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Décisions

CA Lyon, ch. soc. a, 17 septembre 2025, n° 21/09045

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 21/09045

17 septembre 2025

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE

N° RG 21/09045 - N° Portalis DBVX-V-B7F-OAFF

[U]

C/

S.A.S. VIE ET VERANDA

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON

du 25 Novembre 2021

RG : 19/01461

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE A

ARRÊT DU 17 SEPTEMBRE 2025

APPELANTE :

[F] [U]

née le 18 Octobre 1979 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Thierry BRAILLARD de la SELARL THIERRY BRAILLARD ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société VIE ET VERANDA

[Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Me Sébastien CELLIER de la SELAS IMPLID AVOCATS, avocat au barreau de LYON

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 06 Mai 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Catherine MAILHES, Présidente

Anne BRUNNER, Conseillère

Antoine-Pierre D'USSEL, Conseiller

Assistés pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffière.

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 17 Septembre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine MAILHES, Présidente, et par Malika CHINOUNE, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*************

EXPOSE DU LITIGE

La société Vie et Véranda (ci-après la société, ou l'employeur) a pour activité la fabrication de vérandas. Elle est soumise à la convention collective nationale des entreprises du bâtiment de plus de 10 salariés.

Aux termes d'un contrat à durée indéterminée du 15 mai 2017, Mme [U] (ci-après la salariée) a été embauchée en qualité de chargée de l'administration du personnel et de la paie, statut agent de maîtrise, niveau D, pour une durée forfaitaire de 169 heures mensuelles.

A compter d'octobre 2017, l'intitulé de son poste est devenu " responsable gestion des ressources humaines ".

La salariée a été arrêtée pour maladie non professionnelle du 6 décembre 2017 au 10 janvier 2018.

A compter du 1er février 2018, elle a obtenu le statut cadre, coefficient 108, toujours dans le cadre d'un forfait de 169 heures par mois.

Le 14 mai 2018, elle s'est vu remettre une convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement par lettre remise en mains propres contre décharge, entretien fixé au 24 mai suivant.

Du 16 au 18 mai 2018, puis du 24 mai au 5 juin 2018, elle a été placée en arrêt de travail pour maladie.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 mai 2018, l'employeur a notifié à Mme [U] son licenciement pour cause réelle et sérieuse en lui reprochant d'avoir:

- Commis un certain nombre d'erreurs grossières dans les promesses d'embauches ;

- Commis des oublis sur les paies ;

- Proposé d'antidater la rupture conventionnelle d'un salarié ;

- Omis de négocier et rédiger l'accord égalité Hommes-Femmes.

Ce courrier précisait en outre que la durée de son préavis était de deux mois, qui serait porté à trois mois si elle communiquait un justificatif de reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé valable au-delà du 30 avril 2018.

Mme [U] s'est présentée sur son lieu de travail le 6 juin 2018 pour exécuter son préavis, mais a été informée par M. [L], directeur administratif et financier, de ce qu'une convocation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception lui avait été envoyée la veille, pour un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à la rupture de son préavis pour faute grave. M. [L] lui a alors notifié sa mise à pied à titre conservatoire confirmée par mail du même jour.

Suite à l'entretien du 15 juin 2018 à laquelle la salariée ne s'est pas présentée, l'employeur lui a notifié, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 26 juin 2018, la rupture anticipée de son préavis pour faute grave, en lui reprochant :

- La mise en place, sans autorisation ni information, de mots de passe sur plusieurs fichiers importants, notamment le tableau de suivi des paies, les procédures de ressources humaines ;

- La modification du tableau des mots de passe donnant accès à net-entreprises, à l'Urssaf, aux caisses de congés, de mutuelle et de prévoyance ;

- La disparition des procédures de ressources humaines version papier du classeur de la chargée des ressources humaines ;

- D'avoir refusé de lui donner toutes indications utiles, y compris le 6 juin 2018, pour mettre fin aux entraves mises en place pour gêner la réalisation de l'activité des ressources humaines.

La salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux termes d'une requête déposée le 29 mai 2019 aux fins de voir dire que l'employeur a commis des manquements contractuels, que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, que la mise à pied à titre conservatoire dont elle a fait l'objet n'est pas justifiée, que la rupture du préavis pour faute grave n'est pas justifiée, et que l'employeur n'a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi. Elle a sollicité sa condamnation à lui payer des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (12 142,88 euros), une indemnité compensatrice de préavis (9857,16 euros outre 985,71 euros au titre des congés payés afférents), un rappel d'heures supplémentaires sur les années 2017 et 2018 (7 171,48 euros, outre 718,15 euros au titre des congés payés afférents), des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail (20 000 euros), une participation aux bénéfices sur l'exercice fiscal du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018 (29 799 euros, somme à parfaire). Elle a encore sollicité les intérêts de droit sur les condamnations, l'exécution provisoire de la décision, la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte, outre une indemnité de procédure (2 500 euros).

Par jugement du 25 novembre 2021, le conseil de prud'hommes de Lyon a :

- Dit et jugé que le licenciement par la société Vie et Veranda de Mme [U] n'est pas en lien avec son handicap et n'est donc pas entaché de nullité ;

- Débouté Mme [U] de sa demande à ce titre ;

- Dit et jugé que le licenciement par la société Vie et Veranda de Mme [U] repose bien sur une cause réelle et sérieuse et débouté cette dernière de sa demande de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit et jugé que la rupture par la société Vie et Veranda du préavis que devait exécuter Mme [U], ainsi que la mise à pied à titre conservatoire dont elle a fait l'objet sont abusives;

- Débouté Mme [U] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement fautif ;

- Dit et jugé que Mme [U] au moment de son licenciement ne pouvait bénéficier du statut de travailleur handicapé ;

- Condamné la société Vie et Veranda à payer à Mme [U] la somme de 6 264 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 626,40 euros au titre des congés payés afférents ;

- Débouté Mme [U] de voir cette indemnité portée à trois mois de salaire ;

- Débouté Mme [U] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires ;

- Débouté Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par la société Vie et Veranda ;

- Débouté la société Vie et Veranda de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par Mme [U] ;

- Ordonné la délivrance par la société Vie et Veranda à Mme [U] d'un bulletin de salaire conforme aux condamnations prononcées et la délivrance d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi rectifiés - le tout sans astreinte ;

- Dit et jugé qu'il n'y aura lieu qu'à l'exécution provisoire de droit ;

- Condamné la société Vie et Veranda à payer à Mme [U] la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la société Vie et Veranda de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rappelé que les intérêts au taux légal courent de plein droit à compter de la mise en demeure du demandeur devant le bureau de conciliation et d'orientation en ce qui concerne les créances salariales, et à compter du prononcé du jugement pour les autres sommes allouées ;

- Rappelé qu'aux termes des dispositions de l'article R. 1452-28 du code du travail, sont exécutoires à titre provisoire les jugements ordonnant la délivrance de toutes pièces que l'employeur est tenu de remettre (bulletins de paie, certification de travail'), ainsi que les jugements ordonnant le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités visées à l'article R. 1454-14 du code du travail, dans la limite de neuf mensualités, étant précisé pour la bonne mise en 'uvre de cette exécution que la moyenne brute des salaires des trois derniers mois est fixé à la somme de 3 285,72 euros ;

- Dit et jugé que les sommes allouées supporteront s'il y a lieu les textes, cotisations et impôts prévus par les législations et réglementations qui les concernent ;

- Débouté les parties de toute autre demande ou demande plus ample ou contraire ;

- Condamné l'employeur aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les éventuels frais d'exécution forcée du jugement.

Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 21 décembre 2021, Mme [U] a interjeté appel de ce jugement et sollicité son infirmation en ce qu'il :

- A dit et jugé que son licenciement par la société Vie et Veranda n'est pas en lien avec son handicap et n'est donc pas entaché de nullité ;

- L'a déboutée de sa demande à ce titre ;

- A dit et jugé que son licenciement par la société Vie et Veranda repose bien sur une cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de sa demande de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- L'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- A dit et jugé qu'au moment de son licenciement, elle ne pouvait bénéficier du statut de travailleur handicapé ;

- L'a déboutée de sa demande tendant à voir cette indemnité portée à trois mois de salaire ;

- L'a déboutée de sa demande de paiement d'heures supplémentaires ;

- L'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par la société Vie et Veranda ;

- A débouté les parties de toute autre demande ou demande plus ample ou contraire.

La salariée a au surplus rappelé ses demandes.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 2 septembre 2022, Mme [U] demande à la cour de :

1°) Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- A dit et jugé que son licenciement par la société Vie et Veranda n'est pas en lien avec son handicap et n'est donc pas entaché de nullité ;

- L'a déboutée de sa demande à ce titre ;

- A dit et jugé que son licenciement par la société Vie et Veranda repose bien sur une cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de sa demande de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- L'a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- A dit et jugé qu'au moment de son licenciement, elle ne pouvait bénéficier du statut de travailleur handicapé ;

- L'a déboutée de sa demande tendant à voir cette indemnité portée à trois mois de salaire ;

- L'a déboutée de sa demande de paiement d'heures supplémentaires ;

- L'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par la société Vie et Veranda ;

- A débouté les parties de toute autre demande ou demande plus ample ou contraire.

2°) Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Débouté la société Vie et Veranda de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail de sa part ;

- Dit et jugé que la rupture par la société Vie et Veranda du préavis qu'elle devait exécuter, ainsi que la mise à pied à titre conservatoire dont elle a fait l'objet sont abusives ;

- Condamné la société Vie et Veranda à lui payer la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

3°) Et, statuant à nouveau :

- A titre principal :

o Dire et juger nul le licenciement dont elle a fait l'objet ;

o Condamner la société Vie et Veranda à lui payer les sommes suivantes :

" 40 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

" 9 396 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

" 939,60 euros au titre des congés payés sur préavis ;

- A titre subsidiaire :

o Dire et juger que le licenciement dont elle a fait l'objet est sans cause réelle et sérieuse;

o Dire et juger que la mise à pied à titre conservatoire dont elle a fait l'objet n'est pas justifiée ;

o Dire et juger que la rupture du préavis pour faute grave n'est pas justifiée ;

En conséquence,

o Condamner la société Vie et Veranda à lui payer les sommes de :

" 6 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

" 9396 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 939,60 euros au titre des congés payés afférents ;

- En toute hypothèse :

o Débouter la société Vie et Veranda de l'intégralité de ses demandes.

Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 17 juin 2022, la société Vie et Veranda demande à la cour de :

1°) Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- Dit et jugé que le licenciement de Mme [U] n'est pas en lien avec son handicap et n'est donc pas entaché de nullité ;

- Débouté Mme [U] de sa demande à ce titre ;

- Dit et jugé que le licenciement de Mme [U] repose bien sur une cause réelle et sérieuse et débouté cette dernière de sa demande de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Débouté Mme [U] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement fautif ;

- Dit et jugé que Mme [U] au moment de son licenciement ne pouvait bénéficier du statut de travailleur handicapé ;

- Débouté Mme [U] de sa demande de paiement d'heures supplémentaires ;

- Débouté Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par la société Vie et Veranda ;

2°° Infirmer le jugement pour le surplus, et y ajoutant :

- Dire et juger que la rupture anticipée du préavis repose sur une faute grave ;

- Débouter Mme [U] de sa demande de rappel d'indemnité de préavis et au titre des congés payés afférents ;

- Dire et juger que Mme [U] a détourné à des fins personnelles les outils professionnels mis à sa disposition et a ainsi abusé de la confiance de la société, avec intention de nuire à la société ;

- Condamner Mme [U] à lui payer la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts ;

- Dire et juger que Mme [U] échoue dans sa procédure ;

- Débouter Mme [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Mme [U] à lui verser 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture des débats a été ordonnée le 27 mars 2025 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 6 mai 2025.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera rappelé que les " demandes " tendant à voir " constater " ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des " demandes " tendant à voir " dire et juger " lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

I - Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail.

I.A - Sur la demande au titre des heures supplémentaires.

Au soutien de sa demande, la salariée fait valoir :

- Qu'elle a été contrainte, à compter de juin 2017, de récupérer une grande partie des missions de la juriste de la société, partie en arrêt maladie, ce qui a alourdi sa charge de travail déjà importante ;

- Que, fin octobre 2017, elle a annoncé à son employeur qu'elle devait subir une lourde opération médicale, et que celui-ci lui a alors répondu qu'il n'entendait pas la remplacer et qu'elle devait s'organiser pour que son absence ne pénalise pas la continuité du service, ce qui a engendré de nouvelles heures supplémentaires ;

- Qu'elle a été régulièrement sollicitée par l'employeur pendant son arrêt maladie, et a été contrainte de reprendre son poste dès le 7 janvier 2019 alors qu'elle se trouvait toujours en arrêt maladie ;

- Qu'elle a accompli :

o En 2017 : 80,24 heures supplémentaires ;

o En 2018 : 124,33 heures supplémentaires.

- Qu'elle a alerté son employeur sur ce rythme et cette charge de travail élevés pour une seule personne.

Pour sa part, l'employeur s'oppose à cette demande en faisant valoir les éléments suivants:

- Les calculs présentés sont incompréhensibles et ne peuvent être contrôlés, puisque tous les documents transmis au cours de la procédure donnent des calculs différents et invérifiables.

o Les demandes de l'intéressée et le nombre d'heures supplémentaires effectué ont évolué au fil de la procédure ;

o La salariée ne précise pas le taux horaire retenu pour ses calculs ;

o L'agenda 2018 qu'elle présente a manifestement été créé pour les besoins de la cause, et ne permet pas de démontrer une durée de travail effective ni même une présence effective.

o En outre, aucun élément n'est produit pour 2017.

- L'article 5 du contrat de travail prévoit que la durée de travail s'organise dans le cadre d'une convention de forfait de 169 heures par mois, en application de l'article L. 3121-56 du code du travail. Il en ressort que les décomptes d'heures supplémentaires effectués à la semaine sont inopérants (ex : en avril 2018 : la salariée réclame 21 heures supplémentaires alors qu'il résulte de son décompte qu'elle n'a travaillé que 159 heures au lieu des 169 heures contractuellement prévues).

- Le même article 5 du contrat de travail prévoit qu'aucune heure supplémentaire ne peut être effectuée sans accord exprès et préalable de la direction. Or, il n'est pas justifié d'un tel accord, ni même d'une demande d'autorisation.

- La salariée évoque pour la première fois la réalisation d'heures supplémentaires dans son courrier du 8 janvier 2019, c'est-à-dire après la fin de la relation contractuelle.

- Aux termes du contrat de travail, l'horaire applicable était collectif : dans la mesure où son affichage vaut décompte du temps de travail, l'employeur n'était pas tenu à un décompte individuel du temps de travail. Dans la mesure où il a été soumis à la consultation du comité d'entreprise, adressé à l'inspecteur du travail, affiché dans l'entreprise et remis à l'intéressée lors de la signature du contrat de travail, celle-ci ne peut prétendre l'ignorer.

Sur ce,

En premier lieu, il est rappelé que la durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés, étant précisé que selon les dispositions de l'article L.3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

En l'occurrence, l'employeur produit le compte-rendu et l'avis du comité d'entreprise du 18 mars 2015, ainsi que la transmission à la DIRECCTE le 23 avril 2015, des horaires collectifs de travail applicables dans l'entreprise à compter du 1er mai 2015 dans le cadre d'un forfait mensuel de 169 heures mensuelles, déterminées comme suit :

- Lundi au jeudi : 8h30-12h30 et 14h à 18h ;

- Vendredi : 8h30-12h30 et 14h à 17h.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'occurrence, la salariée verse notamment aux débats :

- Un tableau des heures supplémentaires, mentionnant un décompte quotidien et hebdomadaire. Dans la mesure où la salariée était soumise à un forfait mensuel, les données de ce tableau ont été mensualisées et aboutissent à la revendication des heures supplémentaires suivantes au-delà du forfait de 169 heures mensuel (les mois pour lesquels aucune heure supplémentaire n'est mentionnée n'apparaissent pas) :

o Au titre de 2017 : 85 heures supplémentaires, soit pour :

" Juin : 21h10 ;

" Juillet : 7h35 ;

" Septembre : 18h50 ;

" Octobre : 24h25 ;

" Novembre : 13h ;

o Au titre de 2018 : 62h30 supplémentaires, soit pour :

" Janvier : 4h05 ;

" Février : 20h15 ;

" Mars : 38h10.

- Une attestation de M. [T], qui indique avoir travaillé deux mois au sein de la société du 23 novembre 2017 au 12 janvier 2018, et avoir constaté, " à de multiples reprises (que Mme [U]) partait relativement tard (après 19 heures) et tenait à avoir des dossiers à jour ". L'attestation de M. [D] corrobore également que la salariée faisait régulièrement des heures supplémentaires.

- Une attestation de Mme [B], ayant exercé les fonctions de responsable de production aluminium au sein de la société de janvier 2017 à janvier 2019, qui indique que la salariée " réalisait de nombreuses heures supplémentaires, particulièrement en fin de journée " en raison de sa charge de travail, et que " la direction ne souhaitait pas résoudre ces problèmes de surcharge ".

- Divers messages, dont il peut être retenu :

o Un courriel du 24 juillet 2017 à M. [R] où la salariée indique qu'elle ne pourra répondre à sa demande de statistique immédiatement, en raison de sa charge ;

o Six courriels opérationnels échangés entre le 12 et le 14 décembre 2017 avec Mme [X], apprentie dans le service RH, alors que la salariée est en arrêt pour maladie (dont celui du 12 décembre 2017 à 20h29) ;

o Un échange de SMS du 11 janvier 2018 au cours duquel elle informe " [A] " (M. [A] [L], directeur administratif et financier) qu'elle a fait un malaise au bureau, et indique qu'elle sera présente le lendemain pour assurer une échéance, mais précise : " il faudra trouver une solution. Je suis trop chargée. Je ne pourrais pas tenir le rythme ". Ce à quoi celui-ci lui répond : " Ok, on fait un point demain ".

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que la salariée prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre.

En l'occurrence, il ne produit aucun décompte du temps de travail, mais se réfère à l'horaire collectif arrêté, et à l'article 5 du contrat de travail qui stipule : " hormis les heures supplémentaires incluses dans le forfait, aucune heure supplémentaire ne peut être exécutée sans accord exprès et préalable de la direction ". Au surplus, il conteste le décompte de la salariée, et souligne qu'elle n'a pas obtenu d'autorisation pour effectuer des heures supplémentaires.

***

Au vu des éléments produits par l'une ou l'autre des parties et en premier lieu, il n'apparaît pas qu'une autorisation expresse et préalable a été donnée à la salariée par la direction pour accomplir des heures supplémentaires.

Il a néanmoins été jugé que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires accomplies, soit avec l'accord tacite de l'employeur, soit s'il est établi que la réalisation de telles heures a été rendue nécessaire par les tâches qui lui ont été confiées (Cass. Soc 8 juillet 2020 n°18-23.366, Cass. Soc 14 nov. 2018 n°17-16.959).

L'analyse révèle qu'aucun des messages précités échangés avec des membres de la direction ne le sont à des horaires au-delà des horaires collectifs ; que les échanges qui ont lieu pendant son arrêt maladie le sont avec Mme [X], apprentie au sein du service des ressources humaines. Or, le travail effectué pendant l'arrêt maladie ne peut être considéré comme des heures supplémentaires, en ce qu'il constitue une violation du droit au repos du salarié (Cass Soc 4 septembre 2024 n°23-15.944). En conséquence, n'est pas établi l'accord tacite de l'employeur à la réalisation d'heures supplémentaires.

Au titre de la nécessité d'accomplir de telles heures supplémentaires, il n'est produit aucun élément démontrant concrètement une surcharge de travail (ex : messages tardifs, commandes urgentes, pressions de la part de la direction, etc). Dès lors, le fait que la salariée évoque sa surcharge dans deux seuls mails, pour l'un avant ses congés à l'été 2017, et pour l'autre à son retour d'arrêt maladie en janvier 2018, ne peut être considéré comme suffisant pour établir la réalité du travail effectué et l'impossibilité de l'effectuer dans ses horaires de travail contractuels. En outre, il doit être relevé que les attestations ne sont pas précises quant à la fréquence des horaires tardifs dont elles font état, et émanent de personnes qui travaillaient dans des services extérieurs à celui des ressources humaines et ne sont donc pas en mesure d'apprécier la nécessité de tels horaires. Quant au courrier de l'intéressé du 8 janvier 2019, il est postérieur à la rupture de la relation contractuelle et n'apporte aucun élément probatoire complémentaire. Aussi, quand bien même l'employeur n'apporte-t-il aucun décompte du temps réel de travail, il doit être considéré que la nécessité d'accomplir des heures supplémentaires au-delà de celles contractuelles n'est pas établie.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande en paiement des heures supplémentaires.

I.B - Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.

Au visa de l'article L. 1222-1 du code du travail, la salariée fait valoir que l'employeur a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail en raison :

- De sa surcharge de travail ;

- Des heures supplémentaires effectuées sans repos compensateur ;

- Des modifications de son contrat de travail sans avenant.

L'employeur conteste tout manquement de ce chef, et :

- Conteste l'existence d'heures supplémentaires ;

- Conteste toute modification du contrat de travail sans avenant, en faisant valoir :

o Que la première modification est une " promotion à l'intitulé d'emploi " responsable Gestion RH " ;

o Puis une promotion au statut cadre ;

o Deux augmentations successives de sa rémunération en octobre 2017 et février 2019.

- Relève que la salariée n'a démontré aucun préjudice des manquements qu'elle évoque.

Sur ce,

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Il ressort des développements précédant que la matérialité de la surcharge de travail alléguée n'est pas établie ; qu'en conséquence, aucun manquement ne peut être reproché à l'employeur à ce titre, ni, dès lors, au titre de l'absence de repos compensateur résultant d'heures supplémentaires.

S'agissant des modifications de son contrat sans avenant, il est constant que la salariée a été successivement promue en qualité de responsable des ressources humaines à compter d'octobre 2017, puis en qualité de cadre en février 2018 ; que ces évolutions n'ont pas conduit à une augmentation de son forfait horaire, mais ont donné lieu à réévaluation salariale puisque sa rémunération est passée de 2 916,97 euros initialement à 3 250 euros en octobre, puis à 3 285,72 euros en février 2018.

La salariée n'établit pas avoir subi un préjudice particulier du fait de ces modifications de son contrat de travail.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande au titre du manquement au devoir d'exécution loyale du contrat de travail.

I.C - Sur la demande relative à l'exécution déloyale du contrat de travail par la salariée.

Au visa de l'article 314-1 du code pénal réprimant l'abus de confiance et de l'article L. 1222-1 du code du travail, l'employeur expose avoir découvert fin mars 2020 que la salariée avant installé dans le paramétrage de la boîte mail de M. [W] un renvoi de mail vers sa boîte mail personnelle, de sorte que les mails parvenus à celui-ci lui parvenaient automatiquement alors qu'elle n'était plus salariée de l'entreprise depuis juin 2018.

Or, cette violation du secret des correspondances et ce détournement de données, susceptibles de qualifications pénales, lui sont préjudiciables dans la mesure où la salariée a manifestement utilisé ces données dans le but de nuire aux intérêts de l'entreprise.

Pour sa part, la salariée soutient que l'employeur ne rapporte aucune preuve de ce qu'il évoque. Elle précise que ce système avait été mis en place par M. [V], responsable des systèmes d'information de l'entreprise, afin qu'elle puisse aider son apprentie à gérer les difficultés pendant son arrêt maladie ; que cette décision avait été prise au cours d'une réunion en décembre 2017, à laquelle M. [L] était présent, et qu'il a donc validée. Dès son retour d'arrêt maladie, elle a demandé à M. [V] de désactiver ce transfert et de supprimer la boîte gmail créée à cet effet.

Au vu des arguments de l'employeur, il apparaît qu'à l'arrivée de M. [W], son ancienne boîte mail lui a été attribuée, comme cela a été le cas pour elle. Il appartenait à la société Vie et Veranda de s'assurer, lors de cette réaffectation, qu'aucun transfert n'était actif.

En tout état de cause, la salariée conteste avoir consulté la boîte " gmail " sur laquelle le transfert s'opérait, postérieurement à la date de son arrêt maladie. Elle n'a jamais eu connaissance des mails adressés par M. [W], et n'a jamais violé le secret des correspondances ni même eu une attitude déloyale à l'encontre de la société Vie et Veranda. Au surplus, celle-ci ne justifie d'aucun préjudice.

Sur ce,

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

La responsabilité pécuniaire d'un salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, laquelle suppose une intention de nuire qui implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise (Cass Soc 25 janvier 2017, n°14-26.071, Cass Soc 8 février 2017, n°15-21.064).

En l'espèce, l'employeur produit une attestation de M. [W], responsable ADP et Paie, qui indique qu'à l'issue d'un échange confidentiel par mail du 27 mars 2020 avec Mme [J], une salariée, au sujet d'une éventuelle rupture conventionnelle la concernant, il a fait un compte-rendu de son échange à son responsable, M. [R] ; que, quelques minutes après ce mail, Mme [J] l'a informée avoir reçu un message anonyme lui donnant des conseils sur sa rupture conventionnelle et l'accord transactionnel, alors que ces échanges étaient restés confidentiels ; que figurait sur les messages reçus un numéro de téléphone, qui a pu être identifié comme celui de Mme [U] ; qu'à la suite d'investigations complémentaires, il a pu être trouvé qu'existait sur sa messagerie, anciennement utilisée par Mme [U], une règle de messagerie entraînant un renvoi automatique vers l'adresse [Courriel 4] ; qu'en conséquence, l'adresse précitée recevait automatiquement copie des mails arrivant sur sa boîte mail.

Sont encore produits en annexe de cette attestation :

- Une copie d'écran des règles de messagerie, montrant un renvoi actif vers l'adresse précitée ;

- Un échange de SMS transmis par Mme [J] à M. [W], envoyés depuis le numéro 06 24 96 34 11, qui montre un premier envoi, puis :

o Un SMS de Mme [J] : " Bonjour vous êtes qui ' " ;

o Réponse : " Personne je voulais juste rendre service : tout ce qui est versé en plus de ce qui est dû légalement diffère l'indemnisation Pôle Emploi. Même une transaction "

o Réponse de Mme [J] : " Mais qui veut me rendre ce service ' " ;

o Réponse : " Peu importe. Je ne peux pas en dire plus. Bonne chance ".

- Une copie d'écran faisant apparaître une photo correspondant au numéro 06 24 96 34 11, ce dernier élément destiné à justifier la manière dont Mme [U] a pu être identifiée.

Pour sa part, la salariée produit un échange de mails entre elle et M. [V], responsable des systèmes d'information, dont il résulte que le 5 décembre 2017, à la veille d'être opérée et placée en arrêt maladie, Mme [U] l'a sollicité pour qu'il mette en place un transfert de ses mails professionnels pour qu'elle puisse les consulter depuis chez elle ; elle a précisé : " [A] est OK ".

M. [V] lui a confirmé le jour même avoir créé l'adresse [Courriel 4], lui a donné son mot de passe et mettre en place le transfert.

Enfin, par mail du 8 janvier 2018, la salariée a sollicité de M. [V] qu'il désactive la boîte mail et qu'il supprime la boite gmail.

***

La salariée reconnaît dans ses écritures avoir adressé le SMS à Mme [J], après avoir appris par une ancienne collègue qu'elle s'interrogeait sur la nature des indemnités supra légales de rupture conventionnelle. Or, elle ne justifie pas de la manière dont elle en a été informée ; au surplus, il doit être relevé que, dans les échanges par SMS, elle a souhaité rester anonyme sans en indiquer les raisons, et que ceux-ci sont intervenus quelques instants après les échanges entre Mme [J] et M. [W], et le rapport par mail de ce dernier à son supérieur ; que la réaction de Mme [J] de communiquer ces échanges à M. [W] montre sa surprise.

Ces éléments permettent de considérer que Mme [U] a obtenu ces informations en consultant la boîte mail litigieuse.

Pour autant :

- L'employeur ne démontre pas le préjudice qu'il en aurait subi ;

- Les échanges de mails entre l'intéressée et M. [V] démontrent que ce dispositif a été mis en place pour permettre à la salariée de travailler pendant son arrêt de travail pour maladie, en violation de son droit au repos.

En conséquence de l'absence de démonstration d'un préjudice effectif et en application de l'adage " fraus omnia corrumpit " (la fraude corrompt tout), l'employeur sera débouté de sa demande d'indemnisation, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

II- Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail.

II.A - Sur la contestation du bienfondé du licenciement et de la rupture anticipée du préavis.

III.A.1 - Sur la contestation du licenciement.

Au soutien de sa contestation du bienfondé de son licenciement, la salariée fait valoir les éléments suivants :

- A titre principal, elle soutient la nullité du licenciement dont elle a fait l'objet pour discrimination, pour les raisons suivantes :

Elle présente un état d'invalidité de catégorie 2, qui a été porté à l'employeur dès son embauche (invalidité en raison de séquelles dus à des cancers dont elle a souffert : thyroïde en 2013, puis genou en 2014, dont les effets secondaires sont des problèmes de dos, de surpoids et de genou) ;

Dès le début de la relation contractuelle, elle a été contrainte de travailler au-delà de ses horaires de travail et des tâches mentionnées dans son contrat de travail, et a effectué des heures supplémentaires mensualisées à hauteur de 17h30 ; elle a alerté son employeur sur sa surcharge de travail, et a été jusqu'à en faire des malaises ;

L'employeur n'a pris aucune mesure pour aménager ses conditions de travail :

- Elle a été obligée de se munir par ses propres moyens d'un siège adapté, qu'elle avait pourtant sollicité auprès de son employeur ;

- Il n'a pas répondu à ses différentes alertes concernant sa charge de travail, et n'en a tiré aucune conséquence quant à sa santé (fatigue, malaise) ;

- Il n'a pas fait le moindre effort concret pour lui permettre de conserver son emploi, alors qu'il lui appartenait de prendre toutes mesures propres à réexaminer l'éventuelle insuffisance professionnelle qu'il lui reprochait.

Or, l'article 24 de la loi n°2005-102 du 11 février 2005 prévoir que le refus de prendre ces mesures appropriées est " constitutif d'une discrimination ".

Dès lors, la procédure de licenciement poursuivie dans ces conditions à l'encontre d'une salariée ayant le statut de travailleur handicapé est discriminatoire, et, comme tel, nul.

- A titre subsidiaire, le licenciement intervenu est dépourvu de cause réelle et sérieuse:

Le conseil de prud'hommes ne pouvait, comme il l'a fait, requalifier le licenciement pour faute simple en licenciement pour insuffisance professionnelle, pour lui reconnaître une cause réelle et sérieuse ;

L'insuffisance professionnelle n'est pas caractérisée en l'espèce dans la mesure où la salariée n'a jamais été avertie de son incompétence ni mise en mesure de remédier à ses erreurs ; en outre, elle avait une charge de travail excessive, qui exclut encore toute insuffisance professionnelle ;

Il ne peut lui être reproché de faute dans la mesure où :

- Les tâches prévues à son contrat de travail ont été unilatéralement modifiées par l'employeur, sans signature d'avenants ;

- Elle a été soumise à une surcharge de travail ;

Les griefs contenus dans la lettre de licenciement ne sont pas fondés :

- Sur les erreurs grossières sur les promesses d'embauche et contrats, certains exemples ne sont pas datés, d'autres ne constituent pas des erreurs grossières, d'autres enfin ne sont pas exacts.

- Sur le manque de suivi des accords d'entreprise relatif à l'égalité professionnelle : ce grief est infondé, la salariée ayant répondu le 14 mai 2018 à la demande qui lui était adressée le 8 mai précédent ;

- Sur les anomalies concernant les indemnités journalières CPAM reçues et le maintien de salaire octroyé pendant l'arrêt maladie du 6 décembre 2017 :

" La question concernant M. [P] a été posée à la salariée le 27 avril 2018, qui a répondu de manière circonstanciée dès le 2 mai 2019 ;

" Après vérification, la caisse Pro BTP a commis une erreur qu'elle a reconnue dans un courrier du 15 mai 2018 ;

" S'agissant du " maintien de salaire unilatéralement octroyé ", chaque mois, les paies et leur montant étant validées préalablement par M. [L] ; d'autant plus que, dans la mesure où elle était en arrêt maladie, il est impossible qu'elle se soit octroyée unilatéralement un maintien de salaire.

" Sur le non-respect des règles de confidentialité (cf supra) : la salariée n'a pas dénigré l'entreprise, ni fait état du contenu du courrier ouvert au milieu du réfectoire, faite à cet endroit en raison d'une douleur au genou ;

Pour sa part, l'employeur soutient la validité du licenciement pour les raisons suivantes :

- Le licenciement a une cause indépendante du handicap, ainsi qu'il résulte de la lettre de licenciement ;

- La salariée ne prouve pas qu'elle était en situation de reconnaissance de travailleur handicapé au moment de son licenciement, alors que la société le lui a demandé à plusieurs reprises, afin de lui faire bénéficier du préavis de 3 mois une fois le justificatif apporté (P6); or, elle n'a jamais apporté ce justificatif, ni au moment du licenciement, ni au cours de la procédure ; le seul document qu'elle a produit est la RQTH en date du 23 mai 2013 qu'elle a fourni au début de la relation contractuelle, mais qui court jusqu'au 30 avril 2018. Dans la mesure où le licenciement a été prononcé le 31 mai 2018, elle ne bénéficiait plus, en l'état des documents en possession de l'employeur. Le titre de pension d'invalidité produit postérieurement date du 8 décembre 2014, et la salariée n'a jamais apporté à la société la preuve de son caractère actif au 31 mai 2018. Or, l'intéressée travaillait à temps plein, de sorte que sa capacité de travail n'était pas réduite des deux tiers.

En tout état de cause, ces éléments démontrent qu'à la date du licenciement, la société ne disposait d'aucun élément attestant de ce que la salariée bénéficiait d'une RQTH ;

- L'accusation d'un lien entre son licenciement et un handicap est de mauvaise foi :

Lors de son embauche, la société a connaissance de son statut de travailleur handicapé, ce qui n'a donc pas été un obstacle à son recrutement ;

La salariée a bénéficié d'augmentations et de promotions, ainsi que de primes sur objectifs ;

Le seul arrêt de travail au cours de la relation de travail est intervenu pour des raisons médicales personnelles, avec une hospitalisation de 4 jours du 6 au 10 décembre 2017 et un arrêt de travail jusqu'au 10 janvier 2018 ;

L'argumentation sur la surcharge de travail, infondée, ne présente par ailleurs pas de lien avec le licenciement nul car fondé sur une situation de handicap de la salariée.

- Le licenciement est bienfondé dans chacun des griefs énoncés par la lettre de licenciement, qu'il étaye. Il précise à ce titre :

Que les faits concernant la période d'essai de M. [S] n'ont été portés à la connaissance de M. [L] que le 8 mai 2018, bien que le manquement soit antérieur ; que le grief n'est donc pas trop ancien.

Sur ce,

Aux termes de l'article L. 1232-1 du code du travail, " tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre. Il est justifié par une cause réelle et sérieuse ".

L'article L. 1235-2 du même code précise que " les motifs énoncés dans la lettre de licenciement (') peuvent, après la notification de celle-ci, être précisé par l'employeur, soit à son initiative, soit à la demande du salarié, dans les délais et conditions fixés par décret en Conseil d'Etat.

La lettre de licenciement, précisée le cas échéant par l'employeur, fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement (') ".

L'article L. 1235-1 du même code prévoit qu'en " cas de litige ('), le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il justifie dans le jugement qu'il prononce le montant des indemnités qu'il octroie.

Si un doute subsiste, il profite au salarié ".

Par ailleurs, il convient de rappeler que l'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective et durable d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l'emploi. Elle doit reposer sur des critères objectifs.

Elle s'apprécie en regard de l'obligation de l'employeur d'adaptation de chaque salarié à son poste, posée par l'article L. 6321-1 du code du travail.

Il appartient au juge de qualifier le licenciement.

Enfin, il a été jugé que l'employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts (Cass Soc, 21 avril 2022, 20-14.408).

***

En l'occurrence, la lettre de licenciement du 31 mai 2018 est ainsi rédigée : " Madame, comme suite à l'entretien préalable du 24 mai, au cours duquel vous vous êtes présentée assistée de M. [Z] [C] nous vous notifions par la présente votre licenciement pour les motifs présentés lors de cet entretien et que nous reprenons ci-après.

Vous êtes entrée dans notre société par contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 mai 2017 pour occuper le poste de chargée de l'administration du personnel, avec pour missions principales la gestion administrative du personnel, la gestion de la paie, et le suivi des actions en matière de formation.

Nous avons dû récemment constater plusieurs dysfonctionnements dans l'exercice de vos fonctions.

Le directeur réseau a ainsi attiré notre attention sur les problématiques importantes concernant la gestion des ressources humaines, avec notamment des erreurs grossières dans les promesses d'embauche et les contrats de travail (ex : erreur concernant la période d'essai mentionné sur la promesse d'embauche puis, malgré la correction de M. [R], sur le contrat de travail de M. [S]), mais aussi des erreurs sur les fiches de paye (ex : oubli des avantages en nature sur l'appel de M. [H]). Vous avez également proposé d'antidater un courrier de demande de rupture conventionnelle dans le dossier de Mme [G], exposant la société à un risque manifeste si une telle proposition avait été retenue.

Nous devons également constater que vous ne vous préoccupez aucunement du suivi des accords d'entreprise. À titre d'exemple, alors que le lundi 12 mars, le délégué syndical vous adresse un projet d'accord d'entreprise relatif à l'égalité professionnelle, vous ne donnez aucune suite pendant près de 2 mois et le directeur administratif et financier doit même vous relancer expressément sur ce point par mail du 8 mai 2018, n'ayant eu aucune information de votre part sur le sujet. Lors de l'entretien préalable, vous tentez de vous justifier en invoquant que ce ne serait pas de votre ressort, alors qu'il s'agit d'une mission expressément mentionnée dans votre contrat de travail.

Il a également été constaté par la responsable administratif et financier, lors de la situation comptable du mois de mars 2018, de nombreuses anomalies concernant les payes, avec notamment des indemnités journalières CPAM reçues et non régularisées, un versement indu d'indemnités de prévoyance à M. [P], et un maintien de salaire que vous vous êtes unilatéralement octroyé, alors que vous ne justifiez pas du droit d'en bénéficier, lors de votre arrêt maladie du 6 décembre 2017 au 10 janvier 2018.

Nous avons été également récemment informés sur le fait que vous avez début mars ouvert le courrier au réfectoire, devant des salariés, en disant à haute voix que cela n'était pas une tâche pour une bac+5. Vous avez reconnu ce fait lors de l'entretien, tentant de vous justifier en arguant de son insignifiance. Ce comportement témoigne pourtant à la fois d'un non-respect des règles élémentaires de confidentialité, le courrier étant ouvert à la vue de tous, et d'une attitude de défiance assez peu professionnelle.

Votre préavis de 2 mois débutera à la date de première présentation de cette lettre. Ce préavis sera porté automatiquement à 3 mois si vous nous communiquez un justificatif de la reconnaissance de votre qualité de travailleur handicapé valable au-delà du 30 avril 2018, cette date correspondant à la limite de validité de la reconnaissance présente dans votre dossier (') ".

Par ailleurs, aux termes de son contrat de travail, les attributions de la salariée étaient les suivantes :

1°) Gestion administrative du personnel :

- Détection des meilleures sources de recrutement (ANPE, Cap Emploi, associations pour l'emploi, organismes de formation') ;

- Gestion des dossiers du personnel salarié, suivi administratif (établir les contrats de travail, les déclarations liées à l'embauche, organiser les visites médicales, suivi des déclarations d'accidents de travail et des taux AT, mise en place et suivi des processus en matière disciplinaire) ;

- Suivi de l'application des accords ;

- Étude, évolution des contrats retraite prévoyance, santé au travail ;

- Élaboration des tableaux de bord de suivi effectif, masse salariale, etc. ;

- Suivi des évolutions réglementaires et veille sociale.

2°) Gestion de la paie :

- Traitement de la paie (regrouper les informations nécessaires au traitement, établir les bulletins, effectuer les déclarations de charges sociales, établir la DADS, les récapitulatifs annuels CBTP, formation, mutuelles, AGEFIP, 1 % logement, etc.) ;

- Relations avec les organismes sociaux ;

- Réalisation de tableaux de bord ;

- Passation comptable et justification des comptes.

3°) Formation :

- Optimisation du budget de formation (mise en place du plan de formation annuelle, gestion du budget et des actions de formation) ;

- Suivi des actions de formation, réalisation des statistiques annuelles des plans de formation ;

- Déclarations annuelles.

4°) Autres missions :

- Gestion de l'intérim ;

- Contrôle des notes de frais ;

- Aide et suivi administratif au quotidien.

Le contrat précise encore que cette énumération n'est pas limitative, et que la société se réserve le droit de la compléter ou de la modifier en fonction de ses besoins, dans le respect de la qualification de la salariée. Il est encore prévu que, dans le cadre de ses fonctions, celle-ci sera directement rattachée à la direction administrative et financière, à qui elle devra rendre compte de son activité, ou à tout autre personne déléguée par elle à cet effet.

***

Il résulte de la lettre de licenciement que celui-ci présente un caractère mixte, certains griefs étant de nature disciplinaire, d'autres relevant de l'insuffisance professionnelle. Ils seront qualifiés et examinés successivement.

1 - Le grief relatif aux " problématiques importantes concernant la gestion des ressources humaines " relève en premier lieu de l'insuffisance professionnelle, en qui concerne les " erreurs grossières " reprochées à la salariée.

A ce titre, l'employeur produit deux courriels des 8 et 22 mai 2018 adressés par M. [R], directeur réseau, à M. [L] :

- Aux termes du premier, M. [R] s'interroge sur la " fiabilité et (la) transparence " du travail de Mme [U] suite à des difficultés rencontrées dans différents dossiers :

o " Sur l'ensemble des promesses d'embauche et contrats que j'ai eu à lui confier, il y avait des erreurs plus ou moins graves qui auraient pu porter à conséquence si je n'avais pas fait une relecture détaillée (erreur sur les conditions d'embauche, la durée de la période d'essai, etc.) ;

o Sur les fiches de paie, il y a régulièrement des oublis et des erreurs également (oubli d'avantages en nature, etc.) (') ;

o Globalement, je lui ai demandé (sans avoir pu l'obtenir) de ré-aiguiller vers moi toute demande (congés, RTT, organisation, etc.) des membres de mon équipe qui pourraient lui parvenir en direct ".

- Dans le second mail du 22 mai 2018, il pointe notamment :

o Au titre des erreurs dans les promesses d'embauche et contrats, en janvier 2018, une erreur sur la durée de la période d'essai sur la promesse d'embauche de [N] [S], " puis, malgré ma correction sur la promesse, erreur renouvelée sur le contrat de travail " ;

o Au titre des erreurs sur les fiches de paie : en juin 2017 : oubli des avantages en nature sur la paie de M. [H].

Par ailleurs, il résulte d'échanges de courriels de janvier 2018 (P 20 salariée) entre M. [R] et Mme [U] que celle-ci s'est trompée dans la durée de la période d'essai applicable en vertu de la convention collective, erreur qui a été relevée par son interlocuteur. Elle indique s'être basée sur un récapitulatif erroné de la Fédération française du bâtiment.

Par mail du 23 février 2018, M. [R] a pointé des erreurs dans le projet de CDI de M. [S], et notamment en ce qui concerne la période d'essai avec la phrase suivante : " Vous insistez avec la période d'essai de 4 mois ' ".

Au surplus, s'agissant d'un grief lié à une insuffisance professionnelle, aucune prescription du fait litigieux n'est opposable à l'employeur. Ce fait est donc matériellement établi.

S'agissant de l'absence de mention de l'avantage en nature de M. [H], il résulte des bulletins de paie produits que celui-ci a été embauché le 12 juin 2017 ; que si les fiches de paie de juillet 2017 et des mois suivants mentionnent la présence d'un avantage en nature, tel n'est pas le cas de celui pour la période du 12 au 17 juin 2017 ; que, dès lors, la matérialité de l'erreur est établie.

L'attestation de M. [Y], menuisier, que produit la salariée et qui fait état de ce qu'il n'a jamais constaté une seule erreur sur ses bulletins de paie, n'est pas opérante en ce que le témoin n'atteste que pour sa seule situation ; or, elle est de fait contredite par la situation de M. [H] établie ci-dessus. Ce fait est donc également matériellement établi.

Or, ces deux erreurs relevaient de ses attributions telles que prévues dans son contrat de travail.

2 - Sur le grief tenant à la proposition " d'antidater un courrier de demande de rupture conventionnelle dans le dossier de Mme [G], exposant la société à un risque manifeste si une telle proposition avait été retenue ", l'employeur produit un courriel du Mme [U] à M. [R] du 5 mars 2018 relatif à la rupture conventionnelle de Mme [G] dans lequel elle lui écrit : " voici le projet de planning qui pour moi est le minimum afin d'éviter un refus d'homologation pour non-respect des délais. Si vous souhaitez comme vous me l'avez demandé ramener la date de sortie au 15 avril 2018, il faudrait antidater le courrier de demande de rupture, le courrier de réponse et fixer l'entretien au 7 mars 2019 ".

Ce motif de la lettre de licenciement, qui reproche à la salariée la faute d'avoir exposé la société à un " risque manifeste " si sa proposition avait été retenue, est quant à lui de nature disciplinaire, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge : l'acte est volontaire et, au regard de ses fonctions, la salariée savait qu'elle faisait encourir ce risque à la société.

Ce fait a été porté à la connaissance de M. [L], directeur administratif et financier, par M. [R] dans son courriel précité du 8 mai 2018. La convocation à l'entretien préalable au licenciement datant du 14 mai 2018, la prescription de deux mois du fait fautif posée par l'article L. 1332-4 du code du travail n'était pas expirée.

La salariée soutient encore que cette demande serait celle de M. [R]. Or, s'il résulte du courriel précité que ce dernier a demandé de rapprocher la date de sortie, il ne peut en être déduit qu'il a demandé d'antidater les documents, c'est-à-dire réaliser des faux. Ainsi que l'a retenu l'employeur, une telle proposition fait encourir un risque juridique et financier à l'entreprise que l'intéressée n'a pas signalé, et est ainsi contraire à l'exigence d'honnêteté et de bonne foi qui s'impose à la salariée dans l'exercice des relations contractuelles.

S'il doit être pris en compte au titre de l'appréciation de la gravité de la faute que la proposition était formulée au conditionnel et que celle-ci ne s'est pas concrétisée, il n'en demeure pas moins que cette proposition est en elle-même fautive.

3 - Le grief tenant à l'absence de suivi des accords d'entreprise relève de ses attributions, ainsi qu'il a été vu ci-dessus, et, du point de vue du licenciement, d'un motif ayant trait à l'insuffisance professionnelle.

Par courriel du 12 mars 2018, M. [I], dont il est précisé qu'il est délégué syndical, a transmis à Mme [U], M. [L] étant en copie, une proposition de rédaction d'un nouvel accord sur l'égalité professionnelle. Par courriel du 8 mai 2018, M. [L] a relancé la salariée pour lui demander ce qu'il en était, quelles étaient les obligations de la société à ce sujet et s'ils étaient " dans les clous " par rapport au premier plan, en lui précisant : " pour éviter de passer à côté de nos obligations, il vous faut intégrer le suivi des plans dans votre compte-rendu hebdomadaire pour en faire un suivi régulier (date de renouvellement, signataire, rétro-planning') ". Puis il a listé le plan égalité homme-femme, le plan pénibilité, le plan senior, etc.

En réponse, la salariée produit un document intitulé " point RH du 14/05/2018 " dans lequel figure un point relatif au suivi des accords qui recense cinq accords (accord de participation dérogatoire, avenant à l'accord de participation dérogatoire, accord sur l'égalité hommes-femmes, plan pénibilité, emploi des seniors), leur date d'effet, leur notification et leur dépôt, leur état (un en vigueur, un à venir, deux expirés, le dernier non renseigné), et leur caractère obligatoire (tous sont facultatifs).

S'agissant plus précisément de l'accord sur l'égalité hommes-femmes, il ressort de ce tableau que celui-ci était expiré dans l'entreprise depuis le 20 décembre 2017 ; que la mention relative au caractère obligatoire le concernant est : " facultatif attendu que ce point fait l'objet d'une négociation annuelle ".

Dans ces conditions, il ne peut être considéré que la salariée a satisfait à sa mission de suivi des accords en ne traitant pas pendant deux mois le courriel du 12 mars 2018 du délégué syndical précité, au point de devoir être relancée par son supérieur, alors que l'accord en vigueur était expiré depuis décembre 2017. En outre, ce document ne fait état d'aucune démarche de mise jour ni ne renvoie à aucun plan d'action visant à décliner concrètement cet accord.

La carence de la salariée est donc matériellement établie.

4 - Les anomalies concernant les payes, qui s'analysent également comme un grief relevant de l'insuffisance professionnelle, renvoient à un courriel du 27 avril 2018 de Mme [K], responsable administratif et financier, à l'intéressée, qui avoir détecté des anomalies provenant des paies lors de la situation comptable de mars 2018, à savoir :

- Des indemnités journalières de la CPAM reçues, qui a priori ne seraient pas régularisées sur les paies ;

- L'absence d'indemnité CPAM perçue au titre du congé paternité d'un collaborateur, M. [O] ;

- Un écart de 1 407,32 euros au niveau des indemnités prévoyance Pro Btp concernant M. [P], qui rend vraisemblable que la société lui ait versé cette somme en trop.

Mme [K] a indiqué que l'ensemble de ces points avait une incidence de 6 500 euros sur le résultat.

Par courriel du 7 mai 2018, Mme [U] a répondu à Mme [K] qu'elle :

- Faisait le nécessaire sur les fiches de paie de mai 2018 ;

- Avait appelé la Sécu, qu'il manquait l'acte de naissance (de M. [O]), qu'elle l'a transmis, et que le paiement devrait arriver sur le compte de la société incessamment ;

- Avait écrit à M. [P] pour obtenir la répétition de l'indu.

Dès lors, contrairement à ce que conclut la salariée, elle a effectivement et finalement admis sa responsabilité sur ces différents points, nonobstant les premières réponses (et interrogations) qu'elle a données dans son courriel du 2 mai 2018. Seule l'erreur concernant M. [P] n'est pas de son fait, mais d'une erreur de la caisse Pro Btp qui l'a reconnue dans son courrier du 15 mai 2019.

Les deux autres griefs précités sont donc matériellement établis.

5 - Sur le maintien de salaire que la salariée s'est unilatéralement et indûment octroyé pour son propre arrêt maladie du 6 décembre 2017 au 10 janvier 2018, l'employeur produit un courriel de Mme [K] à M. [L] du 8 mai 2018 indiquant qu'elle a découvert que Mme [U] a bénéficié à tort d'un complément de salaire à 100 % lors de son arrêt maladie du 6 décembre 2017 au 10 janvier 2018, alors qu'elle ne pouvait y prétendre dans la mesure où elle ne justifiait pas à cette date d'un an d'ancienneté. Le coût estimé pour l'entreprise est de 2 346 euros charges comprises. Sont joints les bulletins de salaire de décembre et janvier 2018 de l'intéressée qui en témoignent pour la période du 6 au 31 décembre 2017, puis du 1er au 10 janvier 2018.

La salariée fait valoir que l'ensemble des paies et leur montant étaient, chaque mois, validées préalablement par M. [L] ; qu'au surplus, elle était en arrêt maladie, de sorte qu'il est matériellement impossible qu'elle se soit octroyée unilatéralement ce maintien de salaire.

Si, dans la mesure où la salariée a repris ses fonctions le 9 janvier 2018, il n'est pas matériellement impossible qu'elle ait établi elle-même son bulletin de salaire pour janvier 2018, aucun élément ne permet de considérer qu'elle l'a fait pour celui de décembre 2017 alors qu'elle était en arrêt maladie. Il a été vu ci-dessus qu'elle était aidée d'une assistante pendant son arrêt maladie, qu'elle a cherché à aider en mettant en place le système de consultation des courriels à distance. Celle-ci a donc pu commettre cette erreur en décembre 2017, qui aura été reproduite en janvier 2018.

Le doute devant profiter au salarié en application de l'article L. 1235-1 du code du travail, ce grief sera considéré comme n'étant pas matériellement établi à l'encontre de la salariée.

6 - Sur le non-respect des règles de confidentialité, la salariée conteste avoir dénigré l'entreprise, mais reconnaît avoir ouvert le courrier au réfectoire devant d'autres salariés, du fait d'une douleur au genou provenant d'un cancer osseux, précisant qu'elle avait besoin de temps pour regagner son bureau qui se situait à l'étage.

Elle reprend encore les termes du conseil de prud'hommes qui a considéré que rien n'indique que les autres salariés n'aient eu connaissance du contenu de cette correspondance, au contraire de la lettre de licenciement qui évoque le courrier ouvert " à la vue de tous ".

Il apparaît ainsi que la salariée conteste que les autres salariés aient pu prendre connaissance du contenu des courriers qu'elle a ouverts au réfectoire. Or, l'employeur n'établit pas que le contenu des courriers était visible des autres salariés, la reconnaissance de l'ouverture du courrier de la part de la salariée pouvant signifier qu'il a simplement été décacheté.

Là encore, le doute devant profiter à la salariée, le grief ne sera pas retenu à son encontre.

***

7 - Les développements qui précèdent ont permis de retenir comme caractérisés les griefs au titre de l'insuffisance professionnelle, tenant aux erreurs dans les promesses d'embauche et contrats de travail et sur les fiches de paie, la carence dans le suivi des accords d'entreprise, et les anomalies concernant les paies.

Cependant, l'insuffisance professionnelle s'apprécie au regard de l'obligation de l'employeur d'adaptation du salarié à son poste, en application de l'article L. 6321-1 du code du travail, des moyens et de l'accompagnement dont il a pu bénéficier.

Or, si en l'espèce il a été vu précédemment que la surcharge de travail invoquée n'était pas établie, l'employeur ne justifie pas avoir proposé à l'intéressée des formations, ni l'avoir accompagnée dans ses fonctions pour lui permettre de se remettre à niveau et de répondre aux attentes. Dans ces conditions, les carences de la salariée ne peuvent fonder son licenciement.

En ce qui concerne le seul fait fautif matériellement établi et imputable à la salariée, tenant à la proposition d'antidater les documents relatifs à la rupture conventionnelle d'une salariée, il doit être considéré qu'au regard de l'absence d'antécédent disciplinaire et de l'absence d'impact négatif concret pour la société, ce seul fait ne présente pas une gravité suffisante pour justifier un licenciement.

En conséquence, le licenciement de Mme [U] est considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse, le jugement entrepris étant réformé sur ce point.

***

8 - La salariée soutient encore que le licenciement est discriminatoire, comme fondé sur son handicap, au visa de l'article L 5213-6 du code du travail, qui dispose, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 applicable au litige, qu'afin " de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des travailleurs handicapés, l'employeur prend, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs mentionnés aux 1° à 4° et 9° à 11° de l'article L. 5212-13 d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée.

Ces mesures sont prises sous réserve que les charges consécutives à leur mise en 'uvre ne soient pas disproportionnées, compte tenu de l'aide prévue à l'article L. 5213-10 qui peuvent compenser en tout ou partie les dépenses supportées à ce titre par l'employeur.

Le refus de prendre des mesures au sens du premier alinéa peut être constitutif d'une discrimination au sens de l'article L. 1133-3 ".

Il est rappelé que l'article L. 1332-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2017-256 du 28 février 2017 applicable au litige prohibe toute discrimination liée au handicap ; que l'article L. 1134-1 du même code prévoit que le salarié produit les éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, et qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le juge forme sa conviction au vu de l'ensemble de ces éléments.

8.1 - En premier lieu, la salariée produit en ce sens une décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) du Rhône, en date du 23 mai 2013 qui lui reconnaît la qualité de travailleur handicapé pour la période courant du 15 mai 2013 au 30 avril 2018. Par ailleurs, le 8 décembre 2014, la CPAM l'a informée de ce qu'elle relevait d'un état d'invalidité de catégorie 2.

La salariée produit encore une décision de la CDAPH du 27 juin 2019 qui lui reconnaît la qualité de travailleur handicapé pour la période du 1er mai 2018 au 30 avril 2028.

La salariée indique avoir sollicité en vain la mise à disposition d'un siège adapté, qu'elle a finalement été obligée d'apporter elle-même. Elle n'apporte aucun élément permettant de démontrer sa demande à l'employeur, de sorte que ce fait n'est pas matériellement établi.

Elle indique avoir effectué des heures supplémentaires, mais il a été vu précédemment que la réalité de la surcharge de travail qu'elle invoque n'est pas justifiée. Le fait n'est donc pas matériellement établi.

La salariée soutient encore que l'employeur n'a mis en place aucun aménagement raisonnable de ses conditions de travail malgré ses alertes et précise à ce titre viser ses pièces 13, 18 et 19. Il convient de relever à ce titre :

- Que sa pièce 13 est son courrier du 8 janvier 2019, postérieur à la rupture du contrat de travail, de sorte qu'il ne peut être considéré comme une alerte ayant pour objectif l'amélioration de ses conditions de travail ;

- Que sa pièce n°18 est son agenda, ce qui ne constitue pas une alerte ;

- Que sa pièce n°19 est constituée de différents échanges :

o Un courriel de sa part du 20 mai 2017 à Mme [E] [M], dans lequel elle fait état de ce que le poste " est très dense ". Cependant, elle ne précise pas la qualité de son interlocutrice, dont l'adresse mail se termine par " expectra.fr ", c'est-à-dire une société tierce. Dès lors, ce courriel ne peut être considéré comme une alerte à son employeur.

o Le courriel précité du 24 juillet 2017 à M. [R], en réponse à sa demande de statistiques, dans lequel elle lui répond : " Malheureusement, compte-tenu de la charge, je ne pourrai répondre à cette demande qu'au retour de congés ". Ce courriel peut être considéré comme une alerte à l'employeur.

o Ses échanges précités avec Mme [X] de décembre 2017, période pendant laquelle elle était en arrêt maladie. La qualité de son interlocutrice ne permet pas de considérer qu'il s'agissait d'une alerte à son employeur.

o Son SMS du 11 janvier 2018 à M. [L], dans lequel elle lui indique : " Je serai là demain, mais faudra trouver une solution. Je suis trop chargée. Je ne pourrais pas tenir le rythme ". Ce SMS constitue une alerte à l'employeur.

En outre, la salariée fait état des difficultés de santé qu'elle a rencontrées, consistant en de la fatigue et des malaises. Il résulte des échanges précités qu'elle en a fait un pendant son arrêt maladie en décembre 2017, et un le 11 janvier 2018 alors qu'elle avait repris. Ce fait est donc matériellement établi.

Enfin, s'ajoute aux faits matériellement établis le licenciement dont elle a fait l'objet.

8.2 - Pris dans leur ensemble, les faits matériellement établis sont de nature à laisser présumer une discrimination sur le fondement du handicap.

Il convient donc d'examiner les réponses de l'employeur pour voir si les faits matériellement établis sont exempts de toute discrimination.

8.3 - L'employeur soutient que le licenciement a une cause étrangère au licenciement, et que la salariée n'avait pas justifié auprès de lui, au moment du licenciement, de sa qualité de travailleur handicapé.

S'agissant en premier lieu des faits matériellement établis, il est relevé que le courriel d'alerte du 24 juillet 2017 est circonstancié à la période antérieure aux congés d'été, et que la salariée indique qu'elle ne sera en mesure de répondre à la demande que postérieurement à ceux-ci. Dès lors, il ne peut être considéré qu'il s'agit une alerte par laquelle la salariée indique ne pouvoir faire face à ses missions, de sorte que ce grief est exempt de toute discrimination.

A l'inverse, le SMS du 11 janvier 2018 à M. [L] constitue une alerte sur sa charge de travail en général. Or, si M. [L] lui a répondu " Ok, on fait un point demain ", l'employeur ne précise pas quelles ont été les suites données à cette alerte.

S'agissant du licenciement proprement dit, comme le soutient l'employeur, il apparaît que la reconnaissance de travailleur handicapée précitée du 23 mai 2013 produisait effet jusqu'au 30 avril 2018, c'est-à-dire antérieurement à la procédure de licenciement (convocation à l'entretien préalable du 14 mai 2018, entretien préalable le 24 mai et notification du licenciement le 31 mai 2018). En outre, la lettre de licenciement, précitée, sollicite expressément la communication d'une reconnaissance de sa qualité de travailleur handicapé à jour, afin que la durée du préavis soit portée de 2 à 3 mois. L'employeur conteste encore que le titre de pension d'invalidité ait été porté à sa connaissance avant la notification du licenciement, et aucun élément contraire n'est produit. Enfin, la décision de la CDAPH qui lui octroie la reconnaissance de travailleur handicapé à compter du 1er mai 2018 date du 27 juin 2019, c'est-à-dire plus d'un an après la notification du licenciement.

Il s'en déduit que l'employeur n'avait pas connaissance, au moment de la procédure de licenciement, de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé de la salariée.

8.4 - L'ensemble de ces éléments conduit à retenir que si l'employeur n'a pas justifié de la réponse qu'il avait apportée à l'alerte donnée par la salariée le 11 janvier 2018, la réalité de la surcharge de travail de cette dernière n'est pas démontrée.

Par ailleurs, doit être pris en compte le fait que l'essentiel des griefs contenus dans la lettre de licenciement sont matériellement établis, à la fois ceux au titre de l'insuffisance professionnelle que la faute tenant à la proposition de Mme [U] d'antidater les documents de la procédure de rupture conventionnelle d'une collaboratrice. Au surplus, il a été vu que l'employeur n'avait pas connaissance de la qualité de travailleur handicapé de la salariée au moment de la procédure de licenciement.

Dès lors, il doit être considéré qu'aucun élément ne permet de considérer que le licenciement aurait pour fondement le handicap de la salariée et serait ainsi discriminatoire. En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande tendant à voir déclarer son licenciement nul, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

III.A.2 - Sur la contestation de la rupture anticipée du préavis.

Il est rappelé que l'employeur peut mettre fin, de manière anticipée, au préavis, lorsque le salarié commet pendant l'exécution de celui-ci une faute d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien des relations contractuelles.

En l'occurrence, par lettre datée du 26 juin 2018, l'employeur a notifié à la salariée la rupture anticipée de son préavis dans les termes suivants : " nous vous notifions par la présente la rupture anticipée de votre préavis pour faute grave et donc la cessation immédiate de nos relations contractuelles, pour les motifs que nous vous souhaitions vous présenter lors de l'entretien fixé le 15 juin, auquel vous ne vous êtes pas présentée.

Vous avez mis en place, sans autorisation, ni information, des mots de passe sur plusieurs fichiers très importants, notamment le tableau de suivi des mouvements du personnel, le tableau de suivi des payes, les procédures ressourcent humaines. Vous avez également modifié le tableau des mots de passe donnant accès à naître entreprise, à l'URSSAF, aux caisses de congés, de mutuelles et de prévoyance, en délaissant plus dans ce tableau que le mot de passe permettant d'accéder aux activités quotidiennes de la chargée des ressources humaines.

Dans le même temps, nous avons dû constater la disparition des procédures ressources humaine version papier du classeur de la chargée des ressources humaines.

Vous avez refusé de donner toutes indications utiles, y compris le mercredi 6 juin 2018, permettant de mettre fin aux entraves ainsi volontairement mises en place par vos soins pour gêner la réalisation de l'activité des ressources humaines, vous contentant en particulier de faire référence à un cahier bleu sur lequel les mots de passe seraient inscrits, et que nous n'avons jamais trouvé.

Vos actions ont considérablement compliqué toutes les actions utiles au sein du service ressourcent humaines, en particulier s'agissant des pets. Ce comportement rend totalement impossible la poursuite de nos relations contractuelles, de sorte que ces dernières prennent fin immédiatement (') ".

Il produit à ce titre l'attestation de Mme [X], chargée RH en apprentissage, qui indique que, la semaine du 21 mai 2018, date de son retour de formation, elle a constaté qu'elle n'avait " plus accès au tableau de suivi des mouvements de personnel, à l'état du personnel, au tableau de suivi de la paie, aux procédures RH et à d'autres documents du même type puisqu'ils contenaient désormais des mots de passe (qu'elle) ne possédait pas. Le tableau contenant les mots de passe donnant notamment accès à net-entreprises, à l'URSSAF, aux caisses de congés, de mutuelle et de prévoyance avait été modifié ; il ne restait que les mots de passe permettant d'accéder à (ses) activités quotidiennes ". Elle ajoute avoir demandé, le 22 mai, à Mme [U], qui était présente, " si elle était à l'origine de la création du mot de passe sur le tableau de suivi des mouvements de personnel. Elle ne m'a pas répondu mais m'a proposé de faire les modifications souhaitées depuis son poste ". Elle indique encore avoir constaté, le 24 mai, que les procédures RH qu'elle avait imprimées avaient été sorties de son classeur.

Elle précise également que plus tard dans la journée du 24 mai, sa responsable, qui n'était plus sur place, a indiqué par message à M. [L] que les mots de passe se trouvaient dans un " cahier bleu " ; qu'ils l'ont cherché mais ne l'ont pas trouvé.

Il produit encore l'attestation de Mme [K], responsable administrative et financier, qui indique avoir été alertée le 25 mai 2018 par Mme [X] " de son impossibilité d'accéder aux différents fichiers (leur) permettant d'effectuer les paies (fichier de suivi des mouvements, tableau de suivi des paies, procédures ressources humaines') [ainsi que de] la disparition des procédures papier de son classeur personnel. De plus, le fichier du tableau des mots de passe permettant l'accès aux activités quotidiennes de l'administration du personnel (net-entreprises, URSSAF, caisse de congés payés') a été modifié par suppression d'informations. Nous avions encore accès à l'ensemble de ces données la semaine précédente ".

Elle insiste sur la lourdeur de la tâche qu'a représenté la reconstitution de l'ensemble de ces informations pour la paie de mai ; que le 6 juin, lorsque Mme [U] s'est présentée, " M. [L] lui a redemandé si elle se souvenait de l'endroit où était son cahier bleu et de lui donner les mots de passe des fichiers. Mme [U] n'a pas répondu et a récupéré sa cafetière (') ".

En réponse, Mme [U] produit un échange de SMS du 16 mai avec M. [L] aux termes duquel elle l'informe de son arrêt de travail. A sa demande, elle lui donne le mot de passe de son PC, puis, le 24 mai, lui indique que les mots de passe des fichiers Word et Excel sont dans le " cahier bleu ". M. [L] lui répond qu'il ne le trouve pas, et elle lui répond qu'il doit être dans son bureau.

Dès lors, ces éléments sont insuffisants pour démontrer qu'elle a effectivement transmis les différents mots de passe.

***

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il doit être considéré que les témoignages de Mme [X] et Mme [K] établissent que Mme [U] a modifié les mots de passe sur les différents fichiers et applicatifs du service des ressources humaines, sans assurer leur transmission concrète et effective à Mme [X] et/ou à M. [L], ce qui a entravé de manière sensible le fonctionnement du service des ressources humaines ; que ces éléments sont constitutifs d'une faute grave, justifiant la rupture anticipée du préavis.

Partant, la mise à pied à titre conservatoire, notifiée par courriel de M. [L] du 6 juin 2018 (P 8 employeur) est pareillement justifiée.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a considéré injustifiées ces deux mesures.

II.B - Sur les demandes afférentes à la rupture du contrat du travail.

En conséquence des développements qui précèdent, la salariée sera déboutée de ses demandes :

- Au titre du licenciement nul, la discrimination liée au handicap n'ayant pas été retenue; le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

- Au titre du solde de l'indemnité compensatrice de préavis, celle-ci n'étant due que pour la période courant du 31 mai au 5 juin 2018, dont il n'est pas contesté qu'elle a été payée, la demande de la salariée ne portant que sur la période à compter du 6 juin 2018. Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

En ce qui concerne les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la salariée sollicite la somme de 6 500 euros. Dans la mesure où elle justifie d'une ancienneté d'une année pleine et que la société employait habituellement plus de onze salariés, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, elle peut prétendre à une indemnité comprise entre un et deux mois de salaire brut.

La moyenne des trois derniers mois de salaire s'établit à 3 285,72 euros bruts.

Au titre de l'évaluation de son préjudice, la salariée justifie avoir perçu au titre de l'année 2018, 4 923 euros de pension d'invalidité. Ses revenus d'imposition montrent qu'elle n'a pas d'enfant à charge.

Pour autant, elle ne justifie pas de sa situation professionnelle postérieurement à son licenciement (il est précisé que ses avis d'imposition 2017 et 2018 ont été occultés sauf les mentions relatives à la pension d'invalidité, ce qui ne permet pas d'évaluer ses revenus en 2018).

Au vu de l'ensemble de ces éléments, de l'âge de la salariée au moment du licenciement (38 ans), des circonstances de la rupture, il convient de considérer que le préjudice résultant du caractère injustifié du licenciement sera justement réparé par l'octroi d'une indemnité de 6 000 euros. L'employeur sera condamné à lui payer cette somme, le jugement étant réformé sur ce point.

III - Sur les frais irrépétibles et les dépens.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés, sans astreinte.

Il sera également confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Succombant à l'instance, l'employeur sera débouté de ses demandes sur ces fondements.

L'équité commande de le condamner à payer à la salariée la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera en outre condamné aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile,

Dans la limite de la dévolution,

INFIRME le jugement rendu le 25 novembre 2021 par le conseil de prud'hommes de Lyon dans le litige opposant Mme [U] à la société Vie et Veranda en ce qu'il a :

- Dit et jugé que le licenciement de Mme [U] repose sur une cause réelle et sérieuse et débouté cette dernière de le voir requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- Débouté Mme [U] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit et jugé que la rupture par la société Vie et Veranda du préavis que devait exécuter Mme [U], ainsi que la mise à pied à titre conservatoire dont elle a fait l'objet sont abusives;

- Condamné la société Vie et Veranda à payer à Mme [U] la somme de 6 264 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 626,40 euros au titre des congés payés afférents ;

CONFIRME ledit jugement pour le surplus ;

Y ajoutant, dans cette limite,

- Dit le licenciement notifié à Mme [U] par la société Vie et Veranda le 31 mai 2018 dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- Condamne la société Vie et Veranda à payer à Mme [U] la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- Dit bien fondées la mise à pied à titre conservatoire du 6 juin 2018 et la rupture anticipée du préavis de Mme [U], notifiée le 26 juin 2018, et déboute en conséquence Mme [U] de sa demande à ce titre ;

RAPPELLE que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;

Y ajoutant,

ORDONNE le remboursement par la société Vie et Veranda à Pôle Emploi devenu France Travail des indemnités de chômages versées à Mme [U] du jour de son licenciement dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage ;

DIT qu'en application des dispositions de l'article R.1235-2 du code du travail, lorsque le remboursement des allocations chômages est ordonné d'office par la cour d'appel, le greffier de cette juridiction adresse une copie certifiée conforme de l'arrêt à Pôle Emploi devenu France Travail ;

CONDAMNE la société Vie et Veranda à verser à Mme [U] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

CONDAMNE la société Vie et Veranda aux entiers dépens de l'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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