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Décisions

CA Grenoble, ch. civ. A, 23 septembre 2025, n° 23/01541

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 23/01541

23 septembre 2025

N° RG 23/01541

N° Portalis DBVM-V-B7H-LZGH

C1

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL LX [Localité 6]-CHAMBERY

Me Renaud RICQUART

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

Chambre civile section A

ARRÊT DU MARDI 23 SEPTEMBRE 2025

Appel d'un Jugement (N° R.G. 21/01130)

rendu par le tribunal judiciaire de Grenoble

en date du 27 février 2023

suivant déclaration d'appel du 19 avril 2023

APPELANTE :

Société civile SPC anciennement SELARL [L], immatriculée au RCS de [Localité 7] sur transfert le 18 mai 2022 du RCS de [Localité 6] sous le n° 481 691 897, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité au siège situé :

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LX GRENOBLE-CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et ayant pour avocat plaidant Me Armin CHEVAL de la SELAFA ACD, avocat au barreau de NANCY

INTIMÉE :

S.C.M. [L] [T] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège situé :

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée et plaidant par Me Renaud RICQUART, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller

Assistées lors des débats de Mme Anne Burel, greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 juin 2025 , Madame Lamoine a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 26 avril 2005, la SELARL "Cabinet d'orthodontie [J] [L]" ayant pour unique associé M. [N] [L] d'une part, et la SELARL [T] ayant pour unique associée Mme [F] [T] d'autre part, ont constitué, à part égale entre elles, la SCM [L]-[T] (ci-après la SCM) dont l'objet était de faciliter leur activité respective de chirurgiens-dentistes.

Cette SCM a notamment pris à bail des locaux professionnels situés [Adresse 2] à [Localité 6]

Après le décès le 31 décembre 2019 du Dr [N] [L], la SELARL AJUP a, sur requête des ayants droit, été désignée par ordonnance du président du tribunal judiciaire de Grenoble du 18 février 2020 en qualité d'administrateur provisoire de la SELARL [L].

Cet administrateur provisoire, ès qualités, a notifié par lettre recommandée du 20 janvier 2021 à la SCM le retrait de la SELARL [L] de la SCM en application de l'article 13 des statuts.

Par acte du 9 mars 2021, la SCM a assigné la SELARL [L] en la personne de son administrateur provisoire devant le tribunal judiciaire de Grenoble aux fins de la voir condamner au paiement de la somme principale de 135 447,48 € au titre de sa quote-part des charges arrêtée au 31 décembre 2021, outre dommages-intérêts et indemnité de procédure.

En défense, la SELARL [L] représentée par son administrateur provisoire a demandé à la juridiction saisie de :

ordonner son retrait de la SCM,

condamner la SCM à faire acquérir les parts sociales détenues par elle ou à les acquérir elle-même,

renvoyer les parties à désigner amiablement et à frais partagés un expert avec pour mission de valoriser les parts sociales encore détenues par elle dans la SCM,

débouter la SCM de toutes ses demandes en paiement.

Par jugement du 27 février 2023, le tribunal a :

condamné la SELARL [L] représentée par son administrateur provisoire à payer à la S.C.M. [L] [T] la somme de 135 447,48 € au titre de sa quote-part de charges, ;

débouté la SCM [L] [T] de sa demande de dommages et intérêts,

déclaré le retrait de la SELARL [L] de la SCM [L] [T] en date du 20/01/2021 valide et conforme aux dispositions contractuelles, au surplus constaté le juste motif de retrait de la SELARL [L] ;

En conséquence,

condamné la SCM [L] [T] à faire une offre de rachat des parts de la SELARL [L] directement ou par l'intermédiaire d'un tiers repreneur et "constaté, qu'à défaut de cette dernière option, il conviendra de procéder à la dissolution de la SCM' (sic) conformément aux clauses 27 et 28 du statut de la SCM et aux articles 1844-7 et suivants du code civil,

Et :

renvoyé les parties à désigner un expert amiablement et à frais partagés aux fins de valorisation des parts sociales, intégrant le règlement et la compensation des dettes et créances,

rappelé qu'en cas de désaccord s'agissant de cette valorisation de parts, la désignation d'un expert judiciaire relève de la compétence du Président du tribunal judiciaire conformément à l'article 1843-4 du code civil,

débouté les parties de toutes les demandes plus amples ou contraires,

condamné la SELARL [L], représentée par son administrateur provisoire aux dépens et à payer à la S.C.M. [L] [T] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

rappelé que le jugement est, de droit, exécutoire par provision.

Par déclaration au greffe en date du 19 avril 2023, la SELARL [L] devenue 'société civile SPC', a interjeté appel de ce jugement.

Au soutien de son appel, , la SELARL [L] devenue 'société civile SPC', demandait en substance à cette cour d'annuler ou réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à la SCM [L] [T] la somme de 135 447,48 € au titre de sa quote-part de charges, mais de le confirmer en ce qu'il a déclaré son retrait de cette SCM valide et conforme aux dispositions contractuelles, subsidiairement constater le juge motif de son retrait, et confirmer aussi le jugement en ce qu'il a condamné la SCM à faire une offre de rachat de ses parts, en demandant que cette obligation soit assortie d'une astreinte.

La SCM [L] [T] demandait, pour sa part, en substance la confirmation du jugement sur la condamnation à paiement au titre de la quote-part des charges, mais son infirmation sur le surplus.

Par un arrêt avant dire droit du 14 janvier 2025, cette cour a :

prononcé la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture,

invité les parties à s'expliquer, selon un calendrier fixé, sur l'application, en l'espèce, du dernier tiret de l'article 27 des statuts de la SCM prévoyant la dissolution anticipée de cette dernière en cas de "retrait volontaire d'un des associés si la société ne comporte que deux membres',

renvoyé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 23 juin 2025.

La société SPC, par dernières conclusions notifiées le 6 juin 2025, demande à cette cour de :

Annuler ou réformer le jugement entrepris en ce qu'il :

condamne la SELARL [L] représentée par son administrateur provisoire Maître [G] à payer à la SCM [L] [T] la somme de 135 447,48 € au titre de sa quote-part de charges ;

déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires

condamne la SELARL [L] représentée par son administrateur provisoire Maître [G] aux dépens et à payer à la SCM [L] [T] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau sur ces points après l'arrêt avant dire droit du 14 janvier 2025 :

A titre principal :

prendre acte de la dissolution anticipée de plein droit de la SCM [L]-[T] en date du 20 janvier 2021 en application de l'article 27 de ses statuts ;

constater l'existence d'un vice de fond affectant l'acte introductif d'instance daté du 09 mars 2021 délivré à la Société SPC anciennement SELARL de chirurgien-dentiste CABINET D'ORTHODONTIE [N] [L] ;

En conséquence,

prononcer la nullité de l'acte introductif d'instance du 09 mars 2021 ;

prononcer la nullité du jugement rendu par le tribunal judiciaire de GRENOBLE en date du 27 février 2023 ;

déclarer irrecevable la SCM [L] [T] en sa demande de ratification du projet de cession de parts sociales, en 3 exemplaires sous astreinte de 1000 € par jour de retard courant à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

condamner la SCM [L] [T] à payer la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

condamner la SCM [L] [T] aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel,

A titre subsidiaire :

prendre acte de la dissolution anticipée de plein droit de la SCM [L]-[T] en date du 20 janvier 2021 en application de l'article 27 de ses statuts ;

déclarer infondée la demande de condamnation de la SCM [L] [T] à son encontre au paiement de la somme de 135 447,48 € au titre de sa quote-part de redevances et toutes sommes qui lui seraient postérieures à ce titre ;

débouter la SCM [L] [T] de sa demande de condamnation de la Société SPC venant aux droits de la SELARL de chirurgien-dentiste CABINET D'ORTHODONTIE [N] [L] au paiement de la somme de 135 447,48 € au titre de sa quote-part de redevances et toutes sommes qui lui seraient postérieures à ce titre,

déclarer irrecevable la SCM [L] [T] en sa demande de ratification du projet de cession de parts sociales (pièce 44) joint, en 3 exemplaires sous astreinte de 1000 € par jour de retard courant à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

débouter la SCM [L] [T] de ses demandes plus amples ou contraires ;

condamner la SCM [L] [T] aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel et à payer la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

A titre plus subsidiaire :

débouter la SCM [L] [T] de sa demande à son encontre en paiement de la somme de 135 447,48 € au titre de sa quote-part de redevances et toutes sommes qui lui seraient postérieures à ce titre,

débouter la SCM [L] [T] de sa demande au titre des frais irrépétibles sous le visa de l'article 700 du code de procédure civile,

déclarer irrecevable la SCM [L] [T] en sa demande de ratification du projet de cession de parts sociales (pièce 44) joint, en 3 exemplaires sous astreinte de 1 000 € par jour de retard courant à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

Confirmer les chefs du jugement entrepris suivants :

déboute la SCM [L] [T] de sa demande de dommages et intérêts

déclare le retrait de la Société SPC venant aux droits de la SELARL de chirurgien-dentiste CABINET D'ORTHODONTIE [N] [L] de la SCM [L] [T] en date de 20 janvier 2021 valide et conforme aux dispositions contractuelles au surplus constate le juste motif de retrait de la Société SPC venant aux droits de la SELARL de chirurgien-dentiste CABINET D'ORTHODONTIE [N] [L] ;

En conséquence,

condamne la SCM [L] [T] à faire une offre de rachat des parts de la Société SPC venant aux droits de la SELARL de chirurgien-dentiste CABINET D'ORTHODONTIE [N] [L] directement ou par l'intermédiaire d'un tiers repreneur et constate qu'à défaut de cette dernière option il conviendra de procéder à la dissolution de la SCM conformément aux clauses 27 et 28 des statuts de la SCM et aux articles 1844-7 et suivants du code civil ;

rappelle qu'en cas de désaccord s'agissant de cette valorisation de parts, la désignation d'un expert judiciaire relève de la compétence du Président du Tribunal judiciaire conformément aux articles 1843-4 et suivants du code civil ;

Y ajoutant :

ordonner une astreinte de 1 000 € jour de retard assortissant l'obligation faite à la SCM [L] [T] directement ou par la SELARL [T] ou un tiers de formuler une offre d'achat sérieuse des parts sociales de la Société SPC venant aux droits de la SELARL CABINET D'ORTHODONTIE [N] [L] courant à compter de la signification de la décision à intervenir et dans la limite de trois mois,

ordonner, à l'issue du délai de trois mois et à défaut d'offre d'achat satisfaisante, la dissolution de la SCM [L] [T] pour justes motifs sous le visa des dispositions des clauses 27 et 28 des statuts, et de l'article 1844-7 du code civil,

Vu les dispositions des articles 564 du code de procédure civile et 1231-1 du code civil :

condamner la SCM [L] [T] au paiement de la somme de 135 447,48 € sauf à parfaire à son bénéfice à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier d'ores et déjà subi du fait de son inertie fautive et de sa résistance abusive à formuler une offre de rachat de ses parts,

débouter la SCM [L] [T] de ses demandes plus amples ou contraires,

condamner la SCM [L] [T] aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel à payer la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

que la cour a justement relevé, dans les motifs de l'arrêt avant dire droit, qu'en application du dernier tiret de l'article 27 des statuts de la SCM intitulé 'DISSOLUTION', la dissolution anticipée de la société résultait 'du retrait volontaire d'un des associés si la société ne comporte que deux membres', ce qui était bien le cas en l'espèce,

que cette dissolution a pris effet le 20 janvier 2021, date de notification, par l'administrateur provisoire désigné pour représenter la SELARL [L], du retrait de cette société de la SCM,

qu'il en résulte que l'assignation délivrée le 9 mars 2021 aux fins de saisir le premier juge est nulle, la SCM étant alors nécessairement dépourvue de tout organe de représentation par la dissolution anticipée qui s'est produite de plein droit,

que dès lors la saisine du tribunal est nulle, et le jugement du 27 février 2023 doit être annulé.

Elle répond, à l'objection développée par la partie adverse sur ce point, qu'une exception pour nullité de fond peut être présentée en tout état de cause en vertu de l'article 118 du code de procédure civile, et qu'il ne s'agit pas d'une demande nouvelle en cause d'appel mais d'un moyen de défense.

Il est renvoyé à ses conclusions pour plus ample exposé.

La SCM [L]-[T], par dernières conclusions notifiées le 15 mai 2025, demande à cette cour de :

confirmer le jugement ayant condamné la société SPC à lui régler la somme de 135 447,48 € au 31.12.2021 en paiement de sa quote-part de charges 2020 et 2021,

juger irrecevable la demande de dissolution de plein droit de la SCM [L]-[T] formée par la société SPC au visa des articles 908, 910-4, 954 et 564 du code de procédure civile.

à défaut, débouter la société SPC de sa demande de dissolution de plein droit de la SCM [L]-[T],

juger irrecevable et à défaut mal fondée la demande de nullité de l'acte introductif d'instance et la nullité du jugement de première instance formée par la société SPC au visa des articles 908, 909, 910-4, 954 et 564 du code de procédure civile,

juger irrecevable et à défaut mal fondée la demande de la société SPC tendant à déclarer irrecevable ses conclusions au visa des articles 908, 909, 910-4, 954 et 564 et 913-5 du code de procédure civile,

à défaut juger irrecevable la société SPC en son appel,

juger irrecevable la demande indemnitaire formée par la société SPC au visa de l'article 564 du code de procédure civile,

à défaut, débouter et juger mal fondée la demande indemnitaire formée par la société SPC de 135 447,48 € fondée sur une inertie fautive de sa part, et rejeter la demande de compensation,

débouter la société SPC de sa demande tendant à la voir condamner à formuler une offre de rachat des parts sociales sous astreinte de 1000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir et dans la limite de trois mois, et de celle tendant à ce qu'il soit ordonné à l'issue du délai de trois mois et à défaut d'offre d'achat satisfaisante la dissolution de la SCM [L] [T] pour justes motifs sous le visa des dispositions des clauses 27 et 28 des statuts, et de l'article 1844-7 du code civil,

condamner la société SPC à ratifier le projet de cession de parts sociales (pièce 44) joint, en 3 exemplaires sous astreinte de 1000 € par jour de retard courant à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,

confirmer le jugement ayant condamné la société SPC en 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner en cause d'appel la société SPC en 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

débouter la SELARL [L] du surplus de ses demandes reconventionnelles incluant l'article 700 du code de procédure civile et dépens.

Elle fait valoir, en substance :

que le dernier alinéa de l'article 27 des statuts ne peut s'entendre que par renvoi de l'article 1844-7 du code civil, et que cet article 27, qui mentionne que la dissolution anticipée de la société 'peut résulter (...) du retrait volontaire d'un des associés si la société ne comporte que deux membres' n'ouvre qu'une possibilité et non pas une cause de dissolution de plein droit,

que le terme 'retrait volontaire' implique que le retrayant ait perdu la qualité d'associé, ce qui ne peut intervenir qu'à la date de remboursement des droits sociaux et non à la date de l'exercice de son droit de retrait,

que la société civile SPC est irrecevable en sa demande tendant à voir constater cette dissolution de plein droit, dès lors que le dispositif de ses conclusions présentées dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile ne comportaient pas cette demande,

qu'elle est en outre irrecevable comme formée pour la première fois en cause d'appel au visa de l'article 564 du code de procédure civile.

Il est renvoyé à ses conclusions pour plus ample exposé.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 17 juin 2025.

MOTIFS

Sur la demande aux fins de nullité de l'acte introductif d'instance et du jugement

# sur la recevabilité de cette demande

La demande ainsi formée par la société civile SPC repose sur une irrégularité de fond à savoir le défaut de pouvoir de la 'gérante en exercice' de la SCM [L]-[T] mentionnée comme telle dans l'acte introductif d'instance, en raison de la dissolution anticipée de cette société.

Cette exception de nullité fondée sur une irrégularité de fond, s'agissant du défaut de pouvoir du représentant d'une personne morale, peut être proposée en tout état de cause en application de l'article 118 du code de procédure civile.

Par ailleurs, elle ne se heurte pas à la prohibition de l'article 564 du code de procédure civile dès lors qu'elle tend à faire écarter les prétentions adverses.

Elle sera donc jugée recevable.

# sur le bien-fondé de cette demande

La société SPC se prévaut de la dissolution anticipée de plein droit de la SCM [L]-[T] en application de l'article 27 dernier tiret des statuts de cette personne morale, par l'effet du retrait volontaire d'un des associés à savoir elle-même, notifié par son administrateur provisoire par lettre du 20 janvier 2021.

Or, si l'article 27 des statuts est ainsi libellé sur ce point :

'La société prend normalement fin à l'expiration du temps pour lequel elle a été constituée.

Toutefois la dissolution anticipée peut résulter :

(...)

(NB : dernier tiret) - du retrait volontaire d'un des associés si la société ne comporte que deux membres',

il ne prévoit pas, pour autant, la dissolution automatique de la société en cas de survenance de l'un des événements qu'il énumère, mais énonce des causes possibles de dissolution ainsi que le confirme l'emploi du verbe 'pouvoir', ce qui signifie que la dissolution ne pourra résulter, dans ce cas, que d'une manifestation de volonté de la part d'un ou plusieurs associés.

En l'espèce, si la SELARL "Cabinet d'orthodontie [J] [L]" a, par la voie de son administrateur provisoire et par lettre du 20 janvier 2021, notifié à son associée ainsi qu'à la SCM elle-même son retrait de cette dernière, elle n'a pas, à ce stade, exprimé l'intention de se prévaloir d'une dissolution de la société en raison de ce retrait, puisqu'elle fait valoir, dans cette lettre, l'obligation de la SCM de racheter ou de faire racheter ses parts sociales, en indiquant expressément : 'mon retrait de la société doit intervenir par le rachat de mes parts sociales et ce sans qu'aucun délai ne puisse m'être opposé', le rachat des parts de l'associé retrayant excluant, par principe, toute notion de dissolution de la personne morale laquelle entraîne de plein droit sa liquidation et le partage de ses actifs.

Il en résulte qu'à la date de délivrance de l'acte introductif d'instance saisissant le premier juge le 9 mars 2021, la SCM [L]-[T] n'était ni dissoute ni liquidée, et que sa gérante avait tous pouvoirs et qualité pour la représenter en justice.

Le moyen tiré de la nullité de l'assignation et, par voie de conséquence, du jugement déféré, n'est donc pas fondé et sera rejeté.

Sur les demandes relatives au retrait de la SELARL "Cabinet d'orthodontie [J] [L]" devenue société SPC, à la dissolution de la SCM [L]-[T] et au rachat des parts de l'associée retrayante

Dans le dispositif du jugement déféré, le tribunal saisi a :

'déclaré le retrait de la SELARL [L] de la SCM [L] [T] en date du 20/01/2021 valide et conforme aux dispositions contractuelles, au surplus constaté le juste motif de retrait de la SELARL [L]'.

La société SPC demande la confirmation du jugement sur ce point, et la SCM [L]-[T] n'en demande pas l'infirmation dans le dispositif de ses conclusions.

Cette cour ne peut donc, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, que confirmer le jugement de ce chef.

Pour les motifs qui ont été développés ci-avant concernant le moyen tiré de la nullité de l'acte introductif d'instance, et auxquels il est expressément référé, le retrait de la SELARL [L] de la SCM [L] [T] notifié par son administrateur provisoire par lettre du 20 janvier 2021 n'a pas entraîné la dissolution de plein droit de cette SCM, et la demande de la société SPC tendant à voir constater cette dissolution, recevable en ce qu'elle tend à voir écarter les prétentions adverses et en ce qu'elle répond en partie à l'invitation de la cour formulée dans l'arrêt avant dire droit du 14 janvier 2025, sera rejetée.

Aux termes de l'article 1869 du code civil, l'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux fixés, à défaut d'accord amiable, conformément à l'article 1843-4 du même code ; ce dernier texte prévoit la détermination de la valeur des droits à dire d'expert désigné soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par jugement du président du tribunal judiciaire compétent statuant selon la procédure accélérée au fond.

En l'espèce, le premier juge a justement, en application de ces textes et selon la demande formulée en ce sens par la SELARL [L], renvoyé les parties à désigner un expert amiablement et à frais partagés aux fins de valorisation des parts sociales.

Néanmoins, il ressort des écritures et des pièces produites qu'en l'absence d'accord, la SCM [L]-[T] a, par acte du 7 septembre 2023, saisi le président de la juridiction compétente aux fins de voir désigner un expert à cette fin. L'expert ainsi commis a établi un rapport définitif le 22 novembre 2024, aux termes duquel il fixe la valeur des parts sociales de la SCM [L]-[T] au montant de l'apport initial libéré soit 300 €, soit 150 € par associé.

La SCM [L]-[T] justifie qu'elle a fait adresser par son conseil au conseil de la société SPC le 4 décembre 2024 une lettre officielle par laquelle offre d'achat des parts de l'associée retrayante est faite au prix fixé par l'expert, lettre à laquelle la société SPC ne justifie pas avoir répondu.

Par conséquent, en raison de l'évolution du litige sur ce point depuis le prononcé du jugement de première instance :

il ne saurait être fait droit à la demande de la société SPC tendant à voir 'condamner la SCM [L] [T] à faire une offre de rachat des parts de la SELARL [L] directement ou par l'intermédiaire d'un tiers repreneur et constater, qu'à défaut de cette dernière option, il conviendra de procéder à la dissolution de la SCM conformément aux clauses 27 et 28 du statut de la SCM et aux articles 1844-7 et suivants du code civil', et le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef,

pour les mêmes motifs, la demande de la société SPC tendant à voir assortir cette obligation d'une astreinte à compter du présent arrêt et, passé le délai de trois mois 'à défaut d'offre d'achat satisfaisante' (sic), d'ordonner la dissolution de la SCM [L]-[T] pour justes motifs n'est pas justifiée et sera rejetée.

Pour les mêmes motifs, il est justifié de faire droit à la demande de la SCM [L]-[T] tendant à voir régulariser l'acte de cession des parts de la société SPC conforme aux conclusions de l'expert désigné par le président statuant selon la procédure accélérée au fond, selon les modalités qui seront précisées au dispositif du présent arrêt, cette demande ne se heurtant pas à la prohibition de l'article 564 du code de procédure civile en raison de l'évolution du litige résultant de la saisine, depuis le prononcé du jugement déféré, du président de la juridiction compétente pour désigner cet expert pour évaluer les parts de l'associé retrayant conformément aux dispositions des articles 1869 et 1844-3 du code civil, et du dépôt depuis lors du rapport de cet expert.

Sur la demande en paiement de la somme de 135 147,48 € au titre de quote-part des charges de la SCM [L]-[T]

Le tribunal a justement rappelé les dispositions de l'article 5 du règlement intérieur de la SCM [L]-[T] aux termes duquel les dépenses communes du cabinet de chirurgiens-dentistes sont réparties à égalité entre les associés, ainsi que les termes de l'article 1860 du code civil en vertu desquels, ainsi que l'a affirmé à plusieurs reprises la Cour de cassation (notamment Cass. com., 17 juin 2008, n° 06-15.045 et n° 07-14.965), l'associé qui se retire conserve sa qualité jusqu'au remboursement de ses droits sociaux.

Dès lors, par la combinaison de ces textes, la société SPC est, par principe, tenue de la moitié des charges de la SCM [L]-[T] jusqu'à paiement de la valeur de ses parts sociales, soit à la clôture de l'exercice au 31 décembre 2021, la somme de 135 447,48 € après report à nouveau de 11 429,13 € de l'exercice clos au 31 décembre 2020.

La société SPC se prévaut de ce que, en raison du décès le 31 décembre 2019 de son associé unique exerçant seul la profession de chirurgien-dentiste, elle n'a plus été en mesure d'exercer d'activité à compter de cette date ; elle ajoute qu'il est anormal qu'elle doive contribuer aux charges sans la contrepartie de revenus provenant de cet exercice professionnel. Or, il ressort des pièces produites que, courant 2020, la SELARL [L] a employé un dentiste remplaçant, ce qui lui a donc procuré des revenus en termes d'honoraires, et qui l'a d'ailleurs conduite à contribuer aux charges communes jusqu'à celles appelées en novembre 2020.

Par ailleurs, s'il est constant que l'article 5 du règlement intérieur de la SCM [L]-[T] prévoit la possibilité que la répartition des dépenses communes soit 'reconsidérée' en cas d'apparition de 'grandes disparités dans la répartition du temps d'occupation des locaux entre chaque praticien', il stipule seulement, en cas de désaccord entre les associés sur ce point, que celui-ci soit une cause de dissolution de la société, et non pas qu'il puisse entraîner de facto ou justifier une décharge de l'un d'eux au détriment de l'autre dans cette répartition.

En réalité, ainsi que l'a justement souligné le premier juge, le seul moyen pour la SELARL [L] d'être déchargée de sa quote-part des dépenses communes était la perte de qualité d'associée, à défaut d'avoir en temps utile poursuivi la dissolution de la SCM pour le motif prévu à l'article 5 du règlement intérieur.

Ainsi qu'il a été rappelé plus haut, l'associé retrayant ne perd cette qualité qu'au jour où ses droits sociaux sont entièrement remboursés.

En l'espèce, il ressort des pièces produites que ce n'est qu'à la date du 20 janvier 2021 que la SELARL [L] a officiellement notifié tant à son associée qu'à la SCM son retrait de cette dernière, faisant dès lors courir, à compter de cette date, le délai de six mois prévu à l'alinéa 3 de l'article 13 des statuts pour la présentation d'une offre de rachat de ses parts par son associée ou la personne morale elle-même. Ce délai expirait donc le 20 juillet 2021.

Or, il ressort de la pièce n° 28 de l'intimée que, dès le mois de novembre 2020, des discussions étaient en cours entre les parties quant à la cession des parts de la SELARL [L], et que, notamment, une offre de rachat de ces parts à leur valeur nominale, associée au règlement des comptes croisés entre d'une part la SCM [L]-[T], d'autre part la SELARL [L] et M. [N] [L] en nom personnel, était adressée le 23 novembre 2020 par le conseil de la SCM [L]-[T] et de la SELARL [T] à l'administrateur provisoire de la SELARL [L].

En outre, alors que le délai de six mois ci-dessus était expiré sans que de nouvelles discussions utiles soient intervenues concernant la cession des parts de la SELARL [L], cette dernière ne justifie d'aucune démarche entreprise par elle en vue de faire évaluer les parts cessibles à dire d'expert soit choisi d'un commun accord, soit désigné selon les modalités évoquées plus haut prévues par l'article 1844-3 du code civil.

En toute hypothèse, à la date du 31 décembre 2021, ses droits sociaux n'étant pas remboursés, la SELARL [L] était toujours associée de la SCM [L]-[T] et doit, à ce titre, la quote-part lui revenant soit la moitié des charges de cette SCM au titre de l'année 2021.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de cette somme.

Sur la demande reconventionnelle de la société SPC en paiement de dommages-intérêts

Cette demande est recevable au visa de l'article 564 du code de procédure civile, dès lors qu'elle tend, par l'effet de la compensation invoquée, à faire écarter les prétentions adverses.

La SELARL [L] réclame la condamnation de la SCM [L]-[T] à lui payer la somme de 135 447,48 € correspondant à sa quote-part des charges, à titre de dommages-intérêts en soutenant que son obligation au paiement de cette somme est la conséquence de la négligence et de la carence de la SCM à lui régler la valeur de ses droits sociaux et, par là même, à assurer sa sortie de cette société et sa décharge des dépenses communes.

Or, la chronologie rappelée au paragraphe précédent montre que :

si la SCM [L]-[T] et la SELARL [T] n'ont certes pas formalisé d'offre de reprise des parts de la SELARL [L] dans le délai de six mois expirant le 20 juillet 2021, cette dernière, pour sa part, avait tardé à notifier officiellement son retrait de la SCM puisqu'elle y a procédé seulement le 20 janvier 2021 soit plus d'un an après le décès de son associé unique,

en outre, à l'expiration de ce délai de six mois, la SELARL [L] n'a mis en oeuvre aucun des moyens qui lui étaient ouverts (organisation d'une expertise amiable ou saisine de la juridiction compétente pour désigner un expert) afin de permettre la régularisation de la cession de ses droits sociaux dans un délai raisonnable.

Dès lors, il ne peut être valablement soutenu par la société SPC que l'obligation pour elle de régler, en application du règlement intérieur de la SCM, sa quote-part des dépenses communes arrêtée au 31 décembre 2021 sans la contrepartie de la perception d'honoraires serait la conséquence d'une faute de cette dernière de nature à justifier sa condamnation à des dommages-intérêts à hauteur de cette dépense.

Cette demande, injustifiée, sera donc rejetée.

Sur les autres demandes

La SCM [L]-[T] ne demande pas l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages-intérêts. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

La société SPC, qui succombe en son appel, devra supporter les dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en sa faveur.

Il est équitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SCM [L]-[T].

Les mesures accessoires du jugement déféré sont par ailleurs confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare recevable mais mal fondées les exceptions de nullité de l'assignation devant le premier juge et de nullité corrélative du jugement déféré, et, en conséquence, les rejette.

Confirme le jugement déféré seulement en ce qu'il a :

déclaré le retrait de la SELARL [L] de la SCM [L] [T] en date du 20/01/2021 valide et conforme aux dispositions contractuelles, au surplus constaté le juste motif de retrait de la SELARL [L],

condamné la SELARL [L] représentée par son administrateur provisoire à payer à la S.C.M. [L] [T] la somme de 135 447,48 € au titre de sa quote-part de charges et celle de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens,

débouté la SCM [L]-[T] de sa demande de dommages-intérêts.

L'infirme pour le surplus et, statuant de nouveau et y ajoutant :

Déclare recevable mais mal fondée la demande de la société SPC tendant à voir constater la dissolution anticipée de plein droit de la SCM [L]-[T] en date du 20 janvier 2021 en application de l'article 27 de ses statuts, et l'en déboute.

Vu l'évolution du litige et le dépôt du rapport de l'expert désigné selon les modalités de l'article 1844-3 du code civil :

Déclare recevable la demande de la SCM [L]-[T] tendant à voir ordonner la régularisation de l'acte de cession conforme à l'estimation de cet expert.

Condamne la société SPC à signer l'acte de cession à la SELARL Cabinet dentaire [F] [T] de ses parts sociales dans la SCM [L]-[T] au prix fixé à dire d'expert soit 150 €, selon le projet de cession versé aux débats (pièce n° 44 de l'intimée) dans le délai de quatre mois à compter de la signification du présent arrêt, sous astreinte provisoire de 500 € par jour de retard passé ce délai, astreinte courant pendant une durée maximale de six mois.

Déclare recevable mais mal fondée la demande de la société SPC en dommages-intérêts et l'en déboute.

Condamne la société SPC à payer à la SCM [L]-[T] la somme supplémentaire de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne la société SPC aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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