CA Lyon, 1re ch. civ. b, 23 septembre 2025, n° 24/06409
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 24/06409 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P2YJ
Décisions :
Tribunal de Grande Instance de SAINT ETIENNE
au fond du 25 septembre 2019
RG : 16/02596
Cour d'Appel de LYON
Au fond du 24 aout 2022
8ème chambre
RG 19/07601
Cour de Cassation
Civ3 du 06 Juin 2024
Pourvoi K22-23.557-13.962
Arrêt 292 F-D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 23 Septembre 2025
statuant sur renvoi après cassation
DEMANDEUR A LA SAISINE :
La Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles GROUPAMA MEDITERRANEE
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Bertrand BALAS de la SELARL BALAS METRAL & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 773
CONTRE:
M. [U] [M]
né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 16]
[Adresse 17]
[Localité 10]
Mme [G] [Y] épouse [M]
née le [Date naissance 7] 1974 à [Localité 16]
[Adresse 17]
[Localité 10]
Représentés par Me Olivier BOST de la SELARL BOST-AVRIL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
La société [N] MACONNERIE
[Adresse 15]
[Localité 1]
Représentée par Me Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau de LYON, toque : 1813
ayant pour avocat plaidant Me France MASSOT de la SELARL FAYOL AVOCATS, avocat au barreau de VALENCE
La compagnie L'AUXILIAIRE
[Adresse 5]
[Localité 11]
La société [C] TRAVAUX PUBLICS
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentées par Me Nathalie ROSE, avocat postulant au barreau de LYON, toque : 1106
ayant pour avocat plaidant Me Hervé ASTOR de la SELARL ASC AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 27 Février 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Mars 2025
Date de mise à disposition : 20 Mai 2025 prorogée au 23 Septembre 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
M. et Mme [M] ont confié à la société Concept maîtrise d''uvre Ardèche (la société CMO-07), assurée auprès de la société Alpha insurance la maîtrise d''uvre de la construction d'une maison sur leur parcelle cadastrée section AN n°[Cadastre 8] sis commune de [Localité 19], lieudit [Localité 18].
Les travaux de terrassement ont été confiés à la société [C], assurée auprès de la société L'Auxiliaire, et ceux de maçonnerie à la société [N] maçonnerie (la société [N]), assurée auprès de la société Groupama. La société ABC (agence bâtiment Chardon), assurée auprès de la compagnie SMA, est également intervenue sur le chantier.
Par acte du 28 mai 2013, M. et Mme [M] ont été assignés devant le tribunal d'instance de Saint Etienne par les propriétaires de la parcelle voisine, les consorts [E], qui leur reprochaient des décaissements sur leur terrain. Ils ont appelé les constructeurs et leurs assureurs en intervention forcée aux fins de garantie et d'indemnisation de leurs propres préjudices.
Le 12 août 2014 le tribunal d'instance de Saint-Etienne a ordonné une expertise confiée à M. [W] et a obligé la société CMO-07 à remettre à M. et Mme [M] les clés de leur maison, cette remise a eu lieu le 14 août 2014.
Le 7 juillet 2015, la société CMO-07 a été placée en liquidation judiciaire et la société MJ Synergie a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 22 mars 2016, l'expert a déposé son rapport.
Par jugement du 17 mai 2016, le tribunal d'instance de Saint-Etienne s'est déclaré matériellement incompétent au profit du tribunal de grande instance de Saint-Etienne.
Le 8 mai 2018, la société Alpha insurance a été placée en liquidation judiciaire et le cabinet Attorney Boris Frederiksen Kammeradvokaten a été désigné en qualité de liquidateur.
Par jugement réputé contradictoire du 25 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne a :
- dit que la présence d'un décaissement et d'importants amas de terre sur le terrain des consorts [E] résultant des travaux effectués par M. et Mme [M] sur leur fond constituait un trouble anormal du voisinage,
- en conséquence, ordonné à M. et Mme [M] de faire effectuer la construction d'un mur de soutènement conforme à la description de la solution n°1 de la société Bost diagnostics structures, figurant dans le rapport d'expertise du 21 mars 2016, sous contrôle d'un BET spécialisé, dont les honoraires seront à leur charge, dans un délai de 6 mois courant à compter de la signification du présent jugement, sous peine d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pendant un délai de 4 mois,
- ordonné à M. et Mme [M] d'effectuer ou de faire effectuer, par l'entreprise de leur choix, les travaux de remise en état des parties endommagées du tènement immobilier, cadastré section AN n°[Cadastre 12] et n°[Cadastre 13], lesdits travaux comprenant l'enlèvement des terres stockées, ainsi que le remblaiement et le rétablissement du chemin, selon la description figurant à la page 45 du rapport d'expertise du 21 mars 2016, dans un délai de 6 mois courant à compter de la signification du présent jugement, sous peine d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pendant un délai de 4 mois,
- dit que M. et Mme [M] prendront en charge solidairement les frais de géomètre-expert et les frais de notaire rendus nécessaires par la cession de terrain devant intervenir pour réaliser le mur de soutènement,
- condamné solidairement M. et Mme [M] à payer aux consorts [E] la somme de 9.100 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
- en l'absence d'une réception tacite caractérisée, débouté M. et Mme [M] de leur action engagée à l'encontre des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale,
- débouté la société Alpha insurance de sa demande tendant à voir requalifier le contrat de maîtrise d''uvre conclu entre la société CMO-07 et M. et Mme [M] en contrat d'entrepreneur général ou en contrat de construction de maison individuelle,
- dit que la société CMO-07 a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de M. et Mme [M] pour les désordres constatés par l'expert,
- fixé la créance de M. et Mme [M] dans la liquidation judiciaire de la société CMO-07 aux sommes suivantes :
- 100.395,53 euros (91.905 + 88 +275 +2.433,99 + 825 +3.328,54 + 935 + 605) outre indexation de cette somme selon variation du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent jugement,
- 9.100 euros au titre de la garantie du préjudice de jouissance alloué aux consorts [E],
- 2.943 euros au titre de la garantie de l'achat du terrain aux consorts [E],
- 707 euros au titre de la restitution d'un acompte,
- 12.500 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 15.555,98 euros au titre des frais bancaires.
- dit que la société Alpha insurance doit sa garantie au titre des sommes ci-dessus à l'exception de la somme de 707 euros au titre de la restitution d'un acompte,
- fixé la créance de M. et Mme [M] dans la liquidation judiciaire de la société Alpha insurance aux sommes suivantes :
- 100.395,53 euros (91.905 + 88 +275 +2.433,99 + 825 +3.328,54 + 935 + 605) outre indexation de cette somme selon variation du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent jugement,
- 9.100 euros au titre de la garantie du préjudice de jouissance alloué aux consorts [E],
- 2.943 euros au titre de la garantie de l'achat du terrain aux consorts [E],
- 12.500 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 15.555,98 euros au titre des frais bancaires.
- dit que la société [N] a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de M. et Mme [M] au titre des désordres affectant le mur de la maison construit en limite de propriété, son étanchéité et son drainage,
- constaté que par jugement du 13 février 2015 ayant autorité de la chose jugée, la société Groupama a été mise hors de cause,
- dit que la société Groupama doit sa garantie au titre de la réparation des désordres mis à la charge de la société [N],
- dit que la société [C] a engagé sa responsabilité contractuelle au titre du montant du préjudice de jouissance que doit régler M. et Mme [M] aux consorts [E],
En conséquence,
- condamné in solidum la société [N] et la société Groupama à payer à M. et Mme [M] les sommes suivantes :
- 91.505 euros au titre des désordres affectant le mur, l'étanchéité et le drain, outre indexation de cette somme selon variation du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent jugement,
- 2.943 euros au titre de la garantie de l'achat du terrain aux consorts [E],
- 12.500 euros au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [M],
- 15.555,98 euros au titre des frais bancaires.
- condamné in solidum la société [N] et la société Groupama, la société [C] et la société L'Auxiliaire à payer à M. et Mme [M] la somme de 9.100 euros au titre de la garantie du préjudice de jouissance alloué aux consorts [E],
- dit que dans leurs rapports entre eux, les sociétés [C] et L'Auxiliaire seront relevées et garanties par la société [N] et son assureur la société Groupama à hauteur de 20%,
- dit que si la société CMO-07 a une part prépondérante de responsabilité, aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre et à celle de son assureur la société Alpha insurance lesquelles se trouvent en liquidation judiciaire,
- débouté les sociétés [C] et L'Auxiliaire de leur appel en garantie envers la société ABC et son assureur au titre de la somme de 9.100 euros,
- dit que la société ABC a engagé sa responsabilité contractuelle au titre des désordres affectant la porte coulissante, les portes et chambranles et la cloison des WC,
- dit que la société SMA doit sa garantie,
- condamné in solidum la société ABC et la société SMA à payer à M. et Mme [M] la somme de 3.933,54 euros (330 + 2.998,54 + 605) outre indexation de cette somme selon variation du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent jugement.
- dit que la société SMA pourra opposer la franchise contractuelle.
- débouté la société SMA de sa demande à être garantie par la société [N], son assureur la société Groupama, la société [C] et son assureur la société L'Auxiliaire au titre de la réparation des désordres mises à sa charge,
- débouté M. et Mme [M] de leurs demandes plus amples,
- condamné solidairement M. et Mme [M] à payer à la société [N] la somme de 4.003,35 euros TTC en règlement d'une facture,
- condamné solidairement M. et Mme [M] à payer à la société [C] la somme de 3.459,86 euros TTC au titre d'un solde de facture avec intérêt au taux légal à compter du 19 mars 2018,
- ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties,
- débouté la société SMA de sa demande en compensation avec le paiement du solde de la facture due à la société ABC, la société SMA n'étant pas créancière de cette somme,
- constaté qu'aucune demande n'est formée à l'encontre de Mme [R],
- débouté Mme [R] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. et Mme [M], la société CMO-07 représentée par MJ Synergie son liquidateur, son assureur la société Alpha insurance prise en la personne de son liquidateur, la société [N], son assureur la société Groupama Méditérranée, la société [C], son assureur la société L'Auxiliaire, la société ABC et son assureur la société SMA aux dépens de l'instance qui comprendront les frais d'expertise,
- condamné solidairement M. et Mme [M] à payer aux consorts [E] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement la société CMO-07 représentée par MJ Synergie son liquidateur, son assureur la société Alpha insurance prise en la personne de son liquidateur, la société [N], son assureur la société Groupama, la société [C], son assureur la société L'Auxiliaire , la société ABC et son assureur la société SMA à payer à M. et Mme [M] la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à les garantir de la somme mise à leur charge au titre des frais irrépétibles au profit des consorts [E],
- s'agissant des dépens et des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit que dans leurs rapports entre eux, les condamnations seront garanties à hauteur de :
- 60% par la société CMO07 représentée par MJ Synergie son liquidateur et son assureur la société Alpha insurance représentée par son liquidateur,
- 20% par la société [N] et son assureur la société Groupama,
- 15% par la société [C] et son assureur la société L'Auxiliaire,
- 5% par la société ABC et son assureur la société SMA,
- dit n'y avoir lieu à allouer aux autres parties une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- dit que la SELARL Libra juris et la SELARL Bost Avril pourront recouvrer directement contre les parties condamnées ceux des dépens dont elles ont fait l'avance sans avoir reçu provision.
Par déclaration du 6 novembre 2019, la société Groupama a interjeté appel.
Par un arrêt du 24 août 2022, la cour d'appel de Lyon a :
- confirmé la décision du tribunal de grande instance de Saint-Etienne du 25 septembre 2019 :
- en ce qu'il a dit que la présence du décaissement et d'importants amas de terre sur le terrain des consorts [E] résultant des travaux effectués par M. et Mme [M] sur leur fonds constitue pour les consorts [E] un trouble anormal de voisinage,
- en ce qu'il a condamné en conséquence M. et Mme [M] :
* à faire réaliser les travaux sous astreinte,
* et à verser à M. et Mme [E] la somme de 9.100 euros au titre du préjudice de jouissance,
- infirmé la décision déférée en ce qu'elle a mis à la charge de M. et Mme [M] les frais de géomètre-expert et frais de notaire rendus nécessaires par la cession du terrain devant intervenir pour réaliser le mur de soutènement,
- infirmé la décision déférée en ce qu'elle a retenu l'absence de réception tacite caractérisée,
Statuant à nouveau,
- constaté la réception tacite à la date du 14 août 2014,
- infirmé la décision déférée en ce qu'elle retenu la responsabilité contractuelle,
Statuant à nouveau,
- dit que les désordres relatifs à la question du mur relèvent de la responsabilité décennale,
- confirmé la décision contestée du tribunal en ce qu'il a dit que la société Groupama doit sa garantie à la société [N],
- confirmé la décision contestée du tribunal en ce qu'il a dit que la société L'Auxiliaire doit sa garantie à la société [C],
- infirmé la décision du tribunal en ce qu'il a fixé à la somme de 91.505 euros TTC le coût de la reprise des désordres relatifs au mur,
Statuant à nouveau,
- fixé à la somme de 95.045 euros TTC le coût de la reprise des désordres relatifs au mur,
- condamné in solidum la société [N] et la société Groupama :
- à verser à M. et Mme [M] les sommes de :
* 95.045 euros TTC au titre de la reprise des désordres relatifs au mur, l'étanchéité et le drain outre indexation de cette somme selon les variations du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent arrêt,
* 2.943 euros au titre de l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
* 15.000 euros au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [M],
* 15.555,98 euros au titre des frais bancaires,
- et à leur rembourser les frais de géomètre et notaire liés à l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
- condamné in solidum la société [N] et son assureur la société Groupama à verser à M. et Mme [M] la somme de 88 euros TTC au titre de la reprise du désordre relatif au trou de réservation,
- condamné in solidum la société [N] et son assureur la société Groupama à verser à M. et Mme [M] la somme de 4.848 euros TTC au titre des travaux sur la chappe, nécessaires à la reprise des parquets,
- rejeté les autres demandes présentées par M. et Mme [M] à l'encontre de la société [N] et de son assureur la société Groupama,
- confirmé la décision du tribunal en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice moral M. et Mme [M],
- confirmé la décision déférée du tribunal en ce qu'il a débouté M. et Mme [M] de leur demande de condamnation de la société [C] à titre d'indemnisation liée au dysfonctionnement de la pompe de relevage,
- confirmé la décision du tribunal en ce qu'elle a condamné in solidum, la société [N] et son assureur la société Groupama ainsi que la société [C] et son assureur, à verser à M. et Mme [M] la somme de 9.100 euros au titre de la garantie du préjudice de jouissance allouée aux consorts [E],
- l'infirmé en ce qu'elle a dit que dans leurs rapports entre eux, la société [C] et la société L'Auxiliaire seront relevées et garanties par la société [N] et son assureur la société Groupama à hauteur de 20 %, (soit 80 % pour la société [C] et 20 % pour la société [N]),
Statuant à nouveau :
- fixé les quotes-parts à hauteur de :
- 50 % pour la société [N],
- 50 % pour la société [C],
- dit que dans les rapports entre co-obligés, les recours se feront à hauteur des partages de responsabilités fixés à :
- 50 % pour la société [N],
- 50 % pour la société [C],
- rejeté les autres demandes présentées par M. et Mme [M], la société [N], Groupama l'Auxiliaire et la société [C],
- confirmé la décision de première instance relative aux dépens et laissé à la charge de chacune des parties ses propres dépens d'appel,
- confirmé la décision de première instance s'agissant des frais irrépétibles engagés en première instance et laissé à la charge de chacune des parties ses propres frais irrépétibles engagés en appel.
La société Groupama a formé un pourvoi en cassation.
Par un arrêt du 6 juin 2024, la Cour de cassation a :
- cassé et annulé mais seulement en ce qu'il a :
- constaté la réception tacite à la date du 14 août 2014,
- infirmé le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle,
- dit que les désordres relatifs à la question du mur relèvent de la responsabilité décennale,
- dit que la société Groupama doit sa garantie à la société [N],
- condamné in solidum la société [N] et la société Groupama à verser à M. et Mme [M] les sommes de :
* 95.045 euros TTC au titre de la reprise des désordres relatifs au mur, l'étanchéité et le drain outre indexation de cette somme selon les variations du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent arrêt,
* 2.943 euros au titre de l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
* 15.000 euros au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [M],
* 15.555,98 euros au titre des frais bancaires,
et à leur rembourser les frais de géomètre et notaire liés à l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
- et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
l'arrêt rendu le 24 août 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon,
- remis sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée,
- condamné M. et Mme [M] et les sociétés [N], [C] et L'Auxiliaire aux dépens,
- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.
Par déclaration de saisine du 1er août 2024, la société Groupama a saisi la cour de renvoi.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 février 2025, la société Groupama demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Étienne du 25 septembre 2019 en ce qu'il a, en l'absence d'une réception tacite caractérisée, débouté M. et Mme [M] de leur action engagée à l'encontre des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale,
- le réformer en ce qu'il a condamné in solidum la société [N] et la concluante à payer à M. et Mme [M] les sommes suivantes :
- 91.505 euros au titre des désordres affectant le mur, l'étanchéité et le drain, outre indexation de cette somme selon variation du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur à la date du présent jugement,
- 2.943 euros au titre de la garantie de l'achat du terrain aux consorts [E],
- 12.500 euros au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [M],
- 15.555,98 euros au titre des frais bancaires,
Et statuant de nouveau,
- débouter M. et Mme [M] de leurs demandes,
- débouter la société [N] de sa demande de condamnation de la concluante à la relever et garantir au titre du contrat d'assurance,
- rejeter toutes demandes, fins et prétentions dirigées contre elle en l'absence de réception de l'ouvrage, condition de mise en 'uvre de la garantie décennale, et en l'absence de garantie de la faute contractuelle de l'assuré au titre de la responsabilité civile professionnelle,
A titre subsidiaire,
- débouter M. et Mme [M] de leur demande de condamnation in solidum,
- limiter le montant des sommes dues au titre des condamnations de la société [N] au chiffrage retenu par l'expert judiciaire pour la somme de 91.905 euros TTC,
En tout état de cause,
- rejeter toute demande formulée contre elle,
- rejeter toutes demandes des intimés de condamnation à être relevé et garanti par elle,
- la mettre hors de cause,
- débouter la société [C] de sa demande de condamnation de la concluante à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [N], ou qui mieux le devra, à lui payer la somme de 4.000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [N], ou qui mieux le devra, aux entiers dépens de l'instance.
***
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 12 novembre 2024, M. et Mme [M] demandent à la cour de :
- débouter les sociétés Groupama, [N], [C] et L'Auxiliaire de toutes leurs demandes, fins et conclusions formées à leur encontre, non fondées et totalement injustifiées,
A titre principal
- retenir la responsabilité décennale de la société [N],
- condamner in solidum la société [N] et la société [C] ainsi que leurs assureurs respectifs à leur payer les sommes de :
- 95.045 euros au titre de la reprise des désordres relatifs au mur, à l'étanchéité et au drain outre indexation de cette somme selon les variations du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui à la date du présent arrêt,
- 2.943 euros au titre de l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
- 15.000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 15.555,98 euros au titre de l'indemnisation des frais bancaires,
Et à rembourser les frais de géomètre et de notaire liés à l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement.
A titre subsidiaire
- retenir la responsabilité contractuelle des sociétés [N] et [C] dans la survenance des désordres listés ci-après dans le dispositif par les concluants,
- condamner in solidum la société [N] et la société [C] ainsi que l'assureur de cette dernière à leur payer les sommes de :
- 95.045 euros au titre de la reprise des désordres relatifs au mur, à l'étanchéité et au drain outre indexation de cette somme selon les variations du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui à la date du présent arrêt,
- 2.943 euros au titre de l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
- 15.000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 15.555,98 euros au titre de l'indemnisation des frais bancaires,
Et à rembourser les frais de géomètre et de notaire liés à l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
En tout état de cause
- condamner in solidum la société [N] et la société [C] ainsi que leurs assureurs respectifs à leur payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la société [N] et la société [C] ainsi que leurs assureurs respectifs aux entiers dépens de première instance et d'appel liés à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 24 août 2022 que du présent arrêt (sic) distraits au profit de la Selarl Bost Avril, représentée par Me Olivier Bost, avocat sur son affirmation de droit.
***
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2024, la société [N]-maçonnerie demande à la cour de :
- réformer le jugement sur les chefs de l'arrêt cassé,
Statuant à nouveau :
A titre principal :
- juger que les désordres affectant la maison de M. et Mme [M] ne relèvent pas de sa responsabilité contractuelle ou décennale,
- débouter M. et Mme [M] de leurs demandes à son encontre,
- condamner la société Groupama ou tout succombant aux dépens,
A titre subsidiaire :
- juger que M. et Mme [M] ont de manière non équivoque réceptionné les travaux et notamment le lot maçonnerie en l'état avec réserves le 14 août 2024 par la prise de possession des lieux,
- juger que les lieux étaient réceptionnables et habitables à compter du 14 août 2024,
- fixer la réception tacite des travaux avec réserves au 14 aout 2014 ou la réception judiciaire au 14 août 2014, avec réserves,
- débouter M. et Mme [M] de leurs demandes de garantie de leurs condamnations à l'égard des consorts [E],
- juger que les désordres affectant la maison de [Localité 14] relèvent de la garantie décennale des constructeurs,
- limiter la part à sa charge au mur de 15,75 mètres à 49.280 euros,
- débouter M. et Mme [M] de toutes autres demandes,
- condamner la société Groupama à la relever et garantir de toutes condamnations,
Dans tous les cas :
- débouter la société Groupama de son appel en ce qu'elle lui dénie sa garantie,
- condamner la société Groupama à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, indemnité de procédure et dépens,
- débouter M. et Mme [M] de leur demandes plus amples ou contraires,
- débouter la société [C] et son assureur de leur demandes plus amples ou contraires,
- condamner la société Groupama ou tout succombant aux dépens.
***
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 11 décembre 2024, les sociétés [C] et L'Auxiliaire demandent à la cour de :
- déclarer irrecevables M. et Mme [M] en leurs prétentions à son égard et les en débouter,
- déclarer irrévocables les dispositions de l'arrêt du 24 août 2022 à leur égard notamment en ce que la cour a rejeté les autres demandes présentées par M. et Mme [M],
- constater qu'aucune prétention n'est formée contre eux par la société [N],
- débouter M. et Mme [M], et plus généralement toute autre partie, de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre des concluantes,
- les mettre hors de cause,
- condamner la société Groupama ou qui mieux le devra la société [N] et M. et Mme [M] au paiement au profit des concluantes de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 février 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des demandes à l'encontre des sociétés [C] et l'Auxiliaire
La société [C] et l'Auxiliaire soutiennent que :
- elles ne sont pas concernées par le renvoi après cassation et la société [N] ne forme aucune demande à leur encontre, la cassation partielle ne les vise pas,
- les époux [C] ne visent que la garantie décennale de la société [N] mais curieusement, forment des demandes de condamnation in solidum à leur encontre avec la société [N] et son assureur, sans distinction du fondement, alors que les conclusions ne les visent pas.
Les époux [M] font valoir qu'une partie des dispositions de l'arrêt du 22 août 2022 sont définitives et que la cour ne peut statuer que sur la réception et ses incidences sur la garantie décennale de la société [N] et ses conséquences sur leurs préjudices et l'indemnisation de Groupama.
Réponse de la cour
La Cour de cassation a précisé qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt constatant la réception tacite à la date du 14 août 2014 entraînait la cassation du chef du dispositif disant que la société Groupama devait sa garantie à la société [N], s'y rattachant par un lien de dépendance nécessaire.
Elle a précisé que la cassation s'étendait également aux condamnations prononcées contre la société [N] sur le fondement de la responsabilité décennale au titre du mur, qui se rattachent au constat d'une réception de l'ouvrage par un lien de dépendance nécessaire.
La cassation porte donc sur le constat de la réception tacite, l'infirmation sur la responsabilité contractuelle et en ce qu'il est dit que les désordres relatifs à la question du mur relèvent de la garantie décennale, la garantie de Groupama à son assurée, la condamnation in solidum de l'assuré et l'assureur à payer diverses sommes à M. Et Mme [M], les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Il en découle que les dispositions de l'arrêt cassé partiellement se rapportant à la société [C] et son assureur l'Auxiliaire sont définitives, ces sociétés n'étant pas visées par la cassation hormis cependant en ce qui concerne les dépens et indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile de l'arrêt cassé, la cassation comportant également ces deux points et la cour de renvoi devant statuer sur les dépens de l'arrêt cassé.
Les autres demandes à leur encontre sont en conséquence irrecevables mais ils ne peuvent être mis hors de cause alors qu'il doit être statué sur ces deux derniers points.
Sur la réception tacite
La société Groupama affirme que :
- la garantie décennale ne s'applique que s'il y a eu réception que le maître de l'ouvrage doit prouver, et à défaut, seule la garantie contractuelle de droit commun est applicable, la volonté d'accepter les travaux avec ou sans réserve doit être non équivoque, et contradictoire,
- le maître de l'ouvrage a toujours refusé la réception malgré convocations, et a allégué d'un abandon de chantier et de travaux non achevés, l'expert a confirmé l'absence de réception et conclu que l'ouvrage n'était pas réceptionnable en l'état,
- la prise de possession des lieux ne permet pas de déduire une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de réceptionner l'ouvrage dans toute la notion de réception, s'agissant notamment de l'achèvement des travaux et de leurs règlements et la garantie décennale n'est donc pas mobilisable,
- subsidiairement, l'absence d'ouvrage est une faute de conception et sa police ne la garantit pas,
- la société [N] est de même intervenue pour la pose d'un enduit portier hydrofuge et non d'une véritable étanchéité, ce qui est une faute de conception, il y a exclusion de garantie,
- l'étanchéité à l'arrière de la maison était à la charge du maître de l'ouvrage, et s'agissant des désordres affectant le système de drainage, ceci relève de la responsabilité de la société [C] (pas de remblaiement).
Les époux [M] soutiennent que :
- ils ont pris possession des lieux le 14 août 2014 et il y a réception, tacite, comme le confirme l'expert, et contrairement à ce que retient la Cour de cassation, ils ont émis une volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage puisqu'ils ont dû diligenter une procédure judiciaire pour se voir remettre les clefs puis intégré les lieux en présente d'un huissier et avec l'aide d'un serrurier,
- une réception judiciaire avec réserves doit être prononcée le 14 août 2014,
- l'expert a retenu une impropriété à destination caractérisée en l'absence de mur de soutènement, le mur actuel n'ayant pas la structure pour recevoir la poussée des terres mitoyennes, les désordres relèvent donc de la garantie décennale, qui implique la responsabilité de plein droit des constructeurs, lesquels doivent être condamnés in solidum,
- il n'y a pas absence d'ouvrage mais la construction d'un mur qui aurait dû être de soutènement, il s'agit donc d'un dommage garanti par l'assureur,
- le contrat garantit toute activité de maçonnerie, et la société [N] a réalisé un ouvrage non étanche, avec un remblai qui n'a pu être mis en oeuvre du fait de l'absence de fonction de soutènement du mur et le drain est bouché et doit être repris, le maçon aurait dû s'assurer du rebouchage du trou de réservation en présence d'un abri transformé en garage.
La société [N] affirme que :
- les époux [M] ont par constat d'huissier du 21 mars 2013 listé les non finitions et malfaçons et ils ont toujours indiqué avoir réceptionné l'ouvrage le 14 août 2014, en limitant leur préjudice de jouissance à cette date ; la maison était habitable et réceptionnable à cette date, et la réception non équivoque,
- à la date de réception, le mur litigieux était terminé et ne présentait ps de désordres, elle n'est pas concernée par l'absence de mur de soutènement mais par le lot maçonnerie qui a été terminé, mais le maître d'oeuvre refusait la remise des clefs,
- la réception tacite peut intervenir avec réserves, et le chantier était réceptionnable avec réserves après le constat d'huissier, la réception judiciaire doit donc être prononcée le 14 août 2014 subsidiairement,
- elle n'a pas réalisé de mur de soutènement autonome, activité effectivement exclue, il n'y a donc pas absence d'ouvrage.
Réponse de la cour
Il résulte des dispositions de l'article 1792-6 du code civil que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement et elle est en tout état de cause prononcée contradictoirement.
La réception tacite de l'ouvrage est caractérisée par la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de l'accepter. Cette volonté n'est pas présumée qu'en cas de prise de possession de l'ouvrage jointe au paiement intégral des travaux.
L'arrêt de la cour d'appel de Lyon a été cassé en ce qu'il avait, pour constater l'existence d'une réception tacite, relevé que selon le rapport judiciaire, M. et Mme [M] avaient refusé la réception des travaux à la suite de deux convocations en 2013 et que la maison était habitable lorsqu'ils en ont pris possession à l'issue d'une procédure en restitution de clefs, que ces motifs étaient impropres à caractériser la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de le recevoir.
C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que :
- la mobilisation de la garantie décennale suppose la réception de l'ouvrage et des désordres non apparents au moment de la réception et aucune réception expresse n'est intervenue en l'espèce,
- s'agissant de la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter l'ouvrage, il ressort au contraire du procès-verbal daté du 23 mai 2013 que les époux [M] ont refusé d'assister à la réception prévue le 30 avril 2013 et qu'ont au contraire fait assigner l'entreprise aux fins d'expertise en octobre 2013 et n'ont pas payé l'intégralité des travaux,
- même si les époux [M] ont demandé la remise des clefs pour occuper leur maison à compter du 14 août 2014, leur volonté de recevoir l'ouvrage n'est pas caractérisée à cette date alors qu'une expertise était en cours pour constater les désordres et en déterminer les causes.
La cour ajoute, confirmant le jugement, que :
- la prise de possession de l'ouvrage n'induit pas la volonté d'une réception,
- la demande de remise de clef au cours d'une instance judiciaire n'est pas assimilable à une demande de réception judiciaire, il ne peut donc se déduire de cette remise des clefs imposée par le juge que le maître de l'ouvrage a entendu accepter l'ouvrage avec réserves de manière non équivoque,
- le maître de l'ouvrage ne rapporte devant la cour de renvoi aucun autre élément qui caractériserait la réception tacite à cette date ou à un autre moment.
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a écarté la garantie décennale faute de preuve d'une réception tacite.
Sur la responsabilité contractuelle de la société [N]
La société Groupama soutient que :
- la société [N] est intervenue comme simple exécutante du maître d'oeuvre et n'a pas pris part à la conception de l'ouvrage, elle a facturé ses travaux qui n'ont pas été payés en totalité par le maître d'oeuvre,
- le devis initial ne faisait pas état de la nécessité de créer un mur ouest devant recevoir les terres du terrain voisin et ce n'est qu'en cours de chantier que le maître d'oeuvre a commandé l'exécution d'une semelle plus large, d'un mur en blocs à bancher et de drains, et ces travaux n'ont pas été réglés, il n'a pas été demandé de mur de soutènement, et le mur édifié ne comporte pas de malfaçons.
La société [N] soutient que :
- elle est intervenue sous la maîtrise d'oeuvre de la société CMO 07 ; il lui a été commandé un une maison 4 faces dont celle côté [E] en agglos à bancher sur un soubassement en agglos creux de ciment, et en cours de chantier ainsi qu'un élargissement de la semelle béton, pour le mur à bancher, et un supplément de mur en blocs à bancher de 20m²,
- en cours de chantier, de manière non-déclarée, le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre se sont entendus pour transformer l'abri garage en garage fermé, et pour l'étanchéité, il lui a été demandé une protection des soubassements ; les travaux d'étanchéité critiqués par l'expert ne lui ont pas été commandés, l'étanchéité a été réalisée par le maître de l'ouvrage lui-même,
- les époux [M] ne pouvaient ignorer qu'ils devaient réaliser un mur de soutènement, ils ont délibérément exclu cette réalisation et se sont réservés les travaux,
- elle n'est pas intervenue au stade de la conception ou du terrassement, imputable à la société [C],
- sur les réserves concernent le drain et l'étanchéité du delta MS ; il ne peut lui être reproché de ne pas avoir réalisé une véritable étanchéité, et d'avoir mal positionné le delta MS de protection, ce qui lui a été commandé a été réalisé, l'étanchéité a été réalisée par le maître de l'ouvrage lui-même, le delta MS à sa charge ne concernait que la partie habitation face arrière,
- elle a correctement posé le drain et l'expert ne lui reproche pas de faute ou mauvaise exécution, le drain n'a pas été protégé par la société [C] ni par le maître de l'ouvrage
Les époux [M] soutiennent que :
- il y a responsabilité de droit commun puisque les manquements contractuels sont retenus par l'expert,
- le maître d'oeuvre ne s'est pas comporté comme une entreprise générale, ils ont régularisé des actes d'engagement aves les entreprises, peu important les factures établies à l'intention du maître d'oeuvre pour transmission, et la société [N] ne peut être considérée comme un sous-traitant, sa responsabilité contractuelle peut être engagée,
- la faute du maçon est indéniable, il n'existe pas de note de calcul, les agglos n'ont pas d'avis technique pour supporter une fonction de soutènement de terres,
- la société devait aussi assurer l'imperméabilisation des murs enterrés, mais l'expert a considéré que cela n'était pas satisfaisant.
- s'il y a eu un maître d'oeuvre, les entreprises intervenant sur le chantier avaient toutes un devoir de conseil et d'information.
Réponse de la cour
Selon l'article 1147 ancien du code civil, 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.
Il résulte en premier lieu des éléments du dossier, sur l'existence d'un contrat d'entreprise, que :
- contrairement à ce qui est affirmé, il ne peut être soutenu que la société [N] n'aurait pas passé de contrat direct avec le maître de l'ouvrage mais uniquement avec le maître d'oeuvre, lequel aurait agi comme entreprise générale, ce qui ne lui donnerait que la qualité d'entreprise sous-traitante, alors qu'il est versé un acte d'engagement du 1er août 2012 entre cette société et les époux [M] et portant sur des travaux de maçonnerie à réaliser pour le compte de ces derniers représentés par le maître d'oeuvre conformément aux prescriptions du CCAP et des plans et ce dans les règles de l'art ; ce cahier des charges prévoyait ainsi dans le lot maçonnerie gros-oeuvre confié à la société [N] la construction d'un mur en aggloméré de béton,
- ceci est confirmé par un courrier de rappel du 25 avril 2012 adressé par la société [N] au maître de l'ouvrage pour paiement d'une facture en date du 25 octobre 2012, ce qui prouve l'existence d'une relation contractuelle,
- il n'importe pas que les factures aient pu être adressées au maître d'oeuvre qui représentait le maître de l'ouvrage, dans le cadre de modalités de paiement qui ont pu être définies par les intervenants sur le chantier,
- la relation contractuelle est donc concrètement établie de sorte que le maître de l'ouvrage peut invoquer la responsabilité contractuelle de l'entreprise.
S'agissant en second lieu des désordres, il résulte des productions que :
- il existe un décaissement de terrain sur une longueur de 27 mètres de sorte que la construction d'un mur de soutènement s'imposait pour la retenue des terres ; l'absence d'édification d'un tel mur laissant le décaissement à nu entre les parcelles [M] et [E] est révélée par des constats d'huissier des 13 mars et 24 mai 2013 et confirmée par le rapport d'expertise, lequel relève l'absence de mur sur une partie de la zone décaissée, et plus particulièrement par le rapport technique du sapiteur ( BET) qui note également que la partie réalisée du mur n'était pas en mesure de recevoir du remblai,
- le cahier des charges avait prévu un mur en aggloméré de béton incapable de recevoir la poussée des terres, un avenant pour un mur en agglo banché a été établi par l'entreprise et était censé encaisser les poussées des terres après remblaiement du terrain [E] (devis du 12 juillet 2012 de la société [N], avenant numéro 1 nommé comme tel par l'entreprise mentionnant la mise en place d'une semelle BA plus large pour mur à bancher, d'un bloc à bancher delta MS en plus enduit et drain, facture du 25 octobre 2012 de 4.003,35 euros), le plan masse faisant pour sa part mention d'un mur de soutènement en limite de propriété ; or, l'emploi d'agglos banchés est une solution non viable et sans avis technique, il y a eu également une erreur de conception d'emploi d'un hydrofuge au lieu d'une étanchéité sur le mur à contre-terrain et une mauvaise exécution de la pose du delta MS,
- le mur monté en partie en agglos STEPOC dépourvus d'avis technique n'est donc pas conforme aux règles de l'art, n'étant pas en mesure de supporter la poussée des terres, il n'est pas enterré, ni pourvu d'une étanchéité conforme aux règles de l'art,
- la société [N], entreprise de maçonnerie seule sur le chantier, ne pouvait en tant que spécialiste en la matière, édifier un tel mur limité sur sa longueur et ne retenant que partiellement la poussée des terres, sans connaître le risque d'effondrement du reste des terres non soutenues,
- si une erreur de conception est également retenue par l'expert judiciaire, la société [N] ne peut prétendre en qualité de professionnel de la maçonnerie être dégagée de son obligation de conseil et d'information et affirmer qu'elle devait se contenter d'effectuer ce qui était initialement prévu tout comme elle ne peut se retrancher derrière l'affirmation selon lequel le maître de l'ouvrage ne pouvait ignorer qu'un mur de soutènement était nécessaire et aurait validé les travaux de décaissement, ou se serait réservé quelques travaux, qu'elle ne peut non plus se prévaloir de l'édification du garage à la place d'un auvent,
- en conséquence, sont établies les fautes de la société [N] et le lien de causalité avec les désordres du mur.
La cour confirme en conséquence le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société [N] avait engagé sa responsabilité contractuelle à l'encontre des époux [M] au titre des désordres affectant le mur de la maison construit en limite de propriété, son étanchéité et son drainage.
Sur la garantie de l'assureur Groupama
La société Groupama soutient que :
- selon la Cour de cassation, la garantie la garantie des dommages matériels à l'ouvrage ou aux biens sur le chantier avant réception n'est due qu'en cas d'accident survenant de manière soudaine et fortuite et non en cas de mauvaise exécution des obligations contractuelles,
- ses conditions générales définissent le dommage matériel comme toute détérioration, destruction d'un bien ou substances ainsi que toute atteinte physique subie par un animal, et la police garantit spécifiquement certains dommages matériels mais pas les malfaçons ou inexécution avant réception, la faute contractuelle du locateur d'ouvrage est exclue, la réalisation d'un mur en moellon au lieu d'un mur de soutènement n'est donc pas un dommage garanti, le tribunal a retenu à tort sa garantie.
La société [N] soutient que la société Groupama est son assureur à la date de la DROC, le lot maçonnerie a été réceptionné et à la prise de possession, le mur ne présentait aucun désordre et aucune réserve ne le concernait. Elle fait cependant valoir que son assureur doit en tout état de cause être débouté de son appel e n ce qu'il dénie sa garantie à son encontre et demande sa condamnation à la garantir de toutes condamnations.
Les époux [M] se prévalent de la garantie décennale de l'assureur Groupama et s'agissant de la responsabilité contractuelle de la société [N] à titre subsidiaire, ils ne réclament que la condamnation de l'entreprise et non celle de son assureur.
Réponse de la cour
La garantie de l'assureur dépend du fondement de la responsabilité de l'assuré.
La garantie contractuelle de droit commun étant retenue, il convient d'apprécier si la société Groupama couvrait le présent sinistre, étant rappelé qu'en principe, la police responsabilité civile ne couvre pas la responsabilité contractuelle de l'entreprise vis à vis du maître de l'ouvrage en raison des mauvaises exécutions contractuelles de l'entreprise.
La cour relève qu'en l'espèce, aux termes de ses conclusions, la société [N] demande la garantie de son assureur sur le seul fondement de la garantie décennale et n'invoque aucune garantie en raison de sa responsabilité contractuelle de droit commun.
De même, le maître de l'ouvrage, à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ne formule aucune demande à l'encontre de la société Groupama.
En conséquence, la cour infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société Groupama doit sa garantie au titre de la réparation des désordres mis à la charge de la société [N] et l'a condamné à paiement in solidum avec son assurée.
Sur les préjudices
Les époux [M] maintiennent à l'encontre de la société [N] les préjudices retenus par la cour d'appel de Lyon dans l'arrêt qui a été cassé sur ce point.
La société [N] conteste les sommes qui lui sont réclamées et subsidiairement demande la limitation de la part à sa charge à 49.280 euros correspondant au mur de 15,75 mètres.
Réponse de la cour
L'expert a évalué à la somme de 91.505 euros, outre indexation, le coût de la reprise des désordres affectant le mur, l'étanchéité et le drain, et à la somme de 2.943 euros le coût d'une partie de l'achat du terrain des époux [E] et nécessaire à l'exécutions des travaux. Ces sommes ont été retenues par le jugement critiqué.
La somme correspondant à l'achat du terrain a été justement mise à la charge de la société [N], ce coût supplémentaire pour le maître de l'ouvrage ayant pour origine la faute contractuelle de l'entreprise.
Le montant sollicité par le maître de l'ouvrage de 95.045 euros comporte l'ajout de la nécessaire revalorisation du coût de la maîtrise d'oeuvre et ce coût est justifié par les éléments du rapport d'expertise de sorte que le jugement est réformé en ce sens et ce montant retenu.
La société [N] n'est en effet pas fondée à demander la limitation de sa condamnation à la somme de 49.280 euros, au titre du mur de soutènement. Malgré le fait que la société CMO-07 ait pu commettre une erreur de conception ainsi qu'un défaut de surveillance du chantier, la faute de la société [N], spécialiste en la matière et qui aurait dû immédiatement réaliser le décaissement et ses conséquences, a été déterminante et est à l'origine de l'entier préjudice, n'ayant alerté ni le maître de l'ouvrage, ni le maître d'oeuvre des conséquences de ce décaissement et n'ayant pas préconisé les travaux adéquats pour y remédier.
S'agissant du préjudice de jouissance, le tribunal a évalué son montant à 12.500 euros tandis que le maître de l'ouvrage demande la somme de 15.000 euros à ce titre. Au vu du rapport d'expertise et des photographies annexées aux constats d'huissier, le préjudice de jouissance, notamment visuel, et les divers désagréments subis par le maître de l'ouvrage sont importants. Il sera en conséquence fait une juste appréciation de ce préjudice de jouissance par l'octroi d'une somme de 15.000 euros, le jugement étant réformé sur ce point.
S'agissant du remboursement des frais bancaires exposés, le tribunal a retenu une somme de 15.555,98 euros qui est justifiée par une attestation bancaire de sorte que cette condamnation reçoit confirmation.
S'agissant du remboursement des frais de géomètre et de notaire liés à l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement, le tribunal n'y a pas fait droit.
Toutefois, dans la mesure où l'achat de la bande de terrain est imputable à l'entreprise puisque nécessaire comme vu supra à la réalisation du mur de soutènement réparant les désordres, les frais induits par ce rachat ne doivent pas non plus rester à la charge du maître de l'ouvrage de sorte que le jugement est infirmé de ce chef et la cour dit que la société [N] doit rembourser ces coûts.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens d'appel comprenant ceux afférents à l'arrêt cassé sont à la charge in solidum de la société [N], de la société [C] et de son assureur, les maître de l'ouvrage n'ayant pas à en supporter une part.
Ces parties verseront en outre à M. et Mme [M] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les autres demandes sur ce fondement étant rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de la cassation,
Dit que les demandes présentées à l'encontre de la société [C] TP et de la société l'Auxiliaire sont irrecevables hormis les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- en l'absence d'une réception tacite caractérisée, débouté M. et Mme [M] de leur action engagée à l'encontre de la société [N] et de son assureur Groupama Méditerranée sur le fondement de la garantie décennale,
- condamné la société [N] à payer à M. et Mme [M] la somme de 2.943 euros au titre de l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
- condamné la société [N] à payer à M. et Mme [M] la somme de 15.555,98 euros au titre de l'indemnisation des frais bancaires,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- dit que la société Groupama doit sa garantie au titre de la réparation des désordres mis à la charge de la société [N],
- condamné la société Groupama in solidum avec la société [N] à payer à M. et Mme [M] les sommes suivantes :
- 91.505 euros au titre des désordres affectant le mur, l'étanchéité et le drain, outre indexation de cette somme selon variation du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent jugement,
- 2.943 euros au titre de la garantie de l'achat du terrain aux consorts [E],
- 12.500 euros au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [M]
- 15.555,98 euros au titre des frais bancaires,
- Condamné la société [N] à payer à M. et Mme [M] la somme de :
- 91.505 euros au titre des désordres affectant le mur, l'étanchéité et le drain, outre indexation de cette somme selon variation du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent jugement,
- 12.500 euros au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [M],
- rejeté la demande de M. et Mme [M] au titre des frais de géomètre et de notaire relatifs au rachat d'une bande de terrain.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société [N] Maçonnerie à payer à M. et Mme [M] :
* 95.045 euros TTC au titre de la reprise des désordres relatifs au mur, l'étanchéité et le drain outre indexation de cette somme selon les variations du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent arrêt,
* 15.000 euros au titre du préjudice de jouissance,
* et à leur rembourser les frais de géomètre et de notaire liés à l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
Constate que M. et Mme [M] ne présentent pas de demandes en paiement à l'encontre de la société Groupama Méditerranée au titre de la responsabilité contractuelle de la société [N] maçonnerie,
Déboute la société [N] Maçonnerie de sa demande de garantie à l'encontre de la société Groupama,
Condamne in solidum la société [N] Maçonnerie, la société [C] TP et la société l'Auxiliaire aux dépens d'appel comprenant ceux afférents à l'arrêt cassé avec droit de recouvrement et à payer à M. et Mme [M] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette les autres demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La Présidente,
Décisions :
Tribunal de Grande Instance de SAINT ETIENNE
au fond du 25 septembre 2019
RG : 16/02596
Cour d'Appel de LYON
Au fond du 24 aout 2022
8ème chambre
RG 19/07601
Cour de Cassation
Civ3 du 06 Juin 2024
Pourvoi K22-23.557-13.962
Arrêt 292 F-D
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 23 Septembre 2025
statuant sur renvoi après cassation
DEMANDEUR A LA SAISINE :
La Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles GROUPAMA MEDITERRANEE
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Bertrand BALAS de la SELARL BALAS METRAL & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 773
CONTRE:
M. [U] [M]
né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 16]
[Adresse 17]
[Localité 10]
Mme [G] [Y] épouse [M]
née le [Date naissance 7] 1974 à [Localité 16]
[Adresse 17]
[Localité 10]
Représentés par Me Olivier BOST de la SELARL BOST-AVRIL, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
La société [N] MACONNERIE
[Adresse 15]
[Localité 1]
Représentée par Me Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS, avocat postulant au barreau de LYON, toque : 1813
ayant pour avocat plaidant Me France MASSOT de la SELARL FAYOL AVOCATS, avocat au barreau de VALENCE
La compagnie L'AUXILIAIRE
[Adresse 5]
[Localité 11]
La société [C] TRAVAUX PUBLICS
[Adresse 3]
[Localité 9]
Représentées par Me Nathalie ROSE, avocat postulant au barreau de LYON, toque : 1106
ayant pour avocat plaidant Me Hervé ASTOR de la SELARL ASC AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 27 Février 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 03 Mars 2025
Date de mise à disposition : 20 Mai 2025 prorogée au 23 Septembre 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Patricia GONZALEZ, président
- Stéphanie LEMOINE, conseiller
- Bénédicte LECHARNY, conseiller
assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSE DU LITIGE
M. et Mme [M] ont confié à la société Concept maîtrise d''uvre Ardèche (la société CMO-07), assurée auprès de la société Alpha insurance la maîtrise d''uvre de la construction d'une maison sur leur parcelle cadastrée section AN n°[Cadastre 8] sis commune de [Localité 19], lieudit [Localité 18].
Les travaux de terrassement ont été confiés à la société [C], assurée auprès de la société L'Auxiliaire, et ceux de maçonnerie à la société [N] maçonnerie (la société [N]), assurée auprès de la société Groupama. La société ABC (agence bâtiment Chardon), assurée auprès de la compagnie SMA, est également intervenue sur le chantier.
Par acte du 28 mai 2013, M. et Mme [M] ont été assignés devant le tribunal d'instance de Saint Etienne par les propriétaires de la parcelle voisine, les consorts [E], qui leur reprochaient des décaissements sur leur terrain. Ils ont appelé les constructeurs et leurs assureurs en intervention forcée aux fins de garantie et d'indemnisation de leurs propres préjudices.
Le 12 août 2014 le tribunal d'instance de Saint-Etienne a ordonné une expertise confiée à M. [W] et a obligé la société CMO-07 à remettre à M. et Mme [M] les clés de leur maison, cette remise a eu lieu le 14 août 2014.
Le 7 juillet 2015, la société CMO-07 a été placée en liquidation judiciaire et la société MJ Synergie a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 22 mars 2016, l'expert a déposé son rapport.
Par jugement du 17 mai 2016, le tribunal d'instance de Saint-Etienne s'est déclaré matériellement incompétent au profit du tribunal de grande instance de Saint-Etienne.
Le 8 mai 2018, la société Alpha insurance a été placée en liquidation judiciaire et le cabinet Attorney Boris Frederiksen Kammeradvokaten a été désigné en qualité de liquidateur.
Par jugement réputé contradictoire du 25 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne a :
- dit que la présence d'un décaissement et d'importants amas de terre sur le terrain des consorts [E] résultant des travaux effectués par M. et Mme [M] sur leur fond constituait un trouble anormal du voisinage,
- en conséquence, ordonné à M. et Mme [M] de faire effectuer la construction d'un mur de soutènement conforme à la description de la solution n°1 de la société Bost diagnostics structures, figurant dans le rapport d'expertise du 21 mars 2016, sous contrôle d'un BET spécialisé, dont les honoraires seront à leur charge, dans un délai de 6 mois courant à compter de la signification du présent jugement, sous peine d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pendant un délai de 4 mois,
- ordonné à M. et Mme [M] d'effectuer ou de faire effectuer, par l'entreprise de leur choix, les travaux de remise en état des parties endommagées du tènement immobilier, cadastré section AN n°[Cadastre 12] et n°[Cadastre 13], lesdits travaux comprenant l'enlèvement des terres stockées, ainsi que le remblaiement et le rétablissement du chemin, selon la description figurant à la page 45 du rapport d'expertise du 21 mars 2016, dans un délai de 6 mois courant à compter de la signification du présent jugement, sous peine d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pendant un délai de 4 mois,
- dit que M. et Mme [M] prendront en charge solidairement les frais de géomètre-expert et les frais de notaire rendus nécessaires par la cession de terrain devant intervenir pour réaliser le mur de soutènement,
- condamné solidairement M. et Mme [M] à payer aux consorts [E] la somme de 9.100 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
- en l'absence d'une réception tacite caractérisée, débouté M. et Mme [M] de leur action engagée à l'encontre des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale,
- débouté la société Alpha insurance de sa demande tendant à voir requalifier le contrat de maîtrise d''uvre conclu entre la société CMO-07 et M. et Mme [M] en contrat d'entrepreneur général ou en contrat de construction de maison individuelle,
- dit que la société CMO-07 a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de M. et Mme [M] pour les désordres constatés par l'expert,
- fixé la créance de M. et Mme [M] dans la liquidation judiciaire de la société CMO-07 aux sommes suivantes :
- 100.395,53 euros (91.905 + 88 +275 +2.433,99 + 825 +3.328,54 + 935 + 605) outre indexation de cette somme selon variation du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent jugement,
- 9.100 euros au titre de la garantie du préjudice de jouissance alloué aux consorts [E],
- 2.943 euros au titre de la garantie de l'achat du terrain aux consorts [E],
- 707 euros au titre de la restitution d'un acompte,
- 12.500 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 15.555,98 euros au titre des frais bancaires.
- dit que la société Alpha insurance doit sa garantie au titre des sommes ci-dessus à l'exception de la somme de 707 euros au titre de la restitution d'un acompte,
- fixé la créance de M. et Mme [M] dans la liquidation judiciaire de la société Alpha insurance aux sommes suivantes :
- 100.395,53 euros (91.905 + 88 +275 +2.433,99 + 825 +3.328,54 + 935 + 605) outre indexation de cette somme selon variation du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent jugement,
- 9.100 euros au titre de la garantie du préjudice de jouissance alloué aux consorts [E],
- 2.943 euros au titre de la garantie de l'achat du terrain aux consorts [E],
- 12.500 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 15.555,98 euros au titre des frais bancaires.
- dit que la société [N] a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de M. et Mme [M] au titre des désordres affectant le mur de la maison construit en limite de propriété, son étanchéité et son drainage,
- constaté que par jugement du 13 février 2015 ayant autorité de la chose jugée, la société Groupama a été mise hors de cause,
- dit que la société Groupama doit sa garantie au titre de la réparation des désordres mis à la charge de la société [N],
- dit que la société [C] a engagé sa responsabilité contractuelle au titre du montant du préjudice de jouissance que doit régler M. et Mme [M] aux consorts [E],
En conséquence,
- condamné in solidum la société [N] et la société Groupama à payer à M. et Mme [M] les sommes suivantes :
- 91.505 euros au titre des désordres affectant le mur, l'étanchéité et le drain, outre indexation de cette somme selon variation du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent jugement,
- 2.943 euros au titre de la garantie de l'achat du terrain aux consorts [E],
- 12.500 euros au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [M],
- 15.555,98 euros au titre des frais bancaires.
- condamné in solidum la société [N] et la société Groupama, la société [C] et la société L'Auxiliaire à payer à M. et Mme [M] la somme de 9.100 euros au titre de la garantie du préjudice de jouissance alloué aux consorts [E],
- dit que dans leurs rapports entre eux, les sociétés [C] et L'Auxiliaire seront relevées et garanties par la société [N] et son assureur la société Groupama à hauteur de 20%,
- dit que si la société CMO-07 a une part prépondérante de responsabilité, aucune condamnation ne peut être prononcée à son encontre et à celle de son assureur la société Alpha insurance lesquelles se trouvent en liquidation judiciaire,
- débouté les sociétés [C] et L'Auxiliaire de leur appel en garantie envers la société ABC et son assureur au titre de la somme de 9.100 euros,
- dit que la société ABC a engagé sa responsabilité contractuelle au titre des désordres affectant la porte coulissante, les portes et chambranles et la cloison des WC,
- dit que la société SMA doit sa garantie,
- condamné in solidum la société ABC et la société SMA à payer à M. et Mme [M] la somme de 3.933,54 euros (330 + 2.998,54 + 605) outre indexation de cette somme selon variation du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent jugement.
- dit que la société SMA pourra opposer la franchise contractuelle.
- débouté la société SMA de sa demande à être garantie par la société [N], son assureur la société Groupama, la société [C] et son assureur la société L'Auxiliaire au titre de la réparation des désordres mises à sa charge,
- débouté M. et Mme [M] de leurs demandes plus amples,
- condamné solidairement M. et Mme [M] à payer à la société [N] la somme de 4.003,35 euros TTC en règlement d'une facture,
- condamné solidairement M. et Mme [M] à payer à la société [C] la somme de 3.459,86 euros TTC au titre d'un solde de facture avec intérêt au taux légal à compter du 19 mars 2018,
- ordonné la compensation entre les créances réciproques des parties,
- débouté la société SMA de sa demande en compensation avec le paiement du solde de la facture due à la société ABC, la société SMA n'étant pas créancière de cette somme,
- constaté qu'aucune demande n'est formée à l'encontre de Mme [R],
- débouté Mme [R] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. et Mme [M], la société CMO-07 représentée par MJ Synergie son liquidateur, son assureur la société Alpha insurance prise en la personne de son liquidateur, la société [N], son assureur la société Groupama Méditérranée, la société [C], son assureur la société L'Auxiliaire, la société ABC et son assureur la société SMA aux dépens de l'instance qui comprendront les frais d'expertise,
- condamné solidairement M. et Mme [M] à payer aux consorts [E] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement la société CMO-07 représentée par MJ Synergie son liquidateur, son assureur la société Alpha insurance prise en la personne de son liquidateur, la société [N], son assureur la société Groupama, la société [C], son assureur la société L'Auxiliaire , la société ABC et son assureur la société SMA à payer à M. et Mme [M] la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à les garantir de la somme mise à leur charge au titre des frais irrépétibles au profit des consorts [E],
- s'agissant des dépens et des sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dit que dans leurs rapports entre eux, les condamnations seront garanties à hauteur de :
- 60% par la société CMO07 représentée par MJ Synergie son liquidateur et son assureur la société Alpha insurance représentée par son liquidateur,
- 20% par la société [N] et son assureur la société Groupama,
- 15% par la société [C] et son assureur la société L'Auxiliaire,
- 5% par la société ABC et son assureur la société SMA,
- dit n'y avoir lieu à allouer aux autres parties une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,
- dit que la SELARL Libra juris et la SELARL Bost Avril pourront recouvrer directement contre les parties condamnées ceux des dépens dont elles ont fait l'avance sans avoir reçu provision.
Par déclaration du 6 novembre 2019, la société Groupama a interjeté appel.
Par un arrêt du 24 août 2022, la cour d'appel de Lyon a :
- confirmé la décision du tribunal de grande instance de Saint-Etienne du 25 septembre 2019 :
- en ce qu'il a dit que la présence du décaissement et d'importants amas de terre sur le terrain des consorts [E] résultant des travaux effectués par M. et Mme [M] sur leur fonds constitue pour les consorts [E] un trouble anormal de voisinage,
- en ce qu'il a condamné en conséquence M. et Mme [M] :
* à faire réaliser les travaux sous astreinte,
* et à verser à M. et Mme [E] la somme de 9.100 euros au titre du préjudice de jouissance,
- infirmé la décision déférée en ce qu'elle a mis à la charge de M. et Mme [M] les frais de géomètre-expert et frais de notaire rendus nécessaires par la cession du terrain devant intervenir pour réaliser le mur de soutènement,
- infirmé la décision déférée en ce qu'elle a retenu l'absence de réception tacite caractérisée,
Statuant à nouveau,
- constaté la réception tacite à la date du 14 août 2014,
- infirmé la décision déférée en ce qu'elle retenu la responsabilité contractuelle,
Statuant à nouveau,
- dit que les désordres relatifs à la question du mur relèvent de la responsabilité décennale,
- confirmé la décision contestée du tribunal en ce qu'il a dit que la société Groupama doit sa garantie à la société [N],
- confirmé la décision contestée du tribunal en ce qu'il a dit que la société L'Auxiliaire doit sa garantie à la société [C],
- infirmé la décision du tribunal en ce qu'il a fixé à la somme de 91.505 euros TTC le coût de la reprise des désordres relatifs au mur,
Statuant à nouveau,
- fixé à la somme de 95.045 euros TTC le coût de la reprise des désordres relatifs au mur,
- condamné in solidum la société [N] et la société Groupama :
- à verser à M. et Mme [M] les sommes de :
* 95.045 euros TTC au titre de la reprise des désordres relatifs au mur, l'étanchéité et le drain outre indexation de cette somme selon les variations du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent arrêt,
* 2.943 euros au titre de l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
* 15.000 euros au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [M],
* 15.555,98 euros au titre des frais bancaires,
- et à leur rembourser les frais de géomètre et notaire liés à l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
- condamné in solidum la société [N] et son assureur la société Groupama à verser à M. et Mme [M] la somme de 88 euros TTC au titre de la reprise du désordre relatif au trou de réservation,
- condamné in solidum la société [N] et son assureur la société Groupama à verser à M. et Mme [M] la somme de 4.848 euros TTC au titre des travaux sur la chappe, nécessaires à la reprise des parquets,
- rejeté les autres demandes présentées par M. et Mme [M] à l'encontre de la société [N] et de son assureur la société Groupama,
- confirmé la décision du tribunal en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice moral M. et Mme [M],
- confirmé la décision déférée du tribunal en ce qu'il a débouté M. et Mme [M] de leur demande de condamnation de la société [C] à titre d'indemnisation liée au dysfonctionnement de la pompe de relevage,
- confirmé la décision du tribunal en ce qu'elle a condamné in solidum, la société [N] et son assureur la société Groupama ainsi que la société [C] et son assureur, à verser à M. et Mme [M] la somme de 9.100 euros au titre de la garantie du préjudice de jouissance allouée aux consorts [E],
- l'infirmé en ce qu'elle a dit que dans leurs rapports entre eux, la société [C] et la société L'Auxiliaire seront relevées et garanties par la société [N] et son assureur la société Groupama à hauteur de 20 %, (soit 80 % pour la société [C] et 20 % pour la société [N]),
Statuant à nouveau :
- fixé les quotes-parts à hauteur de :
- 50 % pour la société [N],
- 50 % pour la société [C],
- dit que dans les rapports entre co-obligés, les recours se feront à hauteur des partages de responsabilités fixés à :
- 50 % pour la société [N],
- 50 % pour la société [C],
- rejeté les autres demandes présentées par M. et Mme [M], la société [N], Groupama l'Auxiliaire et la société [C],
- confirmé la décision de première instance relative aux dépens et laissé à la charge de chacune des parties ses propres dépens d'appel,
- confirmé la décision de première instance s'agissant des frais irrépétibles engagés en première instance et laissé à la charge de chacune des parties ses propres frais irrépétibles engagés en appel.
La société Groupama a formé un pourvoi en cassation.
Par un arrêt du 6 juin 2024, la Cour de cassation a :
- cassé et annulé mais seulement en ce qu'il a :
- constaté la réception tacite à la date du 14 août 2014,
- infirmé le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle,
- dit que les désordres relatifs à la question du mur relèvent de la responsabilité décennale,
- dit que la société Groupama doit sa garantie à la société [N],
- condamné in solidum la société [N] et la société Groupama à verser à M. et Mme [M] les sommes de :
* 95.045 euros TTC au titre de la reprise des désordres relatifs au mur, l'étanchéité et le drain outre indexation de cette somme selon les variations du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent arrêt,
* 2.943 euros au titre de l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
* 15.000 euros au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [M],
* 15.555,98 euros au titre des frais bancaires,
et à leur rembourser les frais de géomètre et notaire liés à l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
- et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
l'arrêt rendu le 24 août 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon,
- remis sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée,
- condamné M. et Mme [M] et les sociétés [N], [C] et L'Auxiliaire aux dépens,
- en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté les demandes.
Par déclaration de saisine du 1er août 2024, la société Groupama a saisi la cour de renvoi.
* * *
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 février 2025, la société Groupama demande à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Étienne du 25 septembre 2019 en ce qu'il a, en l'absence d'une réception tacite caractérisée, débouté M. et Mme [M] de leur action engagée à l'encontre des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale,
- le réformer en ce qu'il a condamné in solidum la société [N] et la concluante à payer à M. et Mme [M] les sommes suivantes :
- 91.505 euros au titre des désordres affectant le mur, l'étanchéité et le drain, outre indexation de cette somme selon variation du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur à la date du présent jugement,
- 2.943 euros au titre de la garantie de l'achat du terrain aux consorts [E],
- 12.500 euros au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [M],
- 15.555,98 euros au titre des frais bancaires,
Et statuant de nouveau,
- débouter M. et Mme [M] de leurs demandes,
- débouter la société [N] de sa demande de condamnation de la concluante à la relever et garantir au titre du contrat d'assurance,
- rejeter toutes demandes, fins et prétentions dirigées contre elle en l'absence de réception de l'ouvrage, condition de mise en 'uvre de la garantie décennale, et en l'absence de garantie de la faute contractuelle de l'assuré au titre de la responsabilité civile professionnelle,
A titre subsidiaire,
- débouter M. et Mme [M] de leur demande de condamnation in solidum,
- limiter le montant des sommes dues au titre des condamnations de la société [N] au chiffrage retenu par l'expert judiciaire pour la somme de 91.905 euros TTC,
En tout état de cause,
- rejeter toute demande formulée contre elle,
- rejeter toutes demandes des intimés de condamnation à être relevé et garanti par elle,
- la mettre hors de cause,
- débouter la société [C] de sa demande de condamnation de la concluante à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [N], ou qui mieux le devra, à lui payer la somme de 4.000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [N], ou qui mieux le devra, aux entiers dépens de l'instance.
***
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 12 novembre 2024, M. et Mme [M] demandent à la cour de :
- débouter les sociétés Groupama, [N], [C] et L'Auxiliaire de toutes leurs demandes, fins et conclusions formées à leur encontre, non fondées et totalement injustifiées,
A titre principal
- retenir la responsabilité décennale de la société [N],
- condamner in solidum la société [N] et la société [C] ainsi que leurs assureurs respectifs à leur payer les sommes de :
- 95.045 euros au titre de la reprise des désordres relatifs au mur, à l'étanchéité et au drain outre indexation de cette somme selon les variations du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui à la date du présent arrêt,
- 2.943 euros au titre de l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
- 15.000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 15.555,98 euros au titre de l'indemnisation des frais bancaires,
Et à rembourser les frais de géomètre et de notaire liés à l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement.
A titre subsidiaire
- retenir la responsabilité contractuelle des sociétés [N] et [C] dans la survenance des désordres listés ci-après dans le dispositif par les concluants,
- condamner in solidum la société [N] et la société [C] ainsi que l'assureur de cette dernière à leur payer les sommes de :
- 95.045 euros au titre de la reprise des désordres relatifs au mur, à l'étanchéité et au drain outre indexation de cette somme selon les variations du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui à la date du présent arrêt,
- 2.943 euros au titre de l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
- 15.000 euros au titre du préjudice de jouissance,
- 15.555,98 euros au titre de l'indemnisation des frais bancaires,
Et à rembourser les frais de géomètre et de notaire liés à l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
En tout état de cause
- condamner in solidum la société [N] et la société [C] ainsi que leurs assureurs respectifs à leur payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la société [N] et la société [C] ainsi que leurs assureurs respectifs aux entiers dépens de première instance et d'appel liés à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon le 24 août 2022 que du présent arrêt (sic) distraits au profit de la Selarl Bost Avril, représentée par Me Olivier Bost, avocat sur son affirmation de droit.
***
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 7 novembre 2024, la société [N]-maçonnerie demande à la cour de :
- réformer le jugement sur les chefs de l'arrêt cassé,
Statuant à nouveau :
A titre principal :
- juger que les désordres affectant la maison de M. et Mme [M] ne relèvent pas de sa responsabilité contractuelle ou décennale,
- débouter M. et Mme [M] de leurs demandes à son encontre,
- condamner la société Groupama ou tout succombant aux dépens,
A titre subsidiaire :
- juger que M. et Mme [M] ont de manière non équivoque réceptionné les travaux et notamment le lot maçonnerie en l'état avec réserves le 14 août 2024 par la prise de possession des lieux,
- juger que les lieux étaient réceptionnables et habitables à compter du 14 août 2024,
- fixer la réception tacite des travaux avec réserves au 14 aout 2014 ou la réception judiciaire au 14 août 2014, avec réserves,
- débouter M. et Mme [M] de leurs demandes de garantie de leurs condamnations à l'égard des consorts [E],
- juger que les désordres affectant la maison de [Localité 14] relèvent de la garantie décennale des constructeurs,
- limiter la part à sa charge au mur de 15,75 mètres à 49.280 euros,
- débouter M. et Mme [M] de toutes autres demandes,
- condamner la société Groupama à la relever et garantir de toutes condamnations,
Dans tous les cas :
- débouter la société Groupama de son appel en ce qu'elle lui dénie sa garantie,
- condamner la société Groupama à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, indemnité de procédure et dépens,
- débouter M. et Mme [M] de leur demandes plus amples ou contraires,
- débouter la société [C] et son assureur de leur demandes plus amples ou contraires,
- condamner la société Groupama ou tout succombant aux dépens.
***
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 11 décembre 2024, les sociétés [C] et L'Auxiliaire demandent à la cour de :
- déclarer irrecevables M. et Mme [M] en leurs prétentions à son égard et les en débouter,
- déclarer irrévocables les dispositions de l'arrêt du 24 août 2022 à leur égard notamment en ce que la cour a rejeté les autres demandes présentées par M. et Mme [M],
- constater qu'aucune prétention n'est formée contre eux par la société [N],
- débouter M. et Mme [M], et plus généralement toute autre partie, de l'intégralité de leurs demandes à l'encontre des concluantes,
- les mettre hors de cause,
- condamner la société Groupama ou qui mieux le devra la société [N] et M. et Mme [M] au paiement au profit des concluantes de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 février 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des demandes à l'encontre des sociétés [C] et l'Auxiliaire
La société [C] et l'Auxiliaire soutiennent que :
- elles ne sont pas concernées par le renvoi après cassation et la société [N] ne forme aucune demande à leur encontre, la cassation partielle ne les vise pas,
- les époux [C] ne visent que la garantie décennale de la société [N] mais curieusement, forment des demandes de condamnation in solidum à leur encontre avec la société [N] et son assureur, sans distinction du fondement, alors que les conclusions ne les visent pas.
Les époux [M] font valoir qu'une partie des dispositions de l'arrêt du 22 août 2022 sont définitives et que la cour ne peut statuer que sur la réception et ses incidences sur la garantie décennale de la société [N] et ses conséquences sur leurs préjudices et l'indemnisation de Groupama.
Réponse de la cour
La Cour de cassation a précisé qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef du dispositif de l'arrêt constatant la réception tacite à la date du 14 août 2014 entraînait la cassation du chef du dispositif disant que la société Groupama devait sa garantie à la société [N], s'y rattachant par un lien de dépendance nécessaire.
Elle a précisé que la cassation s'étendait également aux condamnations prononcées contre la société [N] sur le fondement de la responsabilité décennale au titre du mur, qui se rattachent au constat d'une réception de l'ouvrage par un lien de dépendance nécessaire.
La cassation porte donc sur le constat de la réception tacite, l'infirmation sur la responsabilité contractuelle et en ce qu'il est dit que les désordres relatifs à la question du mur relèvent de la garantie décennale, la garantie de Groupama à son assurée, la condamnation in solidum de l'assuré et l'assureur à payer diverses sommes à M. Et Mme [M], les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Il en découle que les dispositions de l'arrêt cassé partiellement se rapportant à la société [C] et son assureur l'Auxiliaire sont définitives, ces sociétés n'étant pas visées par la cassation hormis cependant en ce qui concerne les dépens et indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile de l'arrêt cassé, la cassation comportant également ces deux points et la cour de renvoi devant statuer sur les dépens de l'arrêt cassé.
Les autres demandes à leur encontre sont en conséquence irrecevables mais ils ne peuvent être mis hors de cause alors qu'il doit être statué sur ces deux derniers points.
Sur la réception tacite
La société Groupama affirme que :
- la garantie décennale ne s'applique que s'il y a eu réception que le maître de l'ouvrage doit prouver, et à défaut, seule la garantie contractuelle de droit commun est applicable, la volonté d'accepter les travaux avec ou sans réserve doit être non équivoque, et contradictoire,
- le maître de l'ouvrage a toujours refusé la réception malgré convocations, et a allégué d'un abandon de chantier et de travaux non achevés, l'expert a confirmé l'absence de réception et conclu que l'ouvrage n'était pas réceptionnable en l'état,
- la prise de possession des lieux ne permet pas de déduire une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de réceptionner l'ouvrage dans toute la notion de réception, s'agissant notamment de l'achèvement des travaux et de leurs règlements et la garantie décennale n'est donc pas mobilisable,
- subsidiairement, l'absence d'ouvrage est une faute de conception et sa police ne la garantit pas,
- la société [N] est de même intervenue pour la pose d'un enduit portier hydrofuge et non d'une véritable étanchéité, ce qui est une faute de conception, il y a exclusion de garantie,
- l'étanchéité à l'arrière de la maison était à la charge du maître de l'ouvrage, et s'agissant des désordres affectant le système de drainage, ceci relève de la responsabilité de la société [C] (pas de remblaiement).
Les époux [M] soutiennent que :
- ils ont pris possession des lieux le 14 août 2014 et il y a réception, tacite, comme le confirme l'expert, et contrairement à ce que retient la Cour de cassation, ils ont émis une volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage puisqu'ils ont dû diligenter une procédure judiciaire pour se voir remettre les clefs puis intégré les lieux en présente d'un huissier et avec l'aide d'un serrurier,
- une réception judiciaire avec réserves doit être prononcée le 14 août 2014,
- l'expert a retenu une impropriété à destination caractérisée en l'absence de mur de soutènement, le mur actuel n'ayant pas la structure pour recevoir la poussée des terres mitoyennes, les désordres relèvent donc de la garantie décennale, qui implique la responsabilité de plein droit des constructeurs, lesquels doivent être condamnés in solidum,
- il n'y a pas absence d'ouvrage mais la construction d'un mur qui aurait dû être de soutènement, il s'agit donc d'un dommage garanti par l'assureur,
- le contrat garantit toute activité de maçonnerie, et la société [N] a réalisé un ouvrage non étanche, avec un remblai qui n'a pu être mis en oeuvre du fait de l'absence de fonction de soutènement du mur et le drain est bouché et doit être repris, le maçon aurait dû s'assurer du rebouchage du trou de réservation en présence d'un abri transformé en garage.
La société [N] affirme que :
- les époux [M] ont par constat d'huissier du 21 mars 2013 listé les non finitions et malfaçons et ils ont toujours indiqué avoir réceptionné l'ouvrage le 14 août 2014, en limitant leur préjudice de jouissance à cette date ; la maison était habitable et réceptionnable à cette date, et la réception non équivoque,
- à la date de réception, le mur litigieux était terminé et ne présentait ps de désordres, elle n'est pas concernée par l'absence de mur de soutènement mais par le lot maçonnerie qui a été terminé, mais le maître d'oeuvre refusait la remise des clefs,
- la réception tacite peut intervenir avec réserves, et le chantier était réceptionnable avec réserves après le constat d'huissier, la réception judiciaire doit donc être prononcée le 14 août 2014 subsidiairement,
- elle n'a pas réalisé de mur de soutènement autonome, activité effectivement exclue, il n'y a donc pas absence d'ouvrage.
Réponse de la cour
Il résulte des dispositions de l'article 1792-6 du code civil que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement et elle est en tout état de cause prononcée contradictoirement.
La réception tacite de l'ouvrage est caractérisée par la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de l'accepter. Cette volonté n'est pas présumée qu'en cas de prise de possession de l'ouvrage jointe au paiement intégral des travaux.
L'arrêt de la cour d'appel de Lyon a été cassé en ce qu'il avait, pour constater l'existence d'une réception tacite, relevé que selon le rapport judiciaire, M. et Mme [M] avaient refusé la réception des travaux à la suite de deux convocations en 2013 et que la maison était habitable lorsqu'ils en ont pris possession à l'issue d'une procédure en restitution de clefs, que ces motifs étaient impropres à caractériser la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de le recevoir.
C'est par des motifs pertinents, justement déduits des faits de la cause et des pièces produites, que la cour adopte, que les premiers juges ont retenu que :
- la mobilisation de la garantie décennale suppose la réception de l'ouvrage et des désordres non apparents au moment de la réception et aucune réception expresse n'est intervenue en l'espèce,
- s'agissant de la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage d'accepter l'ouvrage, il ressort au contraire du procès-verbal daté du 23 mai 2013 que les époux [M] ont refusé d'assister à la réception prévue le 30 avril 2013 et qu'ont au contraire fait assigner l'entreprise aux fins d'expertise en octobre 2013 et n'ont pas payé l'intégralité des travaux,
- même si les époux [M] ont demandé la remise des clefs pour occuper leur maison à compter du 14 août 2014, leur volonté de recevoir l'ouvrage n'est pas caractérisée à cette date alors qu'une expertise était en cours pour constater les désordres et en déterminer les causes.
La cour ajoute, confirmant le jugement, que :
- la prise de possession de l'ouvrage n'induit pas la volonté d'une réception,
- la demande de remise de clef au cours d'une instance judiciaire n'est pas assimilable à une demande de réception judiciaire, il ne peut donc se déduire de cette remise des clefs imposée par le juge que le maître de l'ouvrage a entendu accepter l'ouvrage avec réserves de manière non équivoque,
- le maître de l'ouvrage ne rapporte devant la cour de renvoi aucun autre élément qui caractériserait la réception tacite à cette date ou à un autre moment.
Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu'il a écarté la garantie décennale faute de preuve d'une réception tacite.
Sur la responsabilité contractuelle de la société [N]
La société Groupama soutient que :
- la société [N] est intervenue comme simple exécutante du maître d'oeuvre et n'a pas pris part à la conception de l'ouvrage, elle a facturé ses travaux qui n'ont pas été payés en totalité par le maître d'oeuvre,
- le devis initial ne faisait pas état de la nécessité de créer un mur ouest devant recevoir les terres du terrain voisin et ce n'est qu'en cours de chantier que le maître d'oeuvre a commandé l'exécution d'une semelle plus large, d'un mur en blocs à bancher et de drains, et ces travaux n'ont pas été réglés, il n'a pas été demandé de mur de soutènement, et le mur édifié ne comporte pas de malfaçons.
La société [N] soutient que :
- elle est intervenue sous la maîtrise d'oeuvre de la société CMO 07 ; il lui a été commandé un une maison 4 faces dont celle côté [E] en agglos à bancher sur un soubassement en agglos creux de ciment, et en cours de chantier ainsi qu'un élargissement de la semelle béton, pour le mur à bancher, et un supplément de mur en blocs à bancher de 20m²,
- en cours de chantier, de manière non-déclarée, le maître de l'ouvrage et le maître d'oeuvre se sont entendus pour transformer l'abri garage en garage fermé, et pour l'étanchéité, il lui a été demandé une protection des soubassements ; les travaux d'étanchéité critiqués par l'expert ne lui ont pas été commandés, l'étanchéité a été réalisée par le maître de l'ouvrage lui-même,
- les époux [M] ne pouvaient ignorer qu'ils devaient réaliser un mur de soutènement, ils ont délibérément exclu cette réalisation et se sont réservés les travaux,
- elle n'est pas intervenue au stade de la conception ou du terrassement, imputable à la société [C],
- sur les réserves concernent le drain et l'étanchéité du delta MS ; il ne peut lui être reproché de ne pas avoir réalisé une véritable étanchéité, et d'avoir mal positionné le delta MS de protection, ce qui lui a été commandé a été réalisé, l'étanchéité a été réalisée par le maître de l'ouvrage lui-même, le delta MS à sa charge ne concernait que la partie habitation face arrière,
- elle a correctement posé le drain et l'expert ne lui reproche pas de faute ou mauvaise exécution, le drain n'a pas été protégé par la société [C] ni par le maître de l'ouvrage
Les époux [M] soutiennent que :
- il y a responsabilité de droit commun puisque les manquements contractuels sont retenus par l'expert,
- le maître d'oeuvre ne s'est pas comporté comme une entreprise générale, ils ont régularisé des actes d'engagement aves les entreprises, peu important les factures établies à l'intention du maître d'oeuvre pour transmission, et la société [N] ne peut être considérée comme un sous-traitant, sa responsabilité contractuelle peut être engagée,
- la faute du maçon est indéniable, il n'existe pas de note de calcul, les agglos n'ont pas d'avis technique pour supporter une fonction de soutènement de terres,
- la société devait aussi assurer l'imperméabilisation des murs enterrés, mais l'expert a considéré que cela n'était pas satisfaisant.
- s'il y a eu un maître d'oeuvre, les entreprises intervenant sur le chantier avaient toutes un devoir de conseil et d'information.
Réponse de la cour
Selon l'article 1147 ancien du code civil, 'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.
Il résulte en premier lieu des éléments du dossier, sur l'existence d'un contrat d'entreprise, que :
- contrairement à ce qui est affirmé, il ne peut être soutenu que la société [N] n'aurait pas passé de contrat direct avec le maître de l'ouvrage mais uniquement avec le maître d'oeuvre, lequel aurait agi comme entreprise générale, ce qui ne lui donnerait que la qualité d'entreprise sous-traitante, alors qu'il est versé un acte d'engagement du 1er août 2012 entre cette société et les époux [M] et portant sur des travaux de maçonnerie à réaliser pour le compte de ces derniers représentés par le maître d'oeuvre conformément aux prescriptions du CCAP et des plans et ce dans les règles de l'art ; ce cahier des charges prévoyait ainsi dans le lot maçonnerie gros-oeuvre confié à la société [N] la construction d'un mur en aggloméré de béton,
- ceci est confirmé par un courrier de rappel du 25 avril 2012 adressé par la société [N] au maître de l'ouvrage pour paiement d'une facture en date du 25 octobre 2012, ce qui prouve l'existence d'une relation contractuelle,
- il n'importe pas que les factures aient pu être adressées au maître d'oeuvre qui représentait le maître de l'ouvrage, dans le cadre de modalités de paiement qui ont pu être définies par les intervenants sur le chantier,
- la relation contractuelle est donc concrètement établie de sorte que le maître de l'ouvrage peut invoquer la responsabilité contractuelle de l'entreprise.
S'agissant en second lieu des désordres, il résulte des productions que :
- il existe un décaissement de terrain sur une longueur de 27 mètres de sorte que la construction d'un mur de soutènement s'imposait pour la retenue des terres ; l'absence d'édification d'un tel mur laissant le décaissement à nu entre les parcelles [M] et [E] est révélée par des constats d'huissier des 13 mars et 24 mai 2013 et confirmée par le rapport d'expertise, lequel relève l'absence de mur sur une partie de la zone décaissée, et plus particulièrement par le rapport technique du sapiteur ( BET) qui note également que la partie réalisée du mur n'était pas en mesure de recevoir du remblai,
- le cahier des charges avait prévu un mur en aggloméré de béton incapable de recevoir la poussée des terres, un avenant pour un mur en agglo banché a été établi par l'entreprise et était censé encaisser les poussées des terres après remblaiement du terrain [E] (devis du 12 juillet 2012 de la société [N], avenant numéro 1 nommé comme tel par l'entreprise mentionnant la mise en place d'une semelle BA plus large pour mur à bancher, d'un bloc à bancher delta MS en plus enduit et drain, facture du 25 octobre 2012 de 4.003,35 euros), le plan masse faisant pour sa part mention d'un mur de soutènement en limite de propriété ; or, l'emploi d'agglos banchés est une solution non viable et sans avis technique, il y a eu également une erreur de conception d'emploi d'un hydrofuge au lieu d'une étanchéité sur le mur à contre-terrain et une mauvaise exécution de la pose du delta MS,
- le mur monté en partie en agglos STEPOC dépourvus d'avis technique n'est donc pas conforme aux règles de l'art, n'étant pas en mesure de supporter la poussée des terres, il n'est pas enterré, ni pourvu d'une étanchéité conforme aux règles de l'art,
- la société [N], entreprise de maçonnerie seule sur le chantier, ne pouvait en tant que spécialiste en la matière, édifier un tel mur limité sur sa longueur et ne retenant que partiellement la poussée des terres, sans connaître le risque d'effondrement du reste des terres non soutenues,
- si une erreur de conception est également retenue par l'expert judiciaire, la société [N] ne peut prétendre en qualité de professionnel de la maçonnerie être dégagée de son obligation de conseil et d'information et affirmer qu'elle devait se contenter d'effectuer ce qui était initialement prévu tout comme elle ne peut se retrancher derrière l'affirmation selon lequel le maître de l'ouvrage ne pouvait ignorer qu'un mur de soutènement était nécessaire et aurait validé les travaux de décaissement, ou se serait réservé quelques travaux, qu'elle ne peut non plus se prévaloir de l'édification du garage à la place d'un auvent,
- en conséquence, sont établies les fautes de la société [N] et le lien de causalité avec les désordres du mur.
La cour confirme en conséquence le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société [N] avait engagé sa responsabilité contractuelle à l'encontre des époux [M] au titre des désordres affectant le mur de la maison construit en limite de propriété, son étanchéité et son drainage.
Sur la garantie de l'assureur Groupama
La société Groupama soutient que :
- selon la Cour de cassation, la garantie la garantie des dommages matériels à l'ouvrage ou aux biens sur le chantier avant réception n'est due qu'en cas d'accident survenant de manière soudaine et fortuite et non en cas de mauvaise exécution des obligations contractuelles,
- ses conditions générales définissent le dommage matériel comme toute détérioration, destruction d'un bien ou substances ainsi que toute atteinte physique subie par un animal, et la police garantit spécifiquement certains dommages matériels mais pas les malfaçons ou inexécution avant réception, la faute contractuelle du locateur d'ouvrage est exclue, la réalisation d'un mur en moellon au lieu d'un mur de soutènement n'est donc pas un dommage garanti, le tribunal a retenu à tort sa garantie.
La société [N] soutient que la société Groupama est son assureur à la date de la DROC, le lot maçonnerie a été réceptionné et à la prise de possession, le mur ne présentait aucun désordre et aucune réserve ne le concernait. Elle fait cependant valoir que son assureur doit en tout état de cause être débouté de son appel e n ce qu'il dénie sa garantie à son encontre et demande sa condamnation à la garantir de toutes condamnations.
Les époux [M] se prévalent de la garantie décennale de l'assureur Groupama et s'agissant de la responsabilité contractuelle de la société [N] à titre subsidiaire, ils ne réclament que la condamnation de l'entreprise et non celle de son assureur.
Réponse de la cour
La garantie de l'assureur dépend du fondement de la responsabilité de l'assuré.
La garantie contractuelle de droit commun étant retenue, il convient d'apprécier si la société Groupama couvrait le présent sinistre, étant rappelé qu'en principe, la police responsabilité civile ne couvre pas la responsabilité contractuelle de l'entreprise vis à vis du maître de l'ouvrage en raison des mauvaises exécutions contractuelles de l'entreprise.
La cour relève qu'en l'espèce, aux termes de ses conclusions, la société [N] demande la garantie de son assureur sur le seul fondement de la garantie décennale et n'invoque aucune garantie en raison de sa responsabilité contractuelle de droit commun.
De même, le maître de l'ouvrage, à titre subsidiaire sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ne formule aucune demande à l'encontre de la société Groupama.
En conséquence, la cour infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la société Groupama doit sa garantie au titre de la réparation des désordres mis à la charge de la société [N] et l'a condamné à paiement in solidum avec son assurée.
Sur les préjudices
Les époux [M] maintiennent à l'encontre de la société [N] les préjudices retenus par la cour d'appel de Lyon dans l'arrêt qui a été cassé sur ce point.
La société [N] conteste les sommes qui lui sont réclamées et subsidiairement demande la limitation de la part à sa charge à 49.280 euros correspondant au mur de 15,75 mètres.
Réponse de la cour
L'expert a évalué à la somme de 91.505 euros, outre indexation, le coût de la reprise des désordres affectant le mur, l'étanchéité et le drain, et à la somme de 2.943 euros le coût d'une partie de l'achat du terrain des époux [E] et nécessaire à l'exécutions des travaux. Ces sommes ont été retenues par le jugement critiqué.
La somme correspondant à l'achat du terrain a été justement mise à la charge de la société [N], ce coût supplémentaire pour le maître de l'ouvrage ayant pour origine la faute contractuelle de l'entreprise.
Le montant sollicité par le maître de l'ouvrage de 95.045 euros comporte l'ajout de la nécessaire revalorisation du coût de la maîtrise d'oeuvre et ce coût est justifié par les éléments du rapport d'expertise de sorte que le jugement est réformé en ce sens et ce montant retenu.
La société [N] n'est en effet pas fondée à demander la limitation de sa condamnation à la somme de 49.280 euros, au titre du mur de soutènement. Malgré le fait que la société CMO-07 ait pu commettre une erreur de conception ainsi qu'un défaut de surveillance du chantier, la faute de la société [N], spécialiste en la matière et qui aurait dû immédiatement réaliser le décaissement et ses conséquences, a été déterminante et est à l'origine de l'entier préjudice, n'ayant alerté ni le maître de l'ouvrage, ni le maître d'oeuvre des conséquences de ce décaissement et n'ayant pas préconisé les travaux adéquats pour y remédier.
S'agissant du préjudice de jouissance, le tribunal a évalué son montant à 12.500 euros tandis que le maître de l'ouvrage demande la somme de 15.000 euros à ce titre. Au vu du rapport d'expertise et des photographies annexées aux constats d'huissier, le préjudice de jouissance, notamment visuel, et les divers désagréments subis par le maître de l'ouvrage sont importants. Il sera en conséquence fait une juste appréciation de ce préjudice de jouissance par l'octroi d'une somme de 15.000 euros, le jugement étant réformé sur ce point.
S'agissant du remboursement des frais bancaires exposés, le tribunal a retenu une somme de 15.555,98 euros qui est justifiée par une attestation bancaire de sorte que cette condamnation reçoit confirmation.
S'agissant du remboursement des frais de géomètre et de notaire liés à l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement, le tribunal n'y a pas fait droit.
Toutefois, dans la mesure où l'achat de la bande de terrain est imputable à l'entreprise puisque nécessaire comme vu supra à la réalisation du mur de soutènement réparant les désordres, les frais induits par ce rachat ne doivent pas non plus rester à la charge du maître de l'ouvrage de sorte que le jugement est infirmé de ce chef et la cour dit que la société [N] doit rembourser ces coûts.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dépens d'appel comprenant ceux afférents à l'arrêt cassé sont à la charge in solidum de la société [N], de la société [C] et de son assureur, les maître de l'ouvrage n'ayant pas à en supporter une part.
Ces parties verseront en outre à M. et Mme [M] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les autres demandes sur ce fondement étant rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de la cassation,
Dit que les demandes présentées à l'encontre de la société [C] TP et de la société l'Auxiliaire sont irrecevables hormis les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- en l'absence d'une réception tacite caractérisée, débouté M. et Mme [M] de leur action engagée à l'encontre de la société [N] et de son assureur Groupama Méditerranée sur le fondement de la garantie décennale,
- condamné la société [N] à payer à M. et Mme [M] la somme de 2.943 euros au titre de l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
- condamné la société [N] à payer à M. et Mme [M] la somme de 15.555,98 euros au titre de l'indemnisation des frais bancaires,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :
- dit que la société Groupama doit sa garantie au titre de la réparation des désordres mis à la charge de la société [N],
- condamné la société Groupama in solidum avec la société [N] à payer à M. et Mme [M] les sommes suivantes :
- 91.505 euros au titre des désordres affectant le mur, l'étanchéité et le drain, outre indexation de cette somme selon variation du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent jugement,
- 2.943 euros au titre de la garantie de l'achat du terrain aux consorts [E],
- 12.500 euros au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [M]
- 15.555,98 euros au titre des frais bancaires,
- Condamné la société [N] à payer à M. et Mme [M] la somme de :
- 91.505 euros au titre des désordres affectant le mur, l'étanchéité et le drain, outre indexation de cette somme selon variation du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent jugement,
- 12.500 euros au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [M],
- rejeté la demande de M. et Mme [M] au titre des frais de géomètre et de notaire relatifs au rachat d'une bande de terrain.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société [N] Maçonnerie à payer à M. et Mme [M] :
* 95.045 euros TTC au titre de la reprise des désordres relatifs au mur, l'étanchéité et le drain outre indexation de cette somme selon les variations du coût de la construction selon l'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent arrêt,
* 15.000 euros au titre du préjudice de jouissance,
* et à leur rembourser les frais de géomètre et de notaire liés à l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
Constate que M. et Mme [M] ne présentent pas de demandes en paiement à l'encontre de la société Groupama Méditerranée au titre de la responsabilité contractuelle de la société [N] maçonnerie,
Déboute la société [N] Maçonnerie de sa demande de garantie à l'encontre de la société Groupama,
Condamne in solidum la société [N] Maçonnerie, la société [C] TP et la société l'Auxiliaire aux dépens d'appel comprenant ceux afférents à l'arrêt cassé avec droit de recouvrement et à payer à M. et Mme [M] la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette les autres demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, La Présidente,