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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 23 septembre 2025, n° 25/05098

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 25/05098

23 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 23 SEPTEMBRE 2025

(1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/05098 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CL6SB

Décision déférée : ordonnance rendue le 21 septembre 2025, à 17h47, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux

Nous, Marie-Sygne Bunot-Rouillard, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Roxanne Therasse, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT

M. [L] [G]

né le 07 mars 1965 à [Localité 5], de nationalité tunisienne

RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot n°3

assisté de Me Jean-Etienne Albertini, avocat de permanence, avocat au barreau de Paris, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris

INTIMÉ

LE PREFET DE LA SEINE [Localité 3]

représenté par Me Judith Adam-Caumeil du cabinet Adam-Caumeil,avocat au barreau de Paris substitué à l'audience par Me Ludivine Floret, avocat au barreau de Paris, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris, plaidant par visioconférence

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience

ORDONNANCE :

- contradictoire

- prononcée en audience publique

- Vu l'ordonnance du 21 septembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux déclarant la requête recevable et la procédure régulière et ordonnant une quatrième prolongation de la rétention de M. [L] [G], au centre de rétention administrative n°3 du [1], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de quinze jours à compter du 21 septembre 2025 ;

- Vu l'appel motivé interjeté le 22 septembre 2025 , à 10h45 , par M. [L] [G] ;

- Après avoir entendu les observations :

- par visioconférence, de M. [L] [G], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil du préfet de la Seine-[Localité 4] tendant à la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

Sur la fin de non-recevoir pour absence de communication d'une copie actualisée du registre, pièce justificative utile, faute de mention du recours devant le tribunal administratif :

L'article L.744-2 du CESEDA dispose que : " Il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation ".

L'article R. 743-2 du même Code prévoit que : " A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2. Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge (...), de la copie du registre ".

Il résulte de la lecture combinée de ces textes avec celles de l'article L.743-9 que le juge s'assure, lors de l'examen de chaque demande de prolongation d'une mesure de rétention, que, depuis la précédente présentation, la personne retenue a été placée en mesure de faire valoir ses droits, notamment d'après les mentions de ce registre prévu par l'article L.744-2, qui doit être émargé par l'intéressé, et que toute requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée d'une copie de ce registre.

Il s'en déduit que le registre doit être actualisé et émargé et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (Civ.1ère - 4 septembre 2024, n°23-12.550).

Il ne peut être suppléé à son absence par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de la joindre à la requête (1re Civ., 26 octobre 2022, pourvoi n° 21-19.352).

Par ailleurs, un registre actualisé doit s'entendre comme étant un document retraçant l'intégralité de l'historique de la mesure de rétention, depuis l'entrée, communiqué à chaque nouvelle saisine du juge et permettant, au surplus, à toute personne pouvant y avoir accès de visualiser immédiatement les différents événements.

La production d'une copie actualisée du registre a pour but de permettre au juge de contrôler l'effectivité de l'exercice des droits reconnus au retenu au cours de la mesure de rétention et pour fondement la volonté de pallier la difficulté, voire l'impossibilité, pour la personne retenue de rapporter la double preuve, d'une part, de la réalité d'une demande portant sur l'exercice de l'un des droits lui étant reconnus et, d'autre part, du refus opposé à cette demande, qui constitue un fait négatif. L'exigence d'actualisation au titre des mesures privatives ne concerne toutefois pas exclusivement le juge mais aussi la garantie apportée à l'intéressé d'un contrôle extérieur effectif et immédiat de sa privation de liberté, confié à diverses instances extérieures à l'autorité judiciaire.

En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration, mais aussi que le registre a été renseigné afin de répondre au second objectif tenant au contrôle d'autres instances de la privation de liberté en cours qui constitue également un droit pour la personne retenue.

S'agissant des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déclinant précisément ce que recouvrent les notions susvisées tenant aux " conditions de (') placement ou de (') maintien en rétention ".

En revanche, il peut être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé " logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative " (LOGICRA) en son article 2 dispose que :

" Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :

- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant ;

- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;

- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;

- à la fin de la rétention et à l'éloignement. "

et son annexe (données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements) en son III 1° prévoit que figurent " Concernant les procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention :

Contentieux administratif : type de recours, juridiction saisie, date et heure de l'audience, décision, appel ".

Ce texte, opposable à l'administration, est clair, même s'il doit aussi être noté qu'il obéit à une autre finalité tenant au contenu du registre au regard des données autorisées à être traitées informatiquement.

S'agissant du recours portant sur le fondement même de la rétention que constitue ici la décision d'éloignementet alors que le texte susvisé est clair, il sera retenu que faute de mention à tout le moins du recours actuellement en cours sur cette décision (courrier du tribunal administratif de Montreuil au Préfet de la Seine-Saint-Denis du 04 août 2025 au dossier joint à la requête), la copie du registre jointe à la requête n'était pas dûment actualisée, en sorte que la requête du préfet doit être déclarée irrecevable et l'ordonnance infirmée.

PAR CES MOTIFS

INFIRMONS l'ordonnance;

Statuant à nouveau,

DECLARONS la requête du préfet irrecevable ;

DISONS n'y avoir lieu au maintien en rétention administrative de M. [L] [G]

RAPPELONS à M. [L] [G] qu'il a l'obligation de quitter le territoire national

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l'intéressé par l'intermédiaire du chef du centre de rétention administrative,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à [Localité 2] le 23 septembre 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L'avocat de l'intéressé

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