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Décisions

CA Pau, 2e ch - sect. 1, 23 septembre 2025, n° 24/03288

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 24/03288

23 septembre 2025

JG/PM

Numéro 25/2617

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2025

Dossier : N° RG 24/03288 - N° Portalis DBVV-V-B7I-JAR7

Nature affaire :

Demande en paiement des loyers et charges et/ou tendant à la résiliation du bail et/ou à l'expulsion

Affaire :

S.A.R.L. AGENCE FRANCO EUROPEENNE

C/

[U] [C]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 SEPTEMBRE 2025, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 27 Mai 2025, devant :

Joëlle GUIROY, magistrat chargé du rapport,

assisté de Mme SAYOUS, Greffier présent à l'appel des causes,

Joëlle GUIROY, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

Madame Laurence BAYLAUCQ, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.R.L. AGENCE FRANCO EUROPEENNE

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représentée par Me Myriam KERNEIS, avocat au barreau de DAX

INTIMEE :

Madame [U] [C]

née le 29 Janvier 1955 à [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Olivier DIVERNET, avocat au barreau de DAX

sur appel de la décision

en date du 15 OCTOBRE 2024

rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 7]

Exposé du litige et des prétentions des parties :

Selon acte authentique en date du 19 décembre 1989, Mme [U] [E] épouse [C] a consenti à Madame [J] [H] un bail commercial portant sur un local situé [Adresse 11] à [Localité 12] (40) dans un ensemble immobilier cadastré section E N°[Cadastre 4]-[Cadastre 2] et [Cadastre 1], pour une durée de neuf ans à compter du 1er août 1989, moyennant un loyer annuel de 35.580 [Localité 8] TTC.

Depuis, le bail s'est tacitement prolongé et la SARL Agence franco européenne est venue aux droits de Mme [H].

Par acte du 14 mars 2023, la bailleresse a fait signifier à sa locataire un commandement de payer un montant en principal de 6.278,86 euros.

N'obtenant pas satisfaction, par acte du 24 avril 2024. Madame [C] a assigné la SARL Agence franco européenne devant le président du tribunal judiciaire de Dax, statuant en référé, aux fins notamment de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail et ordonner son expulsion ainsi que sa condamnation à lui payer diverses sommes.

Par ordonnance en date du 15 octobre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Dax a :

- déclaré recevable l'action engagée par Mme [U] [C],

- constaté l'absence de contestation sérieuse sur le fond,

- constaté la résiliation du bail commercial à la date du 15 avril 2024,

- débouté la SARL Agence franco européenne de sa demande de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire,

- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la SARL Agence franco européenne, de ses biens et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 11] à [Localité 12] (40), au besoin avec l'assistance de la force publique,

- condamné la SARL Agence franco européenne à payer à Mme [U] [C] ;

1°) une provision de 11.660,74 euros au titre des loyers et des charges arrêtés à la date du 1er septembre 2024, avec intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2024 sur la somme de 6278,86 euros et à compter de la signification de l'ordonnance pour le surplus,

2°) une indemnité d'occupation provisionnelle équivalente au montant du loyer et des charges à compter du 15 avril 2024 jusqu'à complète libération des lieux,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la SARL Agence franco européenne à payer à Mme [U] [C] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamnée aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 14 mars 2024.

Par déclaration au greffe en date du 22 novembre 2024, la SARL Agence franco européenne a formé appel de la décision.

La clôture de l'instruction est intervenue par ordonnance en date du 9 avril 2025.

* * *

Par conclusions en date du 24 janvier 2025, l'appelante demande à la cour de réformer l'ordonnance déférée et de :

Vu les dispositions de l'article L 143-2 du code de Commerce,

- déclarer irrecevable l'action de Mme [C] consistant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et sa demande d'expulsion,

En tout état de cause,

- dire et juger que la demande de constat d'acquisition de la clause résolutoire se heurte à une contestation manifestement sérieuse,

Vu les dispositions de l'article 648 du code de procédure civile,

- constater la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire,

- débouter Mme [C] de sa demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire qui se heurte à une contestation manifestement sérieuse,

A titre très subsidiaire,

Vu l'article L 145-41 alinéa 2 du code de commerce et l'article 1343-5 du code civil, - suspendre l'application et les effets de la clause résolutoire,

- lui accorder un délai de deux ans pour le paiement des arriérés de loyers,

Condamner Mme [C] au paiement de la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

* *

Par dernières conclusions en date du 7 février 2025, l'intimée demande à la cour

In limine litis, de :

- ordonner la radiation de l'affaire enrôlée sous le numéro RG 24/3288, - condamner la société Agence franco européenne à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'incident en ce compris les frais d'exécution à venir ;

A titre principal :

- confirmer en son intégralité l'ordonnance entreprise,

y ajoutant :

- condamner la société Agence franco européenne à la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure d'appel.

MOTIFS :

- Sur la demande de radiation :

Mme [C] sollicite de la cour la radiation de l'appel interjeté par la SARL Agence franco européenne sur le fondement des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile au motif que cette dernière n'a pas procédé au règlement des sommes mises à sa charge par le jugement déféré.

Aux termes des dispositions de l'article 524 du code de procédure civile, lorsque l'exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier Président ou, dès qu'il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d'appel, décider à la demande de l'intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l'affaire lorsque l'appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d'appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l'article 521, à moins qu'il lui apparaisse que l'exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l'appelant est dans l'impossibilité d'exécuter la décision.

Ces dispositions ne confèrent aucun pouvoir de radiation à la cour au titre de l'absence d'exécution de l'ordonnance du 15 octobre 2024, cette prérogative appartenant au premier président ou au conseiller de la mise en état.

Or il n'a pas été procédé à leur saisine dans les délais prévus et il convient de relever qu'il s'agit de compétences exclusives au profit du premier président et du conseiller de la mise en état en application des articles 913-5 et 524 du code de procédure civile. Cette demande excédant les pouvoirs de la cour, elle sera rejetée.

- Sur la fin de non-recevoir tenant à la recevabilité de l'action de la bailleresse consistant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et sa demande d'expulsion :

L'appelante soutient que la demande de résolution de plein droit du bail commercial formée par Mme [C] est irrecevable et en tout hypothèse se heurte à des contestations sérieuses, au motif qu'elle ne l'a pas dénoncée à Toyota France financement, créancier inscrit, dans le délai requis d'un mois, la dénonciation faite le 13 juin 2024 ne valant pas régularisation alors que le défaut de notification lui cause grief et porte atteinte à ses droits dans la mesure où le créancier inscrit ne peut de ce fait se substituer à elle et exécuter ses obligations pour éviter la résiliation du bail.

L'intimée lui rétorque que l'absence de notification régulière n'a pour effet que de rendre la résiliation ainsi que la procédure suivie inopposables au créancier inscrit.

Par application de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

L'article L143-2 du code de commerce dispose que le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile déclaré par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu'après un mois écoulé depuis la notification.

Cette disposition a pour but de permettre aux créanciers inscrits de protéger leur gage sur le fonds de commerce en agissant contre la résiliation du bail susceptible de conduire à la perte du fonds, par exemple, en exécutant les obligations du locataire en matière de paiement des loyers, ou en intervenant à l'instance en résiliation pour assurer la défense du locataire ou celle de leur privilège.

Ainsi, lorsque le propriétaire qui poursuit la résolution du bail omet de notifier sa demande à un créancier inscrit, la résiliation prononcée est inopposable à ce créancier qui peut seul se prévaloir de l'inobservation de cette prescription légale. Le locataire ne peut lui-même en tirer argument devant la juridiction saisie.

Au cas présent, il résulte de l'état certifié des inscriptions produit par l'appelante que la société Toyota France financement a la qualité de créancier inscrit au titre d'une créance de crédit-bail en matière mobilière en garantie d'un montant de 19.797,92 euros au sens de l'article L143-2 du code de commerce.

La société Toyota France financement peut, et elle seule, se prévaloir du non-respect de l'article L 143-2 du code de commerce et en faire tirer la conséquence que la décision constatant la résiliation du bail lui est inopposable.

En conséquence, la demande de la locataire visant à voir déclarer irrecevable ou à tout le moins comme se heurtant à une contestation sérieuse la demande de résiliation du bail commercial présentée par Mme [C] ne peut prospérer.

- Sur la validité du commandement de payer et ses conséquences :

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'expulsion d'un locataire commercial devenu occupant sans droit ni titre en vertu du jeu d'une clause résolutoire de plein droit peut être demandée au juge des référés du tribunal judiciaire en application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, dès lors que le maintien dans les lieux de cet occupant constitue un trouble manifestement illicite ou qu'à tout le moins l'obligation de libérer les lieux correspond dans cette hypothèse à une obligation non sérieusement contestable.

Cependant, il n'appartient pas à la cour, statuant comme juge des référés, de prononcer la nullité d'un commandement de payer mais elle peut, avec les pouvoirs qui sont les siens dans le cadre de la procédure de référé, déterminer si les éventuelles irrégularités invoquées à l'encontre du commandement sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail et dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable et en application des dispositions de l'article 835 alinéa 2, allouer une provision au créancier.

Au cas présent, le commandement de payer délivré le 14 mars 2024 par Mme [C] à la SARL Agence franco européenne visant la clause résolutoire mentionne une somme à payer au principal de 6.278,86 euros ;

Ce commandement vise le bail et reproduit ses dispositions comportant la clause résolutoire dont il est demandé l'application.

Il fait référence aux articles L.145-41 à L. 145-60 du code de commerce et développe les dispositions des articles L 145-41 et L 145-17 de ce code.

Il comporte la liste des mois de loyers et charges comptabilisés au titre de la somme due, soit les sommes dues au titre des mois de septembre 2023 à mars 2024.

Il en résulte que le commandement de payer est suffisamment précis pour permettre au preneur du bail commercial de connaître la nature précise des sommes dues et ainsi la cause et la période relevant de la créance dont le payement est réclamé.

Il est demeuré infructueux dans le délai d'un mois, ce qui n'est pas contesté par la SARL Agence franco européenne.

L'obligation de payement de la locataire n'est donc pas sérieusement contestable.

La décision déférée sera dès lors confirmée en ce qu'elle a retenu que les conditions pour que la résiliation du bail intervienne de plein droit le 15 avril 2024, soit un mois après la délivrance du commandement, étaient réunies et a condamné la SARL Agence franco européenne à payer à Mme [C] la somme de 11.660,74 euros à titre de provision, correspondant au montant des loyers et charges arrêté au 1er septembre 2024 (septembre 2024 compris), avec intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2024, date du commandement de payer, sur la somme de 6278,86 euros et à compter de la signification de l'ordonnance pour le surplus.

- Sur la demande de délais de payement :

L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Aux termes des dispositions de l'article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Se fondant sur ces dispositions, la SARL Agence franco européenne sollicite l'octroi de délais arguant que la perte de son bail entraînera la perte de son fonds valorisé depuis de nombreuses années alors qu'elle ne connaît que des difficultés passagères liées à la crise économique actuelle qui devraient, selon elle, se résorber sans tarder.

Pourtant, elle ne justifie d'aucun payement de sa dette ni d'aucune perspective permettant d'envisager une meilleure santé financière.

En effet, elle ne verse ni bilan ni compte de résultats ni encore échéancier lui permettant de s'acquitter de sa dette dans le délai de payement sollicité, ceci alors que selon la bailleresse sa dette locative s'est aggravée en l'absence de reprise de règlement des loyers courants.

Aussi, la demande de délais comme celle subséquente de suspension de l'application et des effets de la clause résolutoire sera rejetée en confirmation de l'ordonnance déférée.

Le surplus des dispositions de cette ordonnance n'est pas discuté, il n'y a pas lieu de les remettre en cause.

- Sur les dispositions accessoires :

La SARL Agence franco européenne, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée de sa demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera enfin condamnée à payer à Mme [C] la somme de 1.000 euros pour les frais non répétibles qu'elle a exposés en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort

Déboute Mme [C] de sa demande de radiation de l'affaire ;

Confirme l'ordonnance en date du 15 octobre 2024 en toutes ses dispositions déférées à la cour

Y ajoutant,

- condamne la société Agence franco européenne aux dépens d'appel,

- condamne la société Agence franco européenne à payer à Mme [C] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Mme SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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