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Décisions

CA Caen, 2e ch. civ., 25 septembre 2025, n° 24/02140

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 24/02140

25 septembre 2025

AFFAIRE : N° RG 24/02140

ARRÊT N°

NLG

ORIGINE : DECISIONS du TJ de [Localité 14] en date des 11 Juillet 2023 et 12 Mars 2024

RG n° 21/00927

COUR D'APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2025

APPELANTS :

Monsieur [P] [N] [R] [D]

né le 15 Mars 1953 à [Localité 15]

[Adresse 16]

[Localité 2]

Madame [L] [U] [H] [D]

née le 19 Août 1968 à [Localité 15]

[Adresse 4]

[Localité 10]

Madame [W] [V] [K] [D] épouse [G]

née le 20 Février 1965 à [Localité 15]

[Adresse 13]

[Localité 1]

Représentés et assistés par Me Pénélope AMIOT, avocat au barreau de LISIEUX

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. [M] [Localité 12] & ASSOCIES mandataire liquidateur de la SASU ACIAM

[Adresse 6]

[Localité 8]

prise en la personne de son représentant légal

S.A.S.U. ACIAM anciennement dénommée FIB NC7

N° SIRET : 881 209 647

[Adresse 3]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal

Non représentées, bien que régulièrement assignées

S.E.L.A.R.L. [Y] [I] mandataire liquidateur de la SASU ACIAM

[Adresse 5]

[Adresse 17]

[Localité 9]

prise en la personne de son représentant légal

Non représentée, bien que régulièrement assignée

DEBATS : A l'audience publique du 02 juin 2025, sans opposition du ou des avocats, Madame EMILY, Président de Chambre, a entendu seule les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement le 25 septembre 2025 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme COURTADE, Conseillère, pour le président empêché et Mme LE GALL, greffier

*

* *

Par acte du 1er août 2006, MM. [S] [D] et [P] [D] ont consenti au profit de la société Camaïeu international, pour une durée de neuf années, un bail commercial portant sur un local sis [Adresse 11] à [Localité 15].

Mmes [L] [D] et [W] [D] épouse [G] sont venues aux droits de [S] [D].

Par jugement du 26 mai 2020, le tribunal de commerce de Lille Métropole a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Camaïeu international, puis, le 17 août 2020, le tribunal a arrêté un plan de cession des actifs au profit de la société par actions simplifiée Financière immobilière bordelaise.

La société FIB NC7 (ci-après "le preneur") est ensuite venue aux droits de la société Camaïeu international, en se substituant à la Financière immobilière bordelaise.

Se prévalant du non règlement d'une partie des loyers dus, M. [P] [D], Mme [L] [D] et Mme [W] [D] épouse [G] (consorts [D]) ont fait délivrer au preneur, par acte d'huissier de justice du 14 septembre 2021, un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme totale de 28.426,46 euros.

Arguant que ledit commandement de payer était resté sans effet en raison d'une mauvaise foi des bailleurs et d'une absence de dette locative, la SAS FIB NC7 a, par acte du 7 octobre 2021, assigné les consorts [D] devant le tribunal judiciaire de Lisieux aux fins, notamment, de voir prononcer la nullité de cet acte.

Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de RG : 21/00927.

La SAS FIB NC7, devenue par la suite la SAS ACIAM, a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 28 septembre 2022, la SELARL [M] [X] & associés et la SELARL [B] [Y] et [A] [I] ayant été désignées en qualité de mandataires liquidateurs.

Par actes des 26 et 30 janvier 2023, les consorts [D] ont assigné en intervention forcée les mandataires liquidateurs du preneur.

Cette seconde procédure a été enregistrée sous le numéro de RG : 23/00091.

Le juge de la mise en état a procédure à la jonction des deux procédures par ordonnance du 22 février 2023.

Par jugement réputé contradictoire du 11 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Lisieux a :

- débouté la société par actions simplifiée FIB NC7 de l'intégralité de ses demandes ;

- condamné la société par actions simplifiée FIB NC7 à payer à M. [P] [N] [R] [D], Mme [L] [U] [H] [D] et Mme [W] [V] [K] [D] épouse [G] la somme de 45.603,65 euros au titre des loyers et charges impayés au 26 janvier 2022 ;

- condamné la société par actions simplifiée FIB NC7 à payer à M. [P] [N] [R] [D], Mme [L] [U] [H] [D] et Mme [W] [V] [K] [D] épouse [G] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société par actions simplifiée FIB NC7 aux dépens ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit.

Par requête du 6 novembre 2023, les consorts [D] ont sollicité la réparation d'une omission de statuer.

Par jugement du 12 mars 2024, le tribunal judiciaire de Lisieux a rectifié le dispositif du jugement rendu le 11 juillet 2023 et a :

- constaté que la question de la recevabilité de I'assignation en intervention dirigée contre la SELARL [M] [X] & associés prise en la personne de Me [E] [X] et la SELARL [B] [Y] et [A] [I] représentée par Me [B] [Y] n'est pas discutée ;

- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société ACIAM la somme de 49.615,08 euros arrêtée au 1er août 2022 au titre des loyers et charges impayés ;

- condamné la SELARL [M] [X] & associés prise en la personne de Me [E] [X] et la SELARL [B] [Y] et [A] [I] représentée par Me [B] [Y], ès qualités de liquidateurs de la société ACIAM aux dépens ;

- fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société ACIAM la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toute demande plus ample ou contraire ;

- dit que les dépens suivront le sort de ceux de l'instance principale.

Par déclaration du 23 août 2024, les consorts [D] ont relevé appel de ces jugements.

Par dernières conclusions déposées le 18 octobre 2024, les appelants demandent à la cour d'infirmer les jugements entrepris en ce qu'ils les ont déboutés de leur demande de fixation de leurs créances à titre privilégié et statuant de nouveau de :

- Fixer la créance de M. [P] [D], Mme [L] [D] et Mme [W] [D] épouse [G] de 49.615,08 euros arrêtée au 1er août 2022 au titre des loyers et charges impayés au jour de l'ouverture de la procédure de liquidation au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société ACIAM à titre privilégié,

Y additant,

- Fixer à titre privilégié la créance de M. [P] [D], Mme [L] [D] et Mme [W] [D] épouse [G] à la somme de 15.814,59 euros, correspondant aux loyers dus jusqu'au 31 janvier 2023 dans le cadre de la continuation du contrat de bail, pour la période postérieure à l'ouverture de la procédure collective,

- Condamner la SELARL [M] [X] & associés prise en la personne de Me [E] [X] et la SELARL [Y]-[I] ès qualités de co-liquidateurs de la société ACIAM, à verser à M. [P] [D], Mme [L] [D] et Mme [W] [D] épouse [G] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la SELARL [M] [X] & associés prise en la personne de Me [E] [X] et la SELARL [Y]-[I] ès qualités de co-liquidateurs de la société ACIAM aux entiers dépens.

La SELARL [M] [X] & associés prise en la personne de Me [E] [X] et la SELARL [Y]-[I] ès qualités n'ont pas constitué avocat, bien que la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant leur ont été signifiées 23 octobre 2024 à personne morale.

La société SASU ACIAM, anciennement FIB NC7 n'a pas constitué avocat, bien que la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant lui ont été signifiées 25 octobre 2024 selon procès-verbal de recherches infructueuses.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 mai 2025.

Par message RPVA du 19 juin 2025, la cour a demandé au conseil des appelants si la créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective avait été déclarée dans les conditions de l'article L622-24 du code de commerce ou si le mandataire judiciaire avait été informé de l'inscription de la créance postérieure sur la liste prévue par l'article R622-15 du code de commerce.

Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des appelants.

SUR CE, LA COUR

Il ressort des dispositions de l'article 622-24 du code de commerce qu'à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat.

Par ailleurs, selon ce même texte, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture, autres que celles mentionnées au I de l'article L. 622-17 sont soumises aux dispositions du présent article.

Selon l'article L641-12 du code de commerce, sans préjudice de l'application du I et du II de l'article L. 641-11-1, la résiliation du bail des immeubles utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient dans les conditions suivantes :

1° Au jour où le bailleur est informé de la décision du liquidateur de ne pas continuer le bail ;

2° Lorsque le bailleur demande la résiliation judiciaire ou fait constater la résiliation de plein droit du bail pour des causes antérieures au jugement de liquidation judiciaire ou, lorsque ce dernier a été prononcé après une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, au jugement d'ouverture de la procédure qui l'a précédée. Il doit, s'il ne l'a déjà fait, introduire sa demande dans les trois mois de la publication du jugement de liquidation judiciaire ;

3° Le bailleur peut également demander la résiliation judiciaire ou faire constater la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues aux troisième à cinquième alinéas de l'article L. 622-14.

Le liquidateur peut céder le bail dans les conditions prévues au contrat conclu avec le bailleur avec tous les droits et obligations qui s'y rattachent. En ce cas, toute clause imposant au cédant des dispositions solidaires avec le cessionnaire est réputée non écrite.

Le privilège du bailleur est déterminé conformément aux trois premiers alinéas de l'article L. 622-16.

Selon l'article L622-16, en cas de procédure de sauvegarde, le bailleur n'a privilège que pour les deux dernières années de loyers avant le jugement d'ouverture de la procédure.

Si le bail est résilié, le bailleur a, en outre, privilège pour l'année courante, pour tout ce qui concerne l'exécution du bail et pour les dommages et intérêts qui pourront lui être alloués par les tribunaux.

Si le bail n'est pas résilié, le bailleur ne peut exiger le paiement des loyers à échoir lorsque les sûretés qui lui ont été données lors du contrat sont maintenues ou lorsque celles qui ont été fournies depuis le jugement d'ouverture sont jugées suffisantes.

En l'espèce, le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société ACIAM a été rendu le 1er août 2022, le redressement judiciaire ayant été converti en liquidation judiciaire par jugement du 28 septembre 2022.

Les bailleurs ont déclaré leur créance par courrier du 21 septembre 2022 pour un montant de 49 615,08 euros arrêté au 1er août 2022 et correspondant aux échéances trimestrielles d'octobre 2021à juillet 2022.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que les bailleurs demandent que leur créance de loyers régulièrement déclarée soit fixée au passif de la société ACIAM à titre privilégié.

Selon l'article L641-13 du code de commerce :

I.- Sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire :

- si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisé en application de l'article L. 641-10 ;

- si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l'activité ou en exécution d'un contrat en cours régulièrement décidée après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, s'il y a lieu, et après le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ;

- ou si elles sont nées des besoins de la vie courante du débiteur, personne physique.

En cas de prononcé de la liquidation judiciaire, sont également payées à leur échéance, les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire mentionnées au I de l'article L. 622-17.

II.- Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège conformément à l'ordre prévu par l'article L. 643-8.

III.- A l'exception des frais et dépens de la procédure, les créances impayées perdent le privilège que leur confère le II du présent article si elles n'ont pas été portées à la connaissance du mandataire judiciaire, de l'administrateur lorsqu'il en est désigné ou du liquidateur au plus tard, dans le délai de six mois à compter de la publication du jugement ouvrant ou prononçant la liquidation ou, à défaut, dans le délai d'un an à compter de celle du jugement arrêtant le plan de cession. Lorsque cette information porte sur une créance déclarée pour le compte du créancier en application de l'article L. 622-24, elle rend caduque cette déclaration si le juge n'a pas statué sur l'admission de la créance.

Le bail a été résilié par le mandataire liquidateur le 31 janvier 2023. (Pièce 14)

Les loyers impayés depuis octobre 2022 et jusqu'au 31 janvier 2023 constituent une créance née en exécution d'un contrat en cours régulièrement décidée après le jugement d'ouverture de la procédure collective.

Il s'agit donc d'une créance utile qui devait être réglée à échéance et qui fait l'objet d'un droit de poursuite individuel.

C'est donc une condamnation que doit prononcer le juge saisi d'une demande exercée à ce titre par le créancier.

En l'espèce, les appelants forment une demande de fixation de cette créance au passif de la société ACIAM.

Ils ont répondu dans leur note en délibéré qu'aucune créance postérieure à l'ouverture de la procédure collective n'avait été déclarée.

Leur demande en fixation de créance sera rejetée.

La SELARL [M] [Localité 12] & Associés et la SELARL [Y] [I] en leurs qualités de madataire liquidateur seront condamnées aux dépens d'appel.

Il n'apparaît pas inéquitable que les appelants supportent leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe ;

Infirme le jugement entrepris dans les limites de l'appel ;

Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,

Fixe la créance de M. [P] [D], Mme [L] [D] et Mme [W] [D] épouse [G] d'un montant de 49.615,08 euros, arrêtée au 1er août 2022 au titre des loyers et charges impayés au jour de l'ouverture de la procédure de liquidation, au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société ACIAM à titre privilégié ;

Déboute M. [P] [D], Mme [L] [D] et Mme [W] [D] épouse [G] de leur demande de fixation de la somme de 15.814,59 euros à titre privilégié au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société ACIAM ;

Condamne la SELARL [M] [Localité 12] & Associés et la SELARL [Y] [I] en leurs qualités de madataire liquidateur de la société ACIAM aux dépens d'appel ;

Rejette toutes autres demandes.

LE GREFFIER POUR LE PRÉSIDENT

EMPECHE

N. LE GALL L. COURTADE

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