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Décisions

Cass. crim., 29 janvier 1998, n° 95-82.091

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

X... (Sté)

Défendeur :

Z..., Y...

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. MILLEVILLE

Avocat général :

M. Dintilhac

Cass. crim. n° 95-82.091

28 janvier 1998

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 23 et 29 de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la société X... de son action civile dirigée contre Philippe Y... et Yannick Z... ;

"aux motifs que la lettre litigieuse a été adressée sous pli fermée aux autorités ayant un pouvoir de décision en la matière, elle revêt donc le caractère d'une dénonciation ; que les auteurs de cette missive ne l'ont ni publiée, ni imprimée, vendue ou distribuée ; qu'il n'y a donc eu aucune publicité de la part de Philippe Y... et de Yannick Z... ; qu'elle présente donc les caractères d'une correspondance privée ; que la lecture de cette lettre en audience publique du conseil municipal de P... a été effectuée par le maire de cette commune, la partie civile ne rapportant pas la preuve que cette lecture a été faite avec le consentement des auteurs ; que seule la responsabilité du maire doit être engagée de ce chef et ainsi que l'ont, à juste titre, jugé les premiers juges, Philippe Y... et Yannick Z... n'encourent aucune responsabilité au titre de la diffamation publique (arrêt attaqué p.23 alinéa 1, 2) ;

"alors que la distribution d'un écrit à plusieurs personnes constitue une publication au sens de la loi du 29 juillet 1881, sauf si elle a été faite à titre confidentiel et si l'écrit a, par lui-même, le caractère d'une correspondance personnelle et privée ; que tel n'est pas le cas d'une lettre adressée, comme en l'espèce, au préfet avec une copie diffusée auprès de différentes autorités publiques et à une société privée relative à des faits susceptibles de mettre en cause la responsabilité civile et pénale d'une personne nommément visée ;

qu'aux termes de la lettre litigieuse dont les termes sont cités par l'arrêt attaqué, Philippe Y... et Yannick Z... ont imputé à la société X... des déversements quotidiens de produits toxiques et explosifs dans les égouts de la ville ; que cette lettre a été adressée au préfet et une copie remise, sans mention d'un destinataire nommément, désigné à la mairie, au secrétaire général de la préfecture, aux pompiers de Rouen et à la société chargée du réseau de distribution des eaux ; qu'en déclarant que la lettre présentait les caractères d'une correspondance privée et confidentielle et que sa diffusion ne caractérisait pas la publicité constitutive du délit de diffamation, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que la distribution d'un écrit non confidentiel à divers destinataires qui ne constituent pas entre eux un groupement de personnes liées par une communauté d'intérêts caractérise la publicité prévue par l'article 23 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Philippe Y... et Yannick Z... ont adressé, le 16 janvier 1994, une lettre recommandée au préfet de Seine-Maritime, imputant à la Société X..., exploitante d'un atelier de carrosserie automobile à P..., de déverser quotidiennement dans les égouts municipaux des produits solvants ou diluants, des peintures et des hydrocarbures, d'avoir ainsi provoqué une explosion, en 1988, et de mettre en danger la population ; que les auteurs de la lettre ont précisé qu'ils en expédiaient la copie à la société SADE, à la mairie de P..., à M. Rayffaud, secrétaire général de la préfecture, aux pompiers de Rouen, et à la Cour des Comptes ;

Attendu que, pour admettre l'absence de diffamation publique, l'arrêt énonce que la lettre, adressée sous pli fermé aux autorités ayant un pouvoir de décision en la matière, revêt le caractère d'une dénonciation, et que ses auteurs ne l'ayant ni publiée, ni imprimée, vendue, distribuée, elle présente les caractères d'une correspondance privée ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ces constatations que la diffusion de la lettre en copie à plusieurs destinataires excluait son caractère confidentiel, et que ceux-ci ne formaient pas entre eux un groupement de personnes liées par un communauté d'intérêts, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

Que la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen de cassation proposé, CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, en date du 15 février 1995, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de CAEN, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de ROUEN, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, réunis en formation restreinte, conformément aux dispositions de l'article L.131-6 du Code de l'organisation judiciaire : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président, Mme Karsenty conseiller rapporteur, Mme Simon conseiller de la chambre ;

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