CA Douai, ch. 2 sect. 2, 25 septembre 2025, n° 23/01229
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 25/09/2025
N° de MINUTE :
N° RG 23/01229 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UZUK
Ordonnance (N° 22/03372) rendue le 16 décembre 2022 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer
APPELANTE
SA Banque du Bâtiment et des travaux Publics représentée par le Président de son directoire, domicilié en cette qualité au siège
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Patrick Delahay, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Bertrand Mahl, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉES
SELARL Ruffin mandataires et associés (RM&A) en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Etablissement Brouiller
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Tania Normand, avocat au barreau de Boulogne sur Mer, avocat constitué
SAS Etablissement Brouillier
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 5]
Défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 19 avril 2023 (pv de rechercherches infructeuses)
DÉBATS à l'audience publique du 10 juin 2025 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidente de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Anne Soreau, conseiller
ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, à laquelle la minute a été remise par la magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 13 mai 2025
****
FAITS ET PROCEDURE
Par jugement du 24 mars 2022, le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Établissement Brouillier, la société Ruffin ayant été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Le 16 juin 2022, la société Établissement Brouillier a été mise en liquidation judiciaire, la société Ruffin et associés étant nommée en qualité de liquidateur.
Le 15 avril 2022, la société La Banque du bâtiment et des travaux public (la banque du BTP) a procédé à la déclaration au passif de la procédure collective précitée de deux créances':
- l'une au titre d'un «' encours de caution'» pour un montant de 101'641,59 euros';
- l'autre au titre de créances cédées par bordereau Dailly d'un montant de 54'889 euros.
Par ordonnance du 16 décembre 2022, le juge-commissaire a':
- admis la première créance partiellement, à hauteur de 97 028, 95 euros';
- rejeté la seconde en sa totalité.
Cette ordonnance a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 février 2023.
Par déclaration du 10 mars 2023, la banque du BTP a interjeté appel de cette ordonnance.
PRETENTIONS
Par conclusions signifiées par voie électronique le 21 janvier 2025, la banque du BTP demande à la cour de':
- réformer l'ordonnance entreprise';
- en conséquence admettre sa créance au passif chirographaire à échoir de la liquidation judiciaire de la débitrice à concurrence de 101'641,59'euros au titre d'un encours d'engagements par signature et à son passif chirographaire échu à concurrence de 54'889,13'euros au titre d'un encours de cessions impayées';
- lui donner acte de ce qu'elle se désistera du bénéfice de l'effet exécutoire de la décision d'admission prononcée à son profit à due concurrence des justifications de libérations enregistrées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective au titre des engagements par signature';
- condamner la société Rufin, ès qualités, in solidum avec la société Etablissement Brouillier dûment représentée et assistée, à lui payer 3'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel, dont distraction pour ceux le concernant au profit de Me Delahay, avocat aux offres de droit selon les modalités de l'article 699 du code de procédure, et dire que toutes ces condamnations seront employées en frais privilégiés de procédure.
Elle fait valoir que':
- par l'effet de la loi, le souscripteur se voit reconnaître de plein droit à l'encontre de son donneur d'ordre à la souscription en déconfiture, une créance certaine, exigible et liquide à concurrence du montant nominal des engagements par signature souscrits sur son ordre';
- le cédant est non seulement débiteur du remboursement des éventuelles avances susceptibles de lui avoir été consenties par escompte de situations de travaux, mais encore garant légal solidaire du paiement entre les mains du cessionnaire du montant nominal des créances cédées';
- la créance à admettre est celle existant au jour de l'ouverture de la procédure collective et la débitrice n'a pas assumé la charge de la preuve de sa libération antérieure à l'ouverture de sa procédure collective au titre des engagements objets de la déclaration de créance et de la demande d'admission.
Elle rappelle la différence entre le titre exécutoire et l'effet exécutoire de ce titre contre le débiteur sous procédure collective dont l'étendue est naturellement limitée aux seuls encours restés non apurés ensuite de l'ouverture de la procédure collective, après réception des règlements de tiers ou après justification de libération des engagements par signature existant au jour de l'ouverture de la procédure collective.
Elle souligne avoir justifié des engagements par signature revendiqués en risque au jour de l'ouverture de la procédure, engagements dont la matérialité n'a fait l'objet d'aucune discussion sérieuse. Il n'est pas démontré que ces encours aient fait l'objet de libérations, pas plus que ces dernières aient été antérieures à l'ouverture de la procédure collective.
Concernant l'encours de cession, elle conteste son rejet par le juge-commissaire, dès lors que cette partie de la créance n'était l'objet que de contestations'génériques'venant en contradiction avec les pièces produites aux débats. Elle souligne retransmettre à nouveau l'ensemble des pièces justifiant de sa créance. Elle conteste tout risque de double paiement.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 20 janvier 2025, la société Ruffin, ès qualités, demande à la cour de':
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge commissaire en ce qu'elle a admis la créance de la Banque du BTP pour un montant de 97'028,95'euros au titre des «'encours de caution'»';
Statuant à nouveau sur ce poste':
- rejeter la créance déclarée au passif du redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire de la société Établissement Brouillier, au titre des engagements de caution, caution personnelle et solidaire et contre-garantie';
- confirmer d'autre part l'ordonnance rendue par le juge commissaire en ce qu'elle a rejeté la créance déclarée à titre chirographaire et pour un montant de 54'889,13'euros au titre de l'encours de cession de créances professionnelles';
En tout état de cause':
- condamner la Banque du BTP à lui payer la somme de 1'500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamner cette dernière en tous les frais et dépens d'appel.
Elle fait valoir que':
- la banque du BTP ne produit pas les justificatifs du montant des créances qu'elle déclare au passif';
- s'agissant de la partie «'encours de cautions'», seuls sont produits des actes, attestant d'un montant au total de 96'868, 5 euros, le surplus n'étant pas prouvé, ce qui justifie déjà le rejet de la demande de ce chef'; la banque du BTP ne démontre pas que les engagements dont elle se prévaut demeurent en cours et qu'elle pourrait être actionnée à ce titre'; elle ne justifie pas plus avoir versé la moindre somme, étant précisé qu'il a pu être obtenu communication de mainlevée et procès-verbaux de réception au titre de plusieurs engagements'; une créance à hauteur de 85 649,66'euros, compte tenu des éléments recueillis, est apparue comme éteinte'; pour le solde, il appartient à la banque du BTP d'établir qu'elle peut être appelée en paiement par les maîtres d'ouvrage';
- s'agissant de la cession de créances impayées, il n'a été produit qu'un acte dont la validité n'est pas contestée'; pour qu'une créance puisse être admise à ce titre, il appartient à la banque du BTP de démontrer qu'une action a été vainement entreprise contre la société Areli aux fins d'obtenir le paiement des créances cédées'; à défaut cela reviendrait à prendre le risque d'un double paiement.
MOTIVATION
Selon l'article L. 622-24 du code de commerce, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'État. ['.] La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation.
L'article L. 622-25 du code de commerce précise que la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature et l'assiette de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie et, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers. Lorsqu'il s'agit de créances en monnaie étrangère, la conversion en euros a lieu selon le cours du change à la date du jugement d'ouverture. Sauf si elle résulte d'un titre exécutoire, la créance déclarée est certifiée sincère par le créancier. Le visa du commissaire aux comptes ou, à défaut, de l'expert-comptable sur la déclaration de créance peut être demandé par le juge-commissaire. Le refus de visa est motivé.
L'admission de la créance a pour finalité de déterminer le passif de la procédure collective, c'est-à-dire le passif qui pourra donner lieu à distribution dans le cadre de la liquidation ou répartition à l'occasion du plan.
Il est de jurisprudence constante que l'admission de la créance s'apprécie par référence à la situation existant à la date du jugement d'ouverture et que les paiements effectués postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur principal n'affectent pas le montant de la créance à admettre (Com. 2 février 1999 : Bull.civ.IV, n° 34 - Com. 24 juin 2003, n° 01-11.944'; Com. 20 février 2001 : Bull.IV n° 41'; Com., 13 nov.2007, n° 06-19.192'; Com., 2 octobre 2012, n° 11-20.181 ).
Il s'ensuit que même si la créance déclarée a été réglée entre le jugement d'ouverture et la décision du juge-commissaire, elle doit être admise en totalité (Com., 8 juin 2010, n° 09-14.624, Bull. 2010, IV, n° 108).
La Cour de cassation a ensuite précisé cette règle, en énonçant que l'admission de la créance déclarée était distincte de son règlement (Com., 1 juillet 2020, n° 19-10.331) et qu'il appartenait au juge-commissaire puis à la cour d'appel se prononçant sur la contestation d'une créance à admettre de se placer, pour statuer sur son admission, au jour du jugement d'ouverture, sans tenir compte d'événements postérieurs susceptibles d'influer sur la somme qui sera ultérieurement distribuée par le liquidateur (Com., 5 juillet 2023, n° 22-10.104'; Com., 5 juillet 2023, n° 22-10.104).
- Sur la déclaration de créance au titre des encours de caution
Plus particulièrement s'agissant des encours de caution, la Cour de cassation a rappelé que la caution pouvant, même avant d'avoir payé, agir contre le débiteur principal dans les cas prévus par l'article 2309 du code civil, elle est fondée, au titre de son recours anticipé en indemnisation prévu par ce texte, à déclarer sa créance dans la procédure collective du débiteur, sans qu'il soit exigé qu'elle ait été appelée au préalable ni qu'elle ait exécuté son engagement (Com., 30 janvier 2019, n° 17-22.743).
Elle a également énoncé que l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du juge-commissaire admettant la créance ne fait pas obstacle à la déduction du montant de la créance admise du paiement effectué par la caution postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective (Com., 11 juillet 2006, pourvoi n° 05-15.471).
En l'espèce, la banque du BTP a déclaré une créance au titre des engagements par signature ou encours de cautions d'un montant de 101'641,59 euros au jour du jugement d'ouverture, soit le 24 mars 2022.
Néanmoins, il ressort des pièces produites en annexe de la déclaration de créances que ne sont versés aux débats les justificatifs de tels engagements qu'à hauteur de 96'848, 95 euros TTC, ce que pointe d'ailleurs le liquidateur dans ses écritures, sans être démenti par la société Banque BTP.
Toutefois, pour contester la créance déclarée, le liquidateur excipe qu'il n'est pas justifié par la banque qu'elle ait été amenée à procéder à des versements au titre de ses engagements de caution pour le compte de la société débitrice.
En outre, il convient de rappeler qu'en matière de cautionnement, le créancier doit déclarer l'action récursoire qui lui est ouverte en cas d'appel de la garantie ou l'action préventive de l'article 2309 du code civil, et ce sous la forme d'une déclaration de créance. Contrairement à ce que soutient le liquidateur, il n'y a pas lieu d'exiger du créancier qu'il démontre avoir été appelé en paiement par les maîtres d'ouvrage, voire qu'il justifie avoir payé ces derniers.
En matière de retenue de garantie relevant de la loi du 16 juillet 1971 ou de retenue de garantie dans le cadre d'un marché public, le terme de la garantie octroyée est marqué soit par la restitution de l'orignal du cautionnement, soit par la production de la mainlevée expresse, soit par la communication d'un procès-verbal de réception des travaux non suivi d'opposition dans le délai d'un an.
Cela est d'ailleurs confirmé par les termes des actes versés aux débats, dont il s'extrait que':
- les «'cautions'» prendront fin, «'dans les conditions de l'article 2 de la loi [du 16 juillet 1971], à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception des travaux, faite avec ou sans réserve, sauf opposition motivée notifiée par le maître d'ouvrage à la caution, effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception'», (cf. par exemple caution n° E713326 ou n° E630799 ou encore E631413')';
- l'engagement de contre-garantie «'prendra fin sur mainlevée expresse donnée par l'établissement caution ou au plus tard à l'expiration du délai d'un an à compter de la réception des travaux, faite avec ou sans réserves, sauf opposition motivée notifiée par l'établissement caution ou l'entreprise principale, effectuée par lettre recommandée avec accusée de réception adressée à la caution (cf. par exemple contregarantie n° E648482 ou encore n° E592988');
- l'engagement de cautions personnelle et solidaire remplaçant la retenue de garantie en application des articles R. 2191-36 et (R. 2391-25 du code de la commande publique «' prend fin dans les conditions prévues à l'article R. 2191-42 et R. 2391-25 du code de la commande publique'» (cf. par exemple (cautions n° E554924 ou n° E523948).
Ainsi, comme précédemment rappelé, la déclaration de créance peut porter sur des créances non échues, dès lors que les évènements susceptibles d'éteindre la créance, et donc de libérer la garantie octroyée, ne sont pas intervenus antérieurement au jour d'ouverture de la procédure collective, ce qu'il convient d'examiner au vu des pièces versées aux débats.
En l'espèce, il n'est pas justifié que l'un quelconque des évènements susceptibles de mettre un terme aux engagements de caution souscrits soit intervenu antérieurement au jugement d'ouverture de procédure collective de la société Établissement Brouillier, soit avant le 24 mars 2022.
En effet, si le liquidateur souligne avoir obtenu communication des mainlevées et procès-verbaux de réception des travaux pour divers engagements, ces derniers comportent soit une date postérieure au 24 mars 2022 (Cf. par exemple caution E713326 24 mars 2022, caution pour le chantier de M. et Mme [D] 13 février 2024'), soit la mention «'bon pour mainlevée'» sans autre précision ( Caution E631413), aucun élément ne permettant d'établir que cette mainlevée soit intervenue antérieurement au 24 mars 2022.
Par contre, concernant l'engagement de caution personnelle et solidaire en remplacement de la retenue de garantie consenti par la banque BTP en garantie des engagements pris par la société Etablissement Brouillier du 21 juin 2019 et relatif au chantier Copronord (acte de caution E495792)', il est justifié d'un procès-verbal de réception des travaux du 14 février 2020, lequel mentionne toutefois l'existence de réserves qu'il convenait de lever.
Il ressort des stipulations de l'acte de l'engagement de caution précité, renvoyant aux dispositions applicables aux garanties dans le cadre des marchés de commande publique, que les établissements ayant donné leur garantie sont libérés un mois au plus tard après l'expiration du délai de garantie, et en présence de notification de réserves dans le délai de garantie, et si les réserves n'ont pas été levées avant l'expiration de ce délai, un mois au plus tard après la date de leur levée (Cf. l'article'R. 2191-42 du code de la commande publique).
La seule production du procès-verbal précisant une réception à une date certes antérieure à celle du jugement d'ouverture, n'est pas suffisante à démontrer que les réserves listées aient quant à elles été levées antérieurement au jugement d'ouverture et que l'expiration du délai d'un mois après la date de leur levée ait eu lieu avant le 24 mars 2022.
Concernant les contre-garanties au titre des travaux réalisés au profit de la société SN Laridant (référencées E 46924, E 582063 et E 648482) suivant actes du 10 mai 2021, du 29 juillet 2020 et du 26 juin 2019, seul se trouve communiqué un procès-verbal de réception daté du 15 juillet 2021, mentionnant la présence de réserves.
Il n'est toutefois pas prouvé qu'une mainlevée expresse ait été donnée antérieurement au jugement d'ouverture de procédure collective. Quant à l'expiration du délai d'un an à compter de la réception, cette dernière est nécessairement postérieure au 24 mars 2022, compte tenu de la date de la réception figurant sur le procès-verbal précité.
En conséquence, les contestations du liquidateur se trouvent injustifiées, la banque du BTP justifiant d'encours de cautions et de contre-garanties qui n'avaient pas pris fin antérieurement au 24 mars 2022, date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Etablissement Brouilier, pour un montant de 96'848, 95 euros TTC.
La créance de la banque doit être admise de ce chef pour le montant précité.
- Sur la déclaration de créance au titre de cessions de créances impayées
En l'espèce, pour justifier de sa déclaration de créance d'un montant de 54'889,13 euros au titre de cessions de créances impayées, la banque produit':
- un acte de cession de créances professionnelles du 11 février 2022, dûment signé par la société Brouillier, laquelle a cédé les créances détenues à l'encontre de la société Areli relatives au marché de travaux [Adresse 8] à [Localité 7] pour un montant de 169'982, 75 euros, étant précisé que les conditions de règlement du marché étaient «' 40 jours fin de mois'»';
- une notification de la cession de marché privé effectuée à la société Areli le 11 février 2022 pour le montant précité';
- les factures relatives aux deux situations impayées, l'une du 2 février 2022 pour un montant de 22'936,39 euros et l'autre du 2 mars 2022, pour un montant de 31'952,74 euros, soit un total de 54'889, 13 euros.
Il doit être noté au préalable que compte tenu des dates des deux situations dont se prévaut la banque, précitées, et des conditions de règlement du marché ' soit «'40 jours fin de mois'», les créances correspondant à ces deux situations n'étaient pas exigibles au jour de l'ouverture de la procédure collective de la société Etablissement Brouillier.
Ensuite, contrairement à ce qu'affirme le liquidateur, par l'acte de cession précité, la société Areli n'a pas été substituée à la société Etablissement Brouillier, devenant ainsi l'unique débiteur de la société BTP. En effet, si,'par l'acte de cession de créance, la propriété de la créance cédée est transférée au cessionnaire, sauf convention contraire, le signataire de l'acte de cession est garant solidaire du paiement des créances cédées, comme le rappelle l'article L. 313-24 du code monétaire et financier. L'acte de cession produit ne comporte aucune dérogation au principe ci-dessus énoncé.
C'est dès lors de manière totalement injustifiée que le liquidateur soutient que la société BTP devrait justifier avoir vainement engagé une action à l'encontre de la société Areli, puisqu'en qualité de garant solidaire, le cédant demeure redevable du montant des créances cédées solidairement avec le cédé auprès du cessionnaire.
Le liquidateur ne peut pas plus opposer le risque de double paiement, l'un par la société Areli, l'autre par les dividendes versés dans le cadre de la procédure collective de la société Etablissement Brouillier pour s'opposer à l'admission de la créance déclarée, compte tenu des règles ci-dessus rappelées.
En conséquence, les contestations du liquidateur concernant la déclaration de créance effectuée par la société BTP au titre de l'acte de cession de créances impayées sont injustifiées.
La créance de la société BTP au titre des cessions de créances impayées pour un montant de 54 889,13 euros est donc admise.
Dès lors, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et d'admettre la créance de la société BTP au passif de la procédure collective, l'une au titre des encours de cautions et contre-garanties pour un montant de 96 848,95 euros TTC, l'autre au titre de la cession de créances impayées pour un montant de 54'889,13 euros TTC.
- Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Ruffin, ès qualités de liquidateur de la société Etablissement Brouillier, succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Il convient compte tenu de l'équité et de la situation respective des parties de rejeter l'ensemble des prétentions sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera ajouté à la décision entreprise, cette dernière ayant omis de statuer sur les dépens de la procédure de première instance.
PAR CES MOTIFS
INFIRME l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer du 16 décembre 2022 en toutes ses dispositions';
Statuant à nouveau et y ajoutant,
ADMET la créance de la société Banque du bâtiment et des travaux publics au titre des encours de cautions et actes de contre-garanties au passif de la société Établissement Brouillier à hauteur de 96'848, 95 euros TTC';
ADMET la créance de la société Banque du bâtiment et des travaux publics au titre de l'acte de cession de créances impayées au passif de la société Établissement Brouillier à hauteur de 54'889, 13 euros TTC';
CONDAMNE la SELARL Ruffin mandataires et associé, en qualité de liquidateur de la société Etablissement Brouillier, aux dépens de première instance et d'appel';
REJETTE les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
AUTORISE Me Delahay, selon les modalités de l'article 699 du code de procédure, à recouvrer directement les frais dont il aura fait l'avance sans avoir au préalable reçu provision';
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 2
ARRÊT DU 25/09/2025
N° de MINUTE :
N° RG 23/01229 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UZUK
Ordonnance (N° 22/03372) rendue le 16 décembre 2022 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer
APPELANTE
SA Banque du Bâtiment et des travaux Publics représentée par le Président de son directoire, domicilié en cette qualité au siège
ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Patrick Delahay, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Bertrand Mahl, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉES
SELARL Ruffin mandataires et associés (RM&A) en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Etablissement Brouiller
ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Tania Normand, avocat au barreau de Boulogne sur Mer, avocat constitué
SAS Etablissement Brouillier
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 5]
Défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 19 avril 2023 (pv de rechercherches infructeuses)
DÉBATS à l'audience publique du 10 juin 2025 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Stéphanie Barbot, présidente de chambre
Nadia Cordier, conseiller
Anne Soreau, conseiller
ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, à laquelle la minute a été remise par la magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 13 mai 2025
****
FAITS ET PROCEDURE
Par jugement du 24 mars 2022, le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Établissement Brouillier, la société Ruffin ayant été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Le 16 juin 2022, la société Établissement Brouillier a été mise en liquidation judiciaire, la société Ruffin et associés étant nommée en qualité de liquidateur.
Le 15 avril 2022, la société La Banque du bâtiment et des travaux public (la banque du BTP) a procédé à la déclaration au passif de la procédure collective précitée de deux créances':
- l'une au titre d'un «' encours de caution'» pour un montant de 101'641,59 euros';
- l'autre au titre de créances cédées par bordereau Dailly d'un montant de 54'889 euros.
Par ordonnance du 16 décembre 2022, le juge-commissaire a':
- admis la première créance partiellement, à hauteur de 97 028, 95 euros';
- rejeté la seconde en sa totalité.
Cette ordonnance a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 février 2023.
Par déclaration du 10 mars 2023, la banque du BTP a interjeté appel de cette ordonnance.
PRETENTIONS
Par conclusions signifiées par voie électronique le 21 janvier 2025, la banque du BTP demande à la cour de':
- réformer l'ordonnance entreprise';
- en conséquence admettre sa créance au passif chirographaire à échoir de la liquidation judiciaire de la débitrice à concurrence de 101'641,59'euros au titre d'un encours d'engagements par signature et à son passif chirographaire échu à concurrence de 54'889,13'euros au titre d'un encours de cessions impayées';
- lui donner acte de ce qu'elle se désistera du bénéfice de l'effet exécutoire de la décision d'admission prononcée à son profit à due concurrence des justifications de libérations enregistrées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective au titre des engagements par signature';
- condamner la société Rufin, ès qualités, in solidum avec la société Etablissement Brouillier dûment représentée et assistée, à lui payer 3'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel, dont distraction pour ceux le concernant au profit de Me Delahay, avocat aux offres de droit selon les modalités de l'article 699 du code de procédure, et dire que toutes ces condamnations seront employées en frais privilégiés de procédure.
Elle fait valoir que':
- par l'effet de la loi, le souscripteur se voit reconnaître de plein droit à l'encontre de son donneur d'ordre à la souscription en déconfiture, une créance certaine, exigible et liquide à concurrence du montant nominal des engagements par signature souscrits sur son ordre';
- le cédant est non seulement débiteur du remboursement des éventuelles avances susceptibles de lui avoir été consenties par escompte de situations de travaux, mais encore garant légal solidaire du paiement entre les mains du cessionnaire du montant nominal des créances cédées';
- la créance à admettre est celle existant au jour de l'ouverture de la procédure collective et la débitrice n'a pas assumé la charge de la preuve de sa libération antérieure à l'ouverture de sa procédure collective au titre des engagements objets de la déclaration de créance et de la demande d'admission.
Elle rappelle la différence entre le titre exécutoire et l'effet exécutoire de ce titre contre le débiteur sous procédure collective dont l'étendue est naturellement limitée aux seuls encours restés non apurés ensuite de l'ouverture de la procédure collective, après réception des règlements de tiers ou après justification de libération des engagements par signature existant au jour de l'ouverture de la procédure collective.
Elle souligne avoir justifié des engagements par signature revendiqués en risque au jour de l'ouverture de la procédure, engagements dont la matérialité n'a fait l'objet d'aucune discussion sérieuse. Il n'est pas démontré que ces encours aient fait l'objet de libérations, pas plus que ces dernières aient été antérieures à l'ouverture de la procédure collective.
Concernant l'encours de cession, elle conteste son rejet par le juge-commissaire, dès lors que cette partie de la créance n'était l'objet que de contestations'génériques'venant en contradiction avec les pièces produites aux débats. Elle souligne retransmettre à nouveau l'ensemble des pièces justifiant de sa créance. Elle conteste tout risque de double paiement.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 20 janvier 2025, la société Ruffin, ès qualités, demande à la cour de':
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge commissaire en ce qu'elle a admis la créance de la Banque du BTP pour un montant de 97'028,95'euros au titre des «'encours de caution'»';
Statuant à nouveau sur ce poste':
- rejeter la créance déclarée au passif du redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire de la société Établissement Brouillier, au titre des engagements de caution, caution personnelle et solidaire et contre-garantie';
- confirmer d'autre part l'ordonnance rendue par le juge commissaire en ce qu'elle a rejeté la créance déclarée à titre chirographaire et pour un montant de 54'889,13'euros au titre de l'encours de cession de créances professionnelles';
En tout état de cause':
- condamner la Banque du BTP à lui payer la somme de 1'500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamner cette dernière en tous les frais et dépens d'appel.
Elle fait valoir que':
- la banque du BTP ne produit pas les justificatifs du montant des créances qu'elle déclare au passif';
- s'agissant de la partie «'encours de cautions'», seuls sont produits des actes, attestant d'un montant au total de 96'868, 5 euros, le surplus n'étant pas prouvé, ce qui justifie déjà le rejet de la demande de ce chef'; la banque du BTP ne démontre pas que les engagements dont elle se prévaut demeurent en cours et qu'elle pourrait être actionnée à ce titre'; elle ne justifie pas plus avoir versé la moindre somme, étant précisé qu'il a pu être obtenu communication de mainlevée et procès-verbaux de réception au titre de plusieurs engagements'; une créance à hauteur de 85 649,66'euros, compte tenu des éléments recueillis, est apparue comme éteinte'; pour le solde, il appartient à la banque du BTP d'établir qu'elle peut être appelée en paiement par les maîtres d'ouvrage';
- s'agissant de la cession de créances impayées, il n'a été produit qu'un acte dont la validité n'est pas contestée'; pour qu'une créance puisse être admise à ce titre, il appartient à la banque du BTP de démontrer qu'une action a été vainement entreprise contre la société Areli aux fins d'obtenir le paiement des créances cédées'; à défaut cela reviendrait à prendre le risque d'un double paiement.
MOTIVATION
Selon l'article L. 622-24 du code de commerce, à partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'État. ['.] La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation.
L'article L. 622-25 du code de commerce précise que la déclaration porte le montant de la créance due au jour du jugement d'ouverture avec indication des sommes à échoir et de la date de leurs échéances. Elle précise la nature et l'assiette de la sûreté dont la créance est éventuellement assortie et, le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d'un tiers. Lorsqu'il s'agit de créances en monnaie étrangère, la conversion en euros a lieu selon le cours du change à la date du jugement d'ouverture. Sauf si elle résulte d'un titre exécutoire, la créance déclarée est certifiée sincère par le créancier. Le visa du commissaire aux comptes ou, à défaut, de l'expert-comptable sur la déclaration de créance peut être demandé par le juge-commissaire. Le refus de visa est motivé.
L'admission de la créance a pour finalité de déterminer le passif de la procédure collective, c'est-à-dire le passif qui pourra donner lieu à distribution dans le cadre de la liquidation ou répartition à l'occasion du plan.
Il est de jurisprudence constante que l'admission de la créance s'apprécie par référence à la situation existant à la date du jugement d'ouverture et que les paiements effectués postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur principal n'affectent pas le montant de la créance à admettre (Com. 2 février 1999 : Bull.civ.IV, n° 34 - Com. 24 juin 2003, n° 01-11.944'; Com. 20 février 2001 : Bull.IV n° 41'; Com., 13 nov.2007, n° 06-19.192'; Com., 2 octobre 2012, n° 11-20.181 ).
Il s'ensuit que même si la créance déclarée a été réglée entre le jugement d'ouverture et la décision du juge-commissaire, elle doit être admise en totalité (Com., 8 juin 2010, n° 09-14.624, Bull. 2010, IV, n° 108).
La Cour de cassation a ensuite précisé cette règle, en énonçant que l'admission de la créance déclarée était distincte de son règlement (Com., 1 juillet 2020, n° 19-10.331) et qu'il appartenait au juge-commissaire puis à la cour d'appel se prononçant sur la contestation d'une créance à admettre de se placer, pour statuer sur son admission, au jour du jugement d'ouverture, sans tenir compte d'événements postérieurs susceptibles d'influer sur la somme qui sera ultérieurement distribuée par le liquidateur (Com., 5 juillet 2023, n° 22-10.104'; Com., 5 juillet 2023, n° 22-10.104).
- Sur la déclaration de créance au titre des encours de caution
Plus particulièrement s'agissant des encours de caution, la Cour de cassation a rappelé que la caution pouvant, même avant d'avoir payé, agir contre le débiteur principal dans les cas prévus par l'article 2309 du code civil, elle est fondée, au titre de son recours anticipé en indemnisation prévu par ce texte, à déclarer sa créance dans la procédure collective du débiteur, sans qu'il soit exigé qu'elle ait été appelée au préalable ni qu'elle ait exécuté son engagement (Com., 30 janvier 2019, n° 17-22.743).
Elle a également énoncé que l'autorité de la chose jugée attachée à l'ordonnance du juge-commissaire admettant la créance ne fait pas obstacle à la déduction du montant de la créance admise du paiement effectué par la caution postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective (Com., 11 juillet 2006, pourvoi n° 05-15.471).
En l'espèce, la banque du BTP a déclaré une créance au titre des engagements par signature ou encours de cautions d'un montant de 101'641,59 euros au jour du jugement d'ouverture, soit le 24 mars 2022.
Néanmoins, il ressort des pièces produites en annexe de la déclaration de créances que ne sont versés aux débats les justificatifs de tels engagements qu'à hauteur de 96'848, 95 euros TTC, ce que pointe d'ailleurs le liquidateur dans ses écritures, sans être démenti par la société Banque BTP.
Toutefois, pour contester la créance déclarée, le liquidateur excipe qu'il n'est pas justifié par la banque qu'elle ait été amenée à procéder à des versements au titre de ses engagements de caution pour le compte de la société débitrice.
En outre, il convient de rappeler qu'en matière de cautionnement, le créancier doit déclarer l'action récursoire qui lui est ouverte en cas d'appel de la garantie ou l'action préventive de l'article 2309 du code civil, et ce sous la forme d'une déclaration de créance. Contrairement à ce que soutient le liquidateur, il n'y a pas lieu d'exiger du créancier qu'il démontre avoir été appelé en paiement par les maîtres d'ouvrage, voire qu'il justifie avoir payé ces derniers.
En matière de retenue de garantie relevant de la loi du 16 juillet 1971 ou de retenue de garantie dans le cadre d'un marché public, le terme de la garantie octroyée est marqué soit par la restitution de l'orignal du cautionnement, soit par la production de la mainlevée expresse, soit par la communication d'un procès-verbal de réception des travaux non suivi d'opposition dans le délai d'un an.
Cela est d'ailleurs confirmé par les termes des actes versés aux débats, dont il s'extrait que':
- les «'cautions'» prendront fin, «'dans les conditions de l'article 2 de la loi [du 16 juillet 1971], à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception des travaux, faite avec ou sans réserve, sauf opposition motivée notifiée par le maître d'ouvrage à la caution, effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception'», (cf. par exemple caution n° E713326 ou n° E630799 ou encore E631413')';
- l'engagement de contre-garantie «'prendra fin sur mainlevée expresse donnée par l'établissement caution ou au plus tard à l'expiration du délai d'un an à compter de la réception des travaux, faite avec ou sans réserves, sauf opposition motivée notifiée par l'établissement caution ou l'entreprise principale, effectuée par lettre recommandée avec accusée de réception adressée à la caution (cf. par exemple contregarantie n° E648482 ou encore n° E592988');
- l'engagement de cautions personnelle et solidaire remplaçant la retenue de garantie en application des articles R. 2191-36 et (R. 2391-25 du code de la commande publique «' prend fin dans les conditions prévues à l'article R. 2191-42 et R. 2391-25 du code de la commande publique'» (cf. par exemple (cautions n° E554924 ou n° E523948).
Ainsi, comme précédemment rappelé, la déclaration de créance peut porter sur des créances non échues, dès lors que les évènements susceptibles d'éteindre la créance, et donc de libérer la garantie octroyée, ne sont pas intervenus antérieurement au jour d'ouverture de la procédure collective, ce qu'il convient d'examiner au vu des pièces versées aux débats.
En l'espèce, il n'est pas justifié que l'un quelconque des évènements susceptibles de mettre un terme aux engagements de caution souscrits soit intervenu antérieurement au jugement d'ouverture de procédure collective de la société Établissement Brouillier, soit avant le 24 mars 2022.
En effet, si le liquidateur souligne avoir obtenu communication des mainlevées et procès-verbaux de réception des travaux pour divers engagements, ces derniers comportent soit une date postérieure au 24 mars 2022 (Cf. par exemple caution E713326 24 mars 2022, caution pour le chantier de M. et Mme [D] 13 février 2024'), soit la mention «'bon pour mainlevée'» sans autre précision ( Caution E631413), aucun élément ne permettant d'établir que cette mainlevée soit intervenue antérieurement au 24 mars 2022.
Par contre, concernant l'engagement de caution personnelle et solidaire en remplacement de la retenue de garantie consenti par la banque BTP en garantie des engagements pris par la société Etablissement Brouillier du 21 juin 2019 et relatif au chantier Copronord (acte de caution E495792)', il est justifié d'un procès-verbal de réception des travaux du 14 février 2020, lequel mentionne toutefois l'existence de réserves qu'il convenait de lever.
Il ressort des stipulations de l'acte de l'engagement de caution précité, renvoyant aux dispositions applicables aux garanties dans le cadre des marchés de commande publique, que les établissements ayant donné leur garantie sont libérés un mois au plus tard après l'expiration du délai de garantie, et en présence de notification de réserves dans le délai de garantie, et si les réserves n'ont pas été levées avant l'expiration de ce délai, un mois au plus tard après la date de leur levée (Cf. l'article'R. 2191-42 du code de la commande publique).
La seule production du procès-verbal précisant une réception à une date certes antérieure à celle du jugement d'ouverture, n'est pas suffisante à démontrer que les réserves listées aient quant à elles été levées antérieurement au jugement d'ouverture et que l'expiration du délai d'un mois après la date de leur levée ait eu lieu avant le 24 mars 2022.
Concernant les contre-garanties au titre des travaux réalisés au profit de la société SN Laridant (référencées E 46924, E 582063 et E 648482) suivant actes du 10 mai 2021, du 29 juillet 2020 et du 26 juin 2019, seul se trouve communiqué un procès-verbal de réception daté du 15 juillet 2021, mentionnant la présence de réserves.
Il n'est toutefois pas prouvé qu'une mainlevée expresse ait été donnée antérieurement au jugement d'ouverture de procédure collective. Quant à l'expiration du délai d'un an à compter de la réception, cette dernière est nécessairement postérieure au 24 mars 2022, compte tenu de la date de la réception figurant sur le procès-verbal précité.
En conséquence, les contestations du liquidateur se trouvent injustifiées, la banque du BTP justifiant d'encours de cautions et de contre-garanties qui n'avaient pas pris fin antérieurement au 24 mars 2022, date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société Etablissement Brouilier, pour un montant de 96'848, 95 euros TTC.
La créance de la banque doit être admise de ce chef pour le montant précité.
- Sur la déclaration de créance au titre de cessions de créances impayées
En l'espèce, pour justifier de sa déclaration de créance d'un montant de 54'889,13 euros au titre de cessions de créances impayées, la banque produit':
- un acte de cession de créances professionnelles du 11 février 2022, dûment signé par la société Brouillier, laquelle a cédé les créances détenues à l'encontre de la société Areli relatives au marché de travaux [Adresse 8] à [Localité 7] pour un montant de 169'982, 75 euros, étant précisé que les conditions de règlement du marché étaient «' 40 jours fin de mois'»';
- une notification de la cession de marché privé effectuée à la société Areli le 11 février 2022 pour le montant précité';
- les factures relatives aux deux situations impayées, l'une du 2 février 2022 pour un montant de 22'936,39 euros et l'autre du 2 mars 2022, pour un montant de 31'952,74 euros, soit un total de 54'889, 13 euros.
Il doit être noté au préalable que compte tenu des dates des deux situations dont se prévaut la banque, précitées, et des conditions de règlement du marché ' soit «'40 jours fin de mois'», les créances correspondant à ces deux situations n'étaient pas exigibles au jour de l'ouverture de la procédure collective de la société Etablissement Brouillier.
Ensuite, contrairement à ce qu'affirme le liquidateur, par l'acte de cession précité, la société Areli n'a pas été substituée à la société Etablissement Brouillier, devenant ainsi l'unique débiteur de la société BTP. En effet, si,'par l'acte de cession de créance, la propriété de la créance cédée est transférée au cessionnaire, sauf convention contraire, le signataire de l'acte de cession est garant solidaire du paiement des créances cédées, comme le rappelle l'article L. 313-24 du code monétaire et financier. L'acte de cession produit ne comporte aucune dérogation au principe ci-dessus énoncé.
C'est dès lors de manière totalement injustifiée que le liquidateur soutient que la société BTP devrait justifier avoir vainement engagé une action à l'encontre de la société Areli, puisqu'en qualité de garant solidaire, le cédant demeure redevable du montant des créances cédées solidairement avec le cédé auprès du cessionnaire.
Le liquidateur ne peut pas plus opposer le risque de double paiement, l'un par la société Areli, l'autre par les dividendes versés dans le cadre de la procédure collective de la société Etablissement Brouillier pour s'opposer à l'admission de la créance déclarée, compte tenu des règles ci-dessus rappelées.
En conséquence, les contestations du liquidateur concernant la déclaration de créance effectuée par la société BTP au titre de l'acte de cession de créances impayées sont injustifiées.
La créance de la société BTP au titre des cessions de créances impayées pour un montant de 54 889,13 euros est donc admise.
Dès lors, il convient d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et d'admettre la créance de la société BTP au passif de la procédure collective, l'une au titre des encours de cautions et contre-garanties pour un montant de 96 848,95 euros TTC, l'autre au titre de la cession de créances impayées pour un montant de 54'889,13 euros TTC.
- Sur les dépens et accessoires
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Ruffin, ès qualités de liquidateur de la société Etablissement Brouillier, succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Il convient compte tenu de l'équité et de la situation respective des parties de rejeter l'ensemble des prétentions sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera ajouté à la décision entreprise, cette dernière ayant omis de statuer sur les dépens de la procédure de première instance.
PAR CES MOTIFS
INFIRME l'ordonnance du juge-commissaire du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer du 16 décembre 2022 en toutes ses dispositions';
Statuant à nouveau et y ajoutant,
ADMET la créance de la société Banque du bâtiment et des travaux publics au titre des encours de cautions et actes de contre-garanties au passif de la société Établissement Brouillier à hauteur de 96'848, 95 euros TTC';
ADMET la créance de la société Banque du bâtiment et des travaux publics au titre de l'acte de cession de créances impayées au passif de la société Établissement Brouillier à hauteur de 54'889, 13 euros TTC';
CONDAMNE la SELARL Ruffin mandataires et associé, en qualité de liquidateur de la société Etablissement Brouillier, aux dépens de première instance et d'appel';
REJETTE les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
AUTORISE Me Delahay, selon les modalités de l'article 699 du code de procédure, à recouvrer directement les frais dont il aura fait l'avance sans avoir au préalable reçu provision';
Le greffier
Marlène Tocco
La présidente
Stéphanie Barbot