CA Paris, Pôle 5 - ch. 16, 5 juin 2025, n° 24/19548
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
PLURIMEDIA (SAS), PSP MEDIA (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Me Sylvia LASFARGEAS, Me Mathilde HOUET WEIL, Me Aurélien DEFRAIRE
1. La cour est saisie d’un recours en annulation contre une décision de la commission arbitrale des journalistes rendue le 30 septembre 2024, dans un litige opposant la société Plurimedia, aux droits de laquelle vient la société PSP Media, à Mme [G] [H] quant au versement d’une indemnité complémentaire de licenciement.
2. La décision querellée statue en ces termes :
Se déclare compétente pour fixer, sur le fondement des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 du code du travail, l’indemnité de licenciement due à Madame [G] [H],
Ecarte les fins de non-recevoir opposées en défense,
Fixe à 110 176,78 euros bruts l’indemnité totale due à Madame [G] [H] en application de l’article L. 7112-4 du code du travail,
Constate que la société Plurimédia a déjà versé à Madame [G] [H] la somme de 58 676,78 euros,
Dit que la société Plurimédia doit payer à Madame [H] la somme de 51 500 euros, assortie des intérêts de droit au taux légal à compter du 27 juillet 2021, date de la notification à la société de la demande saisissant la Commission arbitrale des journalistes.
Dit que la présente décision, dispensée de tous frais, sera déposée au greffe du tribunal judiciaire de Paris pour être exécutée conformément aux dispositions de l’article D.7112-3 du code du travail.
3. La Commission arbitrale des journalistes a rectifié cette décision le 3 mars 2025 en ce sens que les condamnations financières sont prononcées à l’encontre de la société PSP Media.
4. PSP Media a formé un recours en annulation contre cette décision par déclaration du 19 novembre 2024.
5. Par conclusions d’incident du 20 mars 2025, Mme [H] a demandé la radiation de l’instance faute d’exécution de la décision par PSP Media.
6. L’affaire a été appelée à l’audience du 15 mai 2025 au cours de laquelle les conseils des parties ont été entendus.
7. Dans ses dernières conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 20 mars 2025, Mme [H] demande au conseiller de la mise en état, au visa de l’article 524 du code de procédure civile, de bien vouloir :
— RADIER du rôle l’affaire dès lors que la société PSP MEDIA ne justifie pas avoir exécuté la décision entreprise ;
— CONDAMNER la société PSP MEDIA à verser à Madame [H] la somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
8. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 avril 2025, PSP Media demande au conseiller de la mise en état, au visa des dispositions des article 524, 1484, alinéa 2, 1487, 1488 et 1496 du code de procédure civile, de l’article D. 7112-3 du code du travail, de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution et des pièces, de bien vouloir :
— DÉBOUTER Madame [G] [H] de sa demande en radiation ;
— CONDAMNER Madame [G] [H] aux dépens du présent incident ainsi qu’à la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles.
3.1. Position des parties
9. Madame [H] conclut à la radiation du recours en faisant valoir que PSP Media n’a pas exécuté la décision alors que celle-ci est exécutoire en vertu de l’article D. 7112-3 du code du travail dans la mesure par suite de son dépôt au greffe du tribunal judiciaire de Paris le 30 septembre 2024, tout comme sa décision rectificative le 3 mars 2025.
10. PSP Media réplique que :
— la décision de la Commission arbitrale des journalistes ne bénéficie pas de l’exécution provisoire ;
— Mme [H] confond caractère exécutoire et exécution provisoire ;
— les décisions de la Commission sont soumises au règle de l’arbitrage interne et, en particulier, à l’article 1496 du code de procédure civile aux termes duquel l’appel ou le recours contre la sentence suspend l’exécution de celle-ci à moins qu’elle ne soit assortie de l’exécution provisoire ;
— en l’espèce, la Commission n’a pas assorti sa décision de l’exécution provisoire ;
— l’article 524 du code de procédure civile sur lequel se fonde la demande de radiation est inapplicable aux recours en annulation d’une sentence arbitrale.
3.2. Appréciation
3.2.1 Sur le caractère exécutoire de la décision
11. En cas de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur, l’article L. 7112-4 du code du travail donne compétence à la commission arbitrale des journalistes composée paritairement d’arbitres désignés par les organisations professionnelles d’employeurs et de salariés et présidée par un fonctionnaire ou par un magistrat en activité ou retraité, pour statuer sur le montant de l’indemnité de licenciement due à un journaliste dont l’ancienneté excède quinze années.
12. Selon l’article D. 7112-3 de ce même code, la décision de la commission arbitrale est obligatoire et produit effet à compter de sa saisine. Sa minute est déposée par l’un des arbitres ou par le président de la commission au greffe du tribunal judiciaire dans le ressort duquel la décision a été rendue. Ce dépôt rend la décision exécutoire.
13. Il est en l’espèce acquis aux débats que la décision rendue le 30 septembre 2024 par la commission arbitrale des journalistes dans le litige opposant Mme [H] à la société Plurimédia, aux droits de laquelle vient la société PSP Media, a fait l’objet d’un dépôt au greffe du tribunal judiciaire de Paris. Il en va de même de sa décision rectificative du 3 mars 2025.
14. En application des dispositions précitées, ces deux décisions présentent dès lors un caractère exécutoire, le seul dépôt au greffe de la sentence suffisant à lui donner force exécutoire en l’absence de toute ordonnance d’exequatur.
3.2.2 Sur la demande de radiation
15. Selon l’article 524 du code de procédure civile, lorsque l’exécution provisoire est de droit ou a été ordonnée, le premier président ou, dès qu’il est saisi, le conseiller de la mise en état peut, en cas d’appel, décider, à la demande de l’intimé et après avoir recueilli les observations des parties, la radiation du rôle de l’affaire lorsque l’appelant ne justifie pas avoir exécuté la décision frappée d’appel ou avoir procédé à la consignation autorisée dans les conditions prévues à l’article 521, à moins qu’il lui apparaisse que l’exécution serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives ou que l’appelant est dans l’impossibilité d’exécuter la décision.
16. Il est admis que la décision de la commission arbitrale des journalistes peut faire l’objet d’un recours en annulation formé selon les règles applicables en matière d’arbitrage (Cons. constit., 14 mai 2012, décision n° 2012-243/244/245/246 QPC ; Soc., 15 avril 2015, pourvoi n° 13-27.759, Bull. 2015, V, n° 76).
17. En vertu de l’article L. 7112-4 du code du travail précité, elle ne peut en revanche être frappée d’appel.
18. Les dispositions de l’article 524 du code de procédure civile précité n’étant pas applicables au recours en annulation formé contre la sentence arbitrale, la demande de radiation formée par Mme [H] est infondée.
19. Elle doit, comme telle, être rejetée.
3.2.3 Sur les frais de l’incident
20. Mme [H], dont les prétentions sont rejetées, sera condamnée aux dépens de l’incident, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
21. L’équité commande de ne pas faire prononcer de condamnation en application de l’article 700 du même code.
Par ces motifs, le magistrat chargé de la mise en état :
1) Déboute Mme [G] [H] de sa demande de radiation ;
2) La condamne aux dépens de l’incident ;
3) Dit n’y avoir lieu à condamnation en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Ordonnance rendue par Daniel BARLOW, magistrat en charge de la mise en état assisté de Najma EL FARISSI, greffière présente lors du prononcé de l’ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.