CA Versailles, ch. civ. 1-2, 23 septembre 2025, n° 24/04194
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Franfinance (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Javelas
Conseillers :
Mme Thivellier, Mme de Larminat
Avocats :
Me Acquere, Me Ruther, Me Cartier
EXPOSE DU LITIGE
M. [N] [U] a signé un bon de commande n°0344 daté du 20 février 2017 portant sur la fourniture et l'installation d'un système de production d'électricité d'origine photovoltaïque et d'un ballon thermodynamique ainsi que le renforcement de la charpente auprès de la société Force Energie pour un montant total de 29 900 euros et prévoyant un mode de paiement à crédit.
Le 7 mars 2017, M. [U] et Mme [J] [M] épouse [U] ont souscrit un contrat de crédit affecté à cet achat auprès de la société Franfinance pour un montant de 29 900 euros remboursable suivant 12 mensualités de 150 euros suivies de 114 mensualités de 351,62 euros, outre une cotisation à l'assurance facultative, après une période d'amortissement de 6 mois, au taux débiteur fixe de 5,80 %.
Une attestation de conformité établie le 4 avril 2017 a été visée par le Consuel le 7 avril 2017. Le 21 avril 2017, M. [U] a accepté sans réserve ni restriction la livraison de l'installation et, par courriel du 17 mai 2017, il a confirmé cette livraison et autorisé la remise des fonds. Le déblocage des fonds est intervenu le 19 mai 2017.
Par actes d'huissier de justice du 14 janvier 2019, M. et Mme [U] ont fait assigner la société Force Energie et la société Franfinance devant le tribunal d'instance de Puteaux aux fins notamment de voir prononcer la nullité du contrat de vente et du contrat de crédit affecté.
M. et Mme [U] ont vendu leur maison le 6 novembre 2020.
Le 3 mars 2022, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Force Energie pour insuffisance d'actif a été prononcée.
L'affaire a été radiée le 26 avril 2022 pour défaut de diligence et a été remise au rôle le 14 janvier 2024.
Par acte de commissaire de justice délivré le 7 mars 2024, M. et Mme [U] ont assigné la société Force Energie, représentée par la Selarl De Bois - [I], prise en la personne de Maître [X] [I], désignée en qualité de mandataire ad litem de la société suivant ordonnance du président du tribunal de commerce de Nanterre du 21 avril 2022.
Par jugement réputé contradictoire du 21 mai 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux a :
- débouté la société Franfinance de ses demandes tenant à l'irrecevabilité de l'action de M. et Mme [U] en raison de la vente de leur immeuble et du jugement correctionnel du 1er octobre 2021,
- prononcé la nullité du contrat de vente du 20 février 2017 conclu entre M. [U] et la société Force Energie,
- prononcé en conséquence la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 7 mars 2017 entre M. et Mme [U] et la société Franfinance,
- débouté M. et Mme [U] de leur demande relative à l'inscription de leur créance au passif de la société Force Energie,
- dit que les demandes formées par M. et Mme [U] tendant à engager la responsabilité de la société Franfinance ne sont pas prescrites,
- débouté M. et Mme [U] de leur demande tendant à priver la société Franfinance du remboursement du capital emprunté,
- condamné solidairement M. et Mme [U] à restituer la somme de 29 900 euros à la société Franfinance, diminuée des sommes déjà versées dans le cadre du remboursement du crédit et dit que la somme ainsi calculée portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
- débouté M. et Mme [U] de leurs demandes de dommages-intérêts au titre d'un préjudice matériel et financier et d'un préjudice moral,
- condamné la société Franfinance au paiement de la somme de 700 euros à M. et Mme [U] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Franfinance aux dépens,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.
Par déclaration reçue au greffe le 3 juillet 2024, M. et Mme [U] ont relevé appel de ce jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 mars 2025, M. et Mme [U], appelants, demandent à la cour de :
- infirmer et réformer le jugement entrepris sur les chefs de jugement suivants et statuant à nouveau :
En ce qui concerne le premier chef du jugement qu'ils ont critiqué : le rejet de leur demande tendant à priver la société Franfinance du remboursement du capital emprunté
- infirmer et réformer le jugement entrepris en ce qu'il :
- les a déboutés de leur demande tendant à priver la société Franfinance du remboursement du capital emprunté,
- les a condamnés à restituer la somme de 29 900 euros à la société Franfinance, diminuée des sommes déjà versées dans le cadre du remboursement du crédit et dit que la somme ainsi calculée portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Statuant à nouveau,
- déclarer que la société Franfinance a commis des fautes qui leur ont généré un préjudice,
- à titre principal, priver la société Franfinance de sa créance de restitution et débouter celle-ci de sa demande de restitution du capital,
- à titre subsidiaire, condamner la société Franfinance à leur régler la somme de 29 900 euros au titre de la perte de chance de ne pas contracter,
En ce qui concerne le deuxième chef du jugement qu'ils ont critiqué : le rejet de leurs demandes indemnitaires
- infirmer et réformer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts au titre d'un préjudice matériel, financier et moral,
Statuant à nouveau,
- condamner la société Franfinance à leur restituer l'ensemble des échéances qu'ils ont réglées,
- condamner la société Franfinance à leur régler la somme de 5 410,90 euros au titre du préjudice matériel et financier subi,
- condamner la société Franfinance à leur régler la somme de 8 000 euros au titre du préjudice moral, soit la somme de 4 000 euros à chacun des époux,
En tout état de cause,
- condamner la société Franfinance à leur régler la somme de 5 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais qu'ils ont engagés devant la cour d'appel,
- condamner la société Franfinance aux dépens de première instance et d'appel, en jugeant que Maître Sophie Acquere, avocat, pourra procéder à leur recouvrement comme cela est prescrit à l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2025, la société Franfinance, intimée, demande à la cour de :
- la dire et juger recevable en l'ensemble de ses moyens, fins et conclusions,
Y faisant droit :
- dire et juger M. et Mme [U] mal fondés en leur appel,
- confirmer le jugement rendu le 21 mai 2024 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux en l'ensemble de ses dispositions,
A titre subsidiaire,
- limiter la décharge de l'obligation de restitution du capital prêté à concurrence du préjudice réellement subi par M. et Mme [U],
En tout état de cause,
- condamner in solidum M. et Mme [U] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. et Mme [U] aux entiers dépens d'appel au profit de Maître Stéphanie Cartier qui pourra les recouvrer dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 mai 2025.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour relève qu'elle n'est saisie que des chefs du jugement ayant débouté M. et Mme [U] de leur demande tendant à priver la société Franfinance du remboursement du capital emprunté, condamné solidairement M. et Mme [U] à restituer la somme de 29 900 euros à la société Franfinance, diminuée des sommes déjà versées dans le cadre du remboursement du crédit et dit que la somme ainsi calculée portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision, et débouté M. et Mme [U] de leurs demandes de dommages-intérêts au titre d'un préjudice matériel et financier et d'un préjudice moral.
Les autres chefs du jugement, non querellés par les parties, sont dès lors devenus irrévocables.
Sur la créance de restitution de la société Franfinance
Le premier juge a annulé le contrat de vente pour non-respect des dispositions du code de la consommation aux motifs qu'il ne fournissait aucun élément sur les conditions d'exécution du contrat, sur le calendrier et sur le délai d'exécution des travaux et de livraison des panneaux photovoltaïques, ne distinguant pas expressément entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif prévues dans le bon de commande. Il relevait également que ce document ne comportait aucune mention sur la possibilité de recourir au médiateur de la consommation.
Le juge des contentieux de la protection a débouté M. et Mme [U] de leur demande visant à priver la société Franfinance du remboursement du capital emprunté et les a condamnés à lui restituer la somme de 29 900 euros. S'il a retenu que la banque avait commis une faute, non lors du déblocage des fonds mais en raison du financement d'un contrat nul, il a jugé que celle-ci n'avait pas causé de préjudice à M. et Mme [U] puisque, outre le fait qu'ils avaient vendu le bien et n'étaient plus en possession de l'installation photovoltaïque depuis 2020, aucun dysfonctionnement de l'installation photovoltaïque n'était établi, ajoutant qu'ils ne contestaient pas avoir bénéficié du renforcement de leur charpente et du ballon thermodynamique.
* Sur la faute de la banque
La société Franfinance soutient n'avoir commis aucune faute dans la vérification du formalisme de la vente en faisant valoir qu'aucune disposition du code de la consommation n'oblige le prêteur à cette vérification sauf à ajouter à la loi, relevant que les appelants ne visent que de la jurisprudence. Elle ajoute que si le régime de l'indivisibilité explique l'annulation de contrats constituant un ensemble contractuel indivisible, elle ne justifie pas pour autant l'obligation pour le prêteur de vérifier le formalisme du contrat de prêt. Elle indique également que le banquier n'a pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de son client. Elle affirme avoir pu légitimement se convaincre de la seule régularité apparente du bon de commande laquelle est confortée par les deux attestations de livraison signées les 21 avril et 17 mai 2017 par les acquéreurs.
Elle soutient également n'avoir commis aucune faute dans la vérification de l'exécution de la vente en soutenant que l'emprunteur, qui détermine l'établissement de crédit à verser des fonds au vendeur au vu du certificat de livraison qu'il a signé, n'est pas recevable à soutenir par la suite, au détriment du prêteur, que le bien ne lui aurait pas été livré. Elle relève que M. [U] a réceptionné sans réserve la livraison le 21 avril 2017, ce qu'il a réitéré le 17 mai 2017 et qu'il a donc autorisé le déblocage des fonds par deux fois, confortant ainsi l'idée d'une livraison complète. Elle en déduit qu'elle n'avait aucune obligation de s'assurer personnellement de la conformité de la livraison et qu'elle ne pouvait donc s'opposer aux instructions de son client de débloquer les fonds. Enfin, elle indique que sa prétendue faute a nécessairement été régularisée par le raccordement et la mise en service ultérieurs de l'installation.
M. et Mme [U] soutiennent que la banque a bien commis une faute dans la vérification de la régularité du bon de commande et dans la vérification de l'exécution complète du contrat principal.
Sur le premier point, ils indiquent que la société Force Energie est intervenue en qualité de mandataire de la société Franfinance qui aurait dû vérifier, avant de s'associer à cette société, la régularité des bons de commande et qu'en s'étant fait remettre un exemplaire de leur bon de commande, elle pouvait, en sa qualité de professionnelle disposant d'un service juridique, aisément constater que ce contrat était irrégulier. Ils ajoutent que la Cour de cassation juge de manière constante que le prêteur est tenu de s'assurer de la régularité du contrat principal et qu'il existe une indivisibilité conventionnelle entre le contrat de prêt et le contrat principal au sens de l'article 1218 du code civil. Ils soutiennent enfin que la société Franfinance avait connaissance des dispositions particulières en matière de contrat conclu hors établissement et qu'elle ne peut invoquer le devoir de non-immixtion pour justifier ses manquements.
Sur le second point, ils affirment que la société Franfinance a commis une faute en libérant les fonds sans s'assurer de l'exécution complète des prestations mises à la charge de la société Force Energie ainsi que le juge la Cour de cassation. Ils indiquent que M. [U] conteste avoir signé l'attestation de fin de travaux le 21 avril 2027, soutenant qu'en tout état de cause, ce document n'était pas suffisamment précis pour permettre à la banque de s'assurer de l'exécution de chacune des prestations figurant dans le bon de commande et notamment des démarches administratives. Ils affirment enfin que l'installation photovoltaïque n'a jamais été raccordée auprès d'Enedis.
Sur ce,
Suite à l'annulation du contrat de crédit, les parties sont rétablies dans leur état antérieur, ce qui impose en principe à l'emprunteur de restituer le capital emprunté, même lorsque les fonds ont été directement versés entre les mains du vendeur.
L'emprunteur peut toutefois échapper à une telle restitution s'il parvient à démontrer que le prêteur a commis une faute en libérant les fonds, laquelle lui permet d'obtenir des dommages et intérêts venant se compenser avec le capital emprunté.
Dans la logique de l'opération commerciale unique et afin de protéger le consommateur, le prêteur est tenu, contrairement à ce qu'il soutient au cas d'espèce, de vérifier la régularité formelle du contrat principal et d'informer l'emprunteur d'une éventuelle irrégularité afin que celui-ci puisse confirmer le contrat ou y renoncer. A défaut, le prêteur commet une faute susceptible d'engager sa responsabilité ainsi que le juge de manière constante la Cour de cassation (1re Civ., 10 décembre 2014, pourvoi n° 13-26.585, 1re Civ., 22 septembre 2021, pourvoi n° 19-21.968).
Ainsi, en ne vérifiant pas la régularité formelle du bon de commande au regard des dispositions impératives du code de la consommation dont les irrégularités rappelées ci-dessus étaient manifestes et aisément identifiables par un professionnel comme la société Franfinance, sans que le fait que les acquéreurs, profanes du droit, aient signé une ou deux attestations de livraison du bien conforme au bon de commande, puisse la dispenser de cette vérification, et en finançant une opération accessoire à un contrat de vente nul, la banque a donc, et contrairement à ce qu'elle soutient, commis une faute.
Cette faute est de nature à priver la banque de sa créance de restitution si M. et Mme [U] sont en capacité de démontrer un préjudice en lien causal avec la faute reprochée à la banque, sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief invoqué par les appelants tiré d'un déblocage hâtif des fonds sans s'assurer préalablement de l'entière exécution du contrat.
* Sur la restitution du capital
M. et Mme [U] demandent l'infirmation du chef du jugement les ayant condamnés à verser à la société Franfinance la somme de 29 900 euros et ayant refusé de les dispenser du remboursement du capital emprunté.
Ils font valoir qu'ils justifient du préjudice subi en ce que la société Force Energie a été déclarée en liquidation judiciaire et qu'ils ne pourront donc rien obtenir à son encontre conformément à la jurisprudence récente de la Cour de cassation (arrêts du 10 juillet 2024) et en ce que l'installation ne fonctionnait pas, la société Force Energie n'ayant pas réalisé les démarches administratives promises. Ils affirment n'avoir jamais retiré le moindre bénéfice de cette installation photovoltaïque y compris lors de la vente de leur maison.
Ils soutiennent donc justifier d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente en lien de causalité avec la faute de la société Franfinance.
La société Franfinance, qui poursuit la confirmation de ces chefs du jugement, soutient que le prêteur, qui a commis une faute, est en droit d'obtenir la restitution du capital prêté dès lors que l'emprunteur ne justifie d'aucun préjudice en lien avec cette faute, notamment lorsqu'il bénéficie d'une installation fonctionnelle et qu'il en tire des revenus, indépendamment de l'insolvabilité du vendeur, comme l'a jugé la Cour de cassation.
Elle soutient qu'en l'espèce, M. et Mme [U] ne subissent aucun préjudice en lien direct avec cette faute dans la mesure où l'installation photovoltaïque et le ballon thermodynamique fonctionnent et qu'ils ne contestent pas le renforcement de leur charpente ; qu'ils ont vendu leur maison équipée de ces équipements, ce qu'ils n'auraient pu faire si l'installation était défectueuse d'autant que celle-ci est intégrée au bâti. Elle affirme qu'au contraire, ces éléments ont nécessairement généré une plus-value, ajoutant qu'ils ne produisent aucune expertise venant démontrer le contraire. Elle reprend la motivation du premier juge.
Elle ajoute que l'impossibilité d'obtenir du vendeur la restitution du prix est la conséquence directe de sa liquidation judiciaire et non de la faute qu'elle aurait commise. Elle soutient que cette faute causerait un préjudice uniquement dans le cas où le mandataire judiciaire du vendeur procéderait à la dépose de l'installation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de limiter la décharge de l'obligation de restitution du capital prêté à concurrence du préjudice réellement subi par M. et Mme [U] qui ne peut être équivalent à celui des sommes prêtées et à charge pour eux de le démontrer. Elle rappelle qu'ils ont vendu l'installation photovoltaïque et le ballon en parfait état de fonctionnement et ce alors même qu'ils n'ont pas remboursé leur prêt, aucune mensualité n'ayant été réglée.
Sur ce,
M. et Mme [U] doivent, après avoir démontré l'existence d'une faute commise par la banque, également rapporter la preuve qu'il en est résulté pour eux un préjudice en lien causal avec la faute commise.
Il ressort de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation (1re Civ., 10 juillet 2024, pourvoi n° 22-24.754) que si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est en liquidation judiciaire.
En effet, dans une telle hypothèse, d'une part, compte tenu de l'annulation du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit pouvoir être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation.
D'autre part, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal.
Par conséquent, il convient de retenir que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.
Il s'ensuit que M. et Mme [U] subissent un préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation et du fait qu'ils ne sont plus en possession des matériaux en raison de leur vente, consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont ils ne sont plus propriétaires, préjudice qui n'aurait pas été subi sans la faute de la banque.
Il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. et Mme [U] à rembourser à la banque la somme de 29 900 euros au titre du capital prêté diminuée des sommes déjà versées dans le cadre du remboursement du crédit.
La demande subsidiaire en réduction du montant du préjudice ne peut prospérer dans la mesure où comme il a été dit ci-avant, les emprunteurs justifient d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque, et ce même quand bien même ils ont vendu l'installation photovoltaïque et le ballon thermodynamique avec leur bien immobilier et qu'ils en auraient retiré une plus-value, ce qui n'est pas en outre pas établi, l'acte de vente ne mentionnant même pas cette installation au titre des équipements.
En conséquence, la banque sera déboutée de sa demande de restitution du capital emprunté.
Sur la demande de M. et Mme [U] en remboursement des échéances réglées à la banque, la cour relève qu'ils ne justifient d'aucun paiement. En outre, il ressort de l'historique du dossier produit par la société Franfinance (sa pièce 7) qu'ils n'ont effectué aucun règlement après la fin de la période de différé.
Il convient en conséquence de les débouter de cette demande.
Le jugement est infirmé de ces chefs.
Sur les demandes de dommages et intérêts
M. et Mme [U] demandent la condamnation de la société Franfinance à leur verser la somme de 5 410,90 euros au titre du préjudice matériel et financier subi et 8 000 euros au titre de leur préjudice moral.
Ils font grief au premier juge de les avoir déboutés de cette demande au motif qu'ils avaient déjà été indemnisés à hauteur de 5 410,90 euros au titre de leur préjudice matériel et de 2 000 euros au titre du préjudice moral dans le cadre de la procédure pénale, que le coût de la remise en état de l'immeuble n'avait pas à être assumé par la société Franfinance et qu'il n'était justifié d'aucune manoeuvre frauduleuse dont cette dernière pourrait être tenue pour responsable et justifiant une indemnisation distincte de celle déjà accordée.
Ils font valoir que ce n'est pas la société Force Energie mais son gérant qui a été condamné à leur régler des dommages et intérêts par le tribunal correctionnel et qu'ils sont en droit de solliciter des dommages et intérêts à l'encontre de la société Franfinance en raison des fautes qu'elle a commises. Ils ajoutent avoir subi un préjudice matériel et financier arbitré par le tribunal correctionnel à la somme de 5 410,90 euros, de sorte qu'il ne peut plus être remis en cause, et que n'ayant perçu aucune indemnisation par le gérant de la société Force Energie, ils sont recevables et bien fondés à demander la condamnation de la banque à indemniser ce préjudice qui est la conséquence directe de ses manquements, ajoutant qu'elle a été complice des agissements de la venderesse.
Ils ajoutent que leur préjudice moral s'est poursuivi après 2021 ; qu'ils ont souffert des tracas et du stress occasionnés par la gestion et le suivi de ce dossier et qu'ils ont été contraints de revendre leur habitation sans aucune plus-value tirée de l'installation photovoltaïque qui ne fonctionnait pas.
La société Franfinance s'oppose à ces demandes en faisant valoir qu'ils ont déjà obtenu la condamnation du gérant de la société Force Energie au paiement de la somme de 5 410 euros au titre de frais de remise en état et autres. Elle relève qu'elle ne saurait être condamnée au seul motif qu'ils n'ont obtenu aucune indemnisation de sa part, ce dont ils ne justifient pas, de même que du montant réclamé. Elle indique être étrangère aux travaux d'installation réalisés par la société Force Energie et qu'elle ne saurait donc être tenue aux frais d'une remise en état qui ne sera en outre jamais effectuée puisque la maison a été vendue.
Elle ajoute qu'ils ne rapportent aucune preuve du préjudice moral dont ils font état alors qu'ils ont déjà été indemnisés à hauteur de 2 000 euros par le tribunal correctionnel.
Sur ce,
En application de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l'espèce, le tribunal correctionnel de Nanterre, par jugement du 1er octobre 2021, a condamné le gérant de la société Force Energie à verser à M. et Mme [U] la somme de 5 410,90 euros au titre du préjudice matériel et financier correspondant aux frais de remise en état et frais divers et 2 000 euros au titre du préjudice moral.
Outre que la demande au titre du préjudice matériel et financier n'est étayée par aucun devis ni justificatif et que M. et Mme [U] ne démontrent pas l'existence d'un lien de causalité entre la faute retenue à l'encontre de la banque et ce préjudice, la cour relève qu'ils ont déjà été indemnisés par le tribunal correctionnel. Le seul fait qu'ils n'auraient pu recouvrer ces sommes, ce dont au demeurant ils ne justifient pas par le seul courriel de leur banque du 17 janvier 2025 indiquant ne pas avoir trouvé trace de remise de fonds de ces montants sur l'ensemble de leurs comptes depuis 2020, ne saurait justifier une nouvelle indemnisation pour ce même préjudice.
Concernant leur demande au titre du préjudice moral, M. et Mme [U] ne démontrent pas de l'existence d'un tel préjudice en lien avec la faute commise par la banque ni qu'ils n'auraient pas été indemnisés par la somme octroyée par le tribunal correctionnel.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. et Mme [U] de ces demandes.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Franfinance, qui succombe à titre principal, est condamnée aux dépens d'appel.
La société Franfinance est condamnée à payer à M. et Mme [U] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en ses dispositions dévolues à la cour sauf en ce qu'il a débouté M. et Mme [U] de leurs demandes de dommages-intérêts au titre d'un préjudice matériel et financier et d'un préjudice moral ;
Statuant à nouveau,
Rejette la demande en restitution du capital prêté formée par la société Franfinance ;
Déboute M. [N] [U] et Mme [J] [M] épouse [U] de leur demande visant à condamner la société Franfinance à leur restituer les échéances qu'ils ont réglées ;
Déboute la société Franfinance du surplus de ses demandes ;
Condamne la société Franfinance à payer à M. [N] [U] et Mme [J] [M] épouse [U] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne la société Franfinance aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés par Me Sophie Acquere, avocate, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Bénédicte NISI, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.