Localité 7]. En conséquence, hors tout accord entre les parties pour l'en exclure, ce centre aquatique devait figurer, en raison du monopole susévoqué, dans le portefeuille d'intervention de la société EIRL [D] réalisations quand bien même aucune commande n'était effectuée.

Aux termes des échanges entre les parties, il apparait qu'il était reproché à l'EIRL [D] réalisations d'avoir tenu compte, dans sa facturation d'acompte, de la piscine Elisabeth, alors qu'il était convenu que cette piscine soit écartée du contrat comme gérée par les autorités administratives, mais également de la piscine Acorus en raison de travaux ayant conduit à sa fermeture.

S'agissant de la piscine Elisabeth, celle-ci n'a jamais été intégrée dans le chiffrage des dix huit piscines.

S'agissant de la piscine Acorus, l'EIRL [D] résolutions n'a pas contesté qu'il convenait de l'ôter en raison de sa fermeture administrative tout en prétendant que le total des piscines restaient à 18 (courrier du 17 juillet 2020) sans justifier d'une prise en compte d'une autre piscine en lieu et place. Dans un courriel du 21 août 2020, elle admettait néanmoins : « par ailleurs concernant le nombre de piscines, depuis le début de l'année, nous sommes sur la base de 18 piscines. La fermeture d'Acorus ne saurait en aucun cas nous ramener à 16 piscines (...) Les règlements pour juin, juillet et août se font donc sur la base de 17 piscines ».

En conséquence, cet accord non équivoque entre les parties pour que la piscine Acorus soit retirée des facturations à compter de juin 2020 prévaut sur les conditions habituelles d'application du contrat. Dès lors, il convient de considérer qu'à compter de juin 2020, la facturation des acomptes ne pouvaient porter que sur 17 piscines.

Ainsi, il est retenu, sans autres explications des parties, que le périmètre du contrat était de :

- 16 piscines en mai 2019,

- 17 piscines entre juin 2019 et avril 2020, (ajout de L'Effet bleu)

- 18 piscines en mai 2020, (ajout de [Localité 7])

- 17 piscines entre juin 2020 et la fin du contrat (soustraction de Acorus).

Sur la demande au titre des mensualités forfaitaires impayées

La société Prestalis fait valoir, en substance, que l'obligation de paiement doit être la contrepartie d'une prestation de service et que l'exécution de bonne foi des contrats implique une adaptation du contrat en cas de circonstances exceptionnelles. Elle en déduit que l'EIRL [D] réalisations n'ayant justifié d'aucune prestation pendant les périodes de confinement liés à la pandémie de la Covid-19, alors que les centres aquatiques étaient fermés, il n'était pas équitable qu'elle continue à percevoir une rémunération.

Elle fait valoir, en outre, que les parties n'ont prévu, lors de la conclusion du contrat, le versement de sommes au profit de l'EIRL [D] réalisations qu'en lien avec le « budget annuel prévisionnel », notion impliquant un réajustement en fonction des prestations effectivement réalisées.

Selon les articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. Ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Il ressort des clauses du contrat reprises supra que le paiement était dû quel que soit l'état des commandes. Le réajustement éventuel du budget annuel prévisionnel ne valait que pour les périodes de suspension résultant d'un retard ou d'un défaut de qualité des prestations commandées.

La société Prestalis ne justifie d'aucun retard dans les commandes ni n'allègue de défaut de qualité des prestations.

La société Prestalis n'allègue, par ailleurs, aucun cas de force majeure qui justifierait la suspension de son obligation à paiement.

En conséquence, les acomptes facturés au titre du budget annuel sont dus par la société Prestalis, y compris pendant la période de pandémie.

Le budget annuel prévisionnel aux termes du contrat a été fixé à la somme totale de 5 937 € par centre aquatique.

Faute d'autres explications des parties et pour comprendre le détail du montant de la condamnation globale de la société Prestalis dont il est demandé la confirmation par la société GOPMJ ès qualités et l'infirmation par la société Prestalis, il convient de se référer à l'assignation délivrée en référé par l'EIRL [D] réalisations en août 2022 versée aux débats par la société Prestalis.

Il apparaît que M. [D] faisait valoir :

- 6 mensualités impayées au titre des mois d'avril, mai, septembre, octobre, novembre et décembre 2020, pour 18 piscines,

- 5 mensualités impayées au titre des mois de janvier, février, mars, avril et mai 2021, pour 18 piscines,

- des compléments impayés des règlements partiels intervenus pour les mois de juin, juillet et août 2020 en ce que la société Prestalis n'avait versé que le prix pour 16 centres aquatiques.

Les mensualités par piscine étaient arrondies, par l'EIRL [D] réalisations, à 494 €.

Comme retenu supra, le calcul doit se faire selon le nombre de centres aquatiques.

Les impayés correspondent pour :

- avril 2020 à 17 piscines à 494 € soit 8 398 €

- mai 2020 à 18 piscines à 494 € soit 8 892 €

- septembre, octobre, novembre, décembre 2020 à 17 piscines à 494 € X par 4 mois, soit 33 592 €

- janvier, février, mars, avril et mai 2021 à 17 piscines à 494 € X 5 mois, soit 41 990 €

- les compléments pour juin, juillet, août 2020 à 1 piscine à 494 € X 3, soit 1 482 €

soit un total dû par la société Prestalis de 94 354 €.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Prestalis à payer à la société GOPMJ ès qualités la somme totale de 100 776 €.

Aucun avoir n'est dû à la société Prestalis.

Le jugement sera également infirmé en ce qu'il a retenu que le calcul des intérêts se ferait à compter du 26 novembre 2020 pour l'ensemble alors qu'une partie de la créance est postérieure.

Aucune explication n'étant donnée dans les écritures de la société GOPMJ ès qualités qui ne se réfère pas aux factures émises, il convient de retenir la date de l'assignation en référé par l'EIRL [D] réalisations valant mise en demeure comme étant le point de départ des intérêts au taux légal, soit le 9 août 2022.

La société Prestalis sera condamnée à payer à la société GOPMJ ès qualités la somme de 94 354 € au titre des mensualités forfaitaires impayées augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 août 2022 avec capitalisation des intérêts par année à compter de cette date.

L'infirmation du jugement permet la restitution des sommes versées en trop au titre de l'exécution provisoire sans qu'il soit besoin de l'ordonner. Cette demande de la société Prestalis est rejetée.

En conséquence de l'appréciation de la cour sur le montant des prestations dues par la société Prestalis et de la non prise en compte de la période de la pandémie, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de la société Prestalis en paiement d'une somme au titre d'un trop-perçu par l'EIRL [D] réalisations.

Sur la demande au titre du dépassement de budget pour les prestations comprises dans le champ contractuel

La société GOMPJ ès qualités réclame le paiement d'une somme de 57 267 € au titre des prestations comprises dans le champ contractuel mais réalisées hors budget prévisionnel. Le montant de cette somme ne correspond pas, sans explication aucune, à la facture qu'elle invoque pourtant, produite aux débats par l'intimée, à savoir la facture n°212935 d'un montant de 56 867 € HT datée du 24 janvier 2021 portant sur le dépassement de budget pour la période du 2 mai 2019 au 30 avril 2020 pour 17 piscines et visant l'article 2 du contrat.

« budget initial : 100 946 € HT

variation 5% appliquée selon art.2 du contrat

budget alloué : 105 993 € HT

budget utilisé : 162 860 € HT

soit un dépassement de 53,6 % »

S'agissant des demandes des centres aquatiques correspondant aux prestations habituelles mais réalisées hors budget annuel prévisionnel, il est ainsi prévu au contrat :

« Au-delà d'un coût réel de 5937 euros HT par piscine, toutes les prestations supplémentaires seront facturées au prix unitaire et tarif en vigueur après acceptation par Prestalis d'un devis établi par [D] réalisations » (...)

« Le forfait de 5 937 euros HT vaut avec une marge de variation de +5% par piscine (soit 297 euros HT) au-delà d'un coût réel de 5 937 euros HT par piscine, toutes les prestations supplémentaires seront facturées au prix unitaire et au tarif en vigueur après acceptation par Pretalis d'un devis établi par [D] réalisations ».

La société GOPMJ ès qualités admet ne verser aux débats aucun devis signé de la société Prestalis. En revanche, elle fait valoir que, selon l'article 1165 du code civil, en l'absence de devis, le prix de la prestation peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d'en motiver le montant en cas de contestation. Elle ajoute que le comportement réciproque et non équivoque des parties manifeste leur accord pour la réalisation de prestations dont la tarification est conforme aux usages en cours dans leur relation.

Elle relève encore, en substance, que :

- M. [D] avait alerté la société Prestalis le 13 novembre 2019 d'un dépassement de budget précoce pour certaines piscines,

- la société Prestalis a continué néanmoins à passer des commandes,

- la société Prestalis, compte tenu de l'ancienneté de la relation, connaissait les tarifs pratiqués qui avaient fait l'objet d'un barème.

Le courriel ou courrier par lequel M. [D] aurait alerté la société Prestalis du dépassement de budget en novembre 2019 n'est pas produit devant la cour d'appel.

Seule la facture du 24 janvier 2021 est versée aux débats (pièce 18 Prestalis).

Si la société GOMPJ ès qualités produit en pièce 17 un « barème base facturation », celui-ci n'est pas daté et sa communication à la société Prestalis n'est pas justifiée.

Ainsi, si au vu des nombreux courriels produits par la société GOPMJ ès qualités, des commandes ont été adressées par l'EIRL [D] réalisations par les centres aquatiques, la plupart validées par courriel de la société Prestalis (par [E] [K] notamment), il n'est, dans la très grande majorité, jamais fait état des prix pratiqués. Les autres pièces versées aux débats ne permettent pas, par type de prestation, de s'assurer d'un accord entre les parties, au cours de leur relation, sur les prix facturés.

Surtout, les tableaux établis prestation par prestation ne reprennent pas les dates de commande ou de réalisation. L'analyse des tableaux et des échanges de courriels joints entre les centres aquatiques, les sociétés [D] réalisations et Prestalis, montre que les prestations sont mentionnées en ordre chronologique de leur réalisation.

Les prestations exécutées dans le budget forfaitaire ne sont toutefois pas justifiées par les courriels versés de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer à quelle date ce budget forfaitaire a été dépassé. Le surlignage appliqué est inutile à cet égard.

Il ne peut ainsi être relié, sans erreur, une prestation à un dépassement du budget.

Ainsi, faute de preuve d'un accord sur les prix facturés et de la détermination des prestations hors budget prévisionnel, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

La société GOPMJ ès qualités fait valoir, à titre subsidiaire, un demande en paiement au titre de l'enrichissement sans cause.

Cette demande ne fait l'objet d'aucun développement dans la partie discussion de ses conclusions.

Aux termes de l'article 1303-3 du code civil, l'appauvri n'a pas d'action sur ce fondement lorsqu'une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription.

Il en résulte que l'appauvrissement et l'enrichissement, qui trouvent leur cause dans une convention conclue entre les parties, ne peuvent ouvrir droit à indemnité sur le fondement d'un enrichissement injustifié et que l'exercice subsidiaire de l'action de in rem verso ne peut pallier la carence de l'appauvri dans l'administration de la preuve d'une créance due en application de cette convention.

En conséquence, la demande de la société GOPMJ ès qualités ayant été rejetée faute de rapporter la preuve de la créance au titre du dépassement du budget forfaitaire à calculer en application du contrat, l'action de in rem verso exercée à titre subsidiaire ne lui est pas ouverte.

La demande subsidiaire est rejetée.

Sur la résiliation du contrat

La société Prestalis reprend les griefs formulés dans la notification de la résiliation. Elle fait valoir que l'article 2 du contrat mettait à la charge de l'EIRL [D] résolutions l'obligation de produire un décompte définitif en fin de période annuelle et l'article 4, l'obligation de faire un point global et complet sur la situation au minimum tous les six mois, obligations non exécutées par l'EIRL [D] résolutions. Elle ajoute que l'EIRL [D] résolutions a facturé fautivement pour 18 centres aquatiques. Elle revient sur le fait que l'EIRL [D] résolutions ait continué à facturer malgré la période de cessation de son activité pendant la pandémie.

La société GOPMJ ès qualités soutient que l'EIRL [D] résolutions n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat, qu'elle a réalisé le décompte définitif de facturation pour les deux exercices et que sa facturation sur la base de 18 centres aquatiques était conforme au contrat. Elle ajoute que la présentation d'un décompte définitif ne fait pas partie des obligations réciproques des parties et ne peut constituer une faute d'une gravité suffisante pour autoriser la résiliation anticipée du contrat.

Elle fait valoir qu'elle n'a pas été mise en demeure de satisfaire à ses obligations et souligne que la résiliation est d'autant plus fautive que la relation était régulière, significative et stable et n'a été précédée d'aucun préavis.

Il n'est pas contesté que le contrat liant les parties était un contrat à durée déterminée ne se renouvelant que par décision conjointe expresse des parties dont le terme était le 2 mai 2022.

L'article 1224 du code civil dispose que :

« la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. »

Selon l'article 1226 du code civil,

« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent (...) »

En application de l'article 1228 du code civil,

« Le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts. »

L'article 9 du contrat prévoit :

« le présent contrat peut être résilié par anticipation en cas de manquement d'une des parties à ses engagements.

L'objet du manquement doit être précisément signalé à son auteur par un courrier recommandé avec accusé de réception la sommant d'y remédier et fixant un délai raisonnable pour ce faire. Ce n'est qu'à l'expiration de ce délai que le contrat pourra être dénoncé (...) »

Les engagements des parties doivent être entendus au sens large à savoir : l'exécution des prestations dans les règles de l'art et le paiement en contrepartie des prestations exécutées mais également, pour la société l'EIRL [D] réalisations l'obligation, selon l'article 4 du contrat « obligations réciproques »: de « prendre l'initiative d(e) faire un point global complet régulièrement et/ou au minimum tous les six mois ».

Ce point complet ne peut s'entendre de la seule émission de factures.

Par courrier recommandé du 15 janvier 2021, la société Prestalis a réclamé à l'EIRL [D] réalisations, sous peine de résiliation du contrat :

- le décompte définitif pour la première période annuelle (expirant le 2 mai 2020) prenant en compte l'absence de prestation pendant le premier confinement,

- des explications sur la surfacturation basée sur la communication de 18 piscines et les avoirs correspondants.

Par courrier du 29 janvier 2021, l'EIRL [D] réalisations a adressé la facture du 24 janvier 2021 pour le dépassement de budget prévisionnel entre le 2 mai 2019 et le 30 avril 2020 pour 17 piscines et les tableaux de prestations réalisées (non datées) au titre de la période courant du 1er mai 2019 au 30 avril 2020.

Aucun avoir pour compenser la facturation des acomptes pour 18 piscines n'était remis.

Par courrier recommandé du 2 avril 2021, la société Prestalis a demandé à l'EIRL [D] réalisations de rectifier sa facturation qu'elle considérait erronée pour avoir tenu compte de 18 centres aquatiques et de périodes sans exécution de prestations pendant la pandémie. Il lui était également toujours demandé un décompte détaillé pour la première période courant de mai 2019 à juin 2020. Par ce courrier, elle a précisé qu'à défaut de réponse dans les quinze jours, elle se prévaudrait des stipulations de l'article 9 et procéderait à la résiliation anticipée de leurs relations commerciales.

Ce courrier, dont il résulte une interpellation suffisante, vaut bien mise en demeure au sens de l'article 9 du contrat.

L'EIRL [D] réalisations a contesté les manquements imputés sans produire les pièces explicatives sollicitées ni réduire la facturation pour tenir compte d'un nombre restreint de centre aquatique malgré l'accord donné à l'été 2020 pour exclure le centre Acorus.

Par courrier recommandé du 27 mai 2021, la société Prestalis a notifié la résiliation anticipée du contrat à l'EIRL [D] réalisations aux motifs suivants :

- l'émission de la facture du 24 janvier 2021 sans justification des tarifs appliqués et de devis acceptés et sans visibilité de la consommation du budget forfaitaire,

- la facturation sur la base de 18 centres aquatiques,

- la facturation sans contrepartie pendant la période de la pandémie,

- la présentation non détaillée du budget courant du 1er mai 2020 au 31 avril 2021, la facturation d'acomptes sans contrepartie et l'absence de point global réalisé tous les six mois.

Il a été retenu que l'EIRL [D] réalisations n'avait pas à prendre en compte la période de la pandémie pour réduire le budget forfaitaire qui lui était alloué. Le motif tiré de l'absence de contrepartie, écarté supra, ne peut donc constituer un manquement justifiant la résiliation anticipée du contrat.

En revanche, les manquements reprochés par la société Prestalis relatifs à l'absence de visibilité de la consommation du budget forfaitaire et de justification des tarifs et devis ont été retenus supra pour rejeter la demande en paiement au titre de la facture du 24 janvier 2021. De même, le manquement tiré de la prise en compte d'un nombre de centres aquatiques erroné, non rectifié sur la facturation, a été admis par le présent arrêt. Ils sont révélateurs de l'inexécution de l'obligation de l'EIRL [D] résolutions de « faire un point global complet » au minimum tous les six mois comme prévu à l'article 4 « obligations réciproques des parties ».

Ces manquements ont conduit, s'agissant de la prise en compte d'un nombre excessif de centres aquatiques, à une surfacturation du budget forfaitaire à hauteur de 6 422 € et, s'agissant du dépassement de budget non explicité par les seuls tableaux communiqués à la demande de la société Prestalis, à une facturation tardive injustifiée de 56 867 € HT, soit plus de la moitié du budget forfaitaire annuel alloué.

Aussi, ces manquements auxquels n'a pas remédié l'EIRL [D] réalisations dans le délai raisonnable accordé justifiaient la mise en oeuvre de la clause résolutoire et, partant, la résiliation anticipée du contrat.

Au surplus, le défaut de communication de données sincères et explicites et la facturation imprécise constituent une inexécution suffisamment grave de l'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi qui ne permet pas sa poursuite en confiance, hors même de l'application de la clause, et justifiaient la résiliation du contrat.

Le contrat ne prévoyait pas de préavis, qu'importe donc la durée de la relation effective entre les parties. En tout état de cause, l'EIRL [D] réalisations a été avisée dès le courrier du 15 janvier 2021, de l'intention de la société Prestalis de mettre un terme au contrat à défaut de réponse à ses demandes, lui laissant un temps suffisant pour apprécier le risque de rupture inhérent à la mésentente.

En conséquence, les demandes indemnitaires fondées sur la résiliation fautive, à savoir la demande au titre du préjudice financier et des indemnités pour licenciement économique, seront rejetées et le jugement confirmé, par substitution de motifs.

Il est relevé que la demande au titre d'un préjudice d'image n'est pas reprise au dispositif des conclusions de la société GOPMJ ès qualités. Il n'y a pas lieu de la déclarer irrecevable comme sollicité par la société Prestalis.

Dépens et frais irrépétibles

Le jugement est infirmé.

Les parties succombant chacune partiellement, la société GOPMJ ès qualités et la société Prestalis seront condamnées à payer chacune la moitié des dépens de première instance et d'appel.

Les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

- Condamné la société Prestalis à payer à Me [P], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations la somme de 100.776 euros hors taxes au titre des mensualités forfaitaires non réglées, outre les intérêts au taux légal à compter du 26 novembre 2020, et ordonné la capitalisation des intérêts,

- Condamné la société Prestalis à payer à Me [P], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté Me [P], es qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] Realisations du surplus de sa demande,

- Condamné la société Prestalis aux entiers dépens,

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Prestalis à payer à la société GOPMJ, prise en la personne de Mme [P], en qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] réalisations la somme de 94 354 € au titre des mensualités forfaitaires impayées augmentée des intérêts au taux légal à compter du 9 août 2022, avec capitalisation des intérêts par année à compter de cette date,

Rejette la demande de la société GOPMJ, prise en la personne de Mme [P], en qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] réalisations au titre de l'enrichissement sans cause,

Rejette la demande aux fins que soit ordonnée la restitution de la somme versée au titre de l'exécution provisoire,

Condamne la société GOPMJ, prise en la personne de Mme [P], en qualité de liquidateur judiciaire de l'EIRL [D] réalisations et la société Prestalis à payer chacune la moitié des dépens de première instance et d'appel,

Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles,

Rejette toute autre demande des parties,

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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