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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 22 septembre 2025, n° 25/05075

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 25/05075

22 septembre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 22 SEPTEMBRE 2025

(1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/05075 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CL6P6

Décision déférée : ordonnance rendue le 19 septembre 2025, à 11h28, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux

Nous, Elise Thevenin-scott, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Marie Bounaix, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

M. [L] [P]

né le 21 octobre 1983 à [Localité 1], de nationalité camerounaise

RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot n°3

assisté de Me Roselyne Akierman, avocat de permanence au barreau de Paris,

présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris

INTIMÉ :

LE PREFET DU VAL D'OISE

représenté par Me Joyce Jacquard du cabinet Actis Avocats, avocats au barreau du Val-de-Marne

présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience

ORDONNANCE :

- contradictoire

- prononcée en audience publique

- Vu l'ordonnance du 19 septembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux déclarant la requête recevable et la procédure régulière et ordonnant la duxième prolongation de la rétention de M. [L] [P] au centre de rétention administrative n°3 du [3] (77), ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de trente jours à compter du 18 septembre 2025 ;

- Vu l'appel motivé interjeté le 20 septembre 2025 , à 13h20 , par M. [L] [P] ;

- Après avoir entendu les observations :

- par visioconférence, de M. [L] [P], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil du préfet du Val-d'Oise tendant à la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

Monsieur [L] [P], né le 21 octobre 1983 à [Localité 1] (Cameroun) a été placé en rétention administrative par arrêté préfectoral en date du 20 août 2025, sur la base d'un arrêté préfectoral portant OQTF en date du même jour, suite à une garde à vue.

La mesure a été prolongée pour la deuxième fois par le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de [Localité 2] le 19 septembre 2025.

Monsieur [L] [P] a interjeté appel et demande à la cour de déclarer la requête irrecevable pour défaut de production d'un registre actualisé en ce que la copie ne fait pas état des documents polonais en sa possession, remis à l'administration (permis de conduire et carte nationale d'identité). Il conteste, par ailleurs, les diligences de l'administration qui n'a pas sollicité la Pologne en vue d'une réadmission. Enfin, il sollicite, à titre subsidiaire, une assignation à résidence indiquant disposer d'une adresse et d'un passeport en cours de validité.

Réponse de la cour

Sur les pièces justificatives utiles et le registre actualisé

Il résulte de l'article L.744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative, d'une part, tient à jour un registre relatif aux personnes retenues, d'autre part, tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Aux termes de l'article R.743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2 précité. Il est constant que ce registre doit être 'actualisé' pour être pertinent.

L'absence de production d'une copie actualisée du registre équivaut à l'absence de production du registre.

S'agissant en outre des informations devant être contenues dans le registre, il n'existe aucune liste ni dans la partie législative ni dans la partie réglementaire du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile déclinant précisément ce que recouvrent les notions susvisées tenant aux « conditions de (') placement ou de (') maintien en rétention ».

En revanche, il peut être rappelé que l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention prévu à l'article L. 553-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative » (LOGICRA) en son article 2 dispose que :

« Le registre et le traitement mentionnés à l'article 1er enregistrent des données à caractère personnel et informations, figurant en annexe du présent arrêté, et relatives :

- à l'étranger placé en rétention administrative et, le cas échéant, aux enfants mineurs l'accompagnant;

- à la procédure administrative de placement en rétention administrative ;

- aux procédures juridictionnelles mises en 'uvre au cours de la rétention ;

- à la fin de la rétention et à l'éloignement. »

et son annexe (données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements) en son I prévoit que figurent « Concernant l'étranger faisant l'objet de la mesure de placement en rétention administrative :

(...)

6° Type et validité du document d'identité éventuel »

Ce texte, opposable à l'administration, est clair, même s'il doit aussi être noté qu'il obéit à une autre finalité tenant au contenu du registre au regard des données autorisées à être traitées informatiquement.

En ce domaine, il appartient au juge de vérifier, in concreto et dans chaque espèce, qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer sans imposer, pour autant, un formalisme excessif à l'administration, mais aussi que le registre a été renseigné afin de répondre au second objectif tenant au contrôle d'autres instances de la privation de liberté en cours, ce qui constitue également un droit pour la personne retenue.

En l'espèce, la cour observe que le recours contre l'OQTF est mentionné sur le registre. S'il n'est fait aucune mention des documents polonais dont se prévaut Monsieur [L] [P], il doit être indiqué qu'il ressort de la lecture des procès-verbaux de garde à vue que ces documents ont fait l'objet d'une vérification immédiate auprès des autorités polonaises (procès-verbal du 20 août 2025 à 14h45), lesquelles ont indiqué que Monsieur [L] [P] était inconnu de leurs bases de données. En conséquence, les documents considéré' comme faux ont été retirés sur le champ à Monsieur [L] [P] et adressés à la préfecture.

Il ne saurait donc être reproché au centre de rétention administrative de ne pas faire état dans un registre de documents falsifiés et confisqués dont il n'a jamais eu connaissance.

Le registre apparaît suffisamment actualisé et la requête sera donc déclarée recevable.

Sur les diligences de l'administration

S'il appartient au juge des libertés et de la détention, en application de l'article L. 741-3 du même code, de rechercher concrètement les diligences accomplies par l'administration pour permettre que l'étranger ne soit maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ, ce qui requiert dès le placement en rétention, une saisine effective des services compétents pour rendre possible le retour, en revanche le juge ne saurait se substituer à l'administration française, ni a fortiori aux autorités consulaires sur lesquelles elle ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte (1re Civ., 9 juin 2010, pourvoi n° 09-12.165, Bull. 2010, I, n° 129), sauf à imposer à l'administration la réalisation d'acte sans véritable effectivité.

Dans ce contexte, la demande automatisée de réadmission transmise à l'administration centrale française, laquelle n'établit pas la réalité d'un envoi à l'autorité étrangère compétente, ne constitue pas une diligence suffisante en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement (1re Civ., 12 juillet 2017, pourvoi n° 16-23.458, Bull. 2017, I, n° 175).

En l'espèce, il est constant que Monsieur [L] [P] s'est déclaré de nationalité camerounaise et que les autorités consulaires de son pays ont été saisies dès le 21 août 2025. Une audition consulaire a eu lieu le 11 septembre 2025, des investigations complémentaires étant nécessiares compte tenu du fait que Monsieur [L] [P] a choisi de ne pas s'exprimer.

S'agissant des autorités polonaises, elles ont été contactées au stade de la garde à vue, ont indiqué ne pas connaître Monsieur [L] [P], de sorte que la réalité de son titre de séjour polonais, pays dans lequel lui-même n'indique pas être passé au cours de son périple migratoire, est mise en doute par la préfecture qui lui a confisqué ces titres considérés comme étant des faux. Dans ces conditions, aucun lien n'étant avéré avec la Pologne, il ne peut être reproché à l'administration un manque de diligences en ce qu'elle n'aurait pas immédiatement saisi ce pays.

En définitive, les diligences de l'administration sont établies et suffisantes à ce stade, le moyen sera donc écarté.

Sur la demande d'assignation à résidence

En vertu de l'article L.743-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile « Le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.

L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale. »

En l'espèce, si Monsieur [L] [P] indique disposer d'un passeport camerounais, celui-ci n'a jamais été remis à l'administration ; en outre les pièces produites quant à son hébergement ne suffisent pas à considérer qu'il démontre avoir des garanties de représentation réelles et sérieuses, l'attestation étant établie à destination du service des certificats d'immatriculation de la préfecture du Val d'Oise, antérieurement à l'arrêté de placement en rétention et l'OQTF, et n'étant pas actualisée.

En conséquence, la demande d'assignation à résidence sera rejetée.

En l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions (découlant du droit de l'Union) de légalité de la rétention, et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu confirmer l'ordonnance du premier juge.

PAR CES MOTIFS

CONFIRMONS l'ordonnance,

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l'intéressé par l'intermédiaire du chef du centre de rétention administrative (avec traduction orale du dispositif de l'ordonnance dans la langue comprise par l'intéressé ),

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à [Localité 4] le 22 septembre 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant L'avocat de l'intéressé

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