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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 23 septembre 2025, n° 25/12245

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/12245

23 septembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 8

ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2025

(n° / 2025 , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/12245 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CLVUN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juillet 2025 -Tribunal des activités économiques de PARIS - RG n° 2025029091

APPELANTE

S.E.L.A.S. MTC PHARMA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 850 259 581,

Dont le siège social est situé [Adresse 11]

[Localité 18]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

Assistée de Me Olivier MAUDRET, avocat au barreau de PARIS, toque : E2020,

INTIMÉS

Monsieur [I] [C]

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 23]

Madame [W] [Z]

Demeurant [Adresse 5]

[Localité 15]

Monsieur [G] [H]

Demeurant [Adresse 6]

[Localité 22]

Monsieur [J] [N]

Demeurant [Adresse 19]

[Localité 16]

Monsieur [O] [E]

Demeurant [Adresse 8]

[Localité 20]

Madame [L] [T]

Demeurant [Adresse 4]

[Localité 25]

Monsieur [D] [X], domicilié pour les besoins de la procédure à la Pharmacie de Bercy,

Demeurant Pharmacie de Bercy

[Adresse 1]

[Localité 24]

Monsieur [K] [F]

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 17]

LE CONSEIL REGIONAL DE L'ORDRE DES PHARMACIENS, en qualité de contrôleur de la société MTC PHARMA,

Situé [Adresse 7]

[Localité 12]

Non constitués

S.E.L.A.R.L. AJRS, prise en la personne de Maître [S] [M], en qualité de commissaire à l'exécution du plan et d'administrateur judiciaire de la société MTC PHARMA,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 510 227 432,

Dont le siège social est situé [Adresse 21]

[Localité 13]

S.E.L.A.F.A. MJA, prise en la personne de Maître [V] [A], en qualité de mandataire judiciaire liquidateur de la société MTC PHARMA,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 440 672 509,

Dont le siège social est situé [Adresse 9]

[Localité 14]

Représentées et assistées de Me Vincent GALLET, avocat au barreau de PARIS, toque : E1719,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 9 septembre 2025, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,Madame Constance LACHEZE, conseillère,

Madame Isabelle ROHART, conseillère,

Qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Constance LACHEZE dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

- Rendu par défaut

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Par jugement du 21 novembre 2012, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de M. [U] [Y] qui exploitait une officine de pharmacie au [Adresse 10] à Paris 18ème. Par jugement du 20 juin 2014, le tribunal a arrêté le plan de redressement de M. [Y].

La société d'exercice libéral par actions simplifiées à associé unique MTC Pharma a été constituée le 5 avril 2019 pour exercer une activité d'officine de pharmacie. Elle a pour dirigeant et associé M. [Y] qui lui a apporté son fonds de commerce de pharmacie. Elle emploie 10 salariés.

Par jugement du 10 janvier 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a , sur requête en résolution du plan, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société MTC Pharma, désigné la SELARL AJRS, en la personne de Me [M], en qualité d'administrateur judiciaire, et la SELAFA MJA, en la personne de Me [A], en qualité de mandataire judiciaire liquidateur, autorisé la poursuite de l'activité pour une période de 3 mois, soit jusqu'au 10 avril 2025, et fixé la date limite de dépôt des offres de reprise au 4 mars 2025.

La société MTC Pharma a relevé appel de cette décision le 21 janvier 2025.

Me [M], ès qualités, a sollicité du ministère public la prolongation du maintien d'activité jusqu'au 10 juillet 2025 afin de permettre une amélioration des offres.

Par arrêt du 11 juillet 2025, la cour d'appel a annulé le jugement déféré, ordonné la résolution du plan de continuation de la société MTC Pharma, mis fin à la mission de la SELARL AJRS, ès qualités, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société MTC Pharma, désigné la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [A], en qualité de liquidateur judiciaire, fixé la date de cession des paiements au 20 juin 2024, et ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.

Par jugement du 11 juillet 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a :

dit irrecevables les trois offres présentées respectivement par :

MM. [K] [F] et [D] [X] ;

Mme [W] [Z] et M. [G] [H] ;

MM. [I] [C], [J] [N] et [O] [E] ;

dit recevable l'offre de MM. [EB] [R], [B] [P] et la SELARL [Adresse 26] mais non satisfaisante sur le plan financier et au regard de l'application de l'article L. 642-12 du code de commerce ;

mis fin à la mission de la SELARL AJRS, ès qualités ;

maintenu la SELAFA MJA, ès qualités ;

dit que les dépens seront employés en frais de procédure.

Les premiers juges ont considéré que l'offre conjointe de Mme [Z] et M. [H] était irrecevable en raison de l'absence de consignation du prix proposé, que la nouvelle offre formée par MM. [F] et [X] était irrecevable comme tardive précisant qu'ils s'étaient désistés de leur première offre lors de la première audience, que les engagements souscrits dans l'offre conjointe présentée par MM. [C], [N] et [E] auraient été revus à la baisse lors de l'audience et que celle présentée par MM. [EB] [R], [B] [P] et la SELARL [Adresse 26] était recevable mais que le prix était trop faible.

Le 21 juillet 2025, la société MTC Pharma a relevé appel de ce jugement.

Sur requête afin d'assigner à jour fixe du 25 juillet 2025, et sur ordonnance du délégataire du premier président de la cour du 29 juillet 2025, la société MTC Pharma a été autorisée à assigner à jour fixe, l'affaire étant fixée au 9 septembre 2025.

Par assignation du 7 août 2025, puis par dernières conclusions (n°2) remises au greffe et notifiées par voie électronique le 9 septembre 2025, la société MTC Pharma demande à la cour :

- de déclarer recevable et fondé son appel,

- y faisant droit, d'annuler le jugement, ou à défaut, de l'infirmer en toutes ses dispositions,

- dans les deux cas, statuant à nouveau, à titre principal, ordonner la réouverture des débats et fixer un nouveau délai de présentation de nouvelles offres ou l'amélioration des offres déjà déposées,

- à défaut, arrêter son plan de cession au profit de l'un des pollicitants intimés,

- fixer le prix de cession,

- fixer les modalités d'exécution du plan,

- désigner le commissaire à l'exécution du plan de cession,

- à titre subsidiaire, renvoyer la cause et les parties devant le tribunal des activités économiques de Paris afin de fixation d'un nouveau délai pour la présentation de nouvelles offres ou l'amélioration des offres déjà déposées et fixation d'une nouvelle audience afin d'arrêter le plan, en tout état de cause, débouter les société AJRS et MJA, ès qualités, de leurs demandes, fins et conclusions, et statuer ce que de droit sur les dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 3 septembre 2025, la SELAFA MJA et la SELARL AJRS, ès qualités, demandent à la cour :

- de prononcer la mise hors de cause de la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [M], en qualité de commissaire à l'exécution du plan et d'administrateur judiciaire de la société MTC Pharma,

- de juger que la société MTC Pharma est irrecevable en son appel,

- à titre subsidiaire, de juger la société MTC Pharma mal fondée en son appel, l'en débouter, en conséquence, confirmer le jugement, et dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.

Assignés le 7 ou le 8 août 2025, M. [H] (à l'étude), M. [C] (à l'étude), Mme [Z] (à l'étude), M. [X], M. [E], M. [N], M. [F], le conseil de l'ordre des pharmaciens en qualité de contrôleur, Mme [T] en qualité de représentante des salariés, la SELAFA MJA, ès qualités, et la SELARL AJRS, ès qualités, n'ont pas constitué avocat.

SUR CE,

Sur la recevabilité de l'appel

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Le liquidateur ès qualités considère que l'appel de la société MTC Pharma est irrecevable sur trois fondements. D'abord, l'appel serait irrecevable en raison d'un défaut d'intérêt personnel à agir. Ensuite, l'appel serait irrecevable sur le fondement de l'estoppel. Enfin, l'appel serait irrecevable en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 11 juillet 2025.

Sur l'intérêt à agir de la société MTC Pharma

Le liquidateur ès qualités se prévaut d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 23 octobre 2019 qui a conditionné la recevabilité de l'appel d'un débiteur des décisions arrêtant ou rejetant un plan de cession à la caractérisation d'un intérêt personnel à exercer cette voie de recours. Il soutient que la société MTC Pharma est manifestement dépourvue de tout intérêt à interjeter appel du jugement entrepris, qui a déclaré irrecevables trois offres de cession et en a rejeté une quatrième comme non-satisfaisante, car ni M. [Y], s'étant déclaré défavorable à la cession, ni la société MTC Pharma, s'étant déclarée défavorable à un plan de cession, n'ont succombé en leurs prétentions.

La société MTC Pharma réplique qu'elle a intérêt à rechercher une solution de reprise plus favorable et donc à agir, qu'elle a manifesté son opposition à la résolution du plan de redressement à la liquidation sans solution de reprise et, au vu de l'arrêt rendu récemment, souhaite aujourd'hui trouver une solution de reprise plus favorable aux intérêts en présence, qu'en procédure collective, l'objectif de sauvegarde de l'entreprise et d'apurement du passif confère au débiteur un intérêt à voir préférer la solution la plus favorable pour les créanciers et les salariés, alors qu'en l'occurrence une des offres de reprise recueillies préalablement atteignait une valorisation de près de 1,98 million d'euros, permettant le maintien de l'activité et de l'intégralité des emplois ainsi que l'apurement intégral du passif, que le refus initial de la cession ne saurait cependant être interprété comme une acceptation du sort défavorable réservé par le jugement entrepris.

Aux termes de l'article L.661-6, III, du code de commerce, ne sont susceptibles que d'un appel de la part soit du débiteur, soit du ministère public, soit du cessionnaire ou du cocontractant mentionné à l'article L. 642-7 les jugements qui arrêtent ou rejettent le plan de cession de l'entreprise. Le cessionnaire ne peut interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession que si ce dernier lui impose des charges autres que les engagements qu'il a souscrits au cours de la préparation du plan. Le cocontractant mentionné à l'article L. 642-7 ne peut interjeter appel que de la partie du jugement qui emporte cession du contrat.

Il résulte des articles L. 661-6, III, du code de commerce, 31 et 546 du code de procédure civile, que si le débiteur a qualité à interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession, il doit en outre justifier d'un intérêt personnel à exercer cette voie de recours.

En l'espèce, la SELAFA MJA ès qualités se prévaut de notes consignées par le greffier lors de l'audience ayant pour objet l'arrêté du plan de cession dans le cadre de la liquidation judiciaire et qui s'est tenue le 26 juin 2025. La société MTC Pharma et M. [Y] se sont montrés défavorables à un plan de cession, après avoir sollicité un renvoi de l'affaire à une audience ultérieure pour attendre la décision de la cour ayant pour objet la résolution ou non du plan de redressement et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. Cette position ne résulte pas de conclusions écrites. En effet, le 26 juin 2025, l'instance d'appel était pendante devant la cour, cette instance même qui a donné lieu à l'arrêt du 11 juillet 2025 susmentionné.

Dans un tel contexte, la position de la société MTC Pharma, qui demeurait dans l'expectative de l'éventualité de la continuation de son plan de redressement, ne doit pas être interprétée comme une opposition de principe à tout plan de cession mais doit être comprise comme découlant de la recherche du meilleur intérêt de l'entreprise, de sa survie, de ses salariés et de ses créanciers à un moment où la poursuite du plan de redressement n'était pas totalement exclue.

Postérieurement à l'arrêt de la cour et l'ouverture avérée de sa liquidation judiciaire, la société MTC Pharma n'est pas dépourvue d'intérêt à rechercher la continuation de son activité dans les meilleures conditions possibles, alors qu'elle se prévaut d'une offre de reprise valorisée à près de 1,98 million d'euros.

Son intérêt à agir est ainsi établi.

Sur l'estoppel

Le liquidateur ès qualités soutient que l'appel est irrecevable car si la société MTC Pharma demande à la cour d'arrêter le plan de cession au profit d'un des pollicitants intimés, cette prétention est en contradiction avec sa précédente prétention selon laquelle elle se disait défavorable à un plan de cession, et ce au préjudice des organes de la procédure collective.

La société MTC Pharma soutient que la fin de non-recevoir tirée de la contradiction ne peut prospérer que si les positions incompatibles ont été adoptées au cours d'une même instance, dans des conditions ayant induit l'adversaire en erreur sur les intentions de leur auteur, qu'il est admis que les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux sans que cela caractérise une contradiction déloyale, que compte tenu de l'arrêt ouvrant une procédure de liquidation judiciaire, elle souhaite désormais une meilleure solution de cession possible, plutôt que le démantèlement de son fonds de commerce, que les organes de la procédure ne démontrent pas un véritable préjudice subi par la partie adverse du fait du changement de position.

La cour rappelle que la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir.

En l'occurrence, le contexte précédemment évoqué, l'éventualité de la continuité d'un plan de redressement au jour de l'audience du 26 juin 2025 et l'élément nouveau que constitue la résolution du plan de redressement entérinée par la cour expliquent l'apparente contradiction des propos de la société MTC Pharma.

En outre, la SELAFA MJA ès qualités ne démontre pas un préjudice résultant du positionnement de l'appelante.

Le moyen doit donc être rejeté.

Sur l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 11 juillet 2025

La SELAFA MJA ès qualités soutient enfin que l'appel est irrecevable car la cour ayant annulé, par arrêt du 11 juillet 2025, le processus d'appel d'offres qui avait été initié par la SELARL AJRS en qualité d'administrateur judiciaire, en exécution du jugement déféré, se trouve dépourvu de support judiciaire et nécessairement annulé, que l'arrêt du 11 juillet 2025 n'ayant pas ordonné le maintien de l'activité de la société MTC Pharma, seul le juge-commissaire a désormais compétence pour statuer sur la cession des actifs de la société appelante conformément aux dispositions de l'article L. 642-19 du code de commerce, qu'il n'est pas possible à l'occasion du présent appel que la cour statue sur le plan de cession et sur les offres de reprises, et qu'à cette fin, elle a déjà saisi le juge-commissaire par requête du 28 juillet 2025, l'audience devant le juge-commissaire devant se tenir le 29 septembre 2025.

La société MTC Pharma réplique que l'arrêt du 11 juillet 2025 n'a pas autorité de chose jugée sur le présent litige à défaut d'identité d'objet et de cause, que l'arrêt du 11 juillet 2025 renvoie expressément au tribunal le soin de recueillir les offres de cession, qu'en d'autres termes, la cour elle-même a enclenché la phase de réalisation de l'actif sous contrôle du tribunal, que le jugement du 11 juillet 2025 entrepris est précisément la réponse du tribunal au renvoi de la cour et, bien que rendu le même jour que l'arrêt, découle en réalité de l'autorité de renvoi de l'arrêt (et non en contrariété avec celui-ci) et que par conséquent, la procédure d'appel d'offres n'est pas sans support judiciaire.

Sur ce, il est manifeste que le jugement déféré ne se heurte pas à l'autorité de chose jugée par l'arrêt du 11 juillet 2025 à défaut d'objet et de cause identique entre les deux instances.

Comme le soutient la société MTC Pharma, l'arrêt du 11 juillet 2025 a pour objet la résolution du plan de continuation de MTC PHARMA et l'ouverture de la liquidation judiciaire (appel de la décision du 10 janvier 2025). Aucune disposition de cet arrêt ne traite du sort concret des offres de reprise de l'officine. Le jugement du 11 juillet 2025 avait quant à lui pour objet de statuer sur les offres de reprise de l'entreprise dans le cadre de la liquidation (procédure de cession de l'actif). La cause de ce jugement réside dans l'examen des conditions de recevabilité et du sérieux de chaque offre déposée, au regard des exigences du Code de commerce (articles L.642-2 et s. notamment).

Bien que la SELAFA MJA ès qualités soutienne à juste titre que le jugement du 11 juillet 2025 est dépourvu de « support judiciaire » en raison de l'annulation du jugement du 10 janvier 2025, cela n'était pas le cas le jour où il a été prononcé alors qu'il n'est pas démontré qu'il ait été postérieur à l'arrêt du 11 juillet 2025. Dès lors, la fin de non-recevoir ne saurait prospérer.

En conséquence, les fins de non-recevoir doivent être rejetées et l'appel sera déclaré recevable.

Sur la demande d'annulation du jugement

La SELAFA MJA ès qualités ne sollicite par l'annulation du jugement.

- Sur l'absence de rapport du juge-commissaire

La société MTC Pharma demande à la cour d'annuler le jugement entrepris en raison de l'absence de communication du rapport du juge-commissaire en temps utile au débiteur dans le respect du principe du contradictoire. Elle argue qu'en l'espèce, si le juge-commissaire était présent à l'audience et a fait valoir ses observations, il n'est pas établi que celles-ci aient été, a minima, portées à la connaissance du débiteur avant l'audience.

La SELAFA MJA ès qualités réplique que le jugement entrepris énonce la position du juge-commissaire, qui était présent à l'audience en chambre du conseil du 26 juin 2025, en ces termes : « le juge-commissaire soulève également que les offres ne sont pas recevables, faute d'être exploitables, ou conformes aux dispositions de l'article L. 642-2 du Code de commerce » et que ces observations valent rapport au sens de l'article R. 662-12 alinéa premier du code de commerce, de sorte que le jugement n'encourrait aucune nullité sur ce fondement.

Aux termes de l'article R. 662-12 du code de commerce, le tribunal statue sur rapport du juge-commissaire sur tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, y compris l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif ou en obligation aux dettes sociales, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8.

En l'espèce, les quelques mots ci-dessus reproduits du juge-commissaire à l'audience qui sont constitutifs d'un avis et qui pourraient constituer la conclusion d'un rapport, ne sauraient valoir rapport à proprement parler, document étayé de données factuelles destinées à éclairer le tribunal sur la situation actualisée du débiteur. Une telle omission fait grief au débiteur s'agissant d'apprécier les offres d'un potentiel repreneur.

Le moyen est donc fondé et le jugement doit être annulé.

Il n'y a donc pas lieu d'examiner le moyen tiré de la nullité du jugement au motif que le débiteur, bien que présent à l'audience, n'aurait pas été entendu, et ce en violation des dispositions des articles L. 631-22 et L. 642-5 du code de commerce.

Le rapport du juge-commissaire ne s'imposant pas devant la cour, le moyen n'empêche pas la cour d'examiner le litige au fond en vertu de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur le fond

La société MTC Pharma, après avoir fait des observations sur les offres de reprise quant à leur recevabilité et à leur qualité, soutient qu'elles peuvent être améliorées, que la cour dispose du pouvoir d'arrêter le plan en faveur de l'un des candidats, que le rejet du plan n'apparait d'ailleurs pas la meilleure solution puisque cela signifierait une vente à la découpe en liquidation judiciaire, la disparition de la clientèle puis la désintégration de l'outil industriel, que le jugement déféré n'a pas valorisé au mieux les possibilités de reprise de l'officine, et qu'il a ignoré l'objectif de continuation de l'activité pourtant inhérent aux dispositions du code de commerce, l'une des offres permettant de désintéresser intégralement les créanciers. Elle demande la réouverture des débats afin de fixer un nouveau délai de présentation des offres, ou à défaut l'arrêté du plan.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour qu'elle renvoie la cause et les parties devant le tribunal.

En réponse aux écritures du liquidateur judiciaire, elle souligne que l'article L.642-19 du code de commerce qui dispose qu'à défaut de plan de cession arrêté par le tribunal et en l'absence de poursuite d'activité, le juge-commissaire organise la cession des actifs du débiteur en liquidation, prescrit un schéma par défaut lorsque le jugement de liquidation est définitif et qu'aucun appel n'est en cours.

La SELAFA MJA et la SELARL AJRS, ès qualités, font valoir que l'annulation du jugement de liquidation a entraîné l'annulation du processus d'appel d'offres initié en exécution de ce jugement, qu'ainsi, quand bien même l'appel d'offres aurait survécu à l'annulation, aucun texte ne prévoit que les pollicitants restent liés par leur offre en cas d'appel rejetant le plan, de sorte que la cour ne serait saisie d'aucune offre de cession, qu'elle ne peut donc en apprécier ni la recevabilité, ni la qualité et qu'elle n'a pas davantage le pouvoir d'arrêter un plan de cession.

Elles ajoutent qu'en raison de l'absence de maintien de l'activité ordonné par l'arrêt du 11 juillet 2025, la vente des actifs relève de la compétence exclusive du juge-commissaire (C. com. art. L.642-19). Elles en tirent comme conséquence que les demandes de MTC Pharma visant à voir la cour soit choisir un repreneur, soit rouvrir les offres, seraient vouées à l'échec faute de pouvoir juridictionnel.

Aux termes de l'article L. 642-1 du code de commerce, la cession de l'entreprise a pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif.

Elle peut être totale ou partielle. Dans ce dernier cas, elle porte sur un ensemble d'éléments d'exploitation qui forment une ou plusieurs branches complètes et autonomes d'activités. (')

Aux termes de l'article L. 642-2, I, du même code, lorsque le tribunal estime que la cession totale ou partielle de l'entreprise est envisageable, il autorise la poursuite de l'activité et il fixe le délai dans lequel les offres de reprise doivent parvenir au liquidateur et à l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.

Toutefois, si les offres reçues en application de l'article L. 631-13 ou formulées dans le cadre des démarches effectuées par le mandataire ad hoc ou le conciliateur désigné en application des articles L. 611-3 ou L. 611-6 remplissent les conditions prévues au II du présent article et sont satisfaisantes, le tribunal peut décider de ne pas faire application de l'alinéa précédent. Lorsque la mission du mandataire ad hoc ou du conciliateur avait pour objet l'organisation d'une cession partielle ou totale de l'entreprise, ceux-ci rendent compte au tribunal des démarches effectuées en vue de recevoir des offres de reprise, nonobstant l'article L. 611-15. L'avis du ministère public est recueilli lorsque l'offre a été reçue par le mandataire ad hoc ou le conciliateur. (')

Aux termes de l'article L. 642-19 du code de commerce, le juge-commissaire soit ordonne la vente aux enchères publiques, soit autorise, aux prix et conditions qu'il détermine, la vente de gré à gré des autres biens du débiteur lorsqu'elle est de nature à garantir les intérêts de celui-ci. Lorsque la vente a lieu aux enchères publiques, il y est procédé dans les conditions prévues, selon le cas, au second alinéa de l'article L. 322-2 ou aux articles L. 322-4 ou L. 322-7.

Le juge-commissaire peut demander que le projet de vente amiable lui soit soumis afin de vérifier si les conditions qu'il a fixées ont été respectées.

Il en résulte que le maintien de l'activité ne constitue pas une condition d'application de l'article L. 642-1 du code de commerce bien que la favorisant en pratique.

En l'espèce, par jugement du 10 janvier 2025, le tribunal des activités économiques de Paris a notamment résolu le plan de continuation de la société MTC Pharma, décidé de l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société MTC Pharma, autorisé la poursuite de l'activité pour une période de 3 mois, soit jusqu'au 10 avril 2025 et nommé la SELARL AJRS en la personne de Me [M] en qualité d'administrateur, avec la mission de gérer, organiser la cession de l'entreprise. La poursuite d'activité a été prorogée par le tribunal jusqu'au 10 juillet 2025.

Par arrêt du 11 juillet 2025, la cour a annulé le jugement du 10 janvier 2025, ordonné l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et renvoyé l'affaire devant le tribunal des activités économiques de Paris pour la poursuite de la procédure et la désignation du juge-commissaire.

La SELAFA MJA soutient à juste titre que le jugement du 11 juillet 2025 est dépourvu de « support judiciaire » en raison de l'annulation du jugement du 10 janvier 2025. En effet, le jugement du 11 juillet 2025 est une décision subséquente de celle du 10 janvier 2025 puisqu'il avait pour objet l'examen des offres de reprise de l'entreprise. Ainsi, s'il ne se heurte pas à l'autorité de chose jugée, il se heurte à la force de chose jugée en ce qu'il procède du jugement du 10 janvier 2025 qui a été annulé par l'arrêt du 11 juillet 2025.

L'annulation du jugement du 10 janvier 2025 ayant ordonné l'appel d'offre rend ce dernier caduc, si bien que la cour ne dispose pas du pouvoir de statuer sur les offres émises en réponse à cet appel ni d'arrêter un plan de cession. La cour ne dispose finalement, conformément à sa décision du 11 juillet 2025, que du pouvoir de renvoyer les parties devant le tribunal.

Il n'en demeure pas moins que les offres présentées montrent qu'un plan de cession n'est pas inenvisageable. Si dans la majeure partie des cas les offres de cession en liquidation judiciaire ne peuvent être présentées que pendant la période de poursuite provisoire de l'activité, les circonstances de l'affaire justifient de faire droit à la demande subsidiaire de la société MTC Pharma et de renvoyer la cause et les parties devant le tribunal des activités économiques de Paris afin de fixation d'un délai pour la présentation des offres et fixation d'une nouvelle audience afin le cas échéant d'arrêter un plan de cession sur le fondement de l' article L. 642-2, I, du code de commerce, ou s'il en va de l'intérêt de l'entreprise, de renvoyer la question de la cession de l'entreprise au juge-commissaire afin qu'il statue en application de l'article L. 642-19 du code de commerce.

Sur la mise hors de cause de la SELARL AJRS, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan et d'administrateur judiciaire de la société MTC Pharma

Les organes de la procédure font valoir que par sa déclaration d'appel du 21 juillet 2025, la société MTC Pharma a intimé la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [M], en qualité de commissaire à l'exécution du plan et d'administrateur judiciaire de la société MTC Pharma, alors que l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 juillet 2025 a mis fin à sa mission de commissaire à l'exécution du plan, et que le jugement entrepris a mis fin à sa mission en qualité d'administrateur judiciaire.

L'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire et la mise hors de cause, par l'arrêt du 11 juillet 2025, de la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [M], en qualité de commissaire à l'exécution du plan, rendent sans objet à la demande de mise hors de cause en cette qualité.

La SELARL AJRS, prise en la personne de Me [M] sera désignée en qualité d'administrateur judiciaire aux fins d'exécuter le présent arrêt.

Les dépens de première instance et d'appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et par défaut,

Rejette les fins de non-recevoir et déclare l'appel recevable ;

Annule le jugement déféré ;

Ordonne le renvoi de la cause et des parties devant le tribunal des activités économiques de Paris afin de fixation d'un délai pour la présentation des offres et fixation d'une nouvelle audience afin le cas échéant d'arrêter un plan de cession sur le fondement de l' article L. 642-2, I, du code de commerce, ou s'il en va de l'intérêt de l'entreprise, de renvoyer la question de la cession de l'entreprise au juge-commissaire afin qu'il statue en application de l'article L. 642-19 du code de commerce ;

Désigne la SELARL AJRS prise en la personne de Me [S] [M] en qualité d'administrateur judiciaire de la société MTC Pharma ;

Dit qu'est sans objet la demande de mise hors de cause la SELARL AJRS prise en la personne de Me [S] [M] agissant en qualité de commissaire à l'exécution du plan ;

Rappelle que le greffe du tribunal de commerce de Paris devra procéder aux mentions et publicités prévues par la loi ;

Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.

Liselotte FENOUIL

Greffière

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

Présidente

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