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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 16, 9 septembre 2025, n° 24/00774

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

REPUBLIQUE DU PEROU

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacques LE VAILLANT

Conseillers :

Mme Marie LAMBLING, Mme Joanna GHORAYEB

Avocats :

Me Matthieu BOCCON GIBOD, Me Diana PARAGUACUTO-MAHEO, Me Luca DE MARIA, Me Clément FOUCHARD, Me Mathilde ADANT, Me Erwan ROBERT

CA Paris n° 24/00774

8 septembre 2025

1. Dans une instance enrôlée sous le numéro de répertoire général 23/01082, la cour est saisie de recours en annulation formés par M. [R] [M], citoyen américain, contre une sentence partielle d'incompétence et une sentence finale sur les coûts rendues à [Localité 3], respectivement le 5 août 2022 et le 25 octobre 2022, sous l'égide de la Cour permanente d'arbitrage et du Règlement d'arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI), dans un litige l'opposant à la République du Pérou.

2. Le différend à l'origine de ces sentences porte sur la privation alléguée par M. [M] de ses attentes légitimes de participer à une négociation directe en vue d'obtenir un contrat pour effectuer des opérations de forage et d'extraction de pétrole dans les blocs pétroliers III et IV du bassin de Talara au Pérou.

3. Invoquant des faits de corruption ayant entaché la procédure d'appel d'offre international relatif à ce contrat d'exploitation, M. [M] a adressé une requête d'arbitrage à la République du Pérou le 13 février 2020, sur le fondement du chapitre 10 de l'Accord de libre-échange entre les États-Unis et le Pérou (ci-après désigné " l'USPTPA ") et de l'article 3 du règlement CNUDCI (procédure dite " [M] I ").

4. Par sentence partielle du 5 août 2022, le tribunal arbitral a rejeté les demandes de M. [M] en considérant que ce dernier n'avait pas accompagné sa requête d'arbitrage d'une renonciation valide à son droit de soumettre le différend concerné à d'autres juridictions ou modes alternatifs de règlement des différends tel que requis par l'USPTPA, statuant en ces termes :

"(i) finds that the Claimant has failed to comply with the requirement of Article 10.18.2(b) of the USPTPA by not providing a compliant waiver within the deadline specified in Article 10.16.4 of the USPTPA;

(ii) finds that the Claimant has failed to establish the requirements for the Respondent's consent to arbitrate under the USPTPA;

(iii) rejects the Claimant's request for leave to amend his Notice of Arbitration in order to attempt to cure his defective waiver;

(iv) dismisses the Claimant's claims for lack of jurisdiction; and

(v) reserves the issue of costs pending receipt of the submissions from the Parties, after which the Tribunal will render a Final Award."

5. Dans sa sentence finale du 25 octobre 2022, le tribunal arbitral a statué sur les coûts de la procédure arbitrale comme suit :

"(i) declares that the Claimant shall bear two-thirds of the costs claimed by the Respondent in connection with these proceedings;

(ii) accordingly, orders the Claimant to reimburse USD 1,029,080.18 to the Respondent towards its costs in this arbitration, together with annually-compounded interest at the rate of 1 % above the 6-month LIBOR commercial lending rate for US dollars and, if this Award has not been fully satisfied by the Claimant as of the date of discontinuance of publication of LIBOR rates, interest will continue to accumulate at 1% above the rate last published prior to discontinuance of publication of LIBOR;

(iii) directs the Parties to indicate no later than Wednesday, November 9, 2022 whether they wish to designate any information contained in this Final Award on Costs as confidential or protected information in accordance with the UNCITRAL Transparency Rules and Article 10.21 of the Treaty prior to the publication of this Final Award, for which purpose the Tribunal shall remain constituted; and

(iv) dismisses all other requests for relief."

6. Le 22 décembre 2022, M. [M] a saisi la cour d'appel de Paris d'un recours en annulation tendant à obtenir l'annulation partielle de la sentence partielle du 5 août 2022 et l'annulation totale de la sentence finale sur les frais de l'arbitrage du 25 octobre 2022.

7. Précédemment, le 16 août 2022, M. [M] avait déposé une nouvelle requête d'arbitrage portant sur les mêmes faits et ayant les mêmes fondements (procédure dite " [M] II ").

8. Par conclusions d'incident du 2 avril 2024, M. [M] a saisi le magistrat chargé de la mise en état de demandes visant, à titre principal, à voir la cour déclarée incompétente pour se prononcer sur les objections à la compétence soulevées par le Pérou dans ses conclusions en défense du 8 décembre 2023 et, à titre subsidiaire, à voir déclarée irrecevable l'objection à la compétence résultant de la non-attribution des mesures de PeruPetro au Pérou.

9. Par ordonnance sur incident du 21 novembre 2024, le magistrat chargé de la mise en état a :

Déclaré la cour d'appel incompétente pour se prononcer sur les fondements d'incompétence débattus devant le tribunal arbitral composé de M. [E] [T], nommé par M. [M], M. [V] [G], nommé par le Pérou, et présidé par l'honorable juge David [C] ;

2) Renvoyé l'affaire à la mise en état du 21 janvier 2025 à 13h pour arrêter un nouveau calendrier de procédure, sous réserve d'un éventuel déféré ;

3) Condamné la République du Pérou à verser à M. [R] [M] la somme de trente mille euros (30 000,00 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

4) Condamné la République du Pérou aux dépens de l'incident.

10. La République du Pérou a déféré cette ordonnance à la cour par requête le 4 décembre 2024.

11. Le déféré a été plaidé à l'audience du 4 février 2025 et par arrêt du 1er avril 2025, la cour a ordonné la réouverture des débats invitant les parties à :

- Faire valoir leurs observations sur les questions suivantes :

1) La question posée par M. [M] dans le cadre de son incident de procédure est-elle indépendante du moyen d'annulation de la sentence arbitrale partielle du 5 août 2022 qu'il soulève à titre principal dans son recours en annulation ou ne se pose-t 'elle qu'à la condition que soit opérée par le juge du contrôle de la sentence une requalification en moyen d'irrecevabilité du moyen examiné par le tribunal arbitral tiré de la soumission d'une renonciation à recours non conforme et qualifié par lui de moyen d'incompétence '

2) L'exception de procédure soumise au conseiller de la mise en état par M. [M] par conclusions d'incident du 2 avril 2024 a-t-elle la nature d'une exception d'incompétence alors qu'elle tend, prima facie, avant qu'il ne soit statué sur le mérite du recours en annulation par la cour d'appel, à restreindre le domaine de la saisine de la cour, en excluant des moyens d'incompétence du tribunal arbitral ayant rendu la sentence critiquée du 5 août 2022 du champ de son contrôle du pouvoir juridictionnel de ce dernier, et alors que l'exception présentée n'a pas elle-même pour fondement l'absence ou la nullité d'une convention d'arbitrage '

- Faire valoir leurs observations, en considération de la possible réponse à ces deux questions posées aux parties et en application des articles 16, 444, 907 opérant un renvoi aux articles 780 à 807, 914 et 916 du code de procédure civile, la cour invite les parties à faire valoir leurs observations sur la compétence du conseiller de la mise en état, et donc de la cour statuant sur déféré de son ordonnance du 21 novembre 2024, pour connaître du moyen d'incompétence de la cour d'appel saisie d'un recours en annulation à l'encontre de la sentence arbitrale partielle du 5 août 2022 présenté par conclusions d'incident de M. [M] du 2 avril 2024.

12. L'affaire a été appelée à nouveau à l'audience du 3 juin 2025.

13. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2025, la République du Pérou demande à la cour, au visa des articles 700, 789, 907, 914, 916, 1448, 1465, 1518, 1519, 1520 du code de procédure civile, de bien vouloir :

Infirmer l'ordonnance du Conseiller de la mise en état en date du 21 novembre 2024 (RG 23/01082) en ce qu'elle :

- Déclare la Cour d'appel incompétente pour se prononcer sur les fondements d'incompétence débattus devant le tribunal arbitral composé de M. [E] [T], nommé par M. [M], M. [V] [G], nommé par le Pérou, et présidé par l'honorable juge David [C] ;

- Renvoie l'affaire à la mise en état du 21 janvier 2025 à 13h pour arrêter un nouveau calendrier de procédure, sous réserve d'un éventuel déféré ;

- Condamne la République du Pérou à verser à M. [R] [M] la somme de trente mille euros (30.000,00 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la République du Pérou aux dépens de l'incident ;

Statuant à nouveau,

- Rejeter l'intégralité des demandes formulées par M. [M] ;

- Déclarer la Cour d'appel compétente pour se prononcer sur les fondements d'incompétence débattus devant le tribunal arbitral composé de M. [E] [T], nommé par M. [M], M. [V] [G], nommé par le Pérou, et présidé par l'honorable juge David [C] ;

- Fixer un nouveau calendrier de procédure permettant aux parties d'échanger de nouvelles écritures au fond ;

A titre subsidiaire, dans le cas où la Cour considérerait que la fin de non-recevoir soulevée par M. [M] nécessite que soit tranchée au préalable la question au fond et déciderait de statuer sur les deux questions :

- Renvoyer l'affaire devant la formation de jugement ;

En tout état de cause,

- Condamner M. [M] à verser à la République du Pérou la somme de 30 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner M. [M] aux entiers dépens de l'incident et du déféré, dont distraction au profit de la SELARL LX [Localité 3]-VERSAILLES-REIMS.

14. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 mai 2025, M. [R] [M] demande à la cour, au visa des articles 700, 916, 1448, 1465, 1506 et 1520 du code de procédure civile, de la sentence partielle rendue le 5 août 2022 et la sentence finale rendue le 25 octobre 2022 et de l'ordonnance du 21 novembre 2024 du conseiller de la mise en état, de bien vouloir :

A titre principal :

- Rejeter le déféré formé par la République du Pérou le 4 décembre 2024 ;

- Confirmer l'Ordonnance du Conseiller de la Mise en Etat du 21 novembre 2024 ;

En tout état de cause

- Dire le Conseiller de la Mise en État compétent pour trancher l'exception d'incompétence soulevée par M. [M] sur le fondement de l'article 1448 du code de procédure civile ;

- Rejeter toutes les demandes de la République du Pérou ;

- Condamner la République du Pérou à verser à M. [R] [M] la somme de 30 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens de l'instance.

15. La cour renvoie à ces conclusions pour le complet exposé des moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

A. Exposé préalable de l'objet du déféré

16. L'incident soulevé par M. [M] par conclusions adressées au conseiller de la mise en état le 4 avril 2024 a pour objet de demander à celui-ci, et à présent à la cour à laquelle l'ordonnance de ce dernier du 21 novembre 2024 a été déférée, de statuer sur la question suivante : la cour d'appel, saisie d'un recours en annulation à l'encontre d'une sentence arbitrale ([M] I) au motif que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort incompétent, est-elle compétente pour connaître des moyens d'incompétence soumis au tribunal arbitral mais non examinés par lui dès lors que celui-ci s'est déclaré incompétent sur un unique moyen, à savoir le fait que le demandeur à l'arbitrage n'avait pas remis en temps utile une renonciation valide à son droit de soumettre le différend à d'autres juridictions ou modes alternatifs de règlement tel que requis par l'article 10.18.2(b) du traité USPTPA, alors qu'une deuxième procédure d'arbitrage ([M] II) est en cours entre les mêmes parties, sur les mêmes faits et pour les mêmes demandes devant un nouveau tribunal arbitral saisi par une demande d'arbitrage à laquelle a été associée une nouvelle renonciation à recours telle que requise par l'article 10.18.2(b) du traité USPTPA et dans le cadre de laquelle sont à nouveau soulevés par la République du Pérou les moyens d'incompétence qui n'avaient pas été examinés par le premier tribunal arbitral ' Y a-t-il, dans cette situation, incompétence de la juridiction étatique en application du principe compétence-compétence et de la priorité donnée au tribunal arbitral pour statuer sur sa compétence '

B. Sur la compétence du conseiller de la mise en état pour connaître de l'incident soulevé par M. [M]

i. Enoncé des moyens

17. M. [M] fait valoir que l'incident qu'il a soulevé porte sur la compétence de la cour d'appel pour se prononcer sur des moyens d'incompétence du tribunal arbitral qui sont soulevés par la République du Pérou et déjà soumis à un nouveau tribunal arbitral ([M] II) parmi lesquels n'est pas compris l'unique moyen qui fonde le recours en annulation qu'il a formé à l'encontre de la sentence arbitrale rendue le 5 août 2022, à savoir le défaut de remise d'une renonciation valable à toute autre voie de recours que l'arbitrage, sa nature et la possibilité d'une régularisation en cours d'instance arbitrale, de sorte qu'il n'existe pas de lien entre le moyen d'annulation dont est saisie la cour d'appel et les moyens d'incompétence du tribunal arbitral présentés devant elle par la République du Pérou.

18. M. [M] en déduit que la compétence de la cour d'appel pour connaître des moyens d'incompétence du tribunal arbitral présentés devant elle par la République du Pérou, déjà soumis par ailleurs à un tribunal arbitral saisi par une nouvelle demande d'arbitrage de sa part, ne dépend pas, au vu du principe compétence-compétence, de la position qui sera adoptée par la cour d'appel sur la question du défaut de remise d'une renonciation valable à toute autre voie d'action dans la première instance arbitrale dite [M] I.

19. Il précise que l'incident qu'il soulève est fondé sur l'effet négatif du principe compétence-compétence énoncé à l'article 1448 du code de procédure civile, qui doit recevoir pleine application dès lors qu'un tribunal arbitral est déjà saisi et doit se prononcer en priorité sur sa compétence, de sorte que la cour statuant en déféré de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 21 novembre 2024, est bien saisie d'une exception d'incompétence.

20. M. [M] en déduit que le conseiller de la mise en état est seul compétent pour en connaître et que cette exception de procédure ne peut, par nature, avoir pour effet de restreindre le domaine de la saisine de la cour d'appel, qui, en l'espèce, est saisie d'un recours en annulation contre deux sentences arbitrales dont l'étendue est uniquement déterminée par la déclaration de saisine et les conclusions du demandeur au recours. Il en conclut que l'accueil de l'exception d'incompétence ne modifierait en rien le périmètre de saisine de la cour d'appel qui aurait toujours à statuer sur la compétence du premier tribunal arbitral au regard de l'unique moyen qu'il a examiné, tiré de l'irrégularité de la renonciation à recours.

21. Enfin, M. [M] soutient qu'en cas de sentence arbitrale d'incompétence, l'enjeu pratique d'un contrôle plein de la part du juge du contrôle de la régularité de la sentence disparaît puisque le tribunal arbitral qui s'est prononcé ainsi ne peut en toutes hypothèses être reconstitué.

22. Pour sa part, la République du Pérou fait valoir que l'incident soulevé par M. [M] porte sur le pouvoir juridictionnel de la cour d'appel de connaître d'autres objections à l'incompétence du tribunal arbitral que l'unique objection retenue par le premier tribunal dans l'arbitrage [M] I, à savoir celle tenant à l'absence de renonciation valide à toute autre voie d'action, lesquelles n'auront vocation à être examinées par la cour d'appel dans le cadre du recours en annulation dont elle est saisie que dans l'hypothèse où l'objection retenue par les arbitres ne serait pas considérée par la cour d'appel comme une objection valable à la compétence arbitrale, pour quelque motif que ce soit.

23. La République du Pérou soutient que, dans le cas d'une sentence d'incompétence, comme en l'espèce, il appartient au juge de l'annulation de vérifier, dans le cadre d'un contrôle plein et entier, que le tribunal arbitral était effectivement incompétent et donc de s'assurer qu'au moins une des conditions de la compétence arbitrale faisait défaut.

24. Elle en déduit que l'examen des moyens supplémentaires d'incompétence relève de l'office de la cour d'appel en tant que juge de l'annulation de la sentence d'incompétence et que l'incident soulevé par M. [M] tend dès lors à restreindre le domaine de la saisine de la cour d'appel.

25. La République du Pérou fait valoir que le défaut de pouvoir juridictionnel constitue une fin de non-recevoir et non une exception de procédure qui relève également de la compétence du magistrat de la mise en état en application de l'article 789 du code de procédure civile applicable par renvoi opéré par l'ancien article 907 de ce code.

ii. Appréciation de la cour

26. L'article 1527, 1er alinéa du code de procédure civile dispose que : " L'appel de l'ordonnance ayant statué sur l'exequatur et le recours en annulation de la sentence sont formés, instruits et jugés selon les règles relatives à la procédure contentieuse prévues aux articles 900 à 930-1 du code de procédure civile. "

27. Il résulte de l'application combinée des articles L.311-1, L.312-1 et L.312-2 du code de l'organisation judiciaire que la cour d'appel, en sa formation collégiale, statue souverainement sur le fond des affaires.

28. Dans le cadre de la procédure ordinaire d'appel avec représentation obligatoire, à moins qu'il ne soit fait application de l'article 905 du code de procédure civile, un magistrat de la chambre à laquelle l'affaire est distribuée contrôle l'instruction de l'affaire.

29. Cette attribution spécifique du magistrat chargé de la mise en état s'exerce au moyen de pouvoirs définis limitativement par l'article 907, opérant un renvoi subordonné aux articles 780 à 807, et par l'article 914 du code de procédure civile, pris dans leur rédaction en vigueur à la date de la déclaration de saisine déposée par M. [M] le 22 décembre 2022.

30. Il découle de l'ensemble des dispositions susvisées que le conseiller de la mise en état a seulement compétence pour statuer sur les fins de non-recevoir touchant à la procédure d'appel.

31. En l'espèce, M. [M] a formé un recours en annulation à l'encontre de la sentence arbitrale partielle sur la compétence du 5 août 2022 fondé uniquement sur le cas d'ouverture d'annulation prévu à l'article 1520, 1° du code de procédure civile, demandant donc à la cour d'appel de dire que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort incompétent.

32. Dans le cadre du présent déféré, M. [M] rappelle qu'il demande à titre principal au juge de l'annulation de dire que le tribunal arbitral s'est déclaré à tort incompétent en retenant que la condition de renonciation prévue à l'article 10.18(2) de l'USPTPA était une condition à l'existence du consentement de la République du Pérou à l'arbitrage alors qu'il s'agirait en réalité d'une condition de recevabilité de la demande d'arbitrage et, à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel considérait que cette renonciation était une condition préalable à l'existence du consentement du Pérou à l'arbitrage, de dire que le tribunal arbitral, saisi de la question de sa compétence, avait le pouvoir de prendre en compte la seconde renonciation qu'il a régularisée en cours d'instance arbitrale et qu'il aurait dû constater alors que les conditions de sa compétence étaient remplies.

33. Il en résulte que M. [M] demande au juge de l'annulation d'exercer un contrôle plein de la sentence arbitrale en cause en procédant à une nouvelle qualification du moyen d'incompétence retenu par la majorité des arbitres, avec une opinion dissidente du président du tribunal arbitral, pour retenir à l'inverse la qualification de moyen d'irrecevabilité de la demande d'arbitrage.

34. Or la question posée au conseiller de la mise en état, puis à la cour statuant sur déféré de son ordonnance du 21 novembre 2024, à savoir celle de la compétence de la cour d'appel saisie d'un recours en annulation à l'encontre de la sentence partielle sur la compétence du 5 août 2022 pour connaître des moyens d'incompétence du tribunal arbitral qui avaient été présentés par la République du Pérou mais qui n'ont pas été examinés par lui dès lors qu'il s'est déclaré incompétent sur le seul moyen tiré du défaut de validité de la renonciation à toute autre voie d'action que l'arbitrage qui avait été remise par M. [M], affecte en réalité le pouvoir juridictionnel du juge de l'annulation, en ce qu'elle ne peut recevoir de réponse qu'après une décision au fond du juge de l'annulation sur le mérite d'une requalification du moyen d'incompétence retenu par le tribunal arbitral, sur les conséquences susceptibles d'en résulter et, en l'absence de requalification, sur l'étendue du contrôle à opérer de l'incompétence alléguée du tribunal arbitral.

35. Si l'exception tirée de l'existence d'une convention d'arbitrage prévue à l'article 1448 du code de procédure civile est régie par les dispositions de ce code qui gouvernent les exceptions de procédure, le présent incident ne peut y être assimilé puisqu'il a pour finalité non d'exclure la compétence de la cour d'appel en raison de la règle procédurale de priorité mais de déterminer l'étendue du contrôle opéré par le juge de l'annulation de l'incompétence retenue par un tribunal arbitral pour statuer sur la demande d'arbitrage dont il était saisi.

36. L'incident est donc bien afférent au pouvoir de contrôle du juge de l'annulation qu'il n'appartient pas au conseiller de la mise en état de définir puisque seul est en cause l'office de la cour d'appel saisie d'un recours en annulation à l'encontre d'une sentence arbitrale rendue sur la compétence.

37. Par suite, l'incident soulevé par M. [M] ne porte pas sur une exception d'incompétence de la cour d'appel mais sur l'étendue du pouvoir juridictionnel du juge du contrôle de la régularité de la sentence arbitrale du 5 août 2022. Il porte donc sur une fin de non-recevoir.

38. Celle-ci, qui n'est pas fondée sur un moyen strictement lié aux règles gouvernant la procédure d'appel applicables au recours en annulation d'une sentence arbitrale en application de l'article 1527, 1er alinéa du code de procédure civile mais affecte l'office de la cour, ne relève pas de la compétence d'attribution limitée du conseiller de la mise en état et l'ordonnance déférée sera donc infirmée en ce qu'elle a déclaré la cour d'appel incompétente pour se prononcer sur les fondements d'incompétence débattus devant le tribunal arbitral constitué dans la procédure d'arbitrage dite [M] II.

C. Sur les frais de l'incident et du déféré

39. Compte tenu du sens de la présente décision, l'ordonnance déférée sera également infirmée en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure prévue à l'article 700 du code de procédure civile.

40. Echouant en ses demandes, M. [M] sera condamné aux dépens de l'incident et du déféré en application des articles 695 et 696 du code de procédure civile, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la Selarl LX [Localité 3]-Versailles-Reims.

41. Pour ce motif, M. [M] sera débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer, sur ce fondement, la somme de trente mille euros (30 000 euros) à la République du Pérou.

1) Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

2) Déclare le conseiller de la mise en état incompétent pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel de la cour d'appel à connaître des fondements d'incompétence soulevés par la République du Pérou par conclusions notifiées le 8 décembre 2023 et par ailleurs débattus devant le second tribunal arbitral composé de M. [E] [T], nommé par M. [M], M. [V] [G], nommé par le Pérou, et présidé par l'honorable juge David [C],

3) Condamne M. [R] [M] aux dépens de l'incident et du déféré, dont distraction au profit de la Selarl LX [Localité 3]-Versailles-Reims en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

4) Déboute M. [R] [M] de ses demandes formées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile ;

5) Condamne M. [R] [M] à payer la somme de trente mille euros (30 000,00 euros) à la République du Pérou, représentée par le ministère de l'économie et des finances, commission spéciale représentant l'Etat dans les différends internationaux en matière d'investissement, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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