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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 8 juillet 2025, n° 25/00258

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

P... WORLDWIDE MANAGE LIMITED

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Daniel BARLOW

Conseillers :

Mme Marion PRIMEVERT, Mme Joanna GHORAYEB

Avocats :

Me Luca DE MARIA, Me Nathalie MAKOWSKI, Me Frédéric LALLEMENT, Me Ezzine ANDOULSI

CA Paris n° 25/00258

7 juillet 2025

1. La cour est saisie de l'appel de deux ordonnances d'exequatur rendues le 12 janvier 2023 par le président du tribunal judiciaire de Paris, qui ont déclaré exécutoires en France une sentence arbitrale partielle du 27 septembre 2022 et une sentence arbitrale finale du 5 décembre 2022 rendues à Londres, sous l'égide de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de Commerce internationale, dans une affaire (case No. 26055) opposant M. [R] [S] à la société de droit anglais [P] Worldwide Manage Limited (ci-après désignée « [P] »).

2. Le différend à l'origine de ces sentences porte sur l'exécution d'un acte de garantie conclu le 24 mai 2018 entre :

- la société [P],

- M. [S],

- la société IPC Jerusalem Ltd (ci-après, « IPC »), propriétaire d'un hôtel et d'appartements gérés par [P] en vertu d'un « management agreement » sous la dénomination « Waldorf Astoria Jerusalem » et « The Residences of The Waldorf Astoria Jerusalem », et qui est contrôlée par la société de droit luxembourgeois Silverstone Capital Management, elle-même détenue et contrôlée par M. [S], et

- la société de droit luxembourgeois Yellowstone Capital Management S.A. (ci-après, « Yellowstone »), spécialisée dans le financement de projets, également détenue et contrôlée par M. [S].

3. En vertu de cet acte, M. [S] s'engageait à garantir certaines des obligations des sociétés Yellowstone et IPC, dont le paiement des redevances de licence cumulées et impayées, au profit de [P], au titre :

- d'un contrat de gestion conclu le 17 avril 2008 entre [P] et IPC relatif à l'exploitation de l'hôtel et de la résidence associée à [3] ;

- d'une convention de prêt et de contribution financière conclue le 24 mai 2018 entre Yellowstone et [P].

4. Estimant qu'IPC et Yellowstone n'avaient pas respecté les obligations résultant de ces conventions et en l'absence d'exécution de la garantie par M. [S], [P] a engagé une procédure d'arbitrage contre ce dernier, le 16 février 2021, conformément à la clause compromissoire stipulée dans l'acte de garantie.

5. Par sentence partielle du 27 septembre 2022, le tribunal arbitral a jugé que :

« a. Le Défendeur doit payer à la Demanderesse 18 626 936,14 USD, comprenant :

i. 2 000 000 USD au titre des Redevances de Licence Cumulées et Impayées ;

ii. 71 480,32 USD au titre des intérêts sur les Redevances de Licence Cumulées et Impayée jusqu'au 4 août 2021 ;

iii. 16 555 455,82 USD au titre du Montant du Prêt et de la Contribution Financière Non Amorti et intérêts courus sur celui-ci jusqu'au 4 août 2021.

b. Les questions suivantes sont réservées :

i. le droit de la Demanderesse (le cas échéant) à des intérêts après le 4 août 2021 ; et

ii. les frais, dont les frais de l'arbitrage.

c. Les autres requêtes, demandes et moyens de défense sont rejetés. »

6. Par sa sentence finale du 5 décembre 2022, il a statué en ces termes :

« a. Le Défendeur versera à la Demanderesse les sommes suivantes :

i. 45.860,45 USD au titre des intérêts sur les Redevances de Licence Cumulées et Impayées du 5 août 2021 au 6 octobre 2022 ; et

ii. 2.934.978,94 USD au titre des intérêts sur le Prêt et le Montant de la Contribution Financière Non Amorti du 5 août 2021 au 6 octobre 2022.

b. Le Défendeur versera à la Demanderesse les sommes suivantes :

i. les intérêts supplémentaires sur 2.117.340,77 USD (à savoir le principal et les intérêts dus au titre des Redevances de Licence Cumulées et Impayées au 6 octobre 2022), dus pour la période à compter du 7 octobre 2022, composés quotidiennement pour les périodes trimestrielles successives commençant chaque 1er avril, 1er juillet, 1er octobre et 1er janvier au taux LIBOR USD 3 mois applicables le premier jour de cette période +1% jusqu'à la date de paiement ; et

ii. les intérêts supplémentaires sur le montant de 19.490.434,76 USD (à savoir, le principal et les intérêts dus au titre du Montant du Prêt et de la Contribution Financière Non Amorti au 6 octobre 2022) qui se produiront au taux de 14% par an cumulé quotidiennement, du 7 octobre 2022 à la date du paiement, et composé le 25ème jour de chaque mois civil successif (ou, s'il s'agit d'un jour autre qu'un Jour Ouvré, le Jour Ouvré suivant).

c. Le Défendeur versera à la Demanderesse les sommes suivantes :

i. 886.201,40 £ au titre des frais de procédure, dépenses et débours de la Demanderesse, ainsi que la TVA applicable ; et

ii. 241.930,30 USD au titre des frais de l'arbitrage tels que fixés par la Cour de la CCI avec la TVA applicable.

d. Les autres requêtes, demandes et moyens de défense sont rejetés. »

7. Par deux ordonnances du 12 janvier 2023, la délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris a, sur requête de [P], revêtu ces sentences arbitrales de l'exéquatur, leur conférant force exécutoire en France.

8. M. [S] a interjeté appel de ces ordonnances, par déclarations du 6 juin 2023.

9. Il a sollicité, par voie d'incident, l'arrêt de l'exécution des sentences arbitrales. Dans sa réponse à l'incident, [P] a soulevé l'irrecevabilité des appels pour cause de tardiveté.

10. Par deux ordonnances du 14 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a :

Déclaré l'appel formé par Monsieur [R] [S] contre l'Ordonnance d'exequatur du 12 janvier 2023 de la Sentence partielle du 27 septembre 2022 irrecevable ;

2) Dit que la présente ordonnance met fin à l'instance ;

3) Rejeté toutes autres demandes ;

4) Condamné Monsieur [R] [S] à payer à la société [P] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

11. Par arrêts du 2 juillet 2024, la cour, statuant sur déféré de M. [S], a infirmé les ordonnances ainsi rendues et déclaré ses appels recevables.

12. Après avoir soulevé d'office l'irrecevabilité des conclusions d'intimée, au visa de l'article 909 du code de procédure civile, et invité les parties à faire valoir leurs observations par voie de notes écrites puis par conclusions d'incident, le conseiller de la mise en état a, par ordonnances du 18 mars 2025 :

1) Déclaré recevables les conclusions d'intimée déposées et notifiées par voie électronique par la société [P] le 28 novembre 2024 ;

2) Dit que chaque partie conservera la charge des dépens exposés dans le présent incident ;

3) Débouté les parties de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

4) Renvoyé l'affaire et les parties à l'audience de mise en état du mardi 17 juin 2025 pour fixation d'un calendrier de clôture et de plaidoiries.

13. M. [S] a déféré ces ordonnances à la cour par requête du 1er avril 2025.

14. Les parties ont été appelées à l'audience du lundi 5 mai 2025 au cours de laquelle leurs conseils ont été entendus en leurs plaidoiries.

15. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 avril 2025, M. [R] [S] demande à la cour, au visa de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 909, 911-1, 911-2, 914 et 916 du code de procédure civile de bien vouloir :

- REFORMER l'ordonnance rendue le 18 mars 2025 par le conseiller de la mise en état de ses chefs suivants :

1) Déclare recevables les conclusions d'intimée déposées et notifiées par voie électronique par la société de droit anglais [P] Worldwide Manage Limited le 28 novembre 2024,

2) Dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés dans le cadre du présent incident,

3) Déboute M. [R] [S] et la société de droit anglais [P] Worldwide Manage Limited de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

4) Renvoie l'affaire et les parties à l'audience de mise en état du mardi 17 juin 2025 pour fixation d'un calendrier de clôture et de plaidoiries.

Statuant à nouveau

- DECLARER irrecevables les conclusions soumises par la société [P] le 28 novembre 2024 ;

- REJETER les demandes de la société [P] ;

- CONDAMNER la société [P] aux dépens

- CONDAMNER la société [P] à verser à M. [R] [S] la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

16. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 avril 2025, [P] demande à la cour de bien vouloir :

- CONFIRMER l'ordonnance sur incident devant le magistrat chargé de la mise en état en date du 18 mars 2025 sous le numéro de RG 23/10082, déclarant recevables les conclusions d'intimée déposées et notifiées par voie électronique par la société de droit anglais [P] Worldwide Manage Limited le 28 novembre 2024,

En conséquence :

- DÉCLARER recevables les conclusions d'intimée notifiées par [P] le 28 novembre 2024, soit avant l'expiration du délai de cinq mois fixé au 2 décembre 2024,

- DÉBOUTER Monsieur [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

En tout état de cause,

- CONDAMNER Monsieur [S] au paiement de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- CONDAMNER Monsieur [S] aux entiers dépens.

17. La cour renvoie à ces conclusions pour le complet exposé des moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

III.A Positions des parties

18. M. [S] fait grief à l'ordonnance déférée d'avoir retenu que la décision déclarant irrecevable l'appel mettait immédiatement fin à l'instance nonobstant le déféré si bien que le délai pour conclure de l'intimé était interrompu et ne reprenait, pour la durée initiale, qu'à compter du prononcé de l'arrêt statuant sur déféré et déclarant l'appel recevable, alors que :

- l'ordonnance déclarant irrecevable un appel ne met pas fin à l'instance ;

- selon la jurisprudence de la Cour de cassation, le déféré s'inscrit dans le déroulement de la procédure d'appel et n'ouvre pas une instance autonome, quel que soit le sens de l'ordonnance déférée ;

- le déféré n'est pas une voie de recours mais une voie de contestation de la décision du conseiller de la mise en état dont l'objet est de porter la connaissance de la solution adoptée par l'ordonnance devant la formation collégiale ;

- il faut, dès lors, considérer que l'instance d'appel ne peut s'éteindre par le prononcé de l'ordonnance du conseiller de la mise en état, l'effet extinctif étant repoussé à l'issue de l'examen de l'ordonnance par la formation collégiale ;

- l'instance étant indivisible, elle ne peut être maintenue pour certaines questions - les délais pour exercer le déféré - et considérée comme éteinte pour d'autres - les délais pour conclure ;

19. Il ajoute que ni l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du conseiller de la mise en état, ni la prétendue absence d'effet suspensif découlant du déféré ne permettent de justifier que l'instance prendrait fin dès le prononcé de l'ordonnance déclarant irrecevable l'appel, dès lors que :

- l'autorité de la chose jugée ne réalise pas l'extinction de l'instance mais empêche le renouvellement d'une demande déjà jugée ;

- l'effet suspensif, qui est attaché à une voie de recours et non à la décision, ne concerne que l'exécution des dispositions de cette dernière, il est indépendant de la question de savoir s'il a été ou non mis fin à l'instance.

20. Il considère que la solution donnée par l'arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 14 novembre 2019 invoqué par [P] n'est pas transposable dans la présente affaire, en ce que :

- cet arrêt ne reconnaît aucune règle d'interruption automatique des délais pour conclure en cas de déféré ;

- la référence à l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales implique une analyse de la proportionnalité de la sanction attaché au non-respect des délais pour conclure, une distinction devant être faite entre la situation de l'intimé et celle de l'appelant, ce dernier étant, en cas de sanction, privé de son droit d'appel ;

- en l'espèce, [P] étant intimée et ayant soulevé l'irrecevabilité de l'appel, lui accorder une dispense lui assurerait le bénéfice d'une extension du délai pour conclure, quelle que soit la décision de la cour d'appel sur la fin de non-recevoir.

21. Il invoque l'absence de textes prévoyant une interruption de l'instance ou des délais en cas de déféré.

22. Il expose enfin que :

- en application des délais des articles 909 et 911-2 du code de procédure civile, la société [P] pouvait remettre ses conclusions jusqu'au 6 février 2024, ses conclusions remises le 28 novembre 2024 sont donc irrecevables ;

- cette solution ne porte pas atteinte au principe de sécurité juridique dès lors que [P] avait connaissance des délais pour conclure et de la jurisprudence récente de la Cour de cassation relative à la continuité de l'instance ;

- les circonstances ne révèlent aucun obstacle pour la société [P] à adresser ses conclusions en réponse dans les délais impartis.

23. [P] conclut à la confirmation de l'ordonnance déférée en faisant valoir que :

- il résulte des articles 914, alinéa 3, et 916 anciens du code de procédure civile, applicables en l'espèce, que les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur l'irrecevabilité de l'appel ont autorité de la chose jugée au principal et mettent fin à l'instance ;

- la combinaison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du conseiller de la mise en état et de l'absence d'effet suspensif du déféré, et non chaque notion prise isolément, justifie l'interruption des délais par le déféré.

- la position de M. [S], qui se contredit et isole les étapes du raisonnement, est contraire aux textes, les jurisprudences qu'il invoque n'étant pas applicables au cas d'espèce ;

- le fait que le déféré n'ouvre pas de procédure autonome ne remet en cause ni les effets attachés à l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui statue sur l'irrecevabilité de l'appel, ni l'extinction de l'instance ;

- il n'y a pas lieu de distinguer entre la situation de l'appelant et celle de l'intimé.

24. Elle ajoute que :

- la procédure de déféré étant dénuée d'effet suspensif, ainsi qu'il résulte d'un arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation du 14 novembre 2019, l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur l'irrecevabilité de l'appel ne saurait être remise en cause ;

- le fait que le déféré ne crée pas de procédure autonome est sans lien avec l'interruption des délais pour conclure, laquelle résulte de l'absence d'effet suspensif du déféré qui fait obstacle à la remise en cause de l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du conseiller de la mise en état statuant sur l'irrecevabilité de l'appel ;

- au regard de l'extinction de l'instance subséquente aux ordonnances du 14 décembre 2023 et de l'absence d'effet suspensif de la procédure de déféré qui a suivi, les délais pour conclure n'ont pu que recommencer à courir pleinement à compter des arrêts rendus sur déféré.

25. Elle précise, sur le nouveau délai pour conclure à compter des arrêts infirmatifs rendus sur déféré, que :

- par son arrêt du 14 novembre 2019, confirmé par un arrêt du 13 février 2025, la 2e chambre civile de la Cour de cassation s'est clairement prononcée en faveur d'un nouveau délai pour conclure, au visa des articles 914 et 916 du code de procédure civile, et de l'article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, apportant par là une solution « réparatrice » au silence des textes ;

- la doctrine a approuvé cette solution qui a été reprise par des juges du fond ;

- une analyse contraire irait non seulement à l'encontre du droit positif français, mais encore à l'encontre de l'article 6§1 de la CEDH, laquelle prévoit que toute partie à le droit à ce que sa cause soit entendue « équitablement » et dans un « délai raisonnable » ;

- elle heurterait indéniablement le principe de sécurité juridique dans la mesure où elle conduit à reprocher à une partie de ne pas avoir conclu dans le cadre d'une instance éteinte, ce qui est inconcevable.

26. Elle en conclut que :

- les ordonnances du 14 décembre 2023 ayant déclaré l'appel de M. [S] irrecevable et mis fin à l'instance, ont interrompu les délais de la société [P] pour conclure,

- le point de départ du nouveau délai pour conclure correspond aux arrêts infirmatifs rendus sur déféré le 2 juillet 2024, de sorte qu'en application des articles 909 et 910-2 du code de procédure civile, le délai pour conclure de société [P] expirait le 2 décembre 2024 ;

- les conclusions soumises le 28 novembre 2024 sont donc recevables.

III.B Réponse de la cour

27. La cour relève, à titre liminaire, que la déclaration d'appel de M. [S] ayant été faite le 6 juin 2023, il y a lieu d'appliquer les textes du code de procédure civile dans leur version en vigueur à cette date. Les références suivantes seront donc prises et citées dans cette version.

28. Aux termes de l'article 908 de ce code, l'appelant dispose, à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour conclure.

29. Conformément à l'article 909, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

30. Selon l'article 914, dernier alinéa, les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 ont autorité de la chose jugée au principal.

31. En vertu de l'article 916, alinéa 2, ces ordonnances peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu'elles ont pour effet, notamment, de mettre fin à l'instance.

32. Lorsque l'appelant n'a pas encore conclu au jour où le conseiller de la mise en état prononce l'irrecevabilité de la déclaration d'appel, la Cour de cassation juge que l'ordonnance de ce conseiller, revêtue dès son prononcé de l'autorité de la chose jugée, a immédiatement mis fin à l'instance d'appel, de sorte que l'arrêt infirmatif de la cour d'appel, rendu à l'issue d'une procédure de déféré dénuée d'effet suspensif, s'il a anéanti l'ordonnance infirmée, n'a pu, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique découlant de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que faire à nouveau courir le délai pour conclure de l'article 908 du code de procédure civile, qui avait pris fin avec l'ordonnance déférée (2e Civ., 14 novembre 2019, pourvoi n° 18-23.631, publié, confirmé par 2e Civ., 13 février 2025, pourvoi n° 23-19.136, 23-17.606).

33. Contrairement à ce qu'affirme M. [S], rien ne justifie de réserver un sort différent à l'intimé, le délai pour conclure prévu à l'article 909 prenant pareillement fin avec l'ordonnance déférée, de sorte qu'un nouveau délai pour conclure court à compter de l'arrêt infirmatif de la cour d'appel statuant sur déféré.

34. Toute solution contraire méconnaîtrait l'effet immédiat de l'autorité de la chose jugée et l'absence d'effet suspensif du déféré, l'ordonnance du conseiller de la mise en état qui déclare l'appel irrecevable mettant fin à l'instance d'appel, pour tous, dès la date de son prononcé et ce, indépendamment de l'exercice d'un déféré. Elle placerait les parties sur un pied d'inégalité et serait source d'insécurité juridique, en imposant à une partie de conclure dans une procédure éteinte, le fait que le déféré ne crée par une procédure autonome étant à cet égard indifférent.

35. En l'espèce, les appels formés par M. [S] ont été déclarés irrecevables par ordonnances du conseiller de la mise en état du 14 décembre 2023.

36. En vertu des principes ci-avant rappelés, ces ordonnances ont mis fin à l'instance d'appel, de sorte qu'aucun obligation de conclure n'incombait plus aux parties à compter de cette date.

37. Par arrêts du 2 juillet 2024, la cour a infirmé les ordonnances d'incident du 14 décembre 2023 et a déclaré recevables les appels formés par M. [S].

38. Ces arrêts, dont les dispositifs se sont alors substitués à ceux des ordonnances du conseiller de la mise en état, produisant leurs effets à compter de la date de leur prononcé, ont fait courir un nouveau délai pour conclure de cinq mois, en vertu des articles 909 et 911-2 du code de procédure civile, [P] étant une société domciliée à l'étranger.

39. Ce délai expirant le 2 décembre 2024, les conclusions notifiées par [P] le 28 novembre 2024 sont donc recevables, ainsi qu'a justement jugé le conseiller de la mise en état.

40. L'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée sur ce point.

41. Si les circonstances à l'origine de l'incident pouvaient justifier le rejet de l'ensemble des demandes des parties relatives aux frais du procès, tel n'est plus le cas dans le cadre du présent déféré, la solution dégagée résultant clairement de la jurisprudence précitée de la Cour de cassation, qui avait fait l'objet d'une confirmation moins de deux mois avant que M. [S] exerce son déféré.

42. Le demandeur à l'incident, qui succombe en ses prétentions, sera en conséquence condamné aux entiers dépens, les demandes qu'il forme au titre de l'article 700 du code de procédure civile étant rejetées. Il sera en outre condamné à payer à [P] une somme totale de 15 000 euros sur le fondement du même article, pour l'ensemble des deux procédures.


Par ces motifs, la cour :

1) Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a débouté les parties de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chacune conservera la charge des dépens qu'elle a exposés dans le cadre du présent incident ;

En conséquence,

2) Déclare recevables les conclusions d'intimée notifiées par la société [P] Worldwide Manage Limited le 28 novembre 2024 ;

3) Déboute M. [R] [S] de l'ensemble de ses demandes ;

Statuant à nouveau,

4) Condamne M. [R] [S] aux dépens de l'incident ;

5) Condamne M. [R] [S] à payer à la société [P] Wolrdwide Manage Limited la somme totale de quinze mille euros (15 000,00 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile pour l'ensemble des deux procédures enregistrées sous les numéros de RG 23/10082 et 23/10083.

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