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Cass. crim., 5 juin 2012, n° 11-80.866

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

X...

Défendeur :

Y...

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Avocats :

SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Cass. crim. n° 11-80.866

4 juin 2012

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Jean-Paul X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 15 décembre 2010, qui, dans la procédure suivie contre M. Philippe Y... du chef de diffamation publique envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a débouté M. X... de sa demande indemnitaire formée à l'encontre de M. Y... du chef de diffamation publique envers un particulier en raison de la relaxe prononcée en faveur de ce dernier ;

"aux motifs qu'en raison de l'indépendance des actions publique et civile, la cour est saisie des intérêts civils et qu'il lui appartient de se prononcer sur l'éventuelle responsabilité civile du prévenu intimé, M. Y... ; que le jugement déféré a seulement reconnu comme diffamatoire le troisième passage poursuivi et admis le prévenu au bénéfice de la bonne foi pour entrer en voie de relaxe ; que, devant la cour, la partie civile conteste l'appréciation des premiers juges sur l'absence de caractère diffamatoire des deux premiers passages ; que sur le second passage qu'a été articulé comme diffamatoire le fait d'écrire : « par ailleurs, lorsqu'un praticien demande conseil à un des conseils départementaux d'Ile de France, la secrétaire le renvoie vers Me X... afin que celui-ci bénéficie d'un client supplémentaire !!! Copinage ou rabattage ? Parfois, la secrétaire donne 2 noms dont le sien mais cela nous choque quand même » ; que les premiers juges ont dénié à ce second extrait son caractère diffamatoire aux motifs que les textes régissant la profession d'avocat autorisaient, sous certaines conditions, la publicité et qu'il n'était pas reproché à Me X... des faits de publicité déloyale ou d'avoir été l'instigateur des recommandations des conseils départementaux ; que devant la cour, la partie civile appelante retient que par l'emploi de la formule «copinage ou rabattage ?», l'auteur a « induit nécessairement une entente entre le secrétariat du conseil de l'ordre et Me X... », puis une « connivence fautive » ; qu'en réalité, le texte n'a pas cette signification ; qu'ainsi que le tribunal l'a relevé, Me X... n'est pas décrit comme démarchant d'éventuels clients de manière déloyale en se concertant à cette fin avec le secrétaire du conseil départemental d'Ile-de-France ; que selon cette personne, dont la déclaration est reprise aux écritures de la partie civile, il n'est pas contesté que deux noms d'avocat, dont celui de Me X..., sont fournis à ceux qui demandent les coordonnées d'un conseil ; que la cour confirmera le jugement s'agissant de ce second extrait ainsi que sur le caractère diffamatoire du troisième passage qui impute à Me X... d'intervenir pour les deux parties dans la même affaire alors que selon les textes « l'avocat ne peut être ni le conseil ni le représentant ou le défenseur de plus d'un client dans une même affaire s'il y a conflit entre les intérêts de ses clients ou, sauf accord des parties, s'il existe un risque sérieux d'un tel conflit » ; qu'il incombe pour la cour, le prévenu intimé n'ayant pas soumis à la cour d'arguments ou de moyens dirimants de la motivation du tribunal sur ce troisième passage, de se prononcer sur l'élément intentionnel du délit, jugé non établi par les premiers juges ; que pour remettre en cause l'appréciation des premiers juges sur ce point, la partie civile appelante soutient : « - celui-ci (le tribunal) ne démontrant qu'une telle mise en cause personnelle de Me X... procéderait d'une information légitime, - que les accusations qui y sont proférées l'ont été sans aucune prudence, puisqu'elles sont affirmées de manière parfaitement péremptoire, et même qualifiées d'infractions pénales (Monsieur Y... n'hésitant pas à dire qu'il s'agirait de « délits » dont se serait avec d'autres rendu « coupable »Me X... !), - que les faits dénoncés ne reposent sur aucun fondement sérieux qu'aurait démontré M. Y..., alors même qu'il n'a même pas cherché à recueillir le point de vue du concluant, ni pratiqué aucune enquête sérieuse puisqu'il se contente d'extrapoler à partir de son propre cas, - et, qu'enfin, et pour le moins, M. Y... était animé d'une vindicte très personnelle à l'endroit de Me X..., exclusive de toute bonne foi ; que la cour rappelle que le texte a été mis en ligne le 14 avril 2009 sur un blog où il est admis la possibilité de s'exprimer sans avoir accompli l'enquête sérieuse exigée d'un journaliste ; que, de plus, et ainsi que l'a relevé le tribunal, à l'époque, M. Y... était directement impliqué dans les faits qu'il dénonçait ayant été radié le 20 novembre 2008 par l'instance disciplinaire, une sanction ramenée à 18 mois d'interdiction d'exercice par le Conseil d'Etat ; que, de troisième part, et, faute d'élément probant démontrant l'absence d'existence du syndicat dont M. Y... dit être le président, qu'il doit être constaté que le texte incriminé se situe sur le plan de la contestation syndicale des pratiques disciplinaires de la profession de dentiste, ce qui suppose une grande liberté de ton ; que l'éventuelle bonne foi du prévenu intimé doit être appréciée selon ces trois spécificités ; que sur la légitimité du but poursuivi, la cour retient, comme le tribunal qu'il était légitime que le prévenu intimé, en tant que président d'une organisation syndicale, donne des informations aux membres de celle-ci sur les pratiques des conseils départementaux et des instances ordinales ; que la consultation des notes d'audience de première instance et des pièces débattues devant la cour définit que Me X... est le conseil des conseils départementaux de la Région Ile-de-France (à l'exception de trois départements) et qu'il plaide devant la chambre régionale d'Ile de France où il compte de nombreuses connaissances ; qu'il est établi, ainsi que l'ont démonté le prévenu intimé et les débats, que Me X... est concerné par les délibérations portant sur les conventions d'exercice passées par les praticiens et que son nom , ainsi que celui d'un second avocat, est fourni par le secrétariat de certains conseils à ceux qui le demandent ; que ces éléments factuels en possession du prévenu intimé ont justifié sa communication qui, ainsi que le tribunal l'a à bon droit jugé, n'a pas excédé les limites autorisées de la polémique professionnelle syndicale ; que pour ces motifs la cour confirmera la décision déférée en ses dispositions civiles et déboutera la partie civile de ses demandes ;

"1) alors que le deuxième passage de l'article incriminé est rédigé comme suit : « par ailleurs, lorsqu'un praticien demande conseil à un des conseils départementaux d'Ile de France, la secrétaire le renvoie vers Me X... afin que celui-ci bénéficie d'un client supplémentaire !!! Copinage ou rabattage ? Parfois, la secrétaire donne 2 noms dont le sien mais cela nous choque quand même » ; que le choix des termes employés – copinage ou rabattage, le ton, la ponctuation utilisée – les trois points d'exclamation - et plus particulièrement la formule faussement alternative « copinage ou rabattage » donnent plus que clairement à penser que l'exposant bénéficierait d'une entente frauduleuse avec le secrétariat du conseil de l'ordre pour accroître sa clientèle ; qu'aussi, en énonçant que ce passage n'était pas diffamatoire, la cour d'appel violé les textes susvisés ;

"2) alors que pour échapper à sa responsabilité pénale, le prévenu de diffamation publique envers un particulier peut notamment établir sa bonne foi ; que cependant ne saurait être considéré comme étant de bonne foi le prévenu qui fait preuve d'animosité personnelle envers sa victime ; qu'aussi, au cas particulier, en retenant, s'agissant de la troisième partie de l'article incriminé, la bonne foi de M. Y... sans rechercher, comme il le lui était pourtant expressément demandé, si ce dernier ne faisait pas preuve d'animosité personnelle à l'égard de l'exposant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué et l'examen des pièces de la procédure mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance comme de contradiction, et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés, et énoncé les faits sur lesquels elle s'est fondée pour justifier l'admission au profit du prévenu du bénéfice de la bonne foi ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale au profit de M. X... ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

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