CA Amiens, 1re ch. civ., 23 septembre 2025, n° 23/01385
AMIENS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
BNP Paribas Personal Finance (SA)
Défendeur :
Evolution (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Fallenot
Conseillers :
Mme Beauvais, Mme Des Robert
Avocats :
Me Catillion, Me Deffrennes, Me Kaeser, Me Leboucher
DECISION :
Le 16 mars 2021, Mme [N] [R] épouse [D] a été démarchée à domicile et a signé un bon de commande établi par la société Installation des nouvelles énergies, ci-après société INE, pour la pose et l'installation d'une pompe à chaleur air-eau et d'un ballon thermodynamique, moyennant le paiement d'une somme globale de 24 900 euros.
Le 17 mars 2021, Mme [D] a souscrit auprès de la société Cetelem, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas personal finance, ci-après société BNP, un prêt d'un montant de 24 900 euros au taux effectif global de 4,95% l'an et remboursable en 120 mensualités de 267,41 euros pour financer cette installation.
Les biens ont été livrés le 22 mars 2021.
Par actes d'huissier en date des 25 et 31 janvier 2022, Mme [D] a fait assigner la société INE et la société BNP devant le juge des contentieux de la protection du tribunal d'Abbeville, au visa des articles L 111-1 et suivants, L 21-1 et suivants, L 211-1, L 312-16 et suivants, L 312-48 et suivants, L242-1 du code de la consommation aux fins de voir notamment :
A titre principal,
Ordonner la caducité du contrat conclu entre Mme [D] d'une part et la société INE d'autre part, à défaut sa nullité et encore plus subsidiairement sa résolution,
Ordonner la résolution du contrat de prêt affecté,
Condamner la société BNP à lui restituer les sommes déjà versées,
Condamner la société INE à restituer le montant du capital versé à la société BNP,
Priver la société BNP de tout droit à remboursement de sa part,
Condamner solidairement les défendeurs à la prise en charge des travaux de dépose et de remise en état,
A titre subsidiaire,
Condamner la société INE à lui payer la somme de 24 900 euros,
Condamner la société BNP à lui rembourser le montant des intérêts déjà perçus,
En tout état de cause,
Condamner in solidum la société INE et la société BNP à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens de l'instance.
Suivant jugement en date du 23 juin 2022 du tribunal de commerce de Soissons, la société INE a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, la SELARL Evolution, prise en la personne de M. [Y], étant désignée en qualité de liquidateur.
Par acte en date du 8 août 2022, Mme [D] a attrait dans la cause la SELARL Evolution ès qualités.
Les deux instances ont été jointes.
Par jugement rendu le 27 janvier 2023, le tribunal judiciaire d'Abbeville a :
Constaté l'exercice régulier de son droit de rétractation par Mme [D] emportant caducité du contrat principal et du contrat de crédit et leur anéantissement rétroactif,
Dit que Mme [D] devra laisser le matériel à la disposition de la société INE, prise en la personne de son liquidateur, lequel devra faire le nécessaire pour en reprendre possession à ses frais, frais de dépose et de remise en état inclus,
Jugé que les fautes commises par la société BNP la privent de sa créance de restitution par Mme [D] du capital prêté,
Condamné la société BNP à restituer à Mme [D] les sommes versées au titre du contrat de crédit annulé, à parfaire au jour du jugement, correspondant à l'intégralité des échéances versées,
Fixé au passif de la société INE la créance de la société BNP pour un montant de 24 900 euros,
Condamné in solidum la société BNP et la société INE, prise en la personne de son liquidateur, aux dépens de l'instance,
Condamné in solidum la société BNP et la société INE, prise en la personne de son liquidateur, au paiement d'une somme de 1 500 euros à Mme [D] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires,
Rappelé que le jugement est de plein droit exécutoire par provision.
Par déclaration du 13 mars 2023, la société BNP a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :
Jugé que les fautes commises par la société BNP la privent de sa créance de restitution par Mme [N] [D] du capital prêté,
Condamné la société BNP à restituer à Mme [N] [D] les sommes versées au titre du contrat de crédit annulé, à parfaire au jour du jugement, correspondant à l'intégralité des échéances versées,
Fixé au passif de la société INE la créance de la société BNP pour un montant de 24 900 euros,
Condamné in solidum la société BNP et société INE, prise en la personne de son liquidateur, aux dépens de l'instance,
Condamné in solidum la société BNP et la société INE, prise en la personne de son liquidateur, au paiement d'une somme de 1 500 euros à Mme [N] [D] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de de procédure civile,
Débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires.
PRETENTIONS DES PARTIES
Par conclusions notifiées le 28 novembre 2023, la société BNP demande à la cour de :
A titre principal, si par extraordinaire la cour devait confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'exercice régulier de son droit de rétractation par Mme [D] emportant caducité du contrat principal et du contrat de crédit affecté consenti par la société BNP et leur anéantissement rétroactif :
Débouter Mme [D] de l'intégralité de ses prétentions, demandes, fins et conclusions formulées à l'encontre de la société BNP,
Constater, dire et juger que la société BNP n'a commis aucune faute en procédant à la délivrance des fonds ni aucune faute dans l'octroi du crédit,
Par conséquent, condamner Mme [D] à rembourser à la société BNP le montant du capital prêté, déduction faite des paiements d'ores et déjà effectués par l'emprunteuse,
En outre, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé au passif de la société INE la créance de la société BNP pour un montant de 24 900 euros.
A titre subsidiaire, si par impossible la cour devait considérer à l'instar du premier magistrat que la société BNP a commis une faute dans le déblocage des fonds :
Dire et juger que le préjudice subi du fait de la perte de chance de ne pas contracter le contrat de crédit affecté litigieux ne peut être égal au montant de la créance de la banque,
Dire et juger que la pompe à chaleur air-eau et le ballon thermodynamique querellés ont bien été livrés et installés au domicile de Mme [D] par la société INE et que lesdits biens fonctionnent parfaitement puisque Mme [D] ne rapporte absolument pas la preuve d'un quelconque dysfonctionnement qui affecterait les matériels installés à son domicile et qui serait de nature à les rendre définitivement impropres à leur destination,
Dire et juger que Mme [D] conservera l'installation de la pompe à chaleur et du ballon thermodynamique qui ont été livrés et posés à son domicile par la société INE (puisque ladite société se trouve en liquidation judiciaire de sorte qu'elle ne se présentera jamais au domicile de Mme [D] pour récupérer les matériels installés à son domicile) et que lesdits matériels fonctionnent parfaitement, à défaut de preuve contraire émanant de la partie adverse,
Par conséquent, dire et juger que la société BNP ne saurait être privée de la totalité de sa créance de restitution, compte tenu de l'absence de préjudice avéré pour Mme [D].
Par conséquent, condamner Mme [D] à rembourser à la société BNP le montant du capital prêté, déduction faite des paiements d'ores et déjà effectués par l'emprunteuse,
A défaut, réduire à de biens plus justes proportions le préjudice subi par Mme [D] et condamner à tout le moins Mme [D] à restituer à la société BNP une fraction du capital prêté, fraction qui ne saurait être inférieure aux deux tiers du capital prêté au titre du crédit affecté litigieux.
En tout état de cause,
Débouter Mme [D] de sa demande en paiement de dommages et intérêts au titre du coût de la dépose et de la remise en état à l'état d'origine telle que formulée à l'encontre de la société BNP,
Condamner Mme [D] à payer à la société BNP la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner Mme [D] aux entiers frais et dépens, y compris ceux d'appel dont distraction au profit de la SCP Lusson et Catillon, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 29 février 2024, Mme [D] demande à la cour de :
A titre principal,
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
A titre subsidiaire,
Ordonner la nullité du contrat conclu entre la société INE et Mme [D] et du contrat de prêt affecté sur le fondement des dispositions du code de la consommation,
Condamner la société BNP à restituer toutes sommes d'ores et déjà versées par Mme [D] au titre de l'emprunt souscrit, soit la somme de 888,08 euros au mois de décembre 2021, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir,
Priver la société BNP de fait de tout droit à remboursement contre Mme [D] s'agissant du capital, des frais et accessoires versés,
Fixer la créance de Mme [D] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société INE à la somme de 16 545, 47 euros au titre de la dépose et remise en état de l'installation,
Si par extraordinaire, la société BNP n'est pas déboutée de son droit à restitution du capital contre Mme [D] :
Fixer la créance de Mme [D] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société INE à la somme de 24 900 euros en conséquence de l'anéantissement du contrat, outre le coût de la dépose et remise en état à l'état d'origine à raison de la somme de 16 545, 47 euros,
Condamner la société BNP à rembourser à Mme [D] le montant des intérêts déjà payés,
A titre très subsidiaire,
Ordonner la résolution du contrat conclu principal et ordonner la résolution consécutive du contrat de prêt affecté,
Condamner la société BNP à restituer toutes sommes d'ores et déjà versées par Mme [D] au titre de l'emprunt souscrit, soit la somme de 888,08 euros au mois de décembre 2021, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir,
Priver la société BNP de tout droit à remboursement contre Mme [D] s'agissant du capital, des frais et accessoires versés,
Fixer la créance de Mme [D] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société INE à la somme de 16 545, 47 euros au titre de la dépose et remise en état de l'installation,
Si par extraordinaire, la société BNP Paribas personal finance n'est pas déboutée de sa demande de restitution des fonds,
Fixer la créance de Mme [D] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société installation des nouvelles énergies à la somme de 24 900 euros en conséquence de l'anéantissement du contrat, outre le coût de la dépose et remise en état d'origine à raison de la somme de 16 545, 47 euros,
Condamner la société BNP à rembourser Mme [D] le montant des intérêts déjà payés.
En toutes hypothèses,
Condamner in solidum la SELARL Evolution, en qualité de liquidateur judiciaire de la société INE, et la société BNP à payer à Mme [D] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens,
Débouter la SELARL Evolution et la société BNP de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
La SELARL Evolution prise en la personne de M. [Y], en qualité de liquidateur de la société INE, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 mars 2024.
MOTIFS
Sur la caducité du contrat principal et les restitutions subséquentes
Mme [D] explique avoir été démarchée à son domicile et avoir signé un bon de commande avec la société INE en vue de la livraison et l'installation d'une pompe à chaleur et d'un ballon thermodynamique moyennant le prix de 24 900 euros, la société INE lui ayant promis en contrepartie le bénéfice d'aides de l'Etat à hauteur de 21 900 euros. Elle indique que la société INE lui a fait souscrire un contrat de crédit affecté auprès de la société BNP afin de pouvoir financer l'opération, un report des échéances de crédit étant fixé à six mois afin de la persuader de l'obtention des aides financières avant le début des prélèvements mensuels.
Elle explique que les biens ont été livrés très rapidement, soit le 22 mars 2021, qu'elle a ensuite reçu une facture comportant la mention « payée », alors pourtant qu'elle n'a jamais reçu aucune attestation de fin de travaux, qu'aucune déclaration préalable d'urbanisme n'a été déposée si bien que l'installation est irrégulière, et qu'aucune attestation de garantie décennale ne lui a été communiquée. Elle ajoute avoir découvert que les promesses d'aides financières de l'Etat étaient un leurre, de sorte qu'elle a porté plainte auprès de la gendarmerie pour des faits d'escroquerie. Elle indique avoir en vain adressé des courriers pour faire valoir son droit de rétractation auprès de la société INE et de l'organisme de crédit.
Elle précise qu'à la suite des dépôts de plainte d'une centaine de victimes, une enquête sur les pratiques de la société INE est actuellement diligentée par la gendarmerie de [Localité 9], la société INE ayant déposé le bilan très rapidement après l'ouverture de celle-ci.
Elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la caducité du contrat principal au motif qu'elle avait régulièrement exercé son droit de rétractation. Elle précise que le bon de commande litigieux prévoyait un délai de rétractation de quatorze jours à compter de la signature du contrat de prestations de service alors que le contrat est de nature mixte puisque son objet porte sur la vente et la pose du matériel, ce qui implique que le délai de rétractation prenait effet à compter de la livraison des biens.
Elle soutient que la caducité du contrat de vente entraîne la nullité du contrat de crédit affecté et que dès lors, les versements qu'elle a effectués doivent lui être restitués.
Elle ajoute que la société BNP est à l'origine de multiples fautes qui privent cette dernière du droit de lui demander le remboursement du capital versé. Elle indique en ce sens que l'établissement de crédit a libéré les fonds sans s'assurer de l'existence d'une autorisation d'urbanisme et d'une attestation de garantie décennale, ce qui constitue une faute dolosive, et ajoute qu'il n'a procédé à aucune vérification, même sommaire, du contrat principal qui était pourtant l'objet exclusif du financement.
En réponse à la société BNP, elle invoque l'existence d'un préjudice puisqu'elle se trouve contrainte de financer une installation qui n'a pas été autorisée par la mairie et qui n'est pas garantie et qu'en suite de la caducité des contrats, elle doit restituer le matériel à une société désormais en liquidation judiciaire.
La société BNP soutient qu'elle n'a commis aucune faute dans le déblocage des fonds, de sorte que si la cour devait confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'exercice régulier de son droit de rétractation par Mme [D], emportant caducité du contrat principal et du contrat de crédit affecté consenti et leur anéantissement rétroactif, Mme [D] doit lui restituer le montant du capital accordé par le contrat de crédit.
Elle explique qu'elle n'avait pas à mener des investigations plus poussées quant à la réalisation des travaux ou à la livraison du bien, dès lors que le contrat de crédit ne met à la charge du prêteur aucune obligation de contrôle de conformité des livraisons et prestations effectuées et que l'emprunteur a signé un procès-verbal de réception de travaux. Elle ajoute que la banque est seulement un professionnel du crédit, n'est pas le prestataire chargé d'exécuter la vente et n'a pas à vérifier que les travaux financés ont bien été réalisés.
Elle indique qu'aucun texte du code de la consommation n'impose au prêteur de vérifier la régularité du contrat d'achat ou du bon de commande signé entre le futur emprunteur et la société venderesse.
Elle fait valoir que Mme [D] ne justifie en tout état de cause d'aucun préjudice. En effet, la pompe à chaleur air/eau et le ballon thermodynamique livrés et installés par la société venderesse à son domicile sont conformes au bon de commande, ne présentent aucun défaut technique susceptible de les rendre impropres à leur destination et fonctionnent parfaitement, de sorte qu'elle ne saurait être privée de sa créance de restitution.
Elle ajoute être bien fondée à solliciter à titre subsidiaire la fixation au passif de la société INE de sa créance pour un montant de 24 900 euros puisqu'il a été constaté l'exercice régulier de son droit de rétractation par Mme [D] emportant caducité du contrat principal et du contrat de crédit affecté et leur anéantissement rétroactif.
Sur ce,
Aux termes de l'article L 221-18 du code de la consommation, le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L 221-23 à L 221-25.
Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :
1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L 221-4 ;
2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
Dans le cas d'une commande portant sur plusieurs biens livrés séparément ou dans le cas d'une commande d'un bien composé de lots ou de pièces multiples dont la livraison est échelonnée sur une période définie, le délai court à compter de la réception du dernier bien ou lot ou de la dernière pièce. Pour les contrats prévoyant la livraison régulière de biens pendant une période définie, le délai court à compter de la réception du premier bien.
A titre préliminaire, la cour rappelle que la société BNP n'a pas querellé le jugement en ce qu'il a constaté l'exercice régulier de son droit de rétractation par Mme [D] emportant caducité du contrat principal et du contrat de crédit et leur anéantissement rétroactif, et dit que Mme [D] devra laisser le matériel à la disposition de la société INE, prise en la personne de son liquidateur, lequel devra faire le nécessaire pour en reprendre possession à ses frais, frais de dépose et de remise en état inclus.
Ces chefs du jugement n'ayant pas été dévolus à la cour sont ainsi devenus définitifs.
Le tribunal a justement retenu que l'anéantissement du contrat de crédit étant rétroactif et celui-ci ayant reçu un commencement d'exécution, chacune des parties devait restituer ce qu'elle avait reçu. Le prêteur devait ainsi restituer à l'emprunteur les échéances versées, tandis que l'emprunteur devait restituer au prêteur le capital emprunté, même s'il avait été directement versé au prestataire, sauf en cas d'absence d'exécution du contrat principal ou de faute du prêteur dans la remise des fonds le privant de sa créance de restitution.
Il est constant que le prêteur qui a versé les fonds sans s'être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute. (Civ. 1ère, 20 octobre 2021, n°20-12.411).
Ainsi, contrairement à ce que prétend la société BNP, il lui appartenait de procéder aux vérifications élémentaires portant sur la régularité du contrat principal et son exécution avant de libérer les fonds.
Comme l'a relevé le tribunal par une juste appréciation des faits de la cause, il est établi que la société BNP a libéré les fonds entre les mains de la société INE en suite de la délivrance de l'attestation de livraison du 1er avril 2021, avant même l'achèvement du délai de rétractation. Le tribunal a retenu que pourtant, la simple lecture du bon de commande rédigé par son apporteur d'affaires lui aurait permis de constater l'irrégularité du bon de rétractation dont les mentions ne correspondaient pas au type de contrat conclu, mentionnant un contrat de service alors que la prestation commandée comprenait, outre l'installation, la livraison de l'ensemble du système de chaleur de l'habitation. Le tribunal a jugé par ailleurs qu'il était significatif que le prêteur ne verse au débat qu'une copie du recto du bon de commande litigieux, où ne figure pas le bordereau de rétractation litigieux et comportant en outre des mentions supplémentaires par rapport à l'exemplaire original produit par Mme [D]. Il a été relevé également l'invraisemblance de la réalisation d'une opération complexe de livraison et de mise en service d'un système de chauffage complet en l'espace de seize jours séparant la signature du bon de commande de l'attestation de livraison alors que l'opération impliquait une démarche consistant au dépôt en mairie d'une déclaration préalable d'intention de travaux s'agissant d'une modification de façade, dont le délai de réponse n'est généralement pas inférieur à trente jours. Le tribunal a retenu enfin que la jurisprudence fournie par les parties démontrait l'existence d'un contentieux massif en la matière, de sorte que la société BNP, prêteur professionnel de longue date du secteur, se devait d'apporter une attention particulière aux informations de son apporteur d'affaires, et notamment quant à la régularité formelle du contrat avant d'autoriser la libération des fonds à son bénéfice.
L'ensemble de ces constatations pertinentes, que la société BNP ne remet pas utilement en cause à hauteur d'appel, permet de retenir l'existence de manquements imputables à celle-ci.
Il a été définitivement jugé que Mme [D] devait restituer le matériel au liquidateur de la société INE, de sorte que son préjudice matériel est total et est directement en lien avec les fautes imputables à la société BNP. Il est ainsi justifié de priver la société BNP de la totalité de sa créance de restitution.
Dès lors, c'est par des motifs pertinents en fait et en droit que le tribunal a :
- jugé que les fautes commises par la société BNP Paribas Personal Finance la privent de sa créance de restitution par Mme [N] [D], du capital prêté,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à Mme [N] [D] les sommes versées au titre du contrat de crédit annulé, à parfaire au jour du jugement, correspondant à l'intégralité des échéances versées.
Il est constaté que la société BNP demande dès lors la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a fixé au passif de la société INE sa créance pour un montant de 24 900 euros.
En conséquence, le jugement sera confirmé du chef de ces dispositions querellées.
Sur les demandes annexes
En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner la société BNP aux entiers dépens d'appel et de première instance. La décision entreprise sera réformée en ce sens.
La demande de distraction des dépens sera en conséquence rejetée.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société BNP sera par ailleurs condamnée à payer à Mme [D] la somme indiquée au dispositif du présent arrêt et déboutée de sa propre demande au titre de ses frais irrépétibles, la décision querellée étant confirmée du chef des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, après débats publics, par arrêt réputé contradictoire rendu en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 27 janvier 2023 par le tribunal judiciaire d'Abbeville en toutes ses dispositions querellées à l'exception de celle relative aux dépens ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société BNP Paribas personal finance aux entiers dépens de première instance ;
Y ajoutant,
Condamne la société BNP Paribas personal finance aux entiers dépens d'appel ;
Rejette la demande de distraction des dépens ;
Condamne la société BNP Paribas personal finance à payer à Mme [N] [D] la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
Déboute la société BNP Paribas personal finance de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.