CA Poitiers, référés premier président, 25 septembre 2025, n° 25/00056
POITIERS
Ordonnance
Autre
Ordonnance n 2025/62
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25 Septembre 2025
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N° RG 25/00056 - N° Portalis DBV5-V-B7J-HLV2
---------------------------
S.A.R.L. AXOLIS
C/
S.A.R.L. LIBRAIRIE PAPETERIE
PRESSE COLBERT
S.A.R.L. LIBRAIRIE SALIBA
S.A.R.L. MICHELET
---------------------------
R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DU PREMIER PRÉSIDENT
RÉFÉRÉ
Rendue publiquement le vingt cinq septembre deux mille vingt cinq par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par le premier président de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Madame Marion CHARRIERE, greffière,
Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le onze septembre deux mille vingt cinq, mise en délibéré au vingt cinq septembre deux mille vingt cinq.
ENTRE :
S.A.R.L. AXOLIS
[Adresse 7]
[Localité 4]
Non comparante représentée par Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS (avocat postulant)
Me Philippe MINIER, avocat au barreau de SAINTES (avocat plaidant), substitué par Me Christelle BRAULT, avocate au barreau de POITIERS
DEMANDEUR en référé ,
D'UNE PART,
ET :
S.A.R.L. LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE COLBERT
[Adresse 6]
[Localité 3]
Non comparante représentée par Me Magalie ROUGIER, avocate au barreau de SAINTES
S.A.R.L. LIBRAIRIE SALIBA
[Adresse 5]
[Localité 1]
Non comparante représentée par Me Magalie ROUGIER, avocate au barreau de SAINTES
S.A.R.L. MICHELET
[Adresse 8]
[Localité 2]
Non comparante représentée par Me Magalie ROUGIER, avocate au barreau de SAINTES
DEFENDEURS en référé ,
D'AUTRE PART,
Faits et procédure :
La SARL LIBRAIRIE SALIBA fait partie de la Holding MURIC, incluant l'EURL LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE COLBERT et l'EURL MICHELET.
Madame [L] [J] est une ancienne salariée de la SARL LIBRAIRIE SALIBA.
Elle a démissionné de son poste au sein de la SARL LIBRAIRIE SALIBA le 29 février 2024 et est actuellement salariée de la SARL AXOLIS.
En juin 2023, il a été décidé de vendre le groupe et divers mandats ont été signés, mais en raison de la chute du chiffre d'affaires et malgré une baisse du prix de vente, aucun investisseur n'a donné suite.
Arguant de la commission d'actes de concurrence déloyale commis par la SARL AXOLIS ayant entrainé une baisse de son chiffre d'affaires et de sa marge, la SARL LIBRAIRIE SALIBA l'a faite assigner, par exploit en date du 28 novembre 2024, devant le tribunal de commerce de Saintes.
Selon jugement en date du 17 juillet 2025, le tribunal de commerce de Saintes a :
donné acte à l'EURL LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE COLBERT et à l'EURL MICHELET de leur intervention volontaire à la procédure,
condamné la SARL AXOLIS à payer à la SARL LIBRAIRIE SALIBA la somme de 130 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
débouté la SARL LIBRAIRIE SALIBA de sa demande au titre de la perte de chance ;
débouté la SARL AXOLIS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision ;
condamné la SARL AXOLIS à payer à la SARL LIBRAIRIE SALIBA la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance, et frais de greffe, liquidés à la somme de 57,23 euros TTC, dont 9,54 euros de TVA qui ont été avancés par la SARL LIBRAIRIE SALIBA.
La SARL AXOLIS a interjeté appel dudit jugement selon déclaration en date du 28 juillet 2025.
Par exploits en date des 19 et 20 août 2025, la SARL AXOLIS a fait assigner la SARL LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE COLBERT et la SARL LIBRAIRIE SALIBA devant le premier président de la cour d'appel de Poitiers, statuant en référé, aux fins d'obtenir, par application des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.
La SARL AXOLIS fait valoir que l'action en concurrence déloyale, fondée sur la responsabilité civile extracontractuelle des articles 1240 et 1241 du code civil, suppose la réunion de trois conditions cumulatives lesquelles ne seraient pas réunies.
La SARL AXOLIS soutient n'avoir commis aucune faute, laquelle ne pourrait être déduite d'un faisceau de présomptions.
Elle expose que la SARL LIBRAIRIE SALIBA ne rapporterait pas la preuve d'un démarchage de ses clients ni d'un détournement de clientèle à son profit.
Elle soutient que la SARL LIBRAIRIE SALIBA ne démontrerait pas que la perte du chiffre d'affaires qu'elle invoque résulterait d'agissements commis par elle, alors même que ce domaine d'activité serait fortement concurrencé par la dématérialisation et l'achat en ligne.
Elle ajoute que la SARL LIBRAIRIE SALIBA ne justifierait pas des chiffres des exercices précédents, alors même que le bilan passif des comptes clos au 30 septembre 2023 présenterait un report négatif de 27 625 euros, lequel serait de nature à établir des pertes intervenues sur les années antérieures.
Elle soutient que l'exécution provisoire de la décision aurait pour elle des conséquences manifestement excessives en ce qu'elle serait dans l'impossibilité matérielle de procéder au règlement de la somme de 130 000 euros et que la saisie attribution qui aurait été pratiquée par la société LIBRARIE SALIBA en exécution du jugement se serait révélée infructueuse, en ce que les comptes bancaires auraient présentés un solde nul ou négatif à hauteur de 684,62 euros.
Elle ajoute que les facultés de remboursement de la SARL LIBRAIRIE SALIBA seraient incertaines.
Elle sollicite la condamnation de la SARL LIBRAIRIE SALIBA à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés LIBRAIRIE SALIBA, LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE COLBERT et MICHELET s'opposent à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.
Elles soutiennent que l'existence d'une faute de la part de la société AXOLIS serait incontestable, en ce que des actes de parasitismes et de désorganisation auraient été constatés, de sorte qu'il existerait, au regard de la jurisprudence de la cour de cassation, une présomption irréfragable de responsabilité et de préjudice pour la société LIBRAIRIE SALIBA, lequel aurait été apprécié souverainement par les juges du fond.
Elles font valoir qu'elles justifieraient d'une chute vertigineuse de leur chiffre d'affaires, laquelle serait concomitante au démarchage de deux salariés ainsi qu'au détournement des fichiers clients et des tarifs.
Elles soutiennent que leur demande de dommages et intérêts aurait été parfaitement justifié.
Elles font valoir que la société AXOLIS ne justifierait d'aucune conséquence manifestement excessive qu'aurait pour elle l'exécution provisoire de la décision contestée.
Elles soutiennent que le fait pour la société AXOLIS d'arguer d'une perte ne suffirait pas à établir une impossibilité d'exécuter la décision dont appel, sauf à prétendre être en état de cessation des paiements.
Elles ajoutent que le fait de produire un refus de prêt serait insuffisant dans la mesure où il ne serait pas justifié du contexte dans lequel ledit prêt aurait été demandé.
Elles font valoir que la société AXOLIS préparerait son insolvabilité pendant la durée de la procédure d'appel et que le seul document comptable communiqué par la société AXOLIS serait insuffisant à permettre d'apprécier l'ensemble de sa situation financière et patrimoniale.
Elles ajoutent que les conséquences manifestement excessives ne seraient pas comparables à des difficultés financières.
A titre subsidiaire, elles indiquent que si par impossible il était fait droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision contestée, celui-ci ne devrait être que partiel et assorti de garanties tel un nantissement sur le fonds de commerce de la société AXOLIS ou une caution bancaire.
Elle sollicite la condamnation de la société AXOLIS à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience, les parties ont repris leurs écritures.
Motifs :
L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Le moyen sérieux de réformation est celui qui présente des chances raisonnables de succès, sans qu'il appartienne au premier président, ou son délégataire, de se livrer à un examen approfondi de l'ensemble des moyens et arguments avancés par les parties et soumis à l'examen, au fond, de la cour d'appel.
Le tribunal de commerce de Saintes a ainsi motivé sa décision :
« Attendu que la cour de cassation affirme que le caractère massif de débauchage est constitutif d'un acte de concurrence déloyale, qu'en l'espèce, la SARL AXOLIS a employé deux commerciaux sur quatre de la SARL LIBRAIRIE SALIBA.
Attendu que la SARL AXOLIS estime qu'elle n'a pas cherché à recruter les employées de la SARL LIBRAIRIE SALIBA, et que les fichiers transmis n'avaient pas d'intérêt pour elle, et même qu'elle n'a pas eu la volonté de récupérer le fichier dans le but de démarcher les clients de la SARL LIBRAIRIE SALIBA.
Attendu toutefois, que l'existence d'un élément intentionnel n'est pas nécessaire pour qualifier la faute, que celle-ci est clairement caractérisée dès lors que les fichiers ont été transmis.
Attendu que la faute est bien caractérisée et qu'il y a lieu de rechercher si celle-ci a eu pour conséquence un préjudice pour la SARL LIBRARIE SALIBA ».
Le tribunal de commerce poursuit en ces termes :
« Attendu que la cour de cassation a depuis longtemps admis une présomption irréfragable de préjudice au profit des demandeurs en matière de concurrence déloyale, qu'elle a consacré une présomption en vertu de laquelle il s'infère nécessairement l'existence d'un préjudice, fut-il seulement moral, d'un acte de concurrence déloyale.
[']
Attendu que par un arrêt de la chambre commerciale du 12 février 2020, la cour de cassation a précisé les modes d'évaluation du préjudice lorsqu'un acte de concurrence déloyale est à l'origine d'un avantage concurrentiel pour son auteur et, notamment, la possibilité de prendre en considération l'avantage indu que s'est octroyé l'auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents ».
Le tribunal a ainsi retenu une diminution du chiffre d'affaires de la SARL LIBRAIRIE SALIBA, « liée au départ des deux commerciales, alors que le chiffre d'affaires des autres commerciaux de la société est quant à lui resté stable » ainsi qu' « un bilan dégradé par rapport à l'année 2023 [avec] une perte et une baisse de chiffre d'affaires de près de 20% essentiellement sur l'activité Calipage » alors que la société AXOLIS « ne produit aucun document comptable détaillé pour justifier qu'elle n'a pas profité du travail de son concurrent », de sorte « qu'il est ainsi démontré que les agissements de la SARL AXOLIS ont généré un préjudice financier à la SARL LIBRAIRIE SALIBA du fait de ses actes de concurrence déloyale ».
Ainsi, il apparait que le tribunal de commerce a motivé sa décision quant à l'existence d'une faute et d'un préjudice conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, de sorte que sans apprécier les éléments de fond de l'affaire, les moyens invoqués par la SARL AXOLIS n'apparaissent pas sérieux.
Les conditions d'application de l'article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives, faute pour la SARL AXOLIS de rapporter la preuve de l'existence de moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision litigieuse, il n'y a pas lieu d'examiner l'autre condition liée aux conséquences manifestement excessives, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire sera rejetée.
Partie succombante à la présente instance de référé, la SARL AXOLIS en supportera les dépens et sera condamnée à payer aux sociétés LIBRAIRIE SALIBA, LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE COLBERT et MICHELET, prises ensemble, la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Décision :
Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par le premier président de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :
Déboutons la SARL AXOLIS de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de commerce de Saintes le 17 juillet 2025,
Condamnons la SARL AXOLIS aux dépens de l'instance ;
Condamnons la SARL AXOLIS à payer aux sociétés LIBRAIRIE SALIBA, LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE COLBERT et MICHELET, prises ensemble, la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.
La greffière, La conseillère,
Marion CHARRIERE Estelle LAFOND
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25 Septembre 2025
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N° RG 25/00056 - N° Portalis DBV5-V-B7J-HLV2
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S.A.R.L. AXOLIS
C/
S.A.R.L. LIBRAIRIE PAPETERIE
PRESSE COLBERT
S.A.R.L. LIBRAIRIE SALIBA
S.A.R.L. MICHELET
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R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
ORDONNANCE DU PREMIER PRÉSIDENT
RÉFÉRÉ
Rendue publiquement le vingt cinq septembre deux mille vingt cinq par Madame Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par le premier président de la cour d'appel de Poitiers, assistée de Madame Marion CHARRIERE, greffière,
Dans l'affaire qui a été examinée en audience publique le onze septembre deux mille vingt cinq, mise en délibéré au vingt cinq septembre deux mille vingt cinq.
ENTRE :
S.A.R.L. AXOLIS
[Adresse 7]
[Localité 4]
Non comparante représentée par Me Jérôme CLERC de la SELARL LX POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS (avocat postulant)
Me Philippe MINIER, avocat au barreau de SAINTES (avocat plaidant), substitué par Me Christelle BRAULT, avocate au barreau de POITIERS
DEMANDEUR en référé ,
D'UNE PART,
ET :
S.A.R.L. LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE COLBERT
[Adresse 6]
[Localité 3]
Non comparante représentée par Me Magalie ROUGIER, avocate au barreau de SAINTES
S.A.R.L. LIBRAIRIE SALIBA
[Adresse 5]
[Localité 1]
Non comparante représentée par Me Magalie ROUGIER, avocate au barreau de SAINTES
S.A.R.L. MICHELET
[Adresse 8]
[Localité 2]
Non comparante représentée par Me Magalie ROUGIER, avocate au barreau de SAINTES
DEFENDEURS en référé ,
D'AUTRE PART,
Faits et procédure :
La SARL LIBRAIRIE SALIBA fait partie de la Holding MURIC, incluant l'EURL LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE COLBERT et l'EURL MICHELET.
Madame [L] [J] est une ancienne salariée de la SARL LIBRAIRIE SALIBA.
Elle a démissionné de son poste au sein de la SARL LIBRAIRIE SALIBA le 29 février 2024 et est actuellement salariée de la SARL AXOLIS.
En juin 2023, il a été décidé de vendre le groupe et divers mandats ont été signés, mais en raison de la chute du chiffre d'affaires et malgré une baisse du prix de vente, aucun investisseur n'a donné suite.
Arguant de la commission d'actes de concurrence déloyale commis par la SARL AXOLIS ayant entrainé une baisse de son chiffre d'affaires et de sa marge, la SARL LIBRAIRIE SALIBA l'a faite assigner, par exploit en date du 28 novembre 2024, devant le tribunal de commerce de Saintes.
Selon jugement en date du 17 juillet 2025, le tribunal de commerce de Saintes a :
donné acte à l'EURL LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE COLBERT et à l'EURL MICHELET de leur intervention volontaire à la procédure,
condamné la SARL AXOLIS à payer à la SARL LIBRAIRIE SALIBA la somme de 130 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
débouté la SARL LIBRAIRIE SALIBA de sa demande au titre de la perte de chance ;
débouté la SARL AXOLIS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision ;
condamné la SARL AXOLIS à payer à la SARL LIBRAIRIE SALIBA la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance, et frais de greffe, liquidés à la somme de 57,23 euros TTC, dont 9,54 euros de TVA qui ont été avancés par la SARL LIBRAIRIE SALIBA.
La SARL AXOLIS a interjeté appel dudit jugement selon déclaration en date du 28 juillet 2025.
Par exploits en date des 19 et 20 août 2025, la SARL AXOLIS a fait assigner la SARL LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE COLBERT et la SARL LIBRAIRIE SALIBA devant le premier président de la cour d'appel de Poitiers, statuant en référé, aux fins d'obtenir, par application des dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.
La SARL AXOLIS fait valoir que l'action en concurrence déloyale, fondée sur la responsabilité civile extracontractuelle des articles 1240 et 1241 du code civil, suppose la réunion de trois conditions cumulatives lesquelles ne seraient pas réunies.
La SARL AXOLIS soutient n'avoir commis aucune faute, laquelle ne pourrait être déduite d'un faisceau de présomptions.
Elle expose que la SARL LIBRAIRIE SALIBA ne rapporterait pas la preuve d'un démarchage de ses clients ni d'un détournement de clientèle à son profit.
Elle soutient que la SARL LIBRAIRIE SALIBA ne démontrerait pas que la perte du chiffre d'affaires qu'elle invoque résulterait d'agissements commis par elle, alors même que ce domaine d'activité serait fortement concurrencé par la dématérialisation et l'achat en ligne.
Elle ajoute que la SARL LIBRAIRIE SALIBA ne justifierait pas des chiffres des exercices précédents, alors même que le bilan passif des comptes clos au 30 septembre 2023 présenterait un report négatif de 27 625 euros, lequel serait de nature à établir des pertes intervenues sur les années antérieures.
Elle soutient que l'exécution provisoire de la décision aurait pour elle des conséquences manifestement excessives en ce qu'elle serait dans l'impossibilité matérielle de procéder au règlement de la somme de 130 000 euros et que la saisie attribution qui aurait été pratiquée par la société LIBRARIE SALIBA en exécution du jugement se serait révélée infructueuse, en ce que les comptes bancaires auraient présentés un solde nul ou négatif à hauteur de 684,62 euros.
Elle ajoute que les facultés de remboursement de la SARL LIBRAIRIE SALIBA seraient incertaines.
Elle sollicite la condamnation de la SARL LIBRAIRIE SALIBA à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés LIBRAIRIE SALIBA, LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE COLBERT et MICHELET s'opposent à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.
Elles soutiennent que l'existence d'une faute de la part de la société AXOLIS serait incontestable, en ce que des actes de parasitismes et de désorganisation auraient été constatés, de sorte qu'il existerait, au regard de la jurisprudence de la cour de cassation, une présomption irréfragable de responsabilité et de préjudice pour la société LIBRAIRIE SALIBA, lequel aurait été apprécié souverainement par les juges du fond.
Elles font valoir qu'elles justifieraient d'une chute vertigineuse de leur chiffre d'affaires, laquelle serait concomitante au démarchage de deux salariés ainsi qu'au détournement des fichiers clients et des tarifs.
Elles soutiennent que leur demande de dommages et intérêts aurait été parfaitement justifié.
Elles font valoir que la société AXOLIS ne justifierait d'aucune conséquence manifestement excessive qu'aurait pour elle l'exécution provisoire de la décision contestée.
Elles soutiennent que le fait pour la société AXOLIS d'arguer d'une perte ne suffirait pas à établir une impossibilité d'exécuter la décision dont appel, sauf à prétendre être en état de cessation des paiements.
Elles ajoutent que le fait de produire un refus de prêt serait insuffisant dans la mesure où il ne serait pas justifié du contexte dans lequel ledit prêt aurait été demandé.
Elles font valoir que la société AXOLIS préparerait son insolvabilité pendant la durée de la procédure d'appel et que le seul document comptable communiqué par la société AXOLIS serait insuffisant à permettre d'apprécier l'ensemble de sa situation financière et patrimoniale.
Elles ajoutent que les conséquences manifestement excessives ne seraient pas comparables à des difficultés financières.
A titre subsidiaire, elles indiquent que si par impossible il était fait droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de la décision contestée, celui-ci ne devrait être que partiel et assorti de garanties tel un nantissement sur le fonds de commerce de la société AXOLIS ou une caution bancaire.
Elle sollicite la condamnation de la société AXOLIS à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience, les parties ont repris leurs écritures.
Motifs :
L'article 514-3 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
En cas d'opposition, le juge qui a rendu la décision peut, d'office ou à la demande d'une partie, arrêter l'exécution provisoire de droit lorsqu'elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Le moyen sérieux de réformation est celui qui présente des chances raisonnables de succès, sans qu'il appartienne au premier président, ou son délégataire, de se livrer à un examen approfondi de l'ensemble des moyens et arguments avancés par les parties et soumis à l'examen, au fond, de la cour d'appel.
Le tribunal de commerce de Saintes a ainsi motivé sa décision :
« Attendu que la cour de cassation affirme que le caractère massif de débauchage est constitutif d'un acte de concurrence déloyale, qu'en l'espèce, la SARL AXOLIS a employé deux commerciaux sur quatre de la SARL LIBRAIRIE SALIBA.
Attendu que la SARL AXOLIS estime qu'elle n'a pas cherché à recruter les employées de la SARL LIBRAIRIE SALIBA, et que les fichiers transmis n'avaient pas d'intérêt pour elle, et même qu'elle n'a pas eu la volonté de récupérer le fichier dans le but de démarcher les clients de la SARL LIBRAIRIE SALIBA.
Attendu toutefois, que l'existence d'un élément intentionnel n'est pas nécessaire pour qualifier la faute, que celle-ci est clairement caractérisée dès lors que les fichiers ont été transmis.
Attendu que la faute est bien caractérisée et qu'il y a lieu de rechercher si celle-ci a eu pour conséquence un préjudice pour la SARL LIBRARIE SALIBA ».
Le tribunal de commerce poursuit en ces termes :
« Attendu que la cour de cassation a depuis longtemps admis une présomption irréfragable de préjudice au profit des demandeurs en matière de concurrence déloyale, qu'elle a consacré une présomption en vertu de laquelle il s'infère nécessairement l'existence d'un préjudice, fut-il seulement moral, d'un acte de concurrence déloyale.
[']
Attendu que par un arrêt de la chambre commerciale du 12 février 2020, la cour de cassation a précisé les modes d'évaluation du préjudice lorsqu'un acte de concurrence déloyale est à l'origine d'un avantage concurrentiel pour son auteur et, notamment, la possibilité de prendre en considération l'avantage indu que s'est octroyé l'auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents ».
Le tribunal a ainsi retenu une diminution du chiffre d'affaires de la SARL LIBRAIRIE SALIBA, « liée au départ des deux commerciales, alors que le chiffre d'affaires des autres commerciaux de la société est quant à lui resté stable » ainsi qu' « un bilan dégradé par rapport à l'année 2023 [avec] une perte et une baisse de chiffre d'affaires de près de 20% essentiellement sur l'activité Calipage » alors que la société AXOLIS « ne produit aucun document comptable détaillé pour justifier qu'elle n'a pas profité du travail de son concurrent », de sorte « qu'il est ainsi démontré que les agissements de la SARL AXOLIS ont généré un préjudice financier à la SARL LIBRAIRIE SALIBA du fait de ses actes de concurrence déloyale ».
Ainsi, il apparait que le tribunal de commerce a motivé sa décision quant à l'existence d'une faute et d'un préjudice conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, de sorte que sans apprécier les éléments de fond de l'affaire, les moyens invoqués par la SARL AXOLIS n'apparaissent pas sérieux.
Les conditions d'application de l'article 514-3 du code de procédure civile étant cumulatives, faute pour la SARL AXOLIS de rapporter la preuve de l'existence de moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision litigieuse, il n'y a pas lieu d'examiner l'autre condition liée aux conséquences manifestement excessives, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire sera rejetée.
Partie succombante à la présente instance de référé, la SARL AXOLIS en supportera les dépens et sera condamnée à payer aux sociétés LIBRAIRIE SALIBA, LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE COLBERT et MICHELET, prises ensemble, la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Décision :
Par ces motifs, nous, Estelle LAFOND, conseillère chargée du secrétariat général de la première présidence déléguée par le premier président de la cour d'appel de Poitiers, statuant par ordonnance contradictoire :
Déboutons la SARL AXOLIS de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal de commerce de Saintes le 17 juillet 2025,
Condamnons la SARL AXOLIS aux dépens de l'instance ;
Condamnons la SARL AXOLIS à payer aux sociétés LIBRAIRIE SALIBA, LIBRAIRIE PAPETERIE PRESSE COLBERT et MICHELET, prises ensemble, la somme globale de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Et nous avons signé la présente ordonnance avec le greffier.
La greffière, La conseillère,
Marion CHARRIERE Estelle LAFOND