CA Paris, Pôle 6 - ch. 10, 25 septembre 2025, n° 22/03871
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2025
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03871 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFOM4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 21/00143
APPELANTE
Association AGS-CGEA ILE DE FRANCE EST
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350
INTIMES
Madame [Y] [G]
[Adresse 3]
[Localité 5]/FRANCE
Représentée par Me Nathalie DAHAN AOUATE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : A0725
Maître [U] [B] es qualité de mandataire judiciaire-liquidateur de l'Association [Adresse 8]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Armelle PHILIPPON MAISANT, avocat au barreau de PARIS, toque : J055
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile,
l'affaire a été débattue le 28 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre
Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre
Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
- contradictoire
- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre, Président et par Sonia BERKANE,Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [Y] [G] a été engagée, à compter du 28 septembre 2007, suivant contrat écrit à temps plein, en qualité d'auxiliaire de vie, par l'association Amicale de la résidence Saint Jacques.
L'association emploie plus de 11 salariés.
La convention collective applicable est celle de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile.
Dans le dernier état des relations contractuelles régies par le code du travail, la salariée percevait une rémunération mensuelle brute de 1 726,91 euros, pour une durée de 151,67 heures mensuelles.
Par jugement du 9 mai 2019, le tribunal judiciaire d'Evry a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de l'association et a désigné Maître [O] en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [B] en qualité de mandataire judiciaire.
Le 17 novembre 2020, l'association [Adresse 7] a convoqué
Mme [G] à un entretien préalable à sanction fixé au 26 novembre et lui a notifié sa mise à pied conservatoire.
Par courrier du 2 décembre 2020, Mme [G] a été licenciée pour faute grave.
Le 11 décembre 2020, Mme [G] a contesté son licenciement par courrier recommandé.
Le 2 mars 2021, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau en contestation de son licenciement.
Par jugement du 4 mars 2021, le tribunal judiciaire d'Evry a prononcé la liquidation judiciaire de l'association et a nommé Maître [B] en qualité de liquidateur.
Le conseil de prud'hommes de Longjumeau a statué le 7 février 2022, comme suit :
- requalifie le licenciement de Mme [F] [G] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse
- fixe la créance de Mme [F] [G] au passif de la liquidation judiciaire de l'association Amicale de la résidence Saint Jacques, prise en la personne de Maître [U] [B], agissant en qualité de mandataire liquidateur, aux sommes suivantes :
* 19 859,47 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 2 000 euros au titre des dommages et intérêt pour manquement à l'obligation de sécurité
* 6 187,68 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
* 3 453,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 345,38 euros au titre des congés payés afférents
- ordonne à Maître [B] mandataire liquidateur, de remettre à la salariée les documents de rupture du contrat de travail ainsi qu'un bulletin de salaire conforme à la décision
- ordonne l'emploi des dépens en frais de liquidation y compris les actes éventuels d'exécution par voie d'huissier de justice en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 8 mars 2001 portant la tarification des actes d'huissier
- rappelle qu'en application de l'article R.1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois de salaire
- déclare le jugement opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA IDF EST, dans la limite de ses obligations légales et du plafond
- rappelle que sa garantie interviendra sur présentation par le mandataire judiciaire d'un relevé de créances et d'un justificatif d'absence de fonds disponibles permettant leur paiement
- fixe au passif de la liquidation judiciaire de l'association [Adresse 7], prise en la personne de Maître [U] [B], agissant ès qualité de mandataire liquidateur, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamne Maître [U] [B], mandataire liquidateur de l'association Amicale de la résidence Saint Jacques, aux entiers dépens, y compris aux actes éventuels de procédure d'exécution par voie d'huissier de justice par application des articles 10 et 12 de la loi du 8 mars 2001
- déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Le 15 mars 2022, l'AGS CGEA ILE DE FRANCE EST a relevé appel de la décision dont elle a reçu notification le 23 février 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées par RPVA le 17 décembre 2024, l'AGS demande à la cour de :
- infirmer la décision dont appel en l'ensemble de ces dispositions
- la mettre hors de cause ou à tout le moins, dire irrecevable l'ensemble des demandes à son encontre, faute de demande à son encontre, dans les formes requises par la loi
Subsidiairement,
- déclarer, les éventuelles créances de rupture de Mme [G] inopposables tant à la procédure collective, qu'à l'AGS CGEA
Très subsidiairement,
- débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes
Très subsidiairement, sur la garantie,
- dire que l'AGS ne devra sa garantie au titre des créances visées aux articles L.3252-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et suivants et L.3252-17 du code du travail
- limiter l'éventuelle l'exécution provisoire, à supposer qu'intervienne une fixation de créances, aux hypothèses prévues aux articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail
- rappeler que la somme éventuellement due au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le remboursement des frais d'huissier, ainsi qu'une éventuelle astreinte, qu'elle soit ou non liquidée n'entrent pas dans le champ de la garantie de l'AGS
- condamner Mme [G] en tous les dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées par RPVA le 8 juillet 2022, Mme [Y] [G], demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes
- confirmer intégralement le jugement du conseil de prud'hommes de Longjumeau en date du 7 février 2022 en ce qu'il a :
* déclaré le licenciement de Mme [Y] [G] dépourvu de cause réelle et sérieuse
* inscrit au passif de l'Association [Adresse 7] la créance de 19 859,47 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* inscrit au passif de l'Association Amicale de la résidence Saint Jacques la créance de 2 000 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité
* inscrit au passif de l'Association [Adresse 7] la créance de 6 187,68 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
* inscrit au passif de l'Association Amicale de la résidence Saint Jacques la créance de 3 453,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* inscrit au passif de l'Association [Adresse 7] la créance de 345,38 euros au titre des congés payés afférents
* ordonné à Maître [B], mandataire liquidateur, de remettre à la salariée les documents de rupture du contrat de travail ainsi qu'un bulletin de salaire conforme à la décision
* déclaré le jugement opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA IDF EST
* inscrit au passif de l'Association [Adresse 7] la créance de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
* condamné Maître [B], mandataire liquidateur, aux entiers dépens
- débouter l'UNEDIC délégation AGS CGEA IDF EST de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- fixer au passif de la liquidation de l'Association [Adresse 7] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées par RPVA le 20 juillet 2022, Maître [U] [B], ès-qualités de mandataire judiciaire-liquidateur de l'association Association Amicale de la résidence Saint Jacques, demande à la cour de :
- déclarer irrecevables les demandes tendant à la condamnation de l'Association [Adresse 7] et/ou les organes de la procédure au paiement d'une somme d'argent
- déclarer que les éventuelles créances ne pourront faire l'objet, le cas échéant, que d'une fixation au passif du redressement judiciaire
Statuant sur le fond,
- lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur l'appel interjeté par l'AGS CGEA concernant sa demande de mise hors de cause
- infirmer le jugement entrepris en ce qui concerne le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [G] de sa demande présentée à hauteur de 19 859,47 euros
- fixer au passif l'indemnité à 3 mois de salaire soit 5 180,73 euros
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [G] en sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents
- vu l'article L.622-28 du code de commerce, débouter Mme [G] en sa demande tendant à voir assortir ses créances des intérêts au taux légal
- juger que les créances éventuellement fixées au passif de la liquidation judiciaire seront garanties par l'AGS et ce dans la limite des plafonds applicables.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 15 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'irrecevabilité des demandes à l'encontre de l'AGS CGEA
Aux termes de l'article R.1452-2 du code du travail, la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes.
Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 58 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci.
L'article 70 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
L'AGS soutient qu'il résulte des articles R.1452-2, R.1452-3, R.1452-4 et R.1453-5 que la procédure devant le conseil de prud'hommes est devenue une procédure écrite et que le demandeur est lié par les demandes formulées lors de la saisine du conseil sans pouvoir les modifier ou en modifier le fondement. Elle indique qu'elle a été convoquée avec en annexe de la convocation une requête qui ne comportait aucune demande à son encontre ou à l'encontre de la liquidation. Elle soutient que les demandes à son encontre sont nouvelles et à ce titre irrecevables.
Mme [G] fait valoir que le conseil de prud'hommes de Longjumeau a convoqué par voie de requête tant l'AGS que le mandataire liquidateur. Elle expose que la requête comportait des demandes de condamnation à l'encontre de l'association et que dès le premier jeu de conclusions, elle a formé des demandes d'inscription au passif de ses créances et de garantie de l'AGS. Elle soutient qu'il s'agit de demandes additionnelles recevables.
Maître [B] s'en rapporte à l'appréciation du conseil sur le moyen soulevé par l'AGS.
La cour retient que les demandes de fixation au passif et de garantie de l'AGS se rattachent aux demandes initiales par un lien suffisant. Les demandes à l'encontre de l'AGS sont recevables. Il n'y a donc pas lieu de la mettre hors de cause.
Sur l'obligation de sécurité
Aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L'AGS rappelle qu'il appartient au salarié d'apporter la preuve du préjudice subi pour en obtenir la réparation et que le salarié défaillant à justifier d'un préjudice doit être débouté.
Mme [G] expose que le comportement dangereux, violent et imprévisible du résident impliqué dans l'incident du 16 novembre était notoire et qu'il a été dénoncé par les salariés dans un courrier adressé à l'association le 20 novembre. Elle indique souffrir depuis l'incident d'anxiété et de stress post traumatique nécessitant la prise d'un traitement.
Maître [B] ne remet pas en cause le jugement de première instance sur ce point et ne présente aucune observation.
La cour retient que ni l'AGS ni le liquidateur ne dénient le comportement du résident impliqué ni la connaissance par l'employeur de sa dangerosité, l'AGS se bornant à soutenir que Mme [G] ne justifie pas de son préjudice. La cour relève que Mme [G] produit plusieurs pièces médicales qui établissent qu'elle a subi anxiété et stress post traumatique à la suite de l'incident. L'employeur ne fait état d'aucune mesure prise pour préserver la santé de ses salariés.
Les premiers juges ont fait une juste évaluation du préjudice subi par Mme [G]. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l'opposabilité du licenciement aux organes de la procédure
L'article L.622-3 du code de commerce dispose que le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur.
En outre, sous réserve des dispositions des articles L.622-7 et L.622-13, les actes de gestion courante qu'accomplit seul le débiteur sont réputés valables à l'égard des tiers de bonne foi.
Le licenciement disciplinaire, qui n'est pas un acte de gestion courante, prononcé sans l'assistance de l'administrateur judiciaire chargé d'assister le débiteur pour tous les actes de gestion est inopposable à la procédure collective, sauf s'il est ratifié par l'administrateur ou le liquidateur.
L'AGS soutient que le licenciement pour faute grave n'est pas un acte de gestion courante et que l'association ne pouvait y procéder seule sans l'assistance de l'administrateur. Elle rappelle que la rupture du contrat de travail est intervenue le 2 décembre 2020 alors que l'association était placée en redressement judiciaire depuis le 9 mai 2019. Par conséquent, l'AGS sollicite que les éventuelles créances de rupture de Mme [G] soient déclarées inopposables à la procédure collective et à l'AGS.
Mme [G] précise qu'elle n'a jamais été avertie du placement en redressement judiciaire de l'association et que celle-ci n'étant pas inscrite au registre du commerce et des sociétés, son conseil n'a pas pu vérifier sa situation. Elle fait valoir que si son employeur a procédé à son licenciement sans en avertir l'administrateur judiciaire, ce dernier a commis une faute qui ne saurait lui être opposée dès lors que sa bonne foi est présumée.
Maître [B] rappelle que le juge dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation pour apprécier si l'acte accompli seul par le débiteur a fait l'objet d'une ratification et s'en rapporte sur la recevabilité et le bien-fondé du moyen d'inopposabilité soulevé par l'AGS.
La cour retient que le licenciement n'est pas un acte de gestion courante de sorte que la bonne foi de Mme [G] est indifférente. La cour relève que Maître [B] ne sollicite pas l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé les créances de Mme [G] au passif de la société et ne remet en cause que le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le principe de l'indemnité de préavis faisant valoir que Mme [G] était en arrêt de travail et n'aurait en conséquence pas pu exécuter son préavis. Il s'en déduit que le liquidateur a implicitement ratifié le licenciement. Les éventuelles créances de Mme [G] sont donc opposables à la liquidation de l'association et à l' AGS.
Sur le licenciement
En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être motivé.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible immédiatement le maintien du salarié dans l'entreprise.
Il appartient à l'employeur d'apporter la preuve de la gravité des faits fautifs retenus et de leur imputabilité au salarié.
La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, est ainsi rédigée :
« Pour rappel, vous occupez le poste d'aide médico-psychologique, depuis le 28/09/2007, au sein de l'association AMICALE SAINT JACQUES, dont l'objet est d'offrir des services et aide à domicile aux personnes âgées dépendantes ou handicapées.
Lors de l'entretien, nous vous avons exposés les faits reprochés et vous avez eu la possibilité de vous expliquer sur les faits, à savoir que votre comportement est inadapté et non professionnel, ce qui constitue une faute :
Monsieur [K] [T] [M], dit avoir été agressé par vous le 16/11/2020. Vous lui avez porté des coups violents à la joue gauche, au cou à droite et à gauche lui provoquant d'importants hématomes. Il a aussi été constaté une plaie au 4ème doigt gauche. Vous l'avez frappé violemment, et avez même utilisé votre chaussure pour le taper. Cette violence est inacceptable vis-à-vis de personnes vulnérables.
Nous ne pouvons admettre qu'un salarié soit aussi maltraitant envers des résidents et perturbe le bon fonctionnement de notre association.
Dans ces conditions, nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave. »
Mme [G] fait valoir que la faute grave n'est pas établie, pas plus que la cause réelle et sérieuse de son licenciement.
L'AGS ne présente pas d'observation sur le principe du licenciement pour une faute grave ou pour cause réelle et sérieuse.
Maître [B] indique qu'il ne peut que s'en rapporter à justice sur la demande de la salariée dans la mesure où il ne dispose d'aucune pièce pour justifier des faits invoqués dans la lettre de licenciement.
En l'absence de tout élément de preuve établissant la réalité de la faute reprochée à Mme [G], la cour confirme le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement
Tant l'AGS que Maître [B] sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation de l'association une indemnité au titre du préavis. Ils soutiennent que dès lors que Mme [G] était en arrêt de travail à compter du 18 novembre 2020, elle n'aurait pas pu effectuer son préavis.
Mme [G], se prévalant de l'article 26 de la convention collective fixant l'indemnité de préavis à 2 mois pour les salariés non-cadres justifiant de deux années au moins d'ancienneté, sollicite la confirmation du jugement de première instance.
La cour rappelle que lorsque la faute grave est écartée, l'employeur est nécessairement débiteur de l'indemnité compensatrice de préavis, sans qu'il y ait lieu de vérifier si le salarié pouvait ou non l'exécuter dès lors que l'inexécution du préavis résulte en ce cas de la décision de l'employeur de le priver du préavis.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation de l'association l'indemnité compensatrice de préavis.
Aucune des parties ne remet en cause le montant fixé au titre de l'indemnité légale de licenciement.
En ce qui concerne l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, tant l'AGS que Maître [B] sollicitent qu'elle soit fixée à trois mois de salaire.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail, Mme [G] qui comptait treize ans d'ancienneté dans une entreprise employant plus de onze salariés, peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 11,5 mois de salaire.
Compte tenu de son ancienneté, de son âge au moment de la rupture (61 ans), les premiers juges ont fait une juste évaluation de son préjudice.
Sur les autres demandes
Les dépens seront fixés au passif de l'association ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit recevables les demandes formées par Mme [G] à l'encontre de l'AGS,
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause l'AGS,
Dit les créances de Mme [G] opposables à la liquidation de l'Association [Adresse 7] et à l'AGS,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Fixe au passif de l'Association Amicale de la résidence Saint Jacques à payer à Mme [Y] [G] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Fixe au passif de l'Association [Adresse 7] les dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2025
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03871 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFOM4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2022 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 21/00143
APPELANTE
Association AGS-CGEA ILE DE FRANCE EST
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350
INTIMES
Madame [Y] [G]
[Adresse 3]
[Localité 5]/FRANCE
Représentée par Me Nathalie DAHAN AOUATE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : A0725
Maître [U] [B] es qualité de mandataire judiciaire-liquidateur de l'Association [Adresse 8]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Armelle PHILIPPON MAISANT, avocat au barreau de PARIS, toque : J055
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile,
l'affaire a été débattue le 28 Mai 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre
Madame Carine SONNOIS, Présidente de la chambre
Madame Véronique BOST, Conseillère de la chambre
Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE
ARRET :
- contradictoire
- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre, Président et par Sonia BERKANE,Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [Y] [G] a été engagée, à compter du 28 septembre 2007, suivant contrat écrit à temps plein, en qualité d'auxiliaire de vie, par l'association Amicale de la résidence Saint Jacques.
L'association emploie plus de 11 salariés.
La convention collective applicable est celle de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile.
Dans le dernier état des relations contractuelles régies par le code du travail, la salariée percevait une rémunération mensuelle brute de 1 726,91 euros, pour une durée de 151,67 heures mensuelles.
Par jugement du 9 mai 2019, le tribunal judiciaire d'Evry a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de l'association et a désigné Maître [O] en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [B] en qualité de mandataire judiciaire.
Le 17 novembre 2020, l'association [Adresse 7] a convoqué
Mme [G] à un entretien préalable à sanction fixé au 26 novembre et lui a notifié sa mise à pied conservatoire.
Par courrier du 2 décembre 2020, Mme [G] a été licenciée pour faute grave.
Le 11 décembre 2020, Mme [G] a contesté son licenciement par courrier recommandé.
Le 2 mars 2021, Mme [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau en contestation de son licenciement.
Par jugement du 4 mars 2021, le tribunal judiciaire d'Evry a prononcé la liquidation judiciaire de l'association et a nommé Maître [B] en qualité de liquidateur.
Le conseil de prud'hommes de Longjumeau a statué le 7 février 2022, comme suit :
- requalifie le licenciement de Mme [F] [G] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse
- fixe la créance de Mme [F] [G] au passif de la liquidation judiciaire de l'association Amicale de la résidence Saint Jacques, prise en la personne de Maître [U] [B], agissant en qualité de mandataire liquidateur, aux sommes suivantes :
* 19 859,47 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 2 000 euros au titre des dommages et intérêt pour manquement à l'obligation de sécurité
* 6 187,68 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
* 3 453,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* 345,38 euros au titre des congés payés afférents
- ordonne à Maître [B] mandataire liquidateur, de remettre à la salariée les documents de rupture du contrat de travail ainsi qu'un bulletin de salaire conforme à la décision
- ordonne l'emploi des dépens en frais de liquidation y compris les actes éventuels d'exécution par voie d'huissier de justice en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 8 mars 2001 portant la tarification des actes d'huissier
- rappelle qu'en application de l'article R.1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculé sur la moyenne des trois derniers mois de salaire
- déclare le jugement opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA IDF EST, dans la limite de ses obligations légales et du plafond
- rappelle que sa garantie interviendra sur présentation par le mandataire judiciaire d'un relevé de créances et d'un justificatif d'absence de fonds disponibles permettant leur paiement
- fixe au passif de la liquidation judiciaire de l'association [Adresse 7], prise en la personne de Maître [U] [B], agissant ès qualité de mandataire liquidateur, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamne Maître [U] [B], mandataire liquidateur de l'association Amicale de la résidence Saint Jacques, aux entiers dépens, y compris aux actes éventuels de procédure d'exécution par voie d'huissier de justice par application des articles 10 et 12 de la loi du 8 mars 2001
- déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Le 15 mars 2022, l'AGS CGEA ILE DE FRANCE EST a relevé appel de la décision dont elle a reçu notification le 23 février 2022.
Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées par RPVA le 17 décembre 2024, l'AGS demande à la cour de :
- infirmer la décision dont appel en l'ensemble de ces dispositions
- la mettre hors de cause ou à tout le moins, dire irrecevable l'ensemble des demandes à son encontre, faute de demande à son encontre, dans les formes requises par la loi
Subsidiairement,
- déclarer, les éventuelles créances de rupture de Mme [G] inopposables tant à la procédure collective, qu'à l'AGS CGEA
Très subsidiairement,
- débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes
Très subsidiairement, sur la garantie,
- dire que l'AGS ne devra sa garantie au titre des créances visées aux articles L.3252-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L.3253-19 et suivants et L.3252-17 du code du travail
- limiter l'éventuelle l'exécution provisoire, à supposer qu'intervienne une fixation de créances, aux hypothèses prévues aux articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail
- rappeler que la somme éventuellement due au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le remboursement des frais d'huissier, ainsi qu'une éventuelle astreinte, qu'elle soit ou non liquidée n'entrent pas dans le champ de la garantie de l'AGS
- condamner Mme [G] en tous les dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées par RPVA le 8 juillet 2022, Mme [Y] [G], demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes
- confirmer intégralement le jugement du conseil de prud'hommes de Longjumeau en date du 7 février 2022 en ce qu'il a :
* déclaré le licenciement de Mme [Y] [G] dépourvu de cause réelle et sérieuse
* inscrit au passif de l'Association [Adresse 7] la créance de 19 859,47 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* inscrit au passif de l'Association Amicale de la résidence Saint Jacques la créance de 2 000 euros au titre des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité
* inscrit au passif de l'Association [Adresse 7] la créance de 6 187,68 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
* inscrit au passif de l'Association Amicale de la résidence Saint Jacques la créance de 3 453,82 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
* inscrit au passif de l'Association [Adresse 7] la créance de 345,38 euros au titre des congés payés afférents
* ordonné à Maître [B], mandataire liquidateur, de remettre à la salariée les documents de rupture du contrat de travail ainsi qu'un bulletin de salaire conforme à la décision
* déclaré le jugement opposable à l'UNEDIC délégation AGS CGEA IDF EST
* inscrit au passif de l'Association [Adresse 7] la créance de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
* condamné Maître [B], mandataire liquidateur, aux entiers dépens
- débouter l'UNEDIC délégation AGS CGEA IDF EST de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- fixer au passif de la liquidation de l'Association [Adresse 7] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées par RPVA le 20 juillet 2022, Maître [U] [B], ès-qualités de mandataire judiciaire-liquidateur de l'association Association Amicale de la résidence Saint Jacques, demande à la cour de :
- déclarer irrecevables les demandes tendant à la condamnation de l'Association [Adresse 7] et/ou les organes de la procédure au paiement d'une somme d'argent
- déclarer que les éventuelles créances ne pourront faire l'objet, le cas échéant, que d'une fixation au passif du redressement judiciaire
Statuant sur le fond,
- lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur l'appel interjeté par l'AGS CGEA concernant sa demande de mise hors de cause
- infirmer le jugement entrepris en ce qui concerne le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [G] de sa demande présentée à hauteur de 19 859,47 euros
- fixer au passif l'indemnité à 3 mois de salaire soit 5 180,73 euros
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents
Statuant à nouveau,
- débouter Mme [G] en sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents
- vu l'article L.622-28 du code de commerce, débouter Mme [G] en sa demande tendant à voir assortir ses créances des intérêts au taux légal
- juger que les créances éventuellement fixées au passif de la liquidation judiciaire seront garanties par l'AGS et ce dans la limite des plafonds applicables.
Conclusions auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé des faits de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 15 janvier 2025.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l'irrecevabilité des demandes à l'encontre de l'AGS CGEA
Aux termes de l'article R.1452-2 du code du travail, la requête est faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes.
Elle comporte les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 58 du code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci.
L'article 70 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
L'AGS soutient qu'il résulte des articles R.1452-2, R.1452-3, R.1452-4 et R.1453-5 que la procédure devant le conseil de prud'hommes est devenue une procédure écrite et que le demandeur est lié par les demandes formulées lors de la saisine du conseil sans pouvoir les modifier ou en modifier le fondement. Elle indique qu'elle a été convoquée avec en annexe de la convocation une requête qui ne comportait aucune demande à son encontre ou à l'encontre de la liquidation. Elle soutient que les demandes à son encontre sont nouvelles et à ce titre irrecevables.
Mme [G] fait valoir que le conseil de prud'hommes de Longjumeau a convoqué par voie de requête tant l'AGS que le mandataire liquidateur. Elle expose que la requête comportait des demandes de condamnation à l'encontre de l'association et que dès le premier jeu de conclusions, elle a formé des demandes d'inscription au passif de ses créances et de garantie de l'AGS. Elle soutient qu'il s'agit de demandes additionnelles recevables.
Maître [B] s'en rapporte à l'appréciation du conseil sur le moyen soulevé par l'AGS.
La cour retient que les demandes de fixation au passif et de garantie de l'AGS se rattachent aux demandes initiales par un lien suffisant. Les demandes à l'encontre de l'AGS sont recevables. Il n'y a donc pas lieu de la mettre hors de cause.
Sur l'obligation de sécurité
Aux termes de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
L'AGS rappelle qu'il appartient au salarié d'apporter la preuve du préjudice subi pour en obtenir la réparation et que le salarié défaillant à justifier d'un préjudice doit être débouté.
Mme [G] expose que le comportement dangereux, violent et imprévisible du résident impliqué dans l'incident du 16 novembre était notoire et qu'il a été dénoncé par les salariés dans un courrier adressé à l'association le 20 novembre. Elle indique souffrir depuis l'incident d'anxiété et de stress post traumatique nécessitant la prise d'un traitement.
Maître [B] ne remet pas en cause le jugement de première instance sur ce point et ne présente aucune observation.
La cour retient que ni l'AGS ni le liquidateur ne dénient le comportement du résident impliqué ni la connaissance par l'employeur de sa dangerosité, l'AGS se bornant à soutenir que Mme [G] ne justifie pas de son préjudice. La cour relève que Mme [G] produit plusieurs pièces médicales qui établissent qu'elle a subi anxiété et stress post traumatique à la suite de l'incident. L'employeur ne fait état d'aucune mesure prise pour préserver la santé de ses salariés.
Les premiers juges ont fait une juste évaluation du préjudice subi par Mme [G]. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur l'opposabilité du licenciement aux organes de la procédure
L'article L.622-3 du code de commerce dispose que le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur.
En outre, sous réserve des dispositions des articles L.622-7 et L.622-13, les actes de gestion courante qu'accomplit seul le débiteur sont réputés valables à l'égard des tiers de bonne foi.
Le licenciement disciplinaire, qui n'est pas un acte de gestion courante, prononcé sans l'assistance de l'administrateur judiciaire chargé d'assister le débiteur pour tous les actes de gestion est inopposable à la procédure collective, sauf s'il est ratifié par l'administrateur ou le liquidateur.
L'AGS soutient que le licenciement pour faute grave n'est pas un acte de gestion courante et que l'association ne pouvait y procéder seule sans l'assistance de l'administrateur. Elle rappelle que la rupture du contrat de travail est intervenue le 2 décembre 2020 alors que l'association était placée en redressement judiciaire depuis le 9 mai 2019. Par conséquent, l'AGS sollicite que les éventuelles créances de rupture de Mme [G] soient déclarées inopposables à la procédure collective et à l'AGS.
Mme [G] précise qu'elle n'a jamais été avertie du placement en redressement judiciaire de l'association et que celle-ci n'étant pas inscrite au registre du commerce et des sociétés, son conseil n'a pas pu vérifier sa situation. Elle fait valoir que si son employeur a procédé à son licenciement sans en avertir l'administrateur judiciaire, ce dernier a commis une faute qui ne saurait lui être opposée dès lors que sa bonne foi est présumée.
Maître [B] rappelle que le juge dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation pour apprécier si l'acte accompli seul par le débiteur a fait l'objet d'une ratification et s'en rapporte sur la recevabilité et le bien-fondé du moyen d'inopposabilité soulevé par l'AGS.
La cour retient que le licenciement n'est pas un acte de gestion courante de sorte que la bonne foi de Mme [G] est indifférente. La cour relève que Maître [B] ne sollicite pas l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé les créances de Mme [G] au passif de la société et ne remet en cause que le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et le principe de l'indemnité de préavis faisant valoir que Mme [G] était en arrêt de travail et n'aurait en conséquence pas pu exécuter son préavis. Il s'en déduit que le liquidateur a implicitement ratifié le licenciement. Les éventuelles créances de Mme [G] sont donc opposables à la liquidation de l'association et à l' AGS.
Sur le licenciement
En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être motivé.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible immédiatement le maintien du salarié dans l'entreprise.
Il appartient à l'employeur d'apporter la preuve de la gravité des faits fautifs retenus et de leur imputabilité au salarié.
La lettre de licenciement, qui fixe les termes du litige, est ainsi rédigée :
« Pour rappel, vous occupez le poste d'aide médico-psychologique, depuis le 28/09/2007, au sein de l'association AMICALE SAINT JACQUES, dont l'objet est d'offrir des services et aide à domicile aux personnes âgées dépendantes ou handicapées.
Lors de l'entretien, nous vous avons exposés les faits reprochés et vous avez eu la possibilité de vous expliquer sur les faits, à savoir que votre comportement est inadapté et non professionnel, ce qui constitue une faute :
Monsieur [K] [T] [M], dit avoir été agressé par vous le 16/11/2020. Vous lui avez porté des coups violents à la joue gauche, au cou à droite et à gauche lui provoquant d'importants hématomes. Il a aussi été constaté une plaie au 4ème doigt gauche. Vous l'avez frappé violemment, et avez même utilisé votre chaussure pour le taper. Cette violence est inacceptable vis-à-vis de personnes vulnérables.
Nous ne pouvons admettre qu'un salarié soit aussi maltraitant envers des résidents et perturbe le bon fonctionnement de notre association.
Dans ces conditions, nous avons le regret de vous notifier votre licenciement pour faute grave. »
Mme [G] fait valoir que la faute grave n'est pas établie, pas plus que la cause réelle et sérieuse de son licenciement.
L'AGS ne présente pas d'observation sur le principe du licenciement pour une faute grave ou pour cause réelle et sérieuse.
Maître [B] indique qu'il ne peut que s'en rapporter à justice sur la demande de la salariée dans la mesure où il ne dispose d'aucune pièce pour justifier des faits invoqués dans la lettre de licenciement.
En l'absence de tout élément de preuve établissant la réalité de la faute reprochée à Mme [G], la cour confirme le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement
Tant l'AGS que Maître [B] sollicitent l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation de l'association une indemnité au titre du préavis. Ils soutiennent que dès lors que Mme [G] était en arrêt de travail à compter du 18 novembre 2020, elle n'aurait pas pu effectuer son préavis.
Mme [G], se prévalant de l'article 26 de la convention collective fixant l'indemnité de préavis à 2 mois pour les salariés non-cadres justifiant de deux années au moins d'ancienneté, sollicite la confirmation du jugement de première instance.
La cour rappelle que lorsque la faute grave est écartée, l'employeur est nécessairement débiteur de l'indemnité compensatrice de préavis, sans qu'il y ait lieu de vérifier si le salarié pouvait ou non l'exécuter dès lors que l'inexécution du préavis résulte en ce cas de la décision de l'employeur de le priver du préavis.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation de l'association l'indemnité compensatrice de préavis.
Aucune des parties ne remet en cause le montant fixé au titre de l'indemnité légale de licenciement.
En ce qui concerne l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, tant l'AGS que Maître [B] sollicitent qu'elle soit fixée à trois mois de salaire.
En application de l'article L.1235-3 du code du travail, Mme [G] qui comptait treize ans d'ancienneté dans une entreprise employant plus de onze salariés, peut prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 11,5 mois de salaire.
Compte tenu de son ancienneté, de son âge au moment de la rupture (61 ans), les premiers juges ont fait une juste évaluation de son préjudice.
Sur les autres demandes
Les dépens seront fixés au passif de l'association ainsi que la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Dit recevables les demandes formées par Mme [G] à l'encontre de l'AGS,
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause l'AGS,
Dit les créances de Mme [G] opposables à la liquidation de l'Association [Adresse 7] et à l'AGS,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Fixe au passif de l'Association Amicale de la résidence Saint Jacques à payer à Mme [Y] [G] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Fixe au passif de l'Association [Adresse 7] les dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE