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Cass. crim., 30 septembre 2025, n° 24-85.225

COUR DE CASSATION

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Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnal

Rapporteur :

Mme Thomas

Avocat général :

M. Tarabeux

Avocats :

SARL Cabinet Briard, Bonichot et Associés, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Paris, ch. instr., du 2 août 2024

2 août 2024

Faits et procédure

1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces soumises à l'examen de la Cour de cassation ce qui suit.

2. À la suite d'un signalement de la chambre régionale des comptes sur des irrégularités dans la passation de contrats entre une compagnie de navigation aérienne et un aéroport exploité, durant la période en cause, par une chambre de commerce et d'industrie, puis par un syndicat mixte, le procureur de la République financier a été autorisé par le juge des libertés et de la détention à effectuer des perquisitions sans assentiment en divers lieux.

3. Lors des opérations de perquisition menées dans les locaux occupés par le syndicat mixte, son directeur s'est opposé à la saisie de documents susceptibles de relever de l'exercice des droits de la défense et d'être couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

4. Ces documents ont été placés sous scellés et transmis au juge des libertés et de la détention.

5. Par ordonnance du 24 juin 2024, ce juge a ordonné la restitution de diverses pièces au syndicat mixte et le versement des autres à la procédure.

6. La chambre de commerce et d'industrie, le syndicat mixte et le procureur de la République financier ont formé des recours contre cette décision.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé par le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Paris

7. Selon l'article 567 du code de procédure pénale, est recevable à se pourvoir en cassation toute personne partie à l'instance qui a donné lieu à l'arrêt attaqué lorsque ce dernier contient des dispositions susceptibles de lui faire grief.

8. Il résulte de l'article 56-1-1 du code de procédure pénale et des alinéas 5 et 8 de l'article 56-1 du même code, interprétés conjointement, que le bâtonnier a la qualité de partie à l'instance portée, sur la contestation de saisie de la personne chez laquelle la perquisition a eu lieu, devant le juge des libertés et de la détention et devant le président de la chambre de l'instruction statuant sur recours, qui lui est ouvert.

9. Il s'ensuit que le bâtonnier est recevable à former un pourvoi contre la décision faisant grief aux droits de la défense, dont il a pour mission générale d'assurer la protection.

10. Tel est le cas en l'espèce, la décision attaquée ordonnant le versement à la procédure de documents saisis lors de la perquisition.

11. Le pourvoi du bâtonnier doit dès lors être déclaré recevable.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé par le syndicat mixte de l'aéroport de [Localité 2]

12. Il résulte de l'article 56-1-1 du code de procédure pénale et des alinéas 5 et 8 de l'article 56-1 du même code, interprétés conjointement, que la personne chez laquelle la perquisition a eu lieu est entendue par le juge des libertés et de la détention statuant sur son opposition à saisie et est recevable à former un recours devant le président de la chambre de l'instruction.

13. Il s'ensuit que cette personne a la qualité de partie à l'instance portée devant le juge des libertés et de la détention et devant le président de la chambre de l'instruction statuant sur recours et, qu'en conséquence, cette personne est recevable à former un pourvoi dès lors que la décision attaquée contient des dispositions susceptibles de lui faire grief.

14. Tel est le cas en l'espèce du syndicat mixte, dont les locaux ont été visés par la perquisition, et auquel la décision de versement de pièces à la procédure fait grief.

15. Son pourvoi doit dès lors être déclaré recevable.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé par M. [W] [U]

16. Il résulte encore de l'article 56-1-1 du code de procédure pénale et des alinéas 5 et 8 de l'article 56-1 du même code, interprétés conjointement, que l'avocat concerné par les documents saisis susceptibles de relever de l'exercice des droits de la défense et d'être couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 est entendu par le juge des libertés et de la détention statuant sur l'opposition à saisie et est recevable à former un recours devant le président de la chambre de l'instruction.

17. Il s'ensuit que cet avocat a la qualité de partie à l'instance portée devant le juge des libertés et de la détention et devant le président de la chambre de l'instruction statuant sur recours et, qu'en conséquence, il est recevable à former un pourvoi dès lors que la décision attaquée contient des dispositions susceptibles de lui faire grief.

18. Tel est le cas en l'espèce de M. [U], avocat concerné par les documents saisis, et auquel la décision de versement à la procédure de ces documents fait grief.

19. Son pourvoi doit dès lors être déclaré recevable.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé par la chambre de commerce et d'industrie de Charente-Maritime

20. En revanche, les textes précités ne confèrent à aucun titre à la chambre de commerce et d'industrie de Charente-Maritime la qualité de partie à l'instance portée devant le juge des libertés et de la détention statuant sur l'opposition à saisie et devant le président de la chambre de l'instruction statuant sur recours.

21. En conséquence, elle doit être déclarée irrecevable en son pourvoi.

Examen des moyens

Enoncé des moyens

22. Le moyen proposé pour le bâtonnier critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné le versement à la procédure d'enquête de l'ensemble des pièces saisies dans les locaux du syndicat mixte de l'aéroport de [Localité 2], ayant fait l'objet d'une opposition, alors :

« 1°/ que l'article préliminaire, III, dernier alinéa, du code de procédure pénale garantit le secret professionnel de la défense et du conseil des avocats dans les conditions prévues par le code de procédure pénale ; que les articles 56-1 et 56-1-1 du même code interdisent la saisie de documents relevant des droits de la défense et couverts par le secret professionnel de la défense et du conseil au sens de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; que cette dernière disposition garantit le secret professionnel de l'avocat tant dans le domaine du conseil que dans celui de la défense ; que, selon l'article 56-1-2 du même code, les documents couverts par le secret professionnel du conseil peuvent être saisis lors d'enquêtes ou d'instructions portant sur une liste limitative d'infractions et s'ils sont la preuve de leur utilisation par le client pour commettre l'infraction ; qu'il s'en déduit qu'hors cette exception prévue à l'article 56-1-2, les documents relevant du conseil ne peuvent être saisis, sauf s'ils sont la preuve de la participation d'un avocat à l'infraction en cause dans la procédure ; que pour ordonner le versement des pièces saisies à la procédure, le président de la chambre de l'instruction a jugé que « le secret du conseil « n'est opposable en matière de saisies pénales qu'à la condition qu'il se rapporte à l'exercice des droits de la défense », ajoutant qu' « il en est ainsi lorsque celui qui prend conseil s'attend à être prochainement poursuivi ou, sachant avoir commis une infraction pénale prépare sa défense » ; que dès lors que l'enquête ne portait pas sur l'une des infractions visées par l'article 56-1-2 et quand la participation de l'avocat aux faits objets de l'enquête n'était pas envisagée, ce qui interdisait la saisie des documents relevant du secret du conseil, le président de la chambre de l'instruction qui a limité la protection du conseil à la préparation d'une défense, a méconnu les articles préliminaire III, dernier alinéa, 56-1, 56-1-1 et 56-1-2 du code de procédure pénale et 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;

2°/ qu'en outre, en application de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, les échanges entre un client et son avocat bénéficient d'une protection renforcée ; qu'ils ne peuvent dès lors être saisis que pour autant qu'ils sont sans rapport avec les droits de la défense et l'activité de conseil de l'avocat, sauf motifs impérieux tenant à la méconnaissance des devoirs de la profession ; que tel ne peut être le cas que si l'avocat participe sciemment à la commission d'une infraction dans le cadre de son activité de défense et de conseil ; qu'en jugeant que seuls les documents en rapport avec les seuls droits de la défense étaient insaisissables, les documents relatifs à l'activité de conseil pouvant être saisis, ce qui serait le cas de l'ensemble des documents saisis, sans relever aucun motif impérieux tenant à la méconnaissance des devoirs de la profession d'avocat et au fait que ces documents établissaient la participation à l'avocat aux infractions recherchées, le président de la chambre de l'instruction a méconnu l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

3°/ qu'à tout le moins le président de la chambre de l'instruction a estimé que la consultation délivrée par le cabinet d'avocat [N] au Syndicat mixte venant de reprendre l'activité de gestion de l'aéroport de [Localité 2] pouvait être saisie, sans que puisse être opposé le secret professionnel de la défense et du conseil, des lors que si cette consultation fait référence à des risques de contentieux, notamment pénaux, certains étant encore en cours, c'est « pour les écarter » et proposer un schéma contractuel « pour demeurer dans la légalité » et que « les contentieux auxquels il est fait référence ne sont évoqués que pour mémoire et pour soutenir l'argumentation de l'avocat sans aucune autre référence concrète à ceux-ci » ; que dès lors qu'il constatait que le risque de contentieux avait été abordé dans la consultation, qu'il s'agissait de déterminer comment établir les futurs contrats en toute légalité au vu de l'évaluation de ce risque et en limitant la protection à l'activité de conseil portant uniquement sur un risque de contentieux à l'exclusion du conseil visant à modifier les pratiques en considération de l'évaluation de ce risque, le président de la chambre de l'instruction qui a refusé de constater que la consultation portait effectivement sur le secret professionnel de la défense et du conseil, et était comme telle insaisissable, a méconnu les articles 56-1 alinéa 2 et 56-1-1 du code de procédure pénale et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

4°/ qu'en jugeant que l'appréciation portée sur le respect de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme est nécessairement différente pour une personne physique que pour des établissements publics en cause en l'espèce, pour ordonner le versement au dossier de pièces dont il n'était pas contesté que, comme l'avait relevé le juge des libertés et de la détention, elles relevaient du devoir de conseil, quand la protection renforcée des échanges entre un avocat et son client, implique une nécessaire protection de la confiance du justiciable en son avocat et garantit ainsi des droits dont ce dernier est également titulaire dans son activité, droits dont Me le Bâtonnier est légalement autorisé à assurer la protection, quelle que soit la qualité du client, la cour d'appel a encore méconnu l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

5°/ qu'enfin, en n'appréciant pas au moins lui-même l'utilité de la saisie des documents ayant fait l'objet d'une opposition, à l'exception de la consultation du cabinet [N], et en se contentant de constater le lien avec l'enquête des notes d'honoraires afférentes à cette consultation, quand de telles notes ne sauraient être utiles à la manifestation de la vérité, dès lors que les avocats les ayant émis n'étaient pas soupçonnés d'avoir participé aux infractions faisant l'objet de l'enquête, le président de la chambre de
l'instruction qui a ordonné le versement de ces documents au dossier de l'enquête a méconnu son office, en violation de l'article 56-1-1 du code de procédure pénale et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

23. Le moyen proposé pour M. [U] critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné le versement à la procédure d'enquête de l'ensemble des pièces saisies dans les locaux du syndicat mixte de l'aéroport de [Localité 2] ayant fait l'objet d'une opposition, dont celles dont le juge des libertés et de la détention avait ordonné la restitution, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article 56-1 alinéa 2 du code de procédure pénale, auquel renvoie l'article 56-1-1, que les consultations relevant des droits de la défense et du conseil prévu par l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, sont couvertes par le secret professionnel et insaisissables ; qu'il n'en va autrement que si ces pièces établissent la participation de l'avocat aux infractions recherchées ou dans les cas visés par l'article 56-1-2, s'il est établi que la consultation a servi à commettre l'infraction ; que l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme garantit une protection renforcée du secret des correspondances entre un client et son avocat, tant dans l'activité de défense, que dans celle de conseil juridique, sauf méconnaissance des obligations de la profession d'avocat ; qu'il s'en déduit que toute consultation qui vise à anticiper un éventuel contentieux notamment pénal et à déterminer si les pratiques du client doivent être modifiées en vue d'éviter pour l'avenir le risque contentieux relève de la protection renforcée du secret professionnel et est comme telle insaisissable ; que, dans le cadre d'une enquête portant sur des faits de favoritisme, détournement de fonds publics et recel, lors d'une perquisition dans les locaux du [3], gestionnaire de l'aéroport de [Localité 2], ont été saisis différents documents ; que ce gestionnaire s'est opposé à la saisie de certains documents ; que, pour infirmer partiellement l'ordonnance entreprise ayant ordonné la restitution des pièces relatives à l'activité de conseil de Me [U] du cabinet [N], le président de la chambre de l'instruction a estimé que la consultation délivrée par le cabinet d'avocat au Syndicat mixte venant de reprendre l'activité de gestion de l'aéroport de [Localité 2] pouvait être saisie, sans que puisse être opposé le secret professionnel de la défense et du conseil, des lors que si elle fait référence à des risques de contentieux, notamment pénaux, certains étant encore en cours, c'est « pour les écarter » et proposer un schéma contractuel « pour demeurer dans la légalité » et que « les contentieux auxquels il est fait référence ne sont évoqués que pour mémoire et pour soutenir l'argumentation de l'avocat sans aucune autre référence concrète à ceux-ci » ; que dès lors qu'il constatait que le risque de contentieux avait été abordé dans la consultation, risque confirmé par la procédure en cause en l'espèce, et qu'il s'agissait de déterminer comment établir les futurs contrats en toute légalité au vu de l'évaluation de ce risque, le président de la chambre de l'instruction qui a refusé de constater que la consultation portait effectivement sur le secret professionnel de la défense et du conseil, et était comme telle insaisissable, a méconnu les articles 56-1 et 56-1-1 du code de procédure pénale et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

2°/ que des notes d'honoraires relatives à l'activité de défense et de conseil protégé par l'article 56-1 du code de procédure pénale en suivent le régime ; que dès lors en estimant que les notes d'honoraires relatives à la consultation précitée, n'était pas en lien avec le secret professionnel de la défense et du conseil, le président de la chambre de l'instruction a encore méconnu les articles les articles 56-1 al. 2 et 56-1-1 du code de procédure pénale et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

3°/ qu'à tout le moins, il résulte de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme que l'atteinte au secret professionnel des avocats doit résulter de dispositions législatives claires ; que seuls des motifs impérieux peuvent justifier une atteinte au secret professionnel de l'avocat, dans son activité de conseil juridique, comme dans celle de la défense ; que la saisie de documents portant sur l'activité de conseil juridique de l'avocat ne peut résulter que de la participation de celui-ci à l'infraction recherchée ; qu'en l'espèce, en considérant que la consultation et la note d'honoraires qui lui était liée pouvaient être saisies, bien qu'étant intervenues dans le cadre de l'activité de conseil sur les risques de contentieux notamment pénal, en vue d'envisager la modification des pratiques du client, et quand aucun soupçon de participation de l'avocat aux faits en cause dans l'enquête n'était invoqué, le président de la chambre de l'instruction, qui s'en tient à une interprétation restrictive de la protection du secret professionnel de la défense et du conseil prévue par l'article 56-1 al. 2 du code de procédure pénale incompatible avec l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, qui dès lors devait seul s'appliquer, a violé cette dernière disposition ;

4°/ qu'en jugeant que l'appréciation portée sur le respect de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme est nécessairement différente pour une personne physique que pour des établissements publics, pour ordonner le versement au dossier de pièces dont il n'était pas contesté que, comme l'avait relevé le JLD, ils relevaient du devoir de conseil, quand la protection renforcée des échanges entre un avocat et son client, implique une nécessaire protection de la confiance du justiciable dans son avocat et garantit ainsi des droits dont ce dernier est également titulaire dans son activité, quelle que soit la qualité du client, le président de la chambre de l'instruction a encore méconnu l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

5°/ qu'en tout état de cause, des notes d'honoraires ne présentent en elles-mêmes aucune utilité pour la recherche de la vérité sauf dans l'hypothèse où elles seraient de nature à établir la preuve de la participation de l'avocat à l'infraction recherchée ; que, dès lors en ordonnant le versement au dossier d'enquête de la note d'honoraires relative à la consultation susvisée, aux motifs que cette pièce « n'est pas sans rapport avec l'enquête et peut être utilisée pour se prononcer le cas échéant sur les éléments matériel et intentionnel des infractions suspectées », sans faire état d'éléments propres à mettre en cause la participation de l'avocat aux infractions recherchées, le président de la chambre de l'instruction a méconnu les articles 56-1 alinéa 2 et 56-1-1 du code de procédure pénale et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

24. Le moyen proposé pour le syndicat mixte critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a ordonné le versement en procédure de l'intégralité des scellés réalisés à la suite de l'opposition effectuée dans le cadre des articles 56-1 et 56-1-1 du code de procédure pénale, alors :

« 1°/ d'une part que la protection du secret professionnel des échanges entre les avocats et leurs clients, qui découle tant de l'article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 que du secret des correspondances garanti par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (ou ci-après CESDH), et par l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, est caractérisée par son unicité et s'applique indistinctement, tant en matière de défense qu'en matière de conseil ; qu'en retenant néanmoins, pour valider l'intégralité des saisies opérées, que le secret du conseil n'est opposable en matière de saisies pénales qu'à la condition qu'il se rapporte à l'exercice des droits de la défense et qu'il n'en est ainsi que lorsque celui qui prend conseil s'attend à être prochainement poursuivi ou, sachant avoir commis une infraction pénale prépare sa défense, l'ordonnance attaquée a été rendue en violation tant de la lettre de l'article 66-5 de la loi précitée que des stipulations des traités internationaux susvisées ;

2°/ d'autre part que le droit à la protection du secret professionnel des avocats, tel qu'il est garanti par l'article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 et les articles 8 de la CESDH et 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, s'étend à leurs relations avec tous leurs clients, y compris les personnes publiques, a fortiori lorsque ces dernières exercent une activité de nature industrielle et commerciale; qu'en l'espèce, en retenant que l'appréciation portée sur une atteinte à ce droit est nécessairement différente selon que l'on se trouve en présence de personnes physiques ou de personnes morales de droit public, et que par suite les personnes morales de droit public que sont la Chambre de commerce et d'industrie et le Syndicat mixte ne peuvent se prévaloir de la protection du secret de leurs échanges avec leurs avocats en application de la loi, de l'article 56-1-1 du code de procédure pénale et des traités internationaux susvisés, l'ordonnance du 2 août 2024 a été rendue en violation des textes susvisées. »

Réponse de la Cour

25. Les moyens sont réunis.

26. Pour ordonner le versement de l'ensemble des documents saisis à la procédure, l'ordonnance attaquée énonce que le secret professionnel attaché à l'activité de conseil de l'avocat est protégé mais que, en matière de saisie de pièces au cours d'une procédure pénale, seules sont couvertes par ce secret celles qui relèvent de l'exercice des droits de la défense.

27. Le juge indique qu'il en est ainsi lorsque la personne qui prend conseil s'attend à être prochainement poursuivie ou, sachant avoir commis une infraction pénale, prépare sa défense.

28. Il estime en revanche que la simple volonté du client de sécuriser une situation juridique avec le concours d'un avocat ne confère pas un caractère absolu au secret d'une consultation et, appliquant cette analyse à la consultation d'avocat saisie, relève qu'elle a eu pour objet d'identifier les risques que peuvent présenter deux contrats en cours et de proposer la structure contractuelle la plus adéquate, que si des risques de contentieux commerciaux, financiers, civils et pénaux y sont évoqués, c'est uniquement pour les écarter par les préconisations formulées, et que divers litiges n'ont été rappelés que pour mémoire, au soutien du bien-fondé de ces préconisations, sans aucun rapport avec l'articulation d'une défense.

29. S'agissant de la saisie de la convention d'honoraires, le juge note qu'elle mentionne la mission, le calendrier, les stipulations contractuelles et les données de facturation, dont certaines en lien avec une communication téléphonique avec la compagnie de navigation aérienne et la passation d'un appel d'offres, et estime que ces éléments ne concernent pas l'exercice des droits de la défense en prévision d'un contentieux, mais correspondent à une prestation de sécurisation juridique des relations contractuelles avec cette compagnie.

30. Le juge considère que les deux pièces saisies ne sont pas dépourvues de lien avec les infractions objet de l'enquête relative aux modalités d'emploi de l'argent public par une personne publique dans ses relations contractuelles avec une compagnie aérienne.

31. Sur le surplus des pièces saisies, le juge retient qu'elles relèvent, sans que cela ne soit contesté, de l'activité de conseil de l'avocat, et qu'il est nécessaire de respecter un juste équilibre entre les exigences de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et la nécessité d'assurer, dans une société démocratique, un fonctionnement transparent des institutions publiques et des personnes morales régies par le droit public ainsi que la bonne allocation des deniers publics.

32. En l'état de ces seules énonciations, le président de la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés aux moyens, pour les motifs qui suivent.

33. Si, aux termes de l'article 56-1, alinéa 2, du code de procédure pénale, aucun document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil prévu à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ne peut être saisi, les documents couverts par ce secret professionnel mais ne relevant pas de l'exercice des droits de la défense demeurent saisissables et ce, même en dehors de l'hypothèse où les documents saisis seraient de nature à révéler la participation éventuelle de l'avocat concerné par ces documents à l'infraction objet de l'enquête ou de l'information.

34. L'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne invoqué à l'un des moyens pour combattre ce principe n'est pas applicable dès lors que, ainsi qu'il résulte de l'article 51, § 1, du même texte, les dispositions de la Charte s'adressent aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union.

35. Tel n'est pas le cas. En effet, les articles 56-1 et 56-1-1 du code de procédure pénale, d'une part, ne transposent ni ne mettent en oeuvre un acte juridique du droit de l'Union, d'autre part, ne présentent pas, en l'espèce, un lien concret suffisant avec ce droit au sens de l'article 51 précité.

36. L'article 56-1, alinéa 2, du code de procédure pénale, et l'article 56-1-1 du même code, en ce qu'il renvoie au premier, ne sont pas incompatibles avec le droit au respect de la vie privée tel que garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. En effet, si ce texte fonde l'octroi d'une protection renforcée aux échanges entre les avocats et leurs clients, il ne fait pas obstacle en soi à la saisie de documents couverts par le secret professionnel de l'avocat dénués de lien avec les droits de la défense.

37. Au regard de ces principes, le président de la chambre de l'instruction a, selon une motivation dénuée d'insuffisance comme de contradiction, justifié sa décision d'analyser la consultation d'avocat et la note d'honoraires saisies comme ne relevant pas de l'exercice des droits de la défense, ne s'agissant pas de documents relatifs à une procédure juridictionnelle ou à une procédure ayant pour objet le prononcé d'une sanction.

38. Enfin, ce magistrat a encore justifié sa décision en retenant que l'ensemble des documents saisis, couverts par le secret professionnel du conseil, était nécessaire à la manifestation de la vérité, les infractions poursuivies étant en relation avec le bon usage des deniers publics, en cause dans la procédure.

39. Les moyens doivent, dès lors, être écartés.

40. Par ailleurs, l'ordonnance est régulière en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi de la chambre de commerce et d'industrie de
Charente-Maritime :

Le DÉCLARE irrecevable ;

Sur les autres pourvois :

Les REJETTE ;

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