CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 22 septembre 2025, n° 24/01159
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 24/01159 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JEWE
CRL/JLB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ALES
15 mars 2024
RG :23/00022
S.A.S. CLINIQUE [Localité 11]
C/
[S]
Grosse délivrée le 22 SEPTEMBRE 2025 à :
- Me COQUELLE
- Me DEPLAIX
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALES en date du 15 Mars 2024, N°23/00022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Mai 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 Septembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. CLINIQUE [Localité 11]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Priscilla COQUELLE, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
Madame [U] [S]
née le 02 Avril 1969 à [Localité 9]
[Adresse 12]
[Localité 2]
Représentée par Me Guilhem DEPLAIX, avocat au barreau de MONTPELLIER
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 22 Septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [U] [G] [T] a été embauchée à compter du 18 février 2013 suivant contrat de travail à durée indéterminée par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] en qualité de directrice administrative, catégorie cadre supérieur pour une rémunération mensuelle brute de 4 500 euros majorée de 500 euros en contrepartie des astreintes.
Par avenant du 1er juin 2014, sa rémunération mensuelle a été portée à 5 138,20 euros auxquels s'ajoutaient 500 euros en contrepartie des astreintes. Au dernier état de la relation contractuelle, le salaire mensuel brut moyen de Mme [U] [G] [T] s'élevait à 6 722,59 euros.
La relation de travail est soumise à la Convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.
Du 8 novembre 2021 au 28 février 2022, Mme [U] [H] bénéficiait d'un congé d'adoption.
Mme [U] [H] a été placée en arrêt de travail du 14 avril 2022 au 2 mai 2022 puis du 13 juin 2022 au 29 juillet 2022.
Le 28 octobre 2022, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] lui demandait des explications suite à un rapport de l'[Localité 3] relatif à un contrôle de l'établissement les 21 et 22 septembre 2022.
Le 2 novembre 2022, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] convoquait Mme [U] [G] [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Mme [U] [G] [T] était placée en arrêt maladie pour accident du travail le 3 novembre 2022 selon certificat médical initial établi par un psychiatre de la Clinique.
Par courrier du 2 novembre 2022, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé à la date du 15 novembre 2022.
Par courrier en date du 18 novembre 2022, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] notifiait à Mme [U] [H] son licenciement pour faute grave.
Par requête du10 mars 2022, Mme [U] [H] a saisi le conseil de prud'hommes d'Ales en contestation de sa mesure de licenciement et aux fins de voir condamner la SAS Clinique de [10] au paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.
Par jugement du 15 mars 2024, le conseil de prud'hommes d'Ales a :
- dit que Mme [U] [H] n'a pas subi de harcèlement moral,
- débouté Mme [U] [H] de sa demande de dommages-intérêts en réparation des actes de harcèlement moral subi,
- dit et jugé que le licenciement prononcé en date du 18 novembre 2022 par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] à l'encontre de Mme [U] [H] est nul,
- fixé le salaire brut mensuel de référence à 6 722,59 euros bruts (six mille sept cent vingt deux euros cinquante neuf centimes bruts),
- dit que le licenciement de Mme [U] [H] est sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à verser à Mme [H] les sommes de :
- 40 335,54 euros nets correspondant à six mois de salaire au titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
- 40 335,54 euros bruts à titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 4 033,55 euros bruts à titre de congés payés y afférents,
- 52 100,07 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 5 202,90 euros bruts au titre de rappel de prime du 13ème mois pour l'année 2022,
- 520,29 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
- 900 euros nets au titre de la prime de pouvoir d'achat,
- condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à abonder le compte CPF de Mme [U] [H] à hauteur de 3 000 euros,
- ordonné à la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] de délivrer à Mme [U] [H] l'attestation France Travail, les bulletins de paie et les documents de fin de contrat rectifiés et de régulariser sa situation auprès des organismes sociaux conformément au présent jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification du présent jugement,
- dit que le conseil se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte,
- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire au titre de l'article 515 du code de procédure civile,
- rappelé que ces condamnations emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse en ce qui concerne les créances salariales et à compter du jugement en ce qui concerne les créances indemnitaires, faisant droit à la demande de capitalisation en tant que de besoin,
- ordonné en application des articles L.1235-4 et L.1235-5 du code du travail le remboursement par la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] des indemnités de chômage versées à Mme [U] [H], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite d'un mois d'indemnité de chômage,
- dit que le greffe adressera une copie du présent jugement à France Travail (...),
- condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à payer à Mme [U] [H] le somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] aux entiers dépens y compris ceux éventuellement nécessaires à l'exécution du présent jugement par commissaire de justice,
- débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes, fins et prétentions.
Par acte du 29 mars 2024, la SAS Clinique de [Localité 11] a régulièrement interjeté appel de la décision.
Par ordonnance en date du 6 février 2025, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 25 avril 2025. L'affaire a été fixée à l'audience du 27 mai 2025.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 26 septembre 2024, la SAS Clinique de [Localité 11] demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel de la décision rendue le 15 mars 2024 par le conseil de prud'hommes d'Alès ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le licenciement de Mme [U] [H] nul et sans cause réelle et sérieuse
- infirmer le jugement entreprise en ce qu'il l'a condamnée à lui régler les sommes de :
'40.335,54 euros au titre de l'indemnité de préavis et 4.033,55 euros au titre des congés payés afférents,
'52.100,07 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
'40.335,54 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
'5.209,90 euros à titre de rappel de prime de 13ème mois et 520,09 euros de congés payés induits,
'900 euros au titre de la prime de pouvoir d'achat,
'3.000 euros au titre de l'abondement du cpf,
'1000 euros au titre de l'article 700 du cpc, outre les dépens,
- déclarer que le licenciement de Mme [U] [H] repose sur une faute grave ;
- débouter Mme [U] [H] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, à titre de rappels de salaire et de remise de documents sous astreinte,
- déclarer n'y avoir lieu au remboursement des indemnités de chômage,
- recevoir Mme [U] [H] en son appel incident et la déclarer mal fondée ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté Mme [U] [H] de ses demandes présentées au titre du harcèlement moral, de la dégradation des conditions de travail,
- débouté Mme [U] [H] de sa demande au titre de la nullité du licenciement pour violation des articles l1152-2 et l1152-3 du code du travail,
- condamner Mme [U] [H] aux entiers dépens,
- condamner Mme [U] [H] à lui régler la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la SAS Clinique de [Localité 11] fait valoir que :
- la réalité des griefs visés à la lettre de licenciement est établie et n'est pas contestée par Mme [U] [G] [T],
- contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, la notification d'une mise à pied à titre conservatoire n'est pas une condition du licenciement pour faute grave,
- c'est le courrier de Mme [U] [G] [T] en réponse à l'[Localité 3] en date du 28 octobre 2022 qui lui a permis de comprendre que les manquements dénoncés lors du contrôle de l'établissement étaient imputables à l'intimée,
- contrairement à ce que soutient Mme [U] [G] [T], les faits qui lui sont reprochés, et sur lesquels elle a répondu à l'autorité de tutelle, entrent dans son champ de compétence, étant recrutée en qualité de directrice d'établissement,
- de même, elle était associée à la direction de l'établissement ; si ce n'était pas le cas, le président ne l'aurait pas sollicitée afin de réfléchir aux projets de la Clinique et de former des propositions en [4],
- le courrier de l'[Localité 3] énonce clairement la gravité des manquements constatés, et formule en conclusion une mise en garde solennelle ' l'ensemble des faits constatés révèlent des dysfonctionnements et des manquements graves qui portent atteinte à la santé et à la sécurité des patients et présentent un risque très élevé de maltraitance dans un contexte de gouvernance qui n'apporte pas de garanties sur les conditions d'organisation et de fonctionnement de la clinique', et la directrice était sommée de présenter sous 8 jours ses observations et les mesures correctrices adoptées ou envisagées,
- Mme [U] [G] [T] ne peut sérieusement contester que la gouvernance de la clinique était de sa seule responsabilité, qu'il s'agisse de la réparation du portail, du nettoyage du local DASRI, de la prise en charge des patients, du stockage des produits stupéfiants, ou de la dégradation des conditions de travail du personnel,
- l'[Localité 3] indiquait clairement que la poursuite de l'activité de la clinique était en jeu, compte tenu de la gravité des manquements, cette mise en garde consistant en un véritable désaveu de la gouvernance de l'établissement,
- par ailleurs, alors qu'elle était soumise à une obligation de confidentialité, Mme [U] [G] [T] a largement diffusé le pré-rapport adressé par l'[Localité 3], ainsi qu'en attestent des courriels en date des 14 et 17 octobre 2022, notamment à des médecins de l'établissement, pour finir dans la presse,
- Mme [U] [G] [T] tente de se défausser de sa responsabilité en minimisant son rôle au sein de l'établissement,
- Mme [U] [G] [T] a par ailleurs violé le secret médical par la production de plusieurs CODIR mentionnant le nom de patients, ce qui suffit également à caractériser une faute grave,
- subsidiairement, si la faute grave était écartée, il conviendrait de confirmer les sommes allouées par le premier juge,
- la demande présentée au titre de l'abondement du CPF ne saurait prospérer, Mme [U] [G] [T] ayant bénéficié d'un entretien de reprise à son retour de congés en mars 2022,
- le licenciement étant intervenu le 18 novembre 2022, Mme [U] [G] [T] ne pouvait prétendre à la prime de pouvoir d'achat qui suppose d'être toujours sous contrat à la date de son versement le 30 novembre, ni au versement du 13è mois,
- contrairement à ce que soutient Mme [U] [G] [T], son licenciement participe d'un motif disciplinaire étranger à une quelconque situation de harcèlement moral,
- les éléments invoqués par Mme [U] [G] [T] pour qualifier un harcèlement moral de la part de M. [K] sont inopérants et contredits par les éléments factuels résultant des pièces versées aux débats,
- elle a été particulièrement réactive dès lors que Mme [U] [G] [T] avait dénoncé ces faits, notamment en notifiant à M. [K] un avertissement suite à l'entretien préalable du 20 octobre 2022,
- Mme [U] [G] [T] soutient que la concomitance entre la dénonciation des faits de harcèlement moral et la mise en oeuvre de son licenciement implique que la seconde soit la conséquence de la première, ce qui revient à oublier les graves manquements notifiés par l'[Localité 3] qui sont à l'origine de la procédure, laquelle a été mise en oeuvre antérieurement à cette dénonciation,
- par suite, le licenciement n'est entaché d'aucune nullité.
Aux termes de ses dernières écritures d'intimé, contenant appel incident, en date du 1er août 2024, Mme [U] [H] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a dit qu'elle n'avait pas subi d'actes de harcèlement moral et l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts en réparation des actes de harcèlement moral subi,
- condamner la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à lui verser la somme de 30.000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de harcèlement moral subi,
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a dit que son licenciement est nul,
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à lui verser la somme de 40.335,54 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
- condamner la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à lui verser la somme de 100.000 euros nets de CSG/CRDS et de charges sociales à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à lui verser la somme de 40.335,54 euros bruts à titre de d'indemnité compensatrice de préavis ; outre la somme de 4.033,55 euros bruts à titre de congés payés y afférents,
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à lui verser la somme de 52.100,07 euros nets à titre de d'indemnité de licenciement,
- condamner la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à lui verser la somme de 54.100,06 euros nets à titre de d'indemnité de licenciement,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à lui verser la somme de 5.202,90 euros bruts à titre de rappel de prime de 13e mois pour l'année 2022 ; outre la somme de 520,29 euros bruts à titre de congés payés y afférents,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à lui verser la somme de 900 euros nets à titre de prime de pouvoir d'achat,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à abonder son le compte CPF à hauteur de 3.000 euros,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à lui délivrer des bulletins de paie ainsi qu'une attestation pole emploi conformes sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; la cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux compétents sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; le conseil se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à lui verser la somme 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à lui verser la somme 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
- condamner la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses demandes, Mme [U] [H] fait valoir que :
- elle a été recrutée en qualité de directrice administrative, et avait en charge initialement la gestion administrative de trois établissements, la clinique neuropsychiatrique de [Localité 11], la clinique de [Localité 7], et le Centre de soins de suite et de réadaptation,
- suite au recrutement de M. [K] au cours de l'année 2017, celui-ci a pris en charge la clinique de [Localité 7], puis à compter de juillet 2021 le centre de soins de suite et de réadaptation,
- elle subissait depuis des années des actes malveillants du PDG, M. [D],
- elle a été remplacée pendant son congé d'adoption par M. [K] qui ne cachait pas souhaiter prendre sa place également à la tête de la clinique,
- à son retour de congé d'adoption, elle subissait à nouveau des actes de harcèlement moral de la part de M. [K], dont le bureau se situait à 50 mètres du sien, notamment à l'occasion du CODIR du 13 avril 2022 au cours duquel il l'insultait,
- elle faisait le lendemain une crise d'hypertension sur son lieu de travail et était placée en arrêt de travail pour accident du travail,
- elle dénonçait le harcèlement subi par courriel du 5 octobre 2022, adressé à M. [D] qui ne prenait aucune mesure, et le 3 novembre 2022 elle était de nouveau placée en accident du travail pour cause d'hypertension,
- lors de l'entretien préalable du 15 novembre 2022 auquel elle avait été convoquée par courrier du 2 novembre 2022, il lui était reproché plusieurs griefs dont aucun n'est visé à la lettre de licenciement pour faute grave qui lui a été notifié,
- le harcèlement moral qu'elle dénonce résulte du comportement de M. [K] à son encontre notamment en CODIR, de sa surcharge de travail, et si M. [D] a reconnu l'existence de ces actes de harcèlement, il n'a pris aucune mesure pour la protéger mais l'a convoquée à un entretien préalable, M. [K] se voyant remettre la veille de son licenciement un courrier d'avertissement,
- ensuite de sa dénonciation des faits de harcèlement moral, son licenciement est entaché de nullité,
- il est également nul puisque notifié alors qu'elle était en arrêt de travail pour cause d'accident de travail, et qu'aucune faute grave n'est caractérisée à son encontre,
- la visite de l'[Localité 3] est intervenue les 21 et 22 septembre 2022, le courrier d'observations est daté du 10 octobre 2022, reçu par la clinique le 14 octobre 2022, elle y a répondu conjointement avec le président le 28 octobre 2022 et ce n'est que le 2 novembre 2022 qu'elle a été convoquée à un entretien préalable, sans faire l'objet d'une mise à pied conservatoire,
- alors qu'elle n'a jamais fait l'objet de la moindre observation sur la qualité de son travail, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] ne peut pas démontrer qu'elle a commis des manquements réitérés traduisant une mauvaise volonté délibérée,
- les termes de la lettre de licenciement ' désengagement dans la gestion de la clinique', ' désinvolture', 'négligence' sont du registre de la négligence professionnelle et non de la faute grave,
- sur le fond, les griefs qui sont formulés à son encontre dépassent le champ de sa compétence,
- contrairement à ce qui est soutenu par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11], elle n'était pas directrice d'établissement mais directrice administrative, et sa délégation de pouvoir est limitée à la seule responsabilité administrative,
- au surplus, sa délégation de pouvoir n'est pas valable puisqu'elle n'a jamais disposé des moyens nécessaires pour l'exercer utilement et efficacement, ni de l'autorité suffisante pour l'exercer, l'autorisation de M. [D] étant un préalable obligatoire à chaque décision,
- outre l'absence de caractérisation à son encontre des griefs formulés dans la lettre de licenciement, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] vise dans ses écritures de nouveaux griefs relatifs à la mise en péril de l'activité suite à un courrier de l'[Localité 3] en date du 30 novembre 2022, soit postérieurement à son licenciement ; à la diffusion du rapport de l'[Localité 3] et l'intention de nuire ; à la dégradation des conditions de travail des salariés ,
- elle n'a été présente effectivement à son poste de travail que 4 mois sur l'année 2022 et était lors de ses absences remplacée par M. [K],
- l'indemnisation de son licenciement infondé doit tenir compte de sa situation personnelle, de son ancienneté et des difficultés qu'elle rencontre encore actuellement pour retrouver un emploi,
- s'agissant de la prime de 13ème mois, tenant la nullité de son licenciement, elle lui est due même si elle n'était plus présente dans l'établissement à la date de son versement, de même que la prime de pouvoir d'achat,
- enfin, conformément aux dispositions de l'article L 6323-13 du code du travail, elle peut prétendre faute d'entretien professionnel au cours des 6 dernières années, à l'abondement de son compte personnel de formation à hauteur de 3.000 euros à la charge de la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11].
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
Demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
* harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
Au soutien de sa demande de 30.000 euros de dommages et intérêts, Mme [U] [G] [T] invoque un comportement harcelant de M. [K] à son encontre qui s'est accentué à son retour de congé d'adoption , notamment sous forme d'insultes lors du CODIR du 13 avril 2022, et une surcharge de travail à compter de son retour d'arrêt du travail suite à son accident du travail du 14 avril 2022, lesquels ont eu des répercussions sur son état de santé et ont abouti à son placement en arrêt de travail pour accident du travail en raison de crises d'hypertension.
Elle verse aux débats les éléments suivants :
- le compte-rendu du CODIR du 13 avril 2022 dans lequel elle précise que s'il est mentionné uniquement ' Lors de la visite de [I] [D] (MV), les points analysés ont fait l'objet
d'échanges parfois différents mais sont restés fermes et courtois' M. [K] l'a en fait agressée verbalement en la traitant de nulle et d'incompétente,
- ses bulletins de paie qui mentionnent un arrêt pour accident du travail du 14 avril au 2 mai 2022, puis du 13 juin au 29 juillet 2022, puis à compter du 3 novembre 2022, outre des congés payés du 8 au 20 août 2022,
- le compte-rendu du CODIR du 4 mai 2022 dans lequel il est indiqué : ' MV souhaite une certification commune piloté par Mme [G] du fait de sa maitrise des deux sites, du management des deux précédentes certifications et car nous sommes une UES. Réunion COPIL COMMUN à organiser mercredi 20/04 à 10h en fonction de la présence des pilotes.
Mme [H] ne souhaite pas s'occuper de la certification des deux établissements CSSR et psychiatrie ( uniquement celle de psychiatrie ) et ne souhaite pas être responsable de l'avancée des taches à réaliser du CSSR. MV rappelle cette obligation.
Mme [H] proposera un planning de réunion COPIL mensuelle jusqu'à la fin de l'année. Ce planning sera fonction de la présence des référentes hygiène ou douleur des 2 sites',
- le compte-rendu du CODIR du 2 juin 2022 dans lequel il est indiqué : ' MV souhaite une certification commune piloté par Mme [G] du fait de sa maitrise des deux sites, du management des deux précédentes certifications et car nous sommes une UES',
- un échange de courriel avec M. [K] en date du 30 septembre 2022 ayant pour objet ' proposition planning d'astreinte et modification' dans lequel Mme [U] [G] [T] indique : ' Bonjour [R], comme je le précisai sur mon mail, il s'agit d'une proposition pour avis et commentaires
Je ne t'ai pas mis les jours d'astreinte d'affilé au mois de décembre pour éviter de te bloquer le weekend de Noël et de Nouvel An. Tu es d'astreinte uniquement le weekend de Nouvel An.
J'ai toujours été d'astreinte soit pour Noël, soit pour le nouvel an lorsque je suis présente.
Pour information, j'ai également été d'astreinte lors des deux fêtes de fin d'année lorsque je m'occupai des 3 sites. C'est parfois le 'jeu' lorsque l'on est directeur.
Pour cette année, [O] n'a pas de contrainte particulière et s'est proposé d'être d'astreinte pour Noël.
Je te remercie par avance de me faire parvenir tes dates de congés pour le mois de décembre de manière à ce que je puisse replanifier les astreintes pour chacun d'entre nous.
Bonne journée',
et la réponse ' [U], il fallait le prendre comme avis et commentaire à ta proposition unilatérale et imposée comme à ton habitude. Je t'avertissais juste que je ne serai probablement pas là pendant les fêtes.
Pour ma part, j'étais présent les 5 dernières années pour les fêtes ... pour les 3 établissements, preuve de MON sérieux et de mon investissement, si tu prends cela comme 'un jeu' je comprends mieux TES résultats sur les deux établissements que j'ai récupéré après ton passage voire les trois pendant tes mois d'absences et pourquoi il ne t'en reste plus qu'un. Bien sûr nous pouvons en discuter lors d'un entretien. Cdlt',
- un courriel en date du 3 octobre 2022 adressé par M. [K], ayant pour objet ' transfert patients psy vers CSSR' pour lequel le message d'origine de Mme [U] [G] [T] n'est pas produit, dans lequel le second indique ' [U] bonjour, le SSR accueillera avec plaisir les patients de la psy et éventuellement le personnel qui reste ou qui le désire. Cependant, je ne peux cautionner l'accueil de ses patients
au SSR y étant en responsabilité dans les conditions chaotiques de l'été 2021 ! Non-respect du circuit du médicament, numéro de chambre incorrect sur AXILA psy pour le SSR ... un seul code pour IDE et ASDE de tout le service... Une telle organisation amateuriste est dangereuse pour les soignants et les patients, le nécessaire est pour le moment bien vu par les services de l'État contrairement la psychiatrie, ne nous attirons pas plus de problèmes... je te propose d'accueillir par 'mutation' les patients de psy et qu'ils soient admis après validation de leur dossier par notre médecin titulaire et mon équipe soignante comme tout autre patient. La Camargue pourra également accueillir quelques patients après étude de leur dossier.
Je reste à ta disposition pour plus d'information sur l'organisation des établissements sous ma responsabilité.',
- un courriel de M. [K] en date du 4 octobre 2022 ayant pour objet 'mise en place d'axila psy au SSR' dans lequel il indique ' Bonjour [U], aucune mutation des services de psychiatrie ne doit être validée sans mon accord et sans dossier AXILA SSR, avec l'organisation que j'ai vue avec M. [D]. Malgré le fait qu'AXILA psy soit installé en ce moment sur les ordinateurs du SSR, je demande au personnel du SSR de ne pas l'ouvrir et de ne surtout pas l'utiliser.
Les patients des anémones ( punaises de lits ) ne seront pas accueillis afin de ne pas déplacer le problème vers les personnes fragiles que nous accueillons.
Je rappelle que je ne valide aucunement l'organisation que tu as proposé.',
- son courriel en date du 5 octobre 2022 adressé à M. [D] ayant pour objet ' Harcèlement de M [R] [K]' dans lequel elle indique ' Bonjour M. [D], vous êtes en copie des nombreux mails que M. [K] m'adresse depuis quelques jours portant atteinte à ma dignité et à mes qualités professionnelles. Pour la sérénité de tous, je vous demande d'intervenir pour stopper ce comportement qui correspond à la définition du harcèlement. Je vous remercie par avance de faire le nécessaire afin de stopper ce type d'agissement. Je souhaiterai travailler dans la sérénité. Bien à vous, [U]',
- la réponse par courrier datée du 5 octobre 2022 de M. [D] ' Chère madame, j'ai bien reçu votre message en début de matinée et compte tenu des faits que vous relatez, je vous propose de nous rencontrer à la Clinique le 06 octobre 2022 en début d'après-midi pour me permettre de procéder à une évaluation de la situation et réfléchir s'il y a lieu aux moyens éventuels à mettre en place pour y remédier. S'agissant de nos échanges, je vous remercie de ne pas mettre en copie [A] qui s'occupe de la comptabilité de la Clinique au siège, ou Me [J] qui est le conseil habituel de la Clinique. D'ici notre rencontre, je vous invite à ne pas correspondre davantage avec Monsieur [K]. Cordialement',
- le questionnaire LIPT renseigné manuscritement, sur lequel 13 items sont cochés,
- son courriel en date du 10 octobre 2022 adressé à M. [D] ayant pour objet ' procédure harcèlement JFV' dans lequel elle indique ' Bonjour M. [D], je vous remercie de vous être déplacé jeudi 6 octobre pour échanger sur le contenu des mails successifs envoyés par JFV portant atteinte à ma dignité et à mes qualités professionnelles. Je compte sur vous pour régler définitivement le problème en interne au plus tard vendredi 14 octobre. A défaut, je serai dans l'obligation de déclencher la procédure vendredi après midi auprès de la médecine du travail, de l'inspection du travail, des membres du CSE, du référent harcèlement et de la gendarmerie. Restant à votre disposition, Bien à vous, [U]',
- la réponse par courrier datée du 11 octobre 2022 de M. [D] ' Madame, Vous m'avez saisi le 5 octobre 2022 des difficultés relationnelles entre Monsieur [K] et vous-même. Le jour-même, je vous ai proposé de me rendre sur place afin de procéder à une évaluation de la situation ; nous avons pu échanger à ce sujet le jeudi 6 octobre.
Ma priorité est de m'assurer du bon fonctionnement des établissements placés sous la responsabilité de chacun de vous, ce qui suppose qu'il soit mis un terme aux agissements susceptibles de créer un climat de défiance entre les collaborateurs.
Afin de restaurer la sérénité qui est indispensable à l'exercice de vos fonctions, je vais superviser dans l'immédiat les questions qui impliquent des échanges entre Monsieur [K] et vous-même afin d'être votre seul interlocuteur.
Je vous invite donc à me rendre destinataire des courriels normalement destinés à votre collègue, les questions seront tranchées par mes soins dans le seul intérêt de l'établissement concerné.
Veuillez croire, Monsieur, en l'assurance de ma considération distinguée',
- son courrier en date du '18 octobre' à M. [D] ayant pour objet ' réponse à votre courrier du 11 octobre', dans lequel elle insiste sur le fait qu'elle n'a pas dénoncé des difficultés relationnelles avec M. [K] mais du harcèlement moral, reprend l'historique des échanges dénoncés supra et vise deux autres courriels en date des 9 septembre et 27 septembre 2022 et conclut en indiquant ' je vous demanderai à nouveau de vous positionner définitivement au plus tard le 28 octobre. A défaut, je serais dans l'obligation de prendre des dispositions et de saisir les juridictions compétentes comme je l'avais énoncé dans le mail du 10 octobre 2022".
Elle se réfère également à une des pièces produites par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] :
- un courrier de M. [D], daté du 2 novembre 2022, remis à M. [K] le 17 novembre 2022 ainsi formulé : ' Par la présente, je fais suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 20 octobre dernier et à l'occasion duquel je vous ai exposé les raisons qui m'ont conduit à envisager à votre égard une sanction disciplinaire.
Compte tenu des explications que vous m'avez fournies et des éclaircissements apportés, notamment en raison de votre préoccupation constante des intérêts de la Clinique, je vous informe que je ne prononcerai pas de sanction.
Il me semble néanmoins nécessaire d'attirer votre attention sur la forme de vos échanges avec les différents collaborateurs du groupe. En effet, si je peux concevoir que vous exprimiez des désaccords ou que vous attiriez mon attention sur des difficultés qui nécessitent mon intervention, il me semble en revanche indispensable d'éviter toute publicité de ces critiques et de les formuler en des termes modérés.
Dans l'immédiat, et pour permettre un retour à l'apaisement, certaines tâches mutualisées entre les cliniques de [Localité 11] et de [Localité 7] notamment les astreintes médicales et administratives seront directement gérées par mes soins et dans le seul intérêt des établissements.
Veuillez recevoir, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées',
Ces éléments pris dans leur ensemble n'établissent pas une présomption de harcèlement moral dès lors qu'excepté les affirmations de Mme [U] [G] [T], sur les deux courriels adressés par M. [K] le premier contient des propos désobligeants directement envers l'intimée, le second ne la vise pas spécifiquement mais dénonce un 'amateurisme' dans la gestion informatique des données des patients ; que les arrêts de travail pris en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels ne signifient pas de facto une situation de harcèlement moral ; de même que la prise en compte par sa hiérarchie des difficultés rencontrées dans ses relations avec son homologue.
En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a débouté Mme [U] [G] [T] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et la décision déférée sera confirmée sur ce point.
* demande au titre du CPF
L'article L. 6323-13 du code du travail dispose que dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le salarié n'a pas bénéficié, durant les six ans précédant l'entretien mentionné au II de l'article L. 6315-1, des entretiens prévus au même article L. 6315-1 et d'au moins une formation autre que celle mentionnée à l'article L. 6321-2, un abondement est inscrit à son compte dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat et l'entreprise verse une
somme dont le montant, fixé par décret en Conseil d'Etat, ne peut excéder six fois le montant annuel mentionné à l'article L. 6323-11. Le salarié est informé de ce versement.
L'article R. 6323-3 du Code du travail fixe le montant de la somme forfaitaire visée à l'article L. 6323-13 à 3 000 euros.
L'article L 6315-1 du code du travail définit l'entretien professionnel comme étant un entretien entre le salarié et son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l'expérience, à l'activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l'employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.
Cet entretien doit avoir lieu à l'embauche, puis tous les deux ans est également proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l'issue d'un congé de maternité, d'un congé parental d'éducation, d'un congé de proche aidant, d'un congé d'adoption, d'un congé sabbatique, d'une période de mobilité volontaire sécurisée, d'une période d'activité à temps partiel, d'un arrêt longue maladie ou à l'issue d'un mandat syndical.
Au visa de ces textes, Mme [U] [G] [T] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] à abonder son CPF d'une somme de 3.000 euros en faisant valoir qu'elle n'a jamais bénéficié d'entretien professionnel.
La SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] s'oppose à cette demande en faisant valoir que Mme [U] [G] [T] a été reçue à son retour de congé d'adoption dans le cadre d'un entretien en mars 2022 et verse aux débats en ce sens un document contresigné par Mme [U] [G] [T] en date du 1er mars 2022 ayant pour objet ' entretien de reprise Mme [G] [T] [U] suite à congé d'adoption' qui résume les circonstances de la reprise de poste, et comprend trois parties :
- 1- ' concernant les différents changements dans l'entreprise' qui liste les éléments saillants de l'organisation de l'établissement pendant son absence,
- 2- ' Objectifs' qui liste 4 points ' poursuivre le développement des activités médicales - poursuivre le recrutement du personnel - suivre les recommandations de l'[Localité 3] au sujet du COVID qui vont vers une amélioration progressive - poursuivre les recherches des médecins psychiatres et de médecins généralistes ( voir compte rendu du 01 mars 2022)'
- 3- ' observations de Mme [G] [T] ' souhait de récupérer les activités de l'assistante de direction - souhaite être prévenue à l'avance pour commencer très tôt le matin afin de pouvoir s'organiser'.
De fait, le compte rendu de l'entretien du 1er mars 2022 dont se prévaut la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] ne répond pas à la définition de l'entretien professionnel dès lors qu'il ne porte nullement sur les perspectives d'évolution professionnelle de Mme [U] [G] [T].
Par ailleurs, il n'est pas justifié d'un suivi de formation de Mme [U] [G] [T] pendant les 6 années précédant la rupture de son contrat de travail.
En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a condamné la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] à abonder le CPF de Mme [U] [G] [T] d'une somme de 3.000 euros et la décision déférée sera confirmée sur ce point.
Demandes relatives à la rupture du contrat de travail
S'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.
La gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l'entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d'éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l'employeur.
La faute grave libère l'employeur des obligations attachées au préavis. Elle ne fait pas perdre au salarié le droit aux éléments de rémunération acquis antérieurement à la rupture du contrat, même s'ils ne sont exigibles que postérieurement.
Si l'article L1332-4 du code du travail prévoit en principe qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance, en revanche ce texte ne s'oppose à pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.
Le licenciement prononcé en raison de la faute disciplinaire du salarié doit donc respecter un délai maximum de deux mois entre la connaissance des faits et l'engagement de la procédure disciplinaire et un délai maximum d'un mois entre l'entretien préalable et la notification de la sanction, à défaut, le licenciement est irrégulier.
En l'espèce, Mme [U] [G] [T] a été licenciée pour faute grave par courrier en date du 18 novembre 2022 rédigé dans les termes suivants :
'Madame,
Par la présente, je fais suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 15 novembre dernier et pour lequel vous étiez assistée de Madame [M] [Z], membre du CSE.
Lors de cet entretien, je vous ai exposé les raisons pour lesquelles j'avais été amené à envisager la rupture de votre contrat de travail et que je vous rappelle :
L'[Localité 3] OCCITANIE m'a rendu destinataire d'un courrier qui vous a été adressé mi-octobre et qui faisait suite à une visite d'inspection inopinée ayant eu lieu les 21 et 22 septembre 2022, dans l'établissement dont vous assurez la direction depuis plusieurs années.
Cette notification effectuée en application de l'article L 6122-13 du code de la santé publique met en évidence des carences inacceptables de votre part, de nature à compromettre la poursuite de l'exploitation de la Clinique compte tenu des risques encourus par la patientèle accueillie.
La réponse que vous avez élaborée à l'attention de l'[Localité 3] et que vous m'avez présentée afin de répondre à l'injonction reçue trahit votre désengagement dans la gestion de la Clinique et de vos attributions en qualité de directrice.
Ainsi, et sans que les exemples qui suivent soient exhaustifs, il n'est pas acceptable de devoir être confronté à cette inspection pour qu'un prestataire soit contacté afin de réparer le portail dont vous reconnaissez qu'il dysfonctionne régulièrement.
Souligner la réactivité de l'équipe pour réaliser immédiatement le nettoyage du local DASRI et la traçabilité revient à admettre que cette exigence minimale en termes d'hygiène et de sécurité n'était pas respectée et ce depuis des années.
L'inspection a également mis en exergue les lacunes de la prise en charge sanitaire des patients ; la réponse énoncée a consisté à énoncer des déclarations d'intention et les projets un peu plus aboutis comme le contrat de soins ne sont élaborés qu'après des mois de préparation sans que l'on puisse déjà en apprécier l'impact.
Les inspecteurs ont également attiré votre attention sur l'absence de précaution concernant le stockage des médicaments et notamment des stupéfiants ; vous avez indiqué que les serrures défectueuses avaient été changées, les stupéfiants désormais stockés dans une armoire fermée à clef et que les ouvertures du rez-de-chaussée étaient désormais équipées d'un système oscillo-battant.
Ce faisant, vous avez admis non seulement que les manquements étaient établis mais également que les reproches étaient fondés.
La dégradation des modalités de prise en charge des patients a par ailleurs des conséquences néfastes sur les conditions de travail de l'ensemble des collaborateurs, ce qui a également stigmatisé par l'[Localité 3].
Compte tenu de votre expertise, les dysfonctionnements constatés dont certains relèvent de la gestion quotidienne de l'établissement et perdurent depuis des années illustrent une forme de désinvolture inacceptable dans un établissement de soins.
Votre négligence est de nature à compromettre la poursuite de l'exploitation de la Clinique donc l'accueil de tous les patients et les dizaines d'emplois qui lui sont attachés.
Pour toutes ces raisons, je vous notifie par la présente la rupture de votre contrat de travail pour faute grave.
Le licenciement prendra effet à la première présentation de cette lettre et vous ne percevrez ni préavis ni indemnité de rupture. Vous voulez bien prendre vos dispositions pour déposer dans les 48 heures de la réception de ce courrier, l'ensemble des clefs, badges ou pass d'accès à l'établissement après avoir pris rendez-vous avec le service des Ressources Humaines.
Nous vous adresserons prochainement par voie postale votre solde de tout compte, votre certificat de travail et l'attestation Pôle emploi.
Enfin, je vous indique que vous pouvez consulter votre compte personnel de formation à l'adresse suivante [Courriel 8].
Je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de nos salutations distinguées'.
* sur la demande d'annulation du licenciement en raison de la dénonciation de faits de harcèlement moral
Au terme de l'article L 1152-2 du Code du travail, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de
reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Par suite, la rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions est entachée de nullité.
L'employeur ne peut licencier un salarié ayant dénoncé des faits de harcèlement sans avoir purgé ladite dénonciation.
Dans un arrêt du 18 octobre 2023 ( pourvoi n°22-18.678), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé, au visa des articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail :
'5. Il résulte de ces textes que lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement , il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel. Dans le cas contraire, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'agissements de harcèlement moral ou sexuel et son licenciement.
6. Pour prononcer la nullité du licenciement , l'arrêt retient que l'engagement de la procédure de licenciement pour faute grave trouve son origine dans la dénonciation par la salariée de faits de harcèlement sexuel, laquelle a manifestement pesé sur la décision de l'employeur, et que ce dernier n'établit pas que cette dénonciation a été faite de mauvaise foi.
7. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre de licenciement ne fait pas mention d'une dénonciation de faits de harcèlement sexuel, sans rechercher si les motifs énoncés par la lettre de licenciement pour caractériser la faute grave étaient établis par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale'
En l'espèce, Mme [U] [G] [T] soutient que son licenciement est nul puisqu'il lui a été notifié alors qu'elle avait dénoncé des faits de harcèlement moral commis par M. [K].
Pour contester toute nullité du licenciement notifié par courrier du 18 novembre 2022, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] se prévaut d'un courrier de non lieu à sanction daté du 2 novembre 2022 notifié à M. [K] le 17 novembre 2022, et fait valoir que le motif du licenciement de Mme [U] [G] [T] réside uniquement dans les manquements relevés par l'[Localité 3] suite à la visite d'inspection effectuée à la Clinique de [Localité 11] les 21 et 22 septembre 2022.
Ceci étant, il est constant que :
- le 5 octobre 2022, Mme [U] [G] [T] a dénoncé à la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] des faits de harcèlement moral,
- le 6 octobre 2022, le président de la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] l'a rencontrée dans le cadre de cette dénonciation et lui a demandé de renseigner un questionnaire d'évaluation,
- le 10 octobre 2022, elle interrogeait la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] sur l'avancée de la prise en compte de sa dénonciation et l'informait d'une éventuelle saisine des autorités compétentes,
- le même jour, l'[Localité 3] adressait à Mme [U] [G] [T] en sa qualité de directrice de la Clinique de [Localité 11] un courrier consécutif à l'inspection du site effectuée les 21 et 22 septembre 2022 dans lequel elle notifie ' les premiers constats de dysfonctionnement et de manquements aux lois et règlements pris pour la protection de la santé publique ou à la continuité des soins',
- le 11 octobre 2022, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] lui adressait une réponse et lui demandait de ne plus s'adresser directement à M. [K],
- le 18 octobre 2022, elle interrogeait la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] sur l'avancée de la prise en compte de sa dénonciation et l'informait d'une éventuelle saisine des autorités judiciaires,
- le 24 et le 28 octobre 2022, Mme [U] [G] [T] et le président de La SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] apportaient des réponses à l'[Localité 3] aux dysfonctionnements notifiés, auxquelles était joint un 'plan d'actions' débutant par ' les mesures correctives appelées dans ce plan d'action nous permettent de garantir la bienveillance institutionnelle, la qualité des soins',
- le 2 novembre 2022, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] convoquait Mme [U] [G] [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement,
- le 15 novembre 2022 se déroulait l'entretien préalable au cours duquel il était demandé à Mme [U] [G] [T] de s'expliquer sur les dysfonctionnements notifiés par l'[Localité 3],
- le 17 novembre 2022, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] notifiait à M. [K] un non lieu à sanction,
- le 18 novembre 2022 la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] notifiait à Mme [U] [G] [T] son licenciement pour faute grave.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la dénonciation de harcèlement moral formalisée par Mme [U] [G] [T] le 5 octobre 2022 a été prise en compte par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] qui a entendu la salariée et M. [K], et qu'elle a pris une décision de non sanction préalablement au licenciement de l'intimée.
Par ailleurs, la lettre de licenciement ne fait aucune référence à cette dénonciation et vise exclusivement les dysfonctionnements relevés par l'[Localité 3] selon notification postérieure à la dénonciation de Mme [U] [G] [T].
En conséquence, le licenciement de Mme [U] [G] [T] notifié par courrier du 18 novembre 2022 est fondé sur des motifs distincts de la dénonciation de harcèlement moral effectuée par Mme [U] [G] [T] et aucune nullité n'est par suite encourue en raison de celle-ci.
* sur l'existence d'une faute grave
La lettre de licenciement reproche à Mme [U] [G] [T], en référence au courrier de l'[Localité 3] consécutif à la visite du site en septembre 2022, son désengagement dans la gestion de la Clinique et de vos attributions en qualité de directrice, pour en déduire que ' Compte tenu de votre expertise, les dysfonctionnements constatés dont certains relèvent de la gestion quotidienne de l'établissement et perdurent depuis des années illustrent une forme de désinvolture inacceptable dans un établissement de soins.
Votre négligence est de nature à compromettre la poursuite de l'exploitation de la Clinique donc l'accueil de tous les patients et les dizaines d'emplois qui lui sont attachés.'
Pour établir la réalité de ces griefs, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] sur qui repose la charge de la preuve observe que la notification d'une mise à pied conservatoire est une possibilité et non une obligation en cas de faute grave, et que c'est la réponse au courrier de l'[Localité 3] reçu le 14 octobre 2022 rédigée par Mme [U] [G] [T] les 24 et 28 octobre 2022 qui a mis en exergue et lui a permis de comprendre que les dysfonctionnements dénoncés, dont la matérialité n'est pas remise en cause par l'intimée, étaient imputables à cette dernière. Elle a donc mis en oeuvre la procédure de licenciement dans les jours qui ont suivi, soit le 2 novembre 2022.
La SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] réfute l'argumentation de Mme [U] [G] [T] selon laquelle les dysfonctionnements ainsi relevés iraient au-delà de ses compétences et attributions.
La SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] produit au soutien de ses explications:
- le contrat de travail de Mme [U] [G] [T] en date du 11 janvier 2013 qui mentionne en son ' article 4 - attributions' qu'elle est embauchée en qualité de 'directrice administrative' et qu'elle est ' principalement chargée de gérer la clinique sous l'autorité du responsable légal de la clinique avec délégation partielle de pouvoirs dans les domaines suivants : gestion du personnel, gestion administrative, gestion budgétaire, économat, relation quotidienne avec les malades, relation avec le corps médical, gestion des astreintes téléphoniques, application de la démarche qualité et de la charte du patient',
- l'avenant au contrat de travail en date du 1er juin 2014 qui mentionne que Mme [U] [G] [T] en sa qualité de ' directeur d'établissement cadre supérieur' qui percevait un salaire mensuel de 4.500 euros outre 500 euros d'astreinte, verra son salaire mensuel porté à 5.138,20 euros outre 500 euros d'astreinte à compter du 1er janvier 2014,
- l'avenant au contrat de travail en date du 16 décembre 2016 qui mentionne que Mme [U] [G] [T] en sa qualité de 'directrice administrative' percevra à compter du 1er janvier 2017 une rémunération mensuelle correspondant au coefficient 738 de la convention de l'hospitalisation privée,
- le bulletin de salaire de Mme [U] [G] [T] de février 2013 qui mentionne la fonction de directeur d'établissement,
- plusieurs contrats de travail signés au nom de la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] par Mme [U] [G] [T], avec la mention ' Monsieur [I] [D] Président P.O. [U] [G] Directrice',
- le profil Linkedin de Mme [U] [G] [T] qui mentionne ' directrice de cliniques psychiatriques' sous son nom et dans la rubrique 'expérience' sous l'intitulé relatif aux fonctions de directrice de la clinique de [Localité 11] ' définition des orientations stratégiques, relation et négociation avec les tutelles, relation avec les médecins, management des équipes, dialogue social et ressources humaines, plan de formation du personnel et création OGDPC, certification des établissements, projet agrandissement des structures, pilotage des instances ( CDU - COVIRIS - CLUD - CLIN - CLAN - RSE ), fusion pharmacie à usage intérieur',
- le courrier de l'[Localité 3] daté du 10 octobre 2022 adressé à Mme [U] [G] [T] dans lequel sont relevés des ' dysfonctionnements et manquements graves qui portent atteinte à la santé et à la sécurité des patients et présentent un risque élevé de maltraitance institutionnelle dans un contexte de gouvernance qui n'apporte pas de garanties sur les conditions d'organisation et de fonctionnement de la clinique' pour lesquels des observations et mesures correctrices sont demandées sous 8 jours, les différents points visés étant :
1. Les locaux et les emplois de personnels :
- la configuration d'ensemble des locaux qui datent de 1969 n'est pas adaptée aux personnes accueillies et présente des risques avérés de chutes graves', absence d'ascenseurs, grands escaliers très raides empêchant l'accès des différents niveaux ou le rendant difficile notamment aux personnes sous neuroleptiques ou âgées,
- l'inadaptation de certaines chambres et leurs salles d'eau, surfaces réduites, robinetterie vétuste, manque d'espace pour l'aide à la toilette, intimité des personnes en chambre double non respectée, présente de dépôts de tartres sur la robinetterie favorisant la légionnelle,
- l' absence de réflexion au moment de l'admission pour mettre en adéquation la décision d'affectation dans l'une des unités et le profil des patients,
- l'entretien des locaux par du personnel en sous-effectif, hygiène des chambres n'est pas optimale, pas de nettoyage des vitres depuis au moins 2 ans,
- en dépit des interdictions figurant au règlement intérieur, des patients fument dans leur chambre, y lavent du linge générant de l'humidité, présence de moisissures, coût de la blanchisserie considéré comme élevé par les patients ayant de faibles ressources, tâche de la personne affectée à la blanchisserie rendue difficile par l'absence de marquage du linge et le fait qu'elle est en situation de travail isolé et doit également réceptionner les paiements des patients,
- l'infestation depuis plus d'un an par des punaises de lit dans certaines chambres de deux unités, sans traitement global et sans suspension des admissions dans ces chambres,
- le circuit de collecte, de stockage et d'enlèvement de déchets de soins à risque infectieux ( DASRI ) non sécurisé, cartons stockés sans identification, sol du local sale, avec de la terre, des feuilles et des excréments d'animaux, dernière mention de nettoyage le 27 février 2019,
- le portail d'entrée hors d'usage et caméra inopérante, le personnel ouvrant le portail à l'aveugle,
2. La prise en charge sanitaire
- la prise en charge sanitaire insatisfaisante en la quasi-absence de projet thérapeutique, de projet de soins, de contrat de soins et de projet d'accompagnement global, de préparation à la sortie,
- le secteur protégé fonctionne comme une contention sans respect de la procédure décisionnelle et de l'information du patient,
- des dispositifs médicaux insuffisants pour permettre une prise en charge adaptée des patients ( lits médicalisés, extracteurs à oxygène, déambulateurs ) et les prises en charge somatiques et les examens somatiques hors établissements sont pris par les patients eux-mêmes et sont accompagnés par leurs familles ou paient le transport,
- les interventions des professionnels ( thérapeutes, sophrologues, psychologues, assistantes sociales ) sont conditionnées par une prescription des psychiatres intervenant en libéral sur l'établissement, en l'absence de lien avec d'autres structures, et absence de traçabilité des interventions,
- le rôle des IDE en décalage avec leurs compétences,
- les patients rencontrés ne connaissent pas les dates de sortie envisagée, durées de séjour particulièrement longues, accentuation de la perte d'autonomie à tous les niveaux,
- une interrogation sur le refus de certains psychiatres de valider les projets de sortie travaillés par les intervenants,
- la question de l'adéquation du profil des patients aux prises en charge proposées, pour une trentaine de patients dont les profils relèveraient d'Ehpad,
3. La gestion des risques et la qualité
- l'interrogation des soignants sur le sort des fiches d'événements indésirables qui ne seraient pas transmis par la directrice à la plate-forme de L'[Localité 3], seulement deux événements ayant été enregistrés'
- le manque de sécurité des salles de soins, armoires grandes ouvertes et aucune sécurité sur les fenêtres, serrures défectueuses sans programmation de remplacement, coffre des médicaments stupéfiants visible et accessible à tous, stock important de médicaments non justifiés, présence de médicaments en blister découpés, sans date de péremption,
- l'absence de plan de formation des personnels, sauf formation ' incendie' et 'geste premiers secours', absence de budget formation alors que l'établissement cotise à ce titre,
- les repas fournis insatisfaisants tant en qualité qu'en quantité, les régimes ne sont pas toujours respectés, et les patients achètent à l'extérieur sans moyen de stockage,
- les résidents organisent des ' apéros dînatoires' dans les jardins avec alcoolisation, baignade dans les rivières et consommation de stupéfiants, sans sanction,
- la gouvernance organisée entre le président directeur général de la SAS et Mme [U] [G] [T], les axes du projet d'établissement ne se traduisent pas en orientations managériales ni en pilotage opérationnel face aux décisions et choix de certains médecins au sein de l'institution.
- la réponse apportée sous la double signature du président et de Mme [U] [G] [T] par courrier du 28 octobre 2022 dans lequel il est notamment indiqué de manière générale que ' « Madame [U] [G] [T], Directrice, est également responsable qualité et gestionnaire des risques associés aux soins de la structure. Ces missions lui ont été attribuées du fait de sa formation en qu'Expert Visiteur à l'HAS. » « le rôle de la gouvernance est d'appliquer les orientations stratégiques souhaitées par notre président, raison pour laquelle celui-ci se déplace à périodicité définie sur le site. La gouvernance (directrice administrative et cadre de soins) a les pouvoirs nécessaires pour garantir la qualité et la sécurité des soins de l'établissement. » , et sur les points spécifiques:
- concernant le dysfonctionnement du portail ' Le portail dysfonctionne régulièrement et nous contactons la société COPASS pour intervenir le plus rapidement possible'
- concernant le local DASRI : ' Lors de l'inspection, vos collaborateurs ont pu noter notre réactivité dans la mesure où le local a été immédiatement nettoyé et la traçabilité réalisée'
- concernant le stockage des produits stupéfiants ' Le coffre des médicaments stupéfiants est désormais dans une armoire fermée à clef. La clef a été changée de place et les stagiaires ne bénéficient plus d'un PASS',
- le courrier de l'[Localité 3] en date du 30 novembre 2022 en réponse au plan d'actions élaboré par Mme [U] [G] [T] qui considère que celui-ci est insuffisant.
La SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] se réfère également aux pièces versées par Mme [U] [G] [T] et fait valoir que ' Madame [G] [T] ne s'est d'ailleurs jamais méprise sur l'étendue de ses compétences comme en témoignent les pièces versées aux débats et qui démontrent sa parfaite autonomie tout au long de l'exécution du contrat de travail.
Elle a ainsi versé aux débats plusieurs CODIR (PA) ; ces comptes-rendus étaient validés par ses soins comme en atteste Madame [F] (Attestation de Madame [F], Pièce 35).
Leur contenu permet par ailleurs de constater que Madame [G] [T] savait être force de proposition pour les projets de l'établissement tels que la prise en charge de patients touchés par un COVID long (PA57), la création d'une salle informatique (PA 58), l'ouverture de lits supplémentaires en soins palliatifs (PA59) la création d'un parcours de soins (PA61) ou la signature d'une convention pour la désignation d'un référent antibiothérapie (PA 62)
La Cour observera que certaines de ces propositions ont été reprises par Monsieur [D] (PA 61).
Lors de ces réunions, le Président a eu l'occasion de souligner le rôle central de Madame [G] à qui il confiait le pilotage de la certification (PA59), et rappelait en juin 2022 qu'elle était responsable de l'UES (PA60) ce qui est confirmé lors du CODIR du 30 août 2022 par l'intéressée (PA 61).
Madame [G] [T] s'est emparée de cette explication qu'elle qualifie d'aveu judiciaire pour affirmer qu'elle n'avait aucune pouvoir décisionnaire.
Au contraire, la position de Madame [G] [T] permet de constater qu'elle était associée à la direction de l'établissement ; si ce n'était pas le cas, le président ne l'aurait pas sollicitée afin de réfléchir aux projets de la Clinique et de former des propositions en [4]'
Enfin, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] vise également dans ses écritures des griefs qui ne figurent pas dans la lettre de licenciement et ne peuvent être invoqués pour caractériser la faute grave reprochée, soit la diffusion du pré-rapport et l'intention de nuire, en rappelant les principes de confidentialité que Mme [U] [G] [T] était tenue d'appliquer.
Mme [U] [G] [T] conteste toute faute grave qui lui serait imputable et fait valoir que contrairement à ce qui est soutenu par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11], elle n'était pas directrice d'établissement, mais directrice administrative et que par suite les griefs qui sont formulés à son encontre dépassent le cadre de ses fonctions.
Outre que Mme [U] [G] [T] a signé l'avenant au contrat de travail qui la désigne comme étant directrice d'établissement, elle ne produit aucun organigramme au soutien de ses affirmations pour déterminer quel aurait été ou non son champ de compétence.
Elle fait valoir que sa délégation de compétence présente à son contrat de travail était limitée à la seule responsabilité administrative, était imprécise et ne lui permettait pas de connaitre les pouvoirs et attributions qui lui étaient conférés et qu'au surplus elle n'a jamais eu les moyens nécessaires afin d'exercer efficacement et utilement sa délégation.
Elle soutient n'avoir jamais disposé des moyens financiers et humains lui permettant de gérer efficacement l'établissement, étant systématiquement confrontée aux refus de M. [D] et produit en ce sens plusieurs attestations de membres du personnel de la clinique indiquant qu'elle ne disposait pas des moyens nécessaires à la réussite de ses objectifs.
Mme [U] [G] [T] explique qu'au surplus, M. [D] s'immisçait systématiquement dans ses prises de décisions, vidant ainsi la délégation de pouvoir de ses effets. Elle produit en ce sens des comptes rendus de CODIR qui mentionnent par exemple un arbitrage du président en sa faveur sur la question des horaires de travail de la secrétaire.
Concernant la gestion administrative, budgétaire et l'économat de la clinique, elle produit plusieurs courriels par lesquels elle sollicite par exemple la validation de M. [D] pour des achats de matériels électroniques et observe qu'elle n'avait pour rôle que de transmettre les décisions de celui-ci en matière de tarif d'hospitalisation, de paiement des salaires ou des primes.
Elle produit les attestations de plusieurs salariés ( psychiatre, assistante administrative, cadre administratif, infirmières, déléguée syndicale, responsable d'économat) de la clinique mentionnant le fait qu'elle n'avait aucune délégation de pouvoirs et demandait systématiquement que tout soit validé par le président.
Mme [U] [G] [T] produit également le témoignage de Mme [W] qui se présente comme directrice administrative du centre médical de la Venerie pendant trois ans, et précise qu'elle n'avait aucun 'pouvoir décisionnaire, l'aval de Monsieur [D] était indispensable et ce pour la création de postes de salariés, les augmentations de salaires collectives, le montant de la prime annuelle et la réalisation de travaux de réparation des bâtiments, voir mis en sécurité » ; ce qui est sans emport quant à la situation de l'intimée s'agissant d'un établissement différent du sien, d'une structure de soins différente.
Mme [U] [G] [T] se prévaut également des comptes rendus des réunions du CODIR mensuel auxquels elle prenait part, sous la présidence de M. [D], avec d'autres cadres de l'établissement, et qui chacun comprennent des mentions telles que ' MV souhaite' , 'MV demande' 'MV valide', ' MV accepte le devis', pour en déduire que celui-ci était l'unique décisionnaire et qu'elle n'avait aucune marge de manoeuvre.
Elle produit enfin le témoignage de M. [E] qui avait été recruté pour lui succéder et dont il n'est pas contesté qu'il a démissionné pendant sa période d'essai, lequel indique qu'il n'a jamais eu de document formalisant une quelconque délégation de pouvoir.
Si de fait, aucune délégation de pouvoirs n'a été formalisée en dehors des mentions portées au contrat de travail, il n'en demeure pas moins que Mme [U] [G] [T] avait des attributions spécifiques dans la gouvernance de la clinique, conjointement avec son président comme cela résulte notamment des échange avec l'[Localité 3] rappelés supra. L'absence de formalisation d'une délégation de pouvoir impacte uniquement la capacité de Mme [U] [G] [T] à représenter et engager la société, mais ne la prive pas de compétences en interne, notamment en terme d'organisation, de gestion du personnel, d'affectation des effectifs ou d'organisation de la maintenance et de l'entretien des locaux.
Par ailleurs, M. [D] président n'est pas la personne morale employeur de Mme [U] [G] [T] et force est de constater que Mme [U] [G] [T] ne justifie pas avoir formalisé à son employeur, en dehors des échanges relatifs à la dénonciation de faits de harcèlement moral, rencontrer des difficultés pour l'exercice de ses missions et responsabilité en contrepartie desquelles elle percevait un salaire mensuel conséquent, les courriels produits visant uniquement des demandes de validation ou des rappels de décisions en attente.
Il n'est pas contesté que M. [D] n'était pas présent sur site et ne venait dans l'établissement qu'une fois par mois, notamment lors des réunions du comité de direction. Il s'en déduit que la gouvernance de l'établissement au quotidien était bien confiée à Mme [U] [G] [T], peu important qu'elle ait ou non une délégation de pouvoir lui permettant d'engager directement l'établissement vis-à-vis des tiers.
Force est de constater que Mme [U] [G] [T] ne justifie pas qu'elle aurait alerté la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] antérieurement à la visite de contrôle de l'[Localité 3] des dysfonctionnements qui ont été relevés, ne serait-ce que pour demander les démarches à entreprendre à défaut de disposer des moyens lui permettant d'intervenir directement.
Par ailleurs, la matérialité des constatations effectuées par l'[Localité 3] n'est pas contestée et les attestations produites par Mme [U] [G] [T] louant ses qualités professionnelles, décrivant l'importance de sa charge de travail et l'absence de moyens que M. [D] mettait à sa disposition ne sauraient les remettre en cause.
Concernant les points repris spécifiquement dans la lettre de licenciement, Mme [U] [G] [T] fait valoir que :
- concernant le portail défectueux, celui-ci l'était régulièrement et elle verse aux débats le carnet d'entretien qui vise 37 interventions en 10 ans et précise que le prestataire est intervenu le 26 septembre avant qu'elle ne réceptionne le courrier de l'[Localité 3], ce qui ne remet pas en cause le fait qu'il était défectueux a minima depuis le premier jour de visite de l'autorité de tutelle le 21 septembre 2022,
- concernant le nettoyage du local DASRI, elle considère d'une part qu'elle n'avait pas en gestion ce local qui concerne les déchets d'activité, ce qui est contredit par le fait qu'elle était en charge selon son contrat de travail de la démarche qualité et donc de l'hygiène de l'établissement ; et d'autre part que M. [Y], pharmacien de la clinique était le référent hygiène, ce qui est sans emport dès lors qu'elle ne produit aucun organigramme permettant d'apprécier à qui ce dernier devait rendre compte,
- concernant l'absence de projet de soins individualisé, l'absence de centralisation informatique et de structuration des éléments de soins avait été relevée lors du rapport de certification HAS en février 2020, et elle produit un échange de courriel avec le responsable informatique du groupe, le fils de M. [D] qui lui indique que ce projet faisait partie du programme de développement et devait être opérationnel pour la fin d'année 2022,
- concernant le retard dans l'élaboration des contrats de soins, elle se considère comme étrangère à cette difficulté qui ressort de la relation entre le psychiatre et le patient, et produit en ce sens une attestation du Dr [C], psychiatre au sein de l'établissement qui indique ' Concernant l'élaboration du contrat de soins médecin/patient, commun à tous les médecins, celui-ci a été moulte fois demandé par Madame [G] mais au cours des CME, aucun accord n'a pu être trouvé au sein de l'équipe médicale concernant sa forme et sa pratique jusqu'à ce que celui-ci nous soit imposé en décembre 2022", ainsi que plusieurs rappels à destination de l'équipe médicale notamment par M. [D],
- concernant le stockage des médicaments, elle considère qu'il est de la seule responsabilité du pharmacien gérant de la clinique, M. [Y], et se réfère en ce sens à l'arrêté du 6 avril 2011 qui précise que ' les médicaments sont détenus dans des locaux, armoires ou autres dispositifs de
rangement fermés à clef ou disposant d'un mode de fermeture assurant la même sécurité et des conditions de conservation garantissant l'intégrité du médicament.
Les locaux de stockage, de distribution et de dispensation doivent être conformes aux bonnes pratiques de pharmacie hospitalière.
Pour les établissements disposant d'une pharmacie à usage intérieur :
1° Le pharmacien décide en accord avec le cadre de santé de l'unité fonctionnelle ou son équivalent de l'organisation, des dispositifs de rangement des médicaments dans l'unité;
(...)
4° Le pharmacien ou toute personne désignée par lui doit notamment contrôler les quantités au regard des prescriptions faites, le mode de détention et le respect des règles d'étiquetage et de conservation des médicaments ;
5° Les médicaments doivent être détenus de préférence dans leur conditionnement d'origine ou à défaut dans des contenants étiquetés (...)' ; et précise que le pharmacien qu'elle a alerté après le courrier de l'[Localité 3] a immédiatement pris les mesures pour remédier à cette situation ;
pour autant, elle n'apporte aucune explication quant à la défectuosité des armoires de stockage mis à disposition par l'établissement pour permettre au pharmacien de mener à bien sa mission,
- concernant les conséquences néfastes sur les conditions de travail de l'ensemble des collaborateurs, elle conteste l'analyse de l'[Localité 3] et précise que les effectifs de la clinique comptaient 10 [6] de plus que 10 ans auparavant, mais qu'elle devait faire face à 10 ETPT vacants, ainsi qu'elle l'avait dénoncé en CODIR en août 2022, et déplore le fait qu'elle n'avait aucune latitude pour embaucher du personnel supplémentaire, notamment lorsque son assistante avait été en congé maternité ; elle précise que le mal être des salariés était également la conséquence de la non prise en charge par M. [D] de la problématique des punaises de lit qui refusait de désinfecter correctement l'établissement depuis octobre 2021 et produit en ce sens un courriel daté du 5 octobre 2022 dans lequel elle indique à celui-ci ' le personnel des ANEMONES est fatigué d'isoler les patients contaminés ( lavage des vêtements, affaires personnelles déposées dans le congélateur )/ par peur de ramener des punaises à leur domicile, le personnel soignant hésite à sortir de leur salle de soins pour prendre en charge les patients.'.
Par ailleurs, si Mme [U] [G] [T] soutient que le grief de mise en péril de l'activité de la clinique n'est visé que dans le courrier de l'[Localité 3] daté du 30 novembre 2022, soit postérieurement à son licenciement, il se déduit toutefois des termes utilisés dans le courrier du 10 octobre 2022 qui mentionne des 'dysfonctionnements et manquements graves qui portent atteinte à la santé et à la sécurité des patients et présentent un risque élevé de maltraitance institutionnelle dans un contexte de gouvernance qui n'apporte pas de garanties sur les conditions d'organisation et de fonctionnement de la clinique' ; l'absence de corrections de tels manquements étant de facto la remise en cause des autorisations délivrées par l'autorité administrative de tutelle.
Enfin, si Mme [U] [G] [T] fait valoir qu'elle n'a été présente que 4 mois sur l'année 2022 et était remplacée par M. [K], il n'en demeure pas moins que les dysfonctionnements relèvent pour l'essentiel de son champ de compétence, qu'ils se sont déroulés sur plusieurs mois pour arriver à des constats inquiétants notamment en terme d'hygiène et de sécurité de la patientèle, l'intimée ne pouvant se défausser de sa responsabilité sur un collègue ayant assuré son remplacement sans apporter plus de précision sur les actes qui lui seraient imputables.
Si la lettre de licenciement reprend à titre d'exemples certains des dysfonctionnements relevés par l'[Localité 3], elle se réfère à ce courrier, dont Mme [U] [G] [T] a été destinataire et auquel elle a apporté des réponses, force est de constater que Mme [U] [G] [T] n'apporte aucune explication ni contestation sur les problèmes d'entretien des locaux, d'hygiène, de respect du règlement intérieur, lesquels sont du domaine de la gestion administrative d'un établissement.
Si chaque manquement pris isolément ne suffit pas à caractériser une faute grave, leur multiplicité et le niveau de responsabilité de Mme [U] [G] [T] permettent de retenir la qualification de faute grave
L'absence de mise à pied à titre conservatoire entre la période à laquelle la réponse a été apportée à l'[Localité 3], le 28 octobre 2022 et la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire le 2 novembre 2022 suivie de l'arrêt de travail de Mme [U] [G] [T] le 3 novembre 2022 ne remet pas en cause la qualification de faute grave.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le licenciement notifié par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] à Mme [U] [G] [T] par courrier daté du 18 novembre 2022 est fondé sur une faute grave.
Par suite, Mme [U] [G] [T] sera déboutée de sa demande de voir prononcer la nullité de son licenciement notifié pendant qu'elle était en arrêt de travail au titre de la législation relative aux risques professionnels et de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, en ce comprises les demandes de rappel de salaire fondées sur la nullité du licenciement ( prime de 13ème mois et de pouvoir d'achat ).
La décision déférée sera infirmée en ce sens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu le 15 mars 2024 par le conseil de prud'hommes d'Alès en ce qu'il a :
- dit que Mme [U] [H] n'a pas subi de harcèlement moral,
- débouté Mme [U] [H] de sa demande de dommages-intérêts en réparation des actes de harcèlement moral subis,
- condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à abonder le compte CPF de Mme [U] [H] à hauteur de 3 000 euros,
L'infirme pour le surplus,
et statuant à nouveau sur les éléments infirmés,
Juge que le licenciement notifié par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] à Mme [U] [G] [T] par courrier du 18 novembre 2022 est fondé sur une faute grave,
Déboute Mme [U] [G] [T] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et salariales subséquentes,
Condamne Mme [U] [G] [T] à verser à la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire,
Condamne Mme [U] [G] [T] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 24/01159 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JEWE
CRL/JLB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ALES
15 mars 2024
RG :23/00022
S.A.S. CLINIQUE [Localité 11]
C/
[S]
Grosse délivrée le 22 SEPTEMBRE 2025 à :
- Me COQUELLE
- Me DEPLAIX
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ALES en date du 15 Mars 2024, N°23/00022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 27 Mai 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 22 Septembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. CLINIQUE [Localité 11]
[Adresse 5]
[Localité 1]
Représentée par Me Priscilla COQUELLE, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
Madame [U] [S]
née le 02 Avril 1969 à [Localité 9]
[Adresse 12]
[Localité 2]
Représentée par Me Guilhem DEPLAIX, avocat au barreau de MONTPELLIER
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 22 Septembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Mme [U] [G] [T] a été embauchée à compter du 18 février 2013 suivant contrat de travail à durée indéterminée par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] en qualité de directrice administrative, catégorie cadre supérieur pour une rémunération mensuelle brute de 4 500 euros majorée de 500 euros en contrepartie des astreintes.
Par avenant du 1er juin 2014, sa rémunération mensuelle a été portée à 5 138,20 euros auxquels s'ajoutaient 500 euros en contrepartie des astreintes. Au dernier état de la relation contractuelle, le salaire mensuel brut moyen de Mme [U] [G] [T] s'élevait à 6 722,59 euros.
La relation de travail est soumise à la Convention collective nationale de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.
Du 8 novembre 2021 au 28 février 2022, Mme [U] [H] bénéficiait d'un congé d'adoption.
Mme [U] [H] a été placée en arrêt de travail du 14 avril 2022 au 2 mai 2022 puis du 13 juin 2022 au 29 juillet 2022.
Le 28 octobre 2022, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] lui demandait des explications suite à un rapport de l'[Localité 3] relatif à un contrôle de l'établissement les 21 et 22 septembre 2022.
Le 2 novembre 2022, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] convoquait Mme [U] [G] [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Mme [U] [G] [T] était placée en arrêt maladie pour accident du travail le 3 novembre 2022 selon certificat médical initial établi par un psychiatre de la Clinique.
Par courrier du 2 novembre 2022, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé à la date du 15 novembre 2022.
Par courrier en date du 18 novembre 2022, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] notifiait à Mme [U] [H] son licenciement pour faute grave.
Par requête du10 mars 2022, Mme [U] [H] a saisi le conseil de prud'hommes d'Ales en contestation de sa mesure de licenciement et aux fins de voir condamner la SAS Clinique de [10] au paiement de diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.
Par jugement du 15 mars 2024, le conseil de prud'hommes d'Ales a :
- dit que Mme [U] [H] n'a pas subi de harcèlement moral,
- débouté Mme [U] [H] de sa demande de dommages-intérêts en réparation des actes de harcèlement moral subi,
- dit et jugé que le licenciement prononcé en date du 18 novembre 2022 par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] à l'encontre de Mme [U] [H] est nul,
- fixé le salaire brut mensuel de référence à 6 722,59 euros bruts (six mille sept cent vingt deux euros cinquante neuf centimes bruts),
- dit que le licenciement de Mme [U] [H] est sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à verser à Mme [H] les sommes de :
- 40 335,54 euros nets correspondant à six mois de salaire au titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
- 40 335,54 euros bruts à titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 4 033,55 euros bruts à titre de congés payés y afférents,
- 52 100,07 euros bruts à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 5 202,90 euros bruts au titre de rappel de prime du 13ème mois pour l'année 2022,
- 520,29 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
- 900 euros nets au titre de la prime de pouvoir d'achat,
- condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à abonder le compte CPF de Mme [U] [H] à hauteur de 3 000 euros,
- ordonné à la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] de délivrer à Mme [U] [H] l'attestation France Travail, les bulletins de paie et les documents de fin de contrat rectifiés et de régulariser sa situation auprès des organismes sociaux conformément au présent jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification du présent jugement,
- dit que le conseil se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte,
- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire au titre de l'article 515 du code de procédure civile,
- rappelé que ces condamnations emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse en ce qui concerne les créances salariales et à compter du jugement en ce qui concerne les créances indemnitaires, faisant droit à la demande de capitalisation en tant que de besoin,
- ordonné en application des articles L.1235-4 et L.1235-5 du code du travail le remboursement par la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] des indemnités de chômage versées à Mme [U] [H], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite d'un mois d'indemnité de chômage,
- dit que le greffe adressera une copie du présent jugement à France Travail (...),
- condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à payer à Mme [U] [H] le somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] aux entiers dépens y compris ceux éventuellement nécessaires à l'exécution du présent jugement par commissaire de justice,
- débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes, fins et prétentions.
Par acte du 29 mars 2024, la SAS Clinique de [Localité 11] a régulièrement interjeté appel de la décision.
Par ordonnance en date du 6 février 2025, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 25 avril 2025. L'affaire a été fixée à l'audience du 27 mai 2025.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 26 septembre 2024, la SAS Clinique de [Localité 11] demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel de la décision rendue le 15 mars 2024 par le conseil de prud'hommes d'Alès ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le licenciement de Mme [U] [H] nul et sans cause réelle et sérieuse
- infirmer le jugement entreprise en ce qu'il l'a condamnée à lui régler les sommes de :
'40.335,54 euros au titre de l'indemnité de préavis et 4.033,55 euros au titre des congés payés afférents,
'52.100,07 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
'40.335,54 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
'5.209,90 euros à titre de rappel de prime de 13ème mois et 520,09 euros de congés payés induits,
'900 euros au titre de la prime de pouvoir d'achat,
'3.000 euros au titre de l'abondement du cpf,
'1000 euros au titre de l'article 700 du cpc, outre les dépens,
- déclarer que le licenciement de Mme [U] [H] repose sur une faute grave ;
- débouter Mme [U] [H] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, à titre de rappels de salaire et de remise de documents sous astreinte,
- déclarer n'y avoir lieu au remboursement des indemnités de chômage,
- recevoir Mme [U] [H] en son appel incident et la déclarer mal fondée ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté Mme [U] [H] de ses demandes présentées au titre du harcèlement moral, de la dégradation des conditions de travail,
- débouté Mme [U] [H] de sa demande au titre de la nullité du licenciement pour violation des articles l1152-2 et l1152-3 du code du travail,
- condamner Mme [U] [H] aux entiers dépens,
- condamner Mme [U] [H] à lui régler la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure civile.
Au soutien de ses demandes, la SAS Clinique de [Localité 11] fait valoir que :
- la réalité des griefs visés à la lettre de licenciement est établie et n'est pas contestée par Mme [U] [G] [T],
- contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, la notification d'une mise à pied à titre conservatoire n'est pas une condition du licenciement pour faute grave,
- c'est le courrier de Mme [U] [G] [T] en réponse à l'[Localité 3] en date du 28 octobre 2022 qui lui a permis de comprendre que les manquements dénoncés lors du contrôle de l'établissement étaient imputables à l'intimée,
- contrairement à ce que soutient Mme [U] [G] [T], les faits qui lui sont reprochés, et sur lesquels elle a répondu à l'autorité de tutelle, entrent dans son champ de compétence, étant recrutée en qualité de directrice d'établissement,
- de même, elle était associée à la direction de l'établissement ; si ce n'était pas le cas, le président ne l'aurait pas sollicitée afin de réfléchir aux projets de la Clinique et de former des propositions en [4],
- le courrier de l'[Localité 3] énonce clairement la gravité des manquements constatés, et formule en conclusion une mise en garde solennelle ' l'ensemble des faits constatés révèlent des dysfonctionnements et des manquements graves qui portent atteinte à la santé et à la sécurité des patients et présentent un risque très élevé de maltraitance dans un contexte de gouvernance qui n'apporte pas de garanties sur les conditions d'organisation et de fonctionnement de la clinique', et la directrice était sommée de présenter sous 8 jours ses observations et les mesures correctrices adoptées ou envisagées,
- Mme [U] [G] [T] ne peut sérieusement contester que la gouvernance de la clinique était de sa seule responsabilité, qu'il s'agisse de la réparation du portail, du nettoyage du local DASRI, de la prise en charge des patients, du stockage des produits stupéfiants, ou de la dégradation des conditions de travail du personnel,
- l'[Localité 3] indiquait clairement que la poursuite de l'activité de la clinique était en jeu, compte tenu de la gravité des manquements, cette mise en garde consistant en un véritable désaveu de la gouvernance de l'établissement,
- par ailleurs, alors qu'elle était soumise à une obligation de confidentialité, Mme [U] [G] [T] a largement diffusé le pré-rapport adressé par l'[Localité 3], ainsi qu'en attestent des courriels en date des 14 et 17 octobre 2022, notamment à des médecins de l'établissement, pour finir dans la presse,
- Mme [U] [G] [T] tente de se défausser de sa responsabilité en minimisant son rôle au sein de l'établissement,
- Mme [U] [G] [T] a par ailleurs violé le secret médical par la production de plusieurs CODIR mentionnant le nom de patients, ce qui suffit également à caractériser une faute grave,
- subsidiairement, si la faute grave était écartée, il conviendrait de confirmer les sommes allouées par le premier juge,
- la demande présentée au titre de l'abondement du CPF ne saurait prospérer, Mme [U] [G] [T] ayant bénéficié d'un entretien de reprise à son retour de congés en mars 2022,
- le licenciement étant intervenu le 18 novembre 2022, Mme [U] [G] [T] ne pouvait prétendre à la prime de pouvoir d'achat qui suppose d'être toujours sous contrat à la date de son versement le 30 novembre, ni au versement du 13è mois,
- contrairement à ce que soutient Mme [U] [G] [T], son licenciement participe d'un motif disciplinaire étranger à une quelconque situation de harcèlement moral,
- les éléments invoqués par Mme [U] [G] [T] pour qualifier un harcèlement moral de la part de M. [K] sont inopérants et contredits par les éléments factuels résultant des pièces versées aux débats,
- elle a été particulièrement réactive dès lors que Mme [U] [G] [T] avait dénoncé ces faits, notamment en notifiant à M. [K] un avertissement suite à l'entretien préalable du 20 octobre 2022,
- Mme [U] [G] [T] soutient que la concomitance entre la dénonciation des faits de harcèlement moral et la mise en oeuvre de son licenciement implique que la seconde soit la conséquence de la première, ce qui revient à oublier les graves manquements notifiés par l'[Localité 3] qui sont à l'origine de la procédure, laquelle a été mise en oeuvre antérieurement à cette dénonciation,
- par suite, le licenciement n'est entaché d'aucune nullité.
Aux termes de ses dernières écritures d'intimé, contenant appel incident, en date du 1er août 2024, Mme [U] [H] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a dit qu'elle n'avait pas subi d'actes de harcèlement moral et l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts en réparation des actes de harcèlement moral subi,
- condamner la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à lui verser la somme de 30.000 euros nets à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de harcèlement moral subi,
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a dit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a dit que son licenciement est nul,
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à lui verser la somme de 40.335,54 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
- condamner la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à lui verser la somme de 100.000 euros nets de CSG/CRDS et de charges sociales à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à lui verser la somme de 40.335,54 euros bruts à titre de d'indemnité compensatrice de préavis ; outre la somme de 4.033,55 euros bruts à titre de congés payés y afférents,
- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à lui verser la somme de 52.100,07 euros nets à titre de d'indemnité de licenciement,
- condamner la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à lui verser la somme de 54.100,06 euros nets à titre de d'indemnité de licenciement,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à lui verser la somme de 5.202,90 euros bruts à titre de rappel de prime de 13e mois pour l'année 2022 ; outre la somme de 520,29 euros bruts à titre de congés payés y afférents,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à lui verser la somme de 900 euros nets à titre de prime de pouvoir d'achat,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à abonder son le compte CPF à hauteur de 3.000 euros,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à lui délivrer des bulletins de paie ainsi qu'une attestation pole emploi conformes sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; la cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux compétents sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; le conseil se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte,
- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Alès le 15 mars 2024 en ce qu'il a condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [10] à lui verser la somme 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à lui verser la somme 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel,
- condamner la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de ses demandes, Mme [U] [H] fait valoir que :
- elle a été recrutée en qualité de directrice administrative, et avait en charge initialement la gestion administrative de trois établissements, la clinique neuropsychiatrique de [Localité 11], la clinique de [Localité 7], et le Centre de soins de suite et de réadaptation,
- suite au recrutement de M. [K] au cours de l'année 2017, celui-ci a pris en charge la clinique de [Localité 7], puis à compter de juillet 2021 le centre de soins de suite et de réadaptation,
- elle subissait depuis des années des actes malveillants du PDG, M. [D],
- elle a été remplacée pendant son congé d'adoption par M. [K] qui ne cachait pas souhaiter prendre sa place également à la tête de la clinique,
- à son retour de congé d'adoption, elle subissait à nouveau des actes de harcèlement moral de la part de M. [K], dont le bureau se situait à 50 mètres du sien, notamment à l'occasion du CODIR du 13 avril 2022 au cours duquel il l'insultait,
- elle faisait le lendemain une crise d'hypertension sur son lieu de travail et était placée en arrêt de travail pour accident du travail,
- elle dénonçait le harcèlement subi par courriel du 5 octobre 2022, adressé à M. [D] qui ne prenait aucune mesure, et le 3 novembre 2022 elle était de nouveau placée en accident du travail pour cause d'hypertension,
- lors de l'entretien préalable du 15 novembre 2022 auquel elle avait été convoquée par courrier du 2 novembre 2022, il lui était reproché plusieurs griefs dont aucun n'est visé à la lettre de licenciement pour faute grave qui lui a été notifié,
- le harcèlement moral qu'elle dénonce résulte du comportement de M. [K] à son encontre notamment en CODIR, de sa surcharge de travail, et si M. [D] a reconnu l'existence de ces actes de harcèlement, il n'a pris aucune mesure pour la protéger mais l'a convoquée à un entretien préalable, M. [K] se voyant remettre la veille de son licenciement un courrier d'avertissement,
- ensuite de sa dénonciation des faits de harcèlement moral, son licenciement est entaché de nullité,
- il est également nul puisque notifié alors qu'elle était en arrêt de travail pour cause d'accident de travail, et qu'aucune faute grave n'est caractérisée à son encontre,
- la visite de l'[Localité 3] est intervenue les 21 et 22 septembre 2022, le courrier d'observations est daté du 10 octobre 2022, reçu par la clinique le 14 octobre 2022, elle y a répondu conjointement avec le président le 28 octobre 2022 et ce n'est que le 2 novembre 2022 qu'elle a été convoquée à un entretien préalable, sans faire l'objet d'une mise à pied conservatoire,
- alors qu'elle n'a jamais fait l'objet de la moindre observation sur la qualité de son travail, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] ne peut pas démontrer qu'elle a commis des manquements réitérés traduisant une mauvaise volonté délibérée,
- les termes de la lettre de licenciement ' désengagement dans la gestion de la clinique', ' désinvolture', 'négligence' sont du registre de la négligence professionnelle et non de la faute grave,
- sur le fond, les griefs qui sont formulés à son encontre dépassent le champ de sa compétence,
- contrairement à ce qui est soutenu par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11], elle n'était pas directrice d'établissement mais directrice administrative, et sa délégation de pouvoir est limitée à la seule responsabilité administrative,
- au surplus, sa délégation de pouvoir n'est pas valable puisqu'elle n'a jamais disposé des moyens nécessaires pour l'exercer utilement et efficacement, ni de l'autorité suffisante pour l'exercer, l'autorisation de M. [D] étant un préalable obligatoire à chaque décision,
- outre l'absence de caractérisation à son encontre des griefs formulés dans la lettre de licenciement, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] vise dans ses écritures de nouveaux griefs relatifs à la mise en péril de l'activité suite à un courrier de l'[Localité 3] en date du 30 novembre 2022, soit postérieurement à son licenciement ; à la diffusion du rapport de l'[Localité 3] et l'intention de nuire ; à la dégradation des conditions de travail des salariés ,
- elle n'a été présente effectivement à son poste de travail que 4 mois sur l'année 2022 et était lors de ses absences remplacée par M. [K],
- l'indemnisation de son licenciement infondé doit tenir compte de sa situation personnelle, de son ancienneté et des difficultés qu'elle rencontre encore actuellement pour retrouver un emploi,
- s'agissant de la prime de 13ème mois, tenant la nullité de son licenciement, elle lui est due même si elle n'était plus présente dans l'établissement à la date de son versement, de même que la prime de pouvoir d'achat,
- enfin, conformément aux dispositions de l'article L 6323-13 du code du travail, elle peut prétendre faute d'entretien professionnel au cours des 6 dernières années, à l'abondement de son compte personnel de formation à hauteur de 3.000 euros à la charge de la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11].
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
Demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
* harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
Au soutien de sa demande de 30.000 euros de dommages et intérêts, Mme [U] [G] [T] invoque un comportement harcelant de M. [K] à son encontre qui s'est accentué à son retour de congé d'adoption , notamment sous forme d'insultes lors du CODIR du 13 avril 2022, et une surcharge de travail à compter de son retour d'arrêt du travail suite à son accident du travail du 14 avril 2022, lesquels ont eu des répercussions sur son état de santé et ont abouti à son placement en arrêt de travail pour accident du travail en raison de crises d'hypertension.
Elle verse aux débats les éléments suivants :
- le compte-rendu du CODIR du 13 avril 2022 dans lequel elle précise que s'il est mentionné uniquement ' Lors de la visite de [I] [D] (MV), les points analysés ont fait l'objet
d'échanges parfois différents mais sont restés fermes et courtois' M. [K] l'a en fait agressée verbalement en la traitant de nulle et d'incompétente,
- ses bulletins de paie qui mentionnent un arrêt pour accident du travail du 14 avril au 2 mai 2022, puis du 13 juin au 29 juillet 2022, puis à compter du 3 novembre 2022, outre des congés payés du 8 au 20 août 2022,
- le compte-rendu du CODIR du 4 mai 2022 dans lequel il est indiqué : ' MV souhaite une certification commune piloté par Mme [G] du fait de sa maitrise des deux sites, du management des deux précédentes certifications et car nous sommes une UES. Réunion COPIL COMMUN à organiser mercredi 20/04 à 10h en fonction de la présence des pilotes.
Mme [H] ne souhaite pas s'occuper de la certification des deux établissements CSSR et psychiatrie ( uniquement celle de psychiatrie ) et ne souhaite pas être responsable de l'avancée des taches à réaliser du CSSR. MV rappelle cette obligation.
Mme [H] proposera un planning de réunion COPIL mensuelle jusqu'à la fin de l'année. Ce planning sera fonction de la présence des référentes hygiène ou douleur des 2 sites',
- le compte-rendu du CODIR du 2 juin 2022 dans lequel il est indiqué : ' MV souhaite une certification commune piloté par Mme [G] du fait de sa maitrise des deux sites, du management des deux précédentes certifications et car nous sommes une UES',
- un échange de courriel avec M. [K] en date du 30 septembre 2022 ayant pour objet ' proposition planning d'astreinte et modification' dans lequel Mme [U] [G] [T] indique : ' Bonjour [R], comme je le précisai sur mon mail, il s'agit d'une proposition pour avis et commentaires
Je ne t'ai pas mis les jours d'astreinte d'affilé au mois de décembre pour éviter de te bloquer le weekend de Noël et de Nouvel An. Tu es d'astreinte uniquement le weekend de Nouvel An.
J'ai toujours été d'astreinte soit pour Noël, soit pour le nouvel an lorsque je suis présente.
Pour information, j'ai également été d'astreinte lors des deux fêtes de fin d'année lorsque je m'occupai des 3 sites. C'est parfois le 'jeu' lorsque l'on est directeur.
Pour cette année, [O] n'a pas de contrainte particulière et s'est proposé d'être d'astreinte pour Noël.
Je te remercie par avance de me faire parvenir tes dates de congés pour le mois de décembre de manière à ce que je puisse replanifier les astreintes pour chacun d'entre nous.
Bonne journée',
et la réponse ' [U], il fallait le prendre comme avis et commentaire à ta proposition unilatérale et imposée comme à ton habitude. Je t'avertissais juste que je ne serai probablement pas là pendant les fêtes.
Pour ma part, j'étais présent les 5 dernières années pour les fêtes ... pour les 3 établissements, preuve de MON sérieux et de mon investissement, si tu prends cela comme 'un jeu' je comprends mieux TES résultats sur les deux établissements que j'ai récupéré après ton passage voire les trois pendant tes mois d'absences et pourquoi il ne t'en reste plus qu'un. Bien sûr nous pouvons en discuter lors d'un entretien. Cdlt',
- un courriel en date du 3 octobre 2022 adressé par M. [K], ayant pour objet ' transfert patients psy vers CSSR' pour lequel le message d'origine de Mme [U] [G] [T] n'est pas produit, dans lequel le second indique ' [U] bonjour, le SSR accueillera avec plaisir les patients de la psy et éventuellement le personnel qui reste ou qui le désire. Cependant, je ne peux cautionner l'accueil de ses patients
au SSR y étant en responsabilité dans les conditions chaotiques de l'été 2021 ! Non-respect du circuit du médicament, numéro de chambre incorrect sur AXILA psy pour le SSR ... un seul code pour IDE et ASDE de tout le service... Une telle organisation amateuriste est dangereuse pour les soignants et les patients, le nécessaire est pour le moment bien vu par les services de l'État contrairement la psychiatrie, ne nous attirons pas plus de problèmes... je te propose d'accueillir par 'mutation' les patients de psy et qu'ils soient admis après validation de leur dossier par notre médecin titulaire et mon équipe soignante comme tout autre patient. La Camargue pourra également accueillir quelques patients après étude de leur dossier.
Je reste à ta disposition pour plus d'information sur l'organisation des établissements sous ma responsabilité.',
- un courriel de M. [K] en date du 4 octobre 2022 ayant pour objet 'mise en place d'axila psy au SSR' dans lequel il indique ' Bonjour [U], aucune mutation des services de psychiatrie ne doit être validée sans mon accord et sans dossier AXILA SSR, avec l'organisation que j'ai vue avec M. [D]. Malgré le fait qu'AXILA psy soit installé en ce moment sur les ordinateurs du SSR, je demande au personnel du SSR de ne pas l'ouvrir et de ne surtout pas l'utiliser.
Les patients des anémones ( punaises de lits ) ne seront pas accueillis afin de ne pas déplacer le problème vers les personnes fragiles que nous accueillons.
Je rappelle que je ne valide aucunement l'organisation que tu as proposé.',
- son courriel en date du 5 octobre 2022 adressé à M. [D] ayant pour objet ' Harcèlement de M [R] [K]' dans lequel elle indique ' Bonjour M. [D], vous êtes en copie des nombreux mails que M. [K] m'adresse depuis quelques jours portant atteinte à ma dignité et à mes qualités professionnelles. Pour la sérénité de tous, je vous demande d'intervenir pour stopper ce comportement qui correspond à la définition du harcèlement. Je vous remercie par avance de faire le nécessaire afin de stopper ce type d'agissement. Je souhaiterai travailler dans la sérénité. Bien à vous, [U]',
- la réponse par courrier datée du 5 octobre 2022 de M. [D] ' Chère madame, j'ai bien reçu votre message en début de matinée et compte tenu des faits que vous relatez, je vous propose de nous rencontrer à la Clinique le 06 octobre 2022 en début d'après-midi pour me permettre de procéder à une évaluation de la situation et réfléchir s'il y a lieu aux moyens éventuels à mettre en place pour y remédier. S'agissant de nos échanges, je vous remercie de ne pas mettre en copie [A] qui s'occupe de la comptabilité de la Clinique au siège, ou Me [J] qui est le conseil habituel de la Clinique. D'ici notre rencontre, je vous invite à ne pas correspondre davantage avec Monsieur [K]. Cordialement',
- le questionnaire LIPT renseigné manuscritement, sur lequel 13 items sont cochés,
- son courriel en date du 10 octobre 2022 adressé à M. [D] ayant pour objet ' procédure harcèlement JFV' dans lequel elle indique ' Bonjour M. [D], je vous remercie de vous être déplacé jeudi 6 octobre pour échanger sur le contenu des mails successifs envoyés par JFV portant atteinte à ma dignité et à mes qualités professionnelles. Je compte sur vous pour régler définitivement le problème en interne au plus tard vendredi 14 octobre. A défaut, je serai dans l'obligation de déclencher la procédure vendredi après midi auprès de la médecine du travail, de l'inspection du travail, des membres du CSE, du référent harcèlement et de la gendarmerie. Restant à votre disposition, Bien à vous, [U]',
- la réponse par courrier datée du 11 octobre 2022 de M. [D] ' Madame, Vous m'avez saisi le 5 octobre 2022 des difficultés relationnelles entre Monsieur [K] et vous-même. Le jour-même, je vous ai proposé de me rendre sur place afin de procéder à une évaluation de la situation ; nous avons pu échanger à ce sujet le jeudi 6 octobre.
Ma priorité est de m'assurer du bon fonctionnement des établissements placés sous la responsabilité de chacun de vous, ce qui suppose qu'il soit mis un terme aux agissements susceptibles de créer un climat de défiance entre les collaborateurs.
Afin de restaurer la sérénité qui est indispensable à l'exercice de vos fonctions, je vais superviser dans l'immédiat les questions qui impliquent des échanges entre Monsieur [K] et vous-même afin d'être votre seul interlocuteur.
Je vous invite donc à me rendre destinataire des courriels normalement destinés à votre collègue, les questions seront tranchées par mes soins dans le seul intérêt de l'établissement concerné.
Veuillez croire, Monsieur, en l'assurance de ma considération distinguée',
- son courrier en date du '18 octobre' à M. [D] ayant pour objet ' réponse à votre courrier du 11 octobre', dans lequel elle insiste sur le fait qu'elle n'a pas dénoncé des difficultés relationnelles avec M. [K] mais du harcèlement moral, reprend l'historique des échanges dénoncés supra et vise deux autres courriels en date des 9 septembre et 27 septembre 2022 et conclut en indiquant ' je vous demanderai à nouveau de vous positionner définitivement au plus tard le 28 octobre. A défaut, je serais dans l'obligation de prendre des dispositions et de saisir les juridictions compétentes comme je l'avais énoncé dans le mail du 10 octobre 2022".
Elle se réfère également à une des pièces produites par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] :
- un courrier de M. [D], daté du 2 novembre 2022, remis à M. [K] le 17 novembre 2022 ainsi formulé : ' Par la présente, je fais suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 20 octobre dernier et à l'occasion duquel je vous ai exposé les raisons qui m'ont conduit à envisager à votre égard une sanction disciplinaire.
Compte tenu des explications que vous m'avez fournies et des éclaircissements apportés, notamment en raison de votre préoccupation constante des intérêts de la Clinique, je vous informe que je ne prononcerai pas de sanction.
Il me semble néanmoins nécessaire d'attirer votre attention sur la forme de vos échanges avec les différents collaborateurs du groupe. En effet, si je peux concevoir que vous exprimiez des désaccords ou que vous attiriez mon attention sur des difficultés qui nécessitent mon intervention, il me semble en revanche indispensable d'éviter toute publicité de ces critiques et de les formuler en des termes modérés.
Dans l'immédiat, et pour permettre un retour à l'apaisement, certaines tâches mutualisées entre les cliniques de [Localité 11] et de [Localité 7] notamment les astreintes médicales et administratives seront directement gérées par mes soins et dans le seul intérêt des établissements.
Veuillez recevoir, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées',
Ces éléments pris dans leur ensemble n'établissent pas une présomption de harcèlement moral dès lors qu'excepté les affirmations de Mme [U] [G] [T], sur les deux courriels adressés par M. [K] le premier contient des propos désobligeants directement envers l'intimée, le second ne la vise pas spécifiquement mais dénonce un 'amateurisme' dans la gestion informatique des données des patients ; que les arrêts de travail pris en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels ne signifient pas de facto une situation de harcèlement moral ; de même que la prise en compte par sa hiérarchie des difficultés rencontrées dans ses relations avec son homologue.
En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a débouté Mme [U] [G] [T] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral et la décision déférée sera confirmée sur ce point.
* demande au titre du CPF
L'article L. 6323-13 du code du travail dispose que dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le salarié n'a pas bénéficié, durant les six ans précédant l'entretien mentionné au II de l'article L. 6315-1, des entretiens prévus au même article L. 6315-1 et d'au moins une formation autre que celle mentionnée à l'article L. 6321-2, un abondement est inscrit à son compte dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat et l'entreprise verse une
somme dont le montant, fixé par décret en Conseil d'Etat, ne peut excéder six fois le montant annuel mentionné à l'article L. 6323-11. Le salarié est informé de ce versement.
L'article R. 6323-3 du Code du travail fixe le montant de la somme forfaitaire visée à l'article L. 6323-13 à 3 000 euros.
L'article L 6315-1 du code du travail définit l'entretien professionnel comme étant un entretien entre le salarié et son employeur consacré à ses perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi. Cet entretien ne porte pas sur l'évaluation du travail du salarié. Cet entretien comporte également des informations relatives à la validation des acquis de l'expérience, à l'activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l'employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle.
Cet entretien doit avoir lieu à l'embauche, puis tous les deux ans est également proposé systématiquement au salarié qui reprend son activité à l'issue d'un congé de maternité, d'un congé parental d'éducation, d'un congé de proche aidant, d'un congé d'adoption, d'un congé sabbatique, d'une période de mobilité volontaire sécurisée, d'une période d'activité à temps partiel, d'un arrêt longue maladie ou à l'issue d'un mandat syndical.
Au visa de ces textes, Mme [U] [G] [T] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] à abonder son CPF d'une somme de 3.000 euros en faisant valoir qu'elle n'a jamais bénéficié d'entretien professionnel.
La SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] s'oppose à cette demande en faisant valoir que Mme [U] [G] [T] a été reçue à son retour de congé d'adoption dans le cadre d'un entretien en mars 2022 et verse aux débats en ce sens un document contresigné par Mme [U] [G] [T] en date du 1er mars 2022 ayant pour objet ' entretien de reprise Mme [G] [T] [U] suite à congé d'adoption' qui résume les circonstances de la reprise de poste, et comprend trois parties :
- 1- ' concernant les différents changements dans l'entreprise' qui liste les éléments saillants de l'organisation de l'établissement pendant son absence,
- 2- ' Objectifs' qui liste 4 points ' poursuivre le développement des activités médicales - poursuivre le recrutement du personnel - suivre les recommandations de l'[Localité 3] au sujet du COVID qui vont vers une amélioration progressive - poursuivre les recherches des médecins psychiatres et de médecins généralistes ( voir compte rendu du 01 mars 2022)'
- 3- ' observations de Mme [G] [T] ' souhait de récupérer les activités de l'assistante de direction - souhaite être prévenue à l'avance pour commencer très tôt le matin afin de pouvoir s'organiser'.
De fait, le compte rendu de l'entretien du 1er mars 2022 dont se prévaut la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] ne répond pas à la définition de l'entretien professionnel dès lors qu'il ne porte nullement sur les perspectives d'évolution professionnelle de Mme [U] [G] [T].
Par ailleurs, il n'est pas justifié d'un suivi de formation de Mme [U] [G] [T] pendant les 6 années précédant la rupture de son contrat de travail.
En conséquence, c'est à juste titre que le premier juge a condamné la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] à abonder le CPF de Mme [U] [G] [T] d'une somme de 3.000 euros et la décision déférée sera confirmée sur ce point.
Demandes relatives à la rupture du contrat de travail
S'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.
La gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l'entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d'éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l'employeur.
La faute grave libère l'employeur des obligations attachées au préavis. Elle ne fait pas perdre au salarié le droit aux éléments de rémunération acquis antérieurement à la rupture du contrat, même s'ils ne sont exigibles que postérieurement.
Si l'article L1332-4 du code du travail prévoit en principe qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance, en revanche ce texte ne s'oppose à pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.
Le licenciement prononcé en raison de la faute disciplinaire du salarié doit donc respecter un délai maximum de deux mois entre la connaissance des faits et l'engagement de la procédure disciplinaire et un délai maximum d'un mois entre l'entretien préalable et la notification de la sanction, à défaut, le licenciement est irrégulier.
En l'espèce, Mme [U] [G] [T] a été licenciée pour faute grave par courrier en date du 18 novembre 2022 rédigé dans les termes suivants :
'Madame,
Par la présente, je fais suite à l'entretien préalable qui s'est tenu le 15 novembre dernier et pour lequel vous étiez assistée de Madame [M] [Z], membre du CSE.
Lors de cet entretien, je vous ai exposé les raisons pour lesquelles j'avais été amené à envisager la rupture de votre contrat de travail et que je vous rappelle :
L'[Localité 3] OCCITANIE m'a rendu destinataire d'un courrier qui vous a été adressé mi-octobre et qui faisait suite à une visite d'inspection inopinée ayant eu lieu les 21 et 22 septembre 2022, dans l'établissement dont vous assurez la direction depuis plusieurs années.
Cette notification effectuée en application de l'article L 6122-13 du code de la santé publique met en évidence des carences inacceptables de votre part, de nature à compromettre la poursuite de l'exploitation de la Clinique compte tenu des risques encourus par la patientèle accueillie.
La réponse que vous avez élaborée à l'attention de l'[Localité 3] et que vous m'avez présentée afin de répondre à l'injonction reçue trahit votre désengagement dans la gestion de la Clinique et de vos attributions en qualité de directrice.
Ainsi, et sans que les exemples qui suivent soient exhaustifs, il n'est pas acceptable de devoir être confronté à cette inspection pour qu'un prestataire soit contacté afin de réparer le portail dont vous reconnaissez qu'il dysfonctionne régulièrement.
Souligner la réactivité de l'équipe pour réaliser immédiatement le nettoyage du local DASRI et la traçabilité revient à admettre que cette exigence minimale en termes d'hygiène et de sécurité n'était pas respectée et ce depuis des années.
L'inspection a également mis en exergue les lacunes de la prise en charge sanitaire des patients ; la réponse énoncée a consisté à énoncer des déclarations d'intention et les projets un peu plus aboutis comme le contrat de soins ne sont élaborés qu'après des mois de préparation sans que l'on puisse déjà en apprécier l'impact.
Les inspecteurs ont également attiré votre attention sur l'absence de précaution concernant le stockage des médicaments et notamment des stupéfiants ; vous avez indiqué que les serrures défectueuses avaient été changées, les stupéfiants désormais stockés dans une armoire fermée à clef et que les ouvertures du rez-de-chaussée étaient désormais équipées d'un système oscillo-battant.
Ce faisant, vous avez admis non seulement que les manquements étaient établis mais également que les reproches étaient fondés.
La dégradation des modalités de prise en charge des patients a par ailleurs des conséquences néfastes sur les conditions de travail de l'ensemble des collaborateurs, ce qui a également stigmatisé par l'[Localité 3].
Compte tenu de votre expertise, les dysfonctionnements constatés dont certains relèvent de la gestion quotidienne de l'établissement et perdurent depuis des années illustrent une forme de désinvolture inacceptable dans un établissement de soins.
Votre négligence est de nature à compromettre la poursuite de l'exploitation de la Clinique donc l'accueil de tous les patients et les dizaines d'emplois qui lui sont attachés.
Pour toutes ces raisons, je vous notifie par la présente la rupture de votre contrat de travail pour faute grave.
Le licenciement prendra effet à la première présentation de cette lettre et vous ne percevrez ni préavis ni indemnité de rupture. Vous voulez bien prendre vos dispositions pour déposer dans les 48 heures de la réception de ce courrier, l'ensemble des clefs, badges ou pass d'accès à l'établissement après avoir pris rendez-vous avec le service des Ressources Humaines.
Nous vous adresserons prochainement par voie postale votre solde de tout compte, votre certificat de travail et l'attestation Pôle emploi.
Enfin, je vous indique que vous pouvez consulter votre compte personnel de formation à l'adresse suivante [Courriel 8].
Je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de nos salutations distinguées'.
* sur la demande d'annulation du licenciement en raison de la dénonciation de faits de harcèlement moral
Au terme de l'article L 1152-2 du Code du travail, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de
reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Par suite, la rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de ces dispositions est entachée de nullité.
L'employeur ne peut licencier un salarié ayant dénoncé des faits de harcèlement sans avoir purgé ladite dénonciation.
Dans un arrêt du 18 octobre 2023 ( pourvoi n°22-18.678), la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé, au visa des articles L. 1152-2, L. 1152-3 et L. 1154-1 du code du travail :
'5. Il résulte de ces textes que lorsque les faits invoqués dans la lettre de licenciement caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement , il appartient au salarié de démontrer que la rupture de son contrat de travail constitue une mesure de rétorsion à une plainte pour harcèlement moral ou sexuel. Dans le cas contraire, il appartient à l'employeur de démontrer l'absence de lien entre la dénonciation par le salarié d'agissements de harcèlement moral ou sexuel et son licenciement.
6. Pour prononcer la nullité du licenciement , l'arrêt retient que l'engagement de la procédure de licenciement pour faute grave trouve son origine dans la dénonciation par la salariée de faits de harcèlement sexuel, laquelle a manifestement pesé sur la décision de l'employeur, et que ce dernier n'établit pas que cette dénonciation a été faite de mauvaise foi.
7. En se déterminant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la lettre de licenciement ne fait pas mention d'une dénonciation de faits de harcèlement sexuel, sans rechercher si les motifs énoncés par la lettre de licenciement pour caractériser la faute grave étaient établis par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale'
En l'espèce, Mme [U] [G] [T] soutient que son licenciement est nul puisqu'il lui a été notifié alors qu'elle avait dénoncé des faits de harcèlement moral commis par M. [K].
Pour contester toute nullité du licenciement notifié par courrier du 18 novembre 2022, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] se prévaut d'un courrier de non lieu à sanction daté du 2 novembre 2022 notifié à M. [K] le 17 novembre 2022, et fait valoir que le motif du licenciement de Mme [U] [G] [T] réside uniquement dans les manquements relevés par l'[Localité 3] suite à la visite d'inspection effectuée à la Clinique de [Localité 11] les 21 et 22 septembre 2022.
Ceci étant, il est constant que :
- le 5 octobre 2022, Mme [U] [G] [T] a dénoncé à la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] des faits de harcèlement moral,
- le 6 octobre 2022, le président de la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] l'a rencontrée dans le cadre de cette dénonciation et lui a demandé de renseigner un questionnaire d'évaluation,
- le 10 octobre 2022, elle interrogeait la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] sur l'avancée de la prise en compte de sa dénonciation et l'informait d'une éventuelle saisine des autorités compétentes,
- le même jour, l'[Localité 3] adressait à Mme [U] [G] [T] en sa qualité de directrice de la Clinique de [Localité 11] un courrier consécutif à l'inspection du site effectuée les 21 et 22 septembre 2022 dans lequel elle notifie ' les premiers constats de dysfonctionnement et de manquements aux lois et règlements pris pour la protection de la santé publique ou à la continuité des soins',
- le 11 octobre 2022, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] lui adressait une réponse et lui demandait de ne plus s'adresser directement à M. [K],
- le 18 octobre 2022, elle interrogeait la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] sur l'avancée de la prise en compte de sa dénonciation et l'informait d'une éventuelle saisine des autorités judiciaires,
- le 24 et le 28 octobre 2022, Mme [U] [G] [T] et le président de La SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] apportaient des réponses à l'[Localité 3] aux dysfonctionnements notifiés, auxquelles était joint un 'plan d'actions' débutant par ' les mesures correctives appelées dans ce plan d'action nous permettent de garantir la bienveillance institutionnelle, la qualité des soins',
- le 2 novembre 2022, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] convoquait Mme [U] [G] [T] à un entretien préalable à un éventuel licenciement,
- le 15 novembre 2022 se déroulait l'entretien préalable au cours duquel il était demandé à Mme [U] [G] [T] de s'expliquer sur les dysfonctionnements notifiés par l'[Localité 3],
- le 17 novembre 2022, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] notifiait à M. [K] un non lieu à sanction,
- le 18 novembre 2022 la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] notifiait à Mme [U] [G] [T] son licenciement pour faute grave.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la dénonciation de harcèlement moral formalisée par Mme [U] [G] [T] le 5 octobre 2022 a été prise en compte par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] qui a entendu la salariée et M. [K], et qu'elle a pris une décision de non sanction préalablement au licenciement de l'intimée.
Par ailleurs, la lettre de licenciement ne fait aucune référence à cette dénonciation et vise exclusivement les dysfonctionnements relevés par l'[Localité 3] selon notification postérieure à la dénonciation de Mme [U] [G] [T].
En conséquence, le licenciement de Mme [U] [G] [T] notifié par courrier du 18 novembre 2022 est fondé sur des motifs distincts de la dénonciation de harcèlement moral effectuée par Mme [U] [G] [T] et aucune nullité n'est par suite encourue en raison de celle-ci.
* sur l'existence d'une faute grave
La lettre de licenciement reproche à Mme [U] [G] [T], en référence au courrier de l'[Localité 3] consécutif à la visite du site en septembre 2022, son désengagement dans la gestion de la Clinique et de vos attributions en qualité de directrice, pour en déduire que ' Compte tenu de votre expertise, les dysfonctionnements constatés dont certains relèvent de la gestion quotidienne de l'établissement et perdurent depuis des années illustrent une forme de désinvolture inacceptable dans un établissement de soins.
Votre négligence est de nature à compromettre la poursuite de l'exploitation de la Clinique donc l'accueil de tous les patients et les dizaines d'emplois qui lui sont attachés.'
Pour établir la réalité de ces griefs, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] sur qui repose la charge de la preuve observe que la notification d'une mise à pied conservatoire est une possibilité et non une obligation en cas de faute grave, et que c'est la réponse au courrier de l'[Localité 3] reçu le 14 octobre 2022 rédigée par Mme [U] [G] [T] les 24 et 28 octobre 2022 qui a mis en exergue et lui a permis de comprendre que les dysfonctionnements dénoncés, dont la matérialité n'est pas remise en cause par l'intimée, étaient imputables à cette dernière. Elle a donc mis en oeuvre la procédure de licenciement dans les jours qui ont suivi, soit le 2 novembre 2022.
La SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] réfute l'argumentation de Mme [U] [G] [T] selon laquelle les dysfonctionnements ainsi relevés iraient au-delà de ses compétences et attributions.
La SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] produit au soutien de ses explications:
- le contrat de travail de Mme [U] [G] [T] en date du 11 janvier 2013 qui mentionne en son ' article 4 - attributions' qu'elle est embauchée en qualité de 'directrice administrative' et qu'elle est ' principalement chargée de gérer la clinique sous l'autorité du responsable légal de la clinique avec délégation partielle de pouvoirs dans les domaines suivants : gestion du personnel, gestion administrative, gestion budgétaire, économat, relation quotidienne avec les malades, relation avec le corps médical, gestion des astreintes téléphoniques, application de la démarche qualité et de la charte du patient',
- l'avenant au contrat de travail en date du 1er juin 2014 qui mentionne que Mme [U] [G] [T] en sa qualité de ' directeur d'établissement cadre supérieur' qui percevait un salaire mensuel de 4.500 euros outre 500 euros d'astreinte, verra son salaire mensuel porté à 5.138,20 euros outre 500 euros d'astreinte à compter du 1er janvier 2014,
- l'avenant au contrat de travail en date du 16 décembre 2016 qui mentionne que Mme [U] [G] [T] en sa qualité de 'directrice administrative' percevra à compter du 1er janvier 2017 une rémunération mensuelle correspondant au coefficient 738 de la convention de l'hospitalisation privée,
- le bulletin de salaire de Mme [U] [G] [T] de février 2013 qui mentionne la fonction de directeur d'établissement,
- plusieurs contrats de travail signés au nom de la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] par Mme [U] [G] [T], avec la mention ' Monsieur [I] [D] Président P.O. [U] [G] Directrice',
- le profil Linkedin de Mme [U] [G] [T] qui mentionne ' directrice de cliniques psychiatriques' sous son nom et dans la rubrique 'expérience' sous l'intitulé relatif aux fonctions de directrice de la clinique de [Localité 11] ' définition des orientations stratégiques, relation et négociation avec les tutelles, relation avec les médecins, management des équipes, dialogue social et ressources humaines, plan de formation du personnel et création OGDPC, certification des établissements, projet agrandissement des structures, pilotage des instances ( CDU - COVIRIS - CLUD - CLIN - CLAN - RSE ), fusion pharmacie à usage intérieur',
- le courrier de l'[Localité 3] daté du 10 octobre 2022 adressé à Mme [U] [G] [T] dans lequel sont relevés des ' dysfonctionnements et manquements graves qui portent atteinte à la santé et à la sécurité des patients et présentent un risque élevé de maltraitance institutionnelle dans un contexte de gouvernance qui n'apporte pas de garanties sur les conditions d'organisation et de fonctionnement de la clinique' pour lesquels des observations et mesures correctrices sont demandées sous 8 jours, les différents points visés étant :
1. Les locaux et les emplois de personnels :
- la configuration d'ensemble des locaux qui datent de 1969 n'est pas adaptée aux personnes accueillies et présente des risques avérés de chutes graves', absence d'ascenseurs, grands escaliers très raides empêchant l'accès des différents niveaux ou le rendant difficile notamment aux personnes sous neuroleptiques ou âgées,
- l'inadaptation de certaines chambres et leurs salles d'eau, surfaces réduites, robinetterie vétuste, manque d'espace pour l'aide à la toilette, intimité des personnes en chambre double non respectée, présente de dépôts de tartres sur la robinetterie favorisant la légionnelle,
- l' absence de réflexion au moment de l'admission pour mettre en adéquation la décision d'affectation dans l'une des unités et le profil des patients,
- l'entretien des locaux par du personnel en sous-effectif, hygiène des chambres n'est pas optimale, pas de nettoyage des vitres depuis au moins 2 ans,
- en dépit des interdictions figurant au règlement intérieur, des patients fument dans leur chambre, y lavent du linge générant de l'humidité, présence de moisissures, coût de la blanchisserie considéré comme élevé par les patients ayant de faibles ressources, tâche de la personne affectée à la blanchisserie rendue difficile par l'absence de marquage du linge et le fait qu'elle est en situation de travail isolé et doit également réceptionner les paiements des patients,
- l'infestation depuis plus d'un an par des punaises de lit dans certaines chambres de deux unités, sans traitement global et sans suspension des admissions dans ces chambres,
- le circuit de collecte, de stockage et d'enlèvement de déchets de soins à risque infectieux ( DASRI ) non sécurisé, cartons stockés sans identification, sol du local sale, avec de la terre, des feuilles et des excréments d'animaux, dernière mention de nettoyage le 27 février 2019,
- le portail d'entrée hors d'usage et caméra inopérante, le personnel ouvrant le portail à l'aveugle,
2. La prise en charge sanitaire
- la prise en charge sanitaire insatisfaisante en la quasi-absence de projet thérapeutique, de projet de soins, de contrat de soins et de projet d'accompagnement global, de préparation à la sortie,
- le secteur protégé fonctionne comme une contention sans respect de la procédure décisionnelle et de l'information du patient,
- des dispositifs médicaux insuffisants pour permettre une prise en charge adaptée des patients ( lits médicalisés, extracteurs à oxygène, déambulateurs ) et les prises en charge somatiques et les examens somatiques hors établissements sont pris par les patients eux-mêmes et sont accompagnés par leurs familles ou paient le transport,
- les interventions des professionnels ( thérapeutes, sophrologues, psychologues, assistantes sociales ) sont conditionnées par une prescription des psychiatres intervenant en libéral sur l'établissement, en l'absence de lien avec d'autres structures, et absence de traçabilité des interventions,
- le rôle des IDE en décalage avec leurs compétences,
- les patients rencontrés ne connaissent pas les dates de sortie envisagée, durées de séjour particulièrement longues, accentuation de la perte d'autonomie à tous les niveaux,
- une interrogation sur le refus de certains psychiatres de valider les projets de sortie travaillés par les intervenants,
- la question de l'adéquation du profil des patients aux prises en charge proposées, pour une trentaine de patients dont les profils relèveraient d'Ehpad,
3. La gestion des risques et la qualité
- l'interrogation des soignants sur le sort des fiches d'événements indésirables qui ne seraient pas transmis par la directrice à la plate-forme de L'[Localité 3], seulement deux événements ayant été enregistrés'
- le manque de sécurité des salles de soins, armoires grandes ouvertes et aucune sécurité sur les fenêtres, serrures défectueuses sans programmation de remplacement, coffre des médicaments stupéfiants visible et accessible à tous, stock important de médicaments non justifiés, présence de médicaments en blister découpés, sans date de péremption,
- l'absence de plan de formation des personnels, sauf formation ' incendie' et 'geste premiers secours', absence de budget formation alors que l'établissement cotise à ce titre,
- les repas fournis insatisfaisants tant en qualité qu'en quantité, les régimes ne sont pas toujours respectés, et les patients achètent à l'extérieur sans moyen de stockage,
- les résidents organisent des ' apéros dînatoires' dans les jardins avec alcoolisation, baignade dans les rivières et consommation de stupéfiants, sans sanction,
- la gouvernance organisée entre le président directeur général de la SAS et Mme [U] [G] [T], les axes du projet d'établissement ne se traduisent pas en orientations managériales ni en pilotage opérationnel face aux décisions et choix de certains médecins au sein de l'institution.
- la réponse apportée sous la double signature du président et de Mme [U] [G] [T] par courrier du 28 octobre 2022 dans lequel il est notamment indiqué de manière générale que ' « Madame [U] [G] [T], Directrice, est également responsable qualité et gestionnaire des risques associés aux soins de la structure. Ces missions lui ont été attribuées du fait de sa formation en qu'Expert Visiteur à l'HAS. » « le rôle de la gouvernance est d'appliquer les orientations stratégiques souhaitées par notre président, raison pour laquelle celui-ci se déplace à périodicité définie sur le site. La gouvernance (directrice administrative et cadre de soins) a les pouvoirs nécessaires pour garantir la qualité et la sécurité des soins de l'établissement. » , et sur les points spécifiques:
- concernant le dysfonctionnement du portail ' Le portail dysfonctionne régulièrement et nous contactons la société COPASS pour intervenir le plus rapidement possible'
- concernant le local DASRI : ' Lors de l'inspection, vos collaborateurs ont pu noter notre réactivité dans la mesure où le local a été immédiatement nettoyé et la traçabilité réalisée'
- concernant le stockage des produits stupéfiants ' Le coffre des médicaments stupéfiants est désormais dans une armoire fermée à clef. La clef a été changée de place et les stagiaires ne bénéficient plus d'un PASS',
- le courrier de l'[Localité 3] en date du 30 novembre 2022 en réponse au plan d'actions élaboré par Mme [U] [G] [T] qui considère que celui-ci est insuffisant.
La SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] se réfère également aux pièces versées par Mme [U] [G] [T] et fait valoir que ' Madame [G] [T] ne s'est d'ailleurs jamais méprise sur l'étendue de ses compétences comme en témoignent les pièces versées aux débats et qui démontrent sa parfaite autonomie tout au long de l'exécution du contrat de travail.
Elle a ainsi versé aux débats plusieurs CODIR (PA) ; ces comptes-rendus étaient validés par ses soins comme en atteste Madame [F] (Attestation de Madame [F], Pièce 35).
Leur contenu permet par ailleurs de constater que Madame [G] [T] savait être force de proposition pour les projets de l'établissement tels que la prise en charge de patients touchés par un COVID long (PA57), la création d'une salle informatique (PA 58), l'ouverture de lits supplémentaires en soins palliatifs (PA59) la création d'un parcours de soins (PA61) ou la signature d'une convention pour la désignation d'un référent antibiothérapie (PA 62)
La Cour observera que certaines de ces propositions ont été reprises par Monsieur [D] (PA 61).
Lors de ces réunions, le Président a eu l'occasion de souligner le rôle central de Madame [G] à qui il confiait le pilotage de la certification (PA59), et rappelait en juin 2022 qu'elle était responsable de l'UES (PA60) ce qui est confirmé lors du CODIR du 30 août 2022 par l'intéressée (PA 61).
Madame [G] [T] s'est emparée de cette explication qu'elle qualifie d'aveu judiciaire pour affirmer qu'elle n'avait aucune pouvoir décisionnaire.
Au contraire, la position de Madame [G] [T] permet de constater qu'elle était associée à la direction de l'établissement ; si ce n'était pas le cas, le président ne l'aurait pas sollicitée afin de réfléchir aux projets de la Clinique et de former des propositions en [4]'
Enfin, la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] vise également dans ses écritures des griefs qui ne figurent pas dans la lettre de licenciement et ne peuvent être invoqués pour caractériser la faute grave reprochée, soit la diffusion du pré-rapport et l'intention de nuire, en rappelant les principes de confidentialité que Mme [U] [G] [T] était tenue d'appliquer.
Mme [U] [G] [T] conteste toute faute grave qui lui serait imputable et fait valoir que contrairement à ce qui est soutenu par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11], elle n'était pas directrice d'établissement, mais directrice administrative et que par suite les griefs qui sont formulés à son encontre dépassent le cadre de ses fonctions.
Outre que Mme [U] [G] [T] a signé l'avenant au contrat de travail qui la désigne comme étant directrice d'établissement, elle ne produit aucun organigramme au soutien de ses affirmations pour déterminer quel aurait été ou non son champ de compétence.
Elle fait valoir que sa délégation de compétence présente à son contrat de travail était limitée à la seule responsabilité administrative, était imprécise et ne lui permettait pas de connaitre les pouvoirs et attributions qui lui étaient conférés et qu'au surplus elle n'a jamais eu les moyens nécessaires afin d'exercer efficacement et utilement sa délégation.
Elle soutient n'avoir jamais disposé des moyens financiers et humains lui permettant de gérer efficacement l'établissement, étant systématiquement confrontée aux refus de M. [D] et produit en ce sens plusieurs attestations de membres du personnel de la clinique indiquant qu'elle ne disposait pas des moyens nécessaires à la réussite de ses objectifs.
Mme [U] [G] [T] explique qu'au surplus, M. [D] s'immisçait systématiquement dans ses prises de décisions, vidant ainsi la délégation de pouvoir de ses effets. Elle produit en ce sens des comptes rendus de CODIR qui mentionnent par exemple un arbitrage du président en sa faveur sur la question des horaires de travail de la secrétaire.
Concernant la gestion administrative, budgétaire et l'économat de la clinique, elle produit plusieurs courriels par lesquels elle sollicite par exemple la validation de M. [D] pour des achats de matériels électroniques et observe qu'elle n'avait pour rôle que de transmettre les décisions de celui-ci en matière de tarif d'hospitalisation, de paiement des salaires ou des primes.
Elle produit les attestations de plusieurs salariés ( psychiatre, assistante administrative, cadre administratif, infirmières, déléguée syndicale, responsable d'économat) de la clinique mentionnant le fait qu'elle n'avait aucune délégation de pouvoirs et demandait systématiquement que tout soit validé par le président.
Mme [U] [G] [T] produit également le témoignage de Mme [W] qui se présente comme directrice administrative du centre médical de la Venerie pendant trois ans, et précise qu'elle n'avait aucun 'pouvoir décisionnaire, l'aval de Monsieur [D] était indispensable et ce pour la création de postes de salariés, les augmentations de salaires collectives, le montant de la prime annuelle et la réalisation de travaux de réparation des bâtiments, voir mis en sécurité » ; ce qui est sans emport quant à la situation de l'intimée s'agissant d'un établissement différent du sien, d'une structure de soins différente.
Mme [U] [G] [T] se prévaut également des comptes rendus des réunions du CODIR mensuel auxquels elle prenait part, sous la présidence de M. [D], avec d'autres cadres de l'établissement, et qui chacun comprennent des mentions telles que ' MV souhaite' , 'MV demande' 'MV valide', ' MV accepte le devis', pour en déduire que celui-ci était l'unique décisionnaire et qu'elle n'avait aucune marge de manoeuvre.
Elle produit enfin le témoignage de M. [E] qui avait été recruté pour lui succéder et dont il n'est pas contesté qu'il a démissionné pendant sa période d'essai, lequel indique qu'il n'a jamais eu de document formalisant une quelconque délégation de pouvoir.
Si de fait, aucune délégation de pouvoirs n'a été formalisée en dehors des mentions portées au contrat de travail, il n'en demeure pas moins que Mme [U] [G] [T] avait des attributions spécifiques dans la gouvernance de la clinique, conjointement avec son président comme cela résulte notamment des échange avec l'[Localité 3] rappelés supra. L'absence de formalisation d'une délégation de pouvoir impacte uniquement la capacité de Mme [U] [G] [T] à représenter et engager la société, mais ne la prive pas de compétences en interne, notamment en terme d'organisation, de gestion du personnel, d'affectation des effectifs ou d'organisation de la maintenance et de l'entretien des locaux.
Par ailleurs, M. [D] président n'est pas la personne morale employeur de Mme [U] [G] [T] et force est de constater que Mme [U] [G] [T] ne justifie pas avoir formalisé à son employeur, en dehors des échanges relatifs à la dénonciation de faits de harcèlement moral, rencontrer des difficultés pour l'exercice de ses missions et responsabilité en contrepartie desquelles elle percevait un salaire mensuel conséquent, les courriels produits visant uniquement des demandes de validation ou des rappels de décisions en attente.
Il n'est pas contesté que M. [D] n'était pas présent sur site et ne venait dans l'établissement qu'une fois par mois, notamment lors des réunions du comité de direction. Il s'en déduit que la gouvernance de l'établissement au quotidien était bien confiée à Mme [U] [G] [T], peu important qu'elle ait ou non une délégation de pouvoir lui permettant d'engager directement l'établissement vis-à-vis des tiers.
Force est de constater que Mme [U] [G] [T] ne justifie pas qu'elle aurait alerté la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] antérieurement à la visite de contrôle de l'[Localité 3] des dysfonctionnements qui ont été relevés, ne serait-ce que pour demander les démarches à entreprendre à défaut de disposer des moyens lui permettant d'intervenir directement.
Par ailleurs, la matérialité des constatations effectuées par l'[Localité 3] n'est pas contestée et les attestations produites par Mme [U] [G] [T] louant ses qualités professionnelles, décrivant l'importance de sa charge de travail et l'absence de moyens que M. [D] mettait à sa disposition ne sauraient les remettre en cause.
Concernant les points repris spécifiquement dans la lettre de licenciement, Mme [U] [G] [T] fait valoir que :
- concernant le portail défectueux, celui-ci l'était régulièrement et elle verse aux débats le carnet d'entretien qui vise 37 interventions en 10 ans et précise que le prestataire est intervenu le 26 septembre avant qu'elle ne réceptionne le courrier de l'[Localité 3], ce qui ne remet pas en cause le fait qu'il était défectueux a minima depuis le premier jour de visite de l'autorité de tutelle le 21 septembre 2022,
- concernant le nettoyage du local DASRI, elle considère d'une part qu'elle n'avait pas en gestion ce local qui concerne les déchets d'activité, ce qui est contredit par le fait qu'elle était en charge selon son contrat de travail de la démarche qualité et donc de l'hygiène de l'établissement ; et d'autre part que M. [Y], pharmacien de la clinique était le référent hygiène, ce qui est sans emport dès lors qu'elle ne produit aucun organigramme permettant d'apprécier à qui ce dernier devait rendre compte,
- concernant l'absence de projet de soins individualisé, l'absence de centralisation informatique et de structuration des éléments de soins avait été relevée lors du rapport de certification HAS en février 2020, et elle produit un échange de courriel avec le responsable informatique du groupe, le fils de M. [D] qui lui indique que ce projet faisait partie du programme de développement et devait être opérationnel pour la fin d'année 2022,
- concernant le retard dans l'élaboration des contrats de soins, elle se considère comme étrangère à cette difficulté qui ressort de la relation entre le psychiatre et le patient, et produit en ce sens une attestation du Dr [C], psychiatre au sein de l'établissement qui indique ' Concernant l'élaboration du contrat de soins médecin/patient, commun à tous les médecins, celui-ci a été moulte fois demandé par Madame [G] mais au cours des CME, aucun accord n'a pu être trouvé au sein de l'équipe médicale concernant sa forme et sa pratique jusqu'à ce que celui-ci nous soit imposé en décembre 2022", ainsi que plusieurs rappels à destination de l'équipe médicale notamment par M. [D],
- concernant le stockage des médicaments, elle considère qu'il est de la seule responsabilité du pharmacien gérant de la clinique, M. [Y], et se réfère en ce sens à l'arrêté du 6 avril 2011 qui précise que ' les médicaments sont détenus dans des locaux, armoires ou autres dispositifs de
rangement fermés à clef ou disposant d'un mode de fermeture assurant la même sécurité et des conditions de conservation garantissant l'intégrité du médicament.
Les locaux de stockage, de distribution et de dispensation doivent être conformes aux bonnes pratiques de pharmacie hospitalière.
Pour les établissements disposant d'une pharmacie à usage intérieur :
1° Le pharmacien décide en accord avec le cadre de santé de l'unité fonctionnelle ou son équivalent de l'organisation, des dispositifs de rangement des médicaments dans l'unité;
(...)
4° Le pharmacien ou toute personne désignée par lui doit notamment contrôler les quantités au regard des prescriptions faites, le mode de détention et le respect des règles d'étiquetage et de conservation des médicaments ;
5° Les médicaments doivent être détenus de préférence dans leur conditionnement d'origine ou à défaut dans des contenants étiquetés (...)' ; et précise que le pharmacien qu'elle a alerté après le courrier de l'[Localité 3] a immédiatement pris les mesures pour remédier à cette situation ;
pour autant, elle n'apporte aucune explication quant à la défectuosité des armoires de stockage mis à disposition par l'établissement pour permettre au pharmacien de mener à bien sa mission,
- concernant les conséquences néfastes sur les conditions de travail de l'ensemble des collaborateurs, elle conteste l'analyse de l'[Localité 3] et précise que les effectifs de la clinique comptaient 10 [6] de plus que 10 ans auparavant, mais qu'elle devait faire face à 10 ETPT vacants, ainsi qu'elle l'avait dénoncé en CODIR en août 2022, et déplore le fait qu'elle n'avait aucune latitude pour embaucher du personnel supplémentaire, notamment lorsque son assistante avait été en congé maternité ; elle précise que le mal être des salariés était également la conséquence de la non prise en charge par M. [D] de la problématique des punaises de lit qui refusait de désinfecter correctement l'établissement depuis octobre 2021 et produit en ce sens un courriel daté du 5 octobre 2022 dans lequel elle indique à celui-ci ' le personnel des ANEMONES est fatigué d'isoler les patients contaminés ( lavage des vêtements, affaires personnelles déposées dans le congélateur )/ par peur de ramener des punaises à leur domicile, le personnel soignant hésite à sortir de leur salle de soins pour prendre en charge les patients.'.
Par ailleurs, si Mme [U] [G] [T] soutient que le grief de mise en péril de l'activité de la clinique n'est visé que dans le courrier de l'[Localité 3] daté du 30 novembre 2022, soit postérieurement à son licenciement, il se déduit toutefois des termes utilisés dans le courrier du 10 octobre 2022 qui mentionne des 'dysfonctionnements et manquements graves qui portent atteinte à la santé et à la sécurité des patients et présentent un risque élevé de maltraitance institutionnelle dans un contexte de gouvernance qui n'apporte pas de garanties sur les conditions d'organisation et de fonctionnement de la clinique' ; l'absence de corrections de tels manquements étant de facto la remise en cause des autorisations délivrées par l'autorité administrative de tutelle.
Enfin, si Mme [U] [G] [T] fait valoir qu'elle n'a été présente que 4 mois sur l'année 2022 et était remplacée par M. [K], il n'en demeure pas moins que les dysfonctionnements relèvent pour l'essentiel de son champ de compétence, qu'ils se sont déroulés sur plusieurs mois pour arriver à des constats inquiétants notamment en terme d'hygiène et de sécurité de la patientèle, l'intimée ne pouvant se défausser de sa responsabilité sur un collègue ayant assuré son remplacement sans apporter plus de précision sur les actes qui lui seraient imputables.
Si la lettre de licenciement reprend à titre d'exemples certains des dysfonctionnements relevés par l'[Localité 3], elle se réfère à ce courrier, dont Mme [U] [G] [T] a été destinataire et auquel elle a apporté des réponses, force est de constater que Mme [U] [G] [T] n'apporte aucune explication ni contestation sur les problèmes d'entretien des locaux, d'hygiène, de respect du règlement intérieur, lesquels sont du domaine de la gestion administrative d'un établissement.
Si chaque manquement pris isolément ne suffit pas à caractériser une faute grave, leur multiplicité et le niveau de responsabilité de Mme [U] [G] [T] permettent de retenir la qualification de faute grave
L'absence de mise à pied à titre conservatoire entre la période à laquelle la réponse a été apportée à l'[Localité 3], le 28 octobre 2022 et la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire le 2 novembre 2022 suivie de l'arrêt de travail de Mme [U] [G] [T] le 3 novembre 2022 ne remet pas en cause la qualification de faute grave.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le licenciement notifié par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] à Mme [U] [G] [T] par courrier daté du 18 novembre 2022 est fondé sur une faute grave.
Par suite, Mme [U] [G] [T] sera déboutée de sa demande de voir prononcer la nullité de son licenciement notifié pendant qu'elle était en arrêt de travail au titre de la législation relative aux risques professionnels et de l'ensemble de ses demandes indemnitaires, en ce comprises les demandes de rappel de salaire fondées sur la nullité du licenciement ( prime de 13ème mois et de pouvoir d'achat ).
La décision déférée sera infirmée en ce sens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme le jugement rendu le 15 mars 2024 par le conseil de prud'hommes d'Alès en ce qu'il a :
- dit que Mme [U] [H] n'a pas subi de harcèlement moral,
- débouté Mme [U] [H] de sa demande de dommages-intérêts en réparation des actes de harcèlement moral subis,
- condamné la SAS Clinique neuropsychiatrique de [Localité 11] à abonder le compte CPF de Mme [U] [H] à hauteur de 3 000 euros,
L'infirme pour le surplus,
et statuant à nouveau sur les éléments infirmés,
Juge que le licenciement notifié par la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] à Mme [U] [G] [T] par courrier du 18 novembre 2022 est fondé sur une faute grave,
Déboute Mme [U] [G] [T] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et salariales subséquentes,
Condamne Mme [U] [G] [T] à verser à la SAS Clinique Neuropsychiatrique de [Localité 11] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d'obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l'exécution provisoire,
Condamne Mme [U] [G] [T] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT