CA Amiens, ch. économique, 25 septembre 2025, n° 25/00405
AMIENS
Arrêt
Autre
ARRET
N°
S.A.S. MARCEL ROBBEZ-MASSON
C/
S.E.L.A.R.L. EVOLUTION
Copie exécutoire
le 25 Septembre 2025
à
Me Le Roy
Me Mangel
VD
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2025
N° RG 25/00405 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JIH4
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SOISSONS DU 07 NOVEMBRE 2024 (référence dossier N° RG 24002148)
APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC
EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. MARCEL ROBBEZ-MASSON Prise en la personne de son Président agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau D'AMIENS, substitué par Me Hélène CAMIER, avocat au barreau d'AMIENS
ET :
INTIMEE
S.E.L.A.R.L. EVOLUTION représentée par Maître [E] [C], es-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ELEGANCE (RCS [Localité 5] N°819 656 000) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Frédéric MANGEL de la SELARL MANGEL AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
***
DEBATS :
A l'audience publique du 22 Mai 2025 devant :
Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,
Mme Florence MATHIEU, présidente de chambre,
et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Madame Elise DHEILLY
MINISTERE PUBLIC : Mme Clélie GIBALDO, substitute générale
PRONONCE :
Le 25 Septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Madame Elise DHEILLY, Greffière.
*
* *
DECISION
Par jugement du tribunal de commerce de Soissons en date du 11 avril 2024, publié au Bodacc le 21 avril 2024, la SAS Elegance, exploitant un commerce de bijouterie horlogerie sous l'enseigne La guilde des orfèvres, a été placée en redressement judiciaire à la demande de la SELARL Evolution ès qualités de mandataire ad hoc, le représentant légal de l'entreprise étant décédé sans nouvelle nomination par les associés. Ce jugement a désigné la SELARL représentée par Maître [U] [F] en qualité d'administrateur judiciaire, la SELARL Evolution représentée par Maître [E] [C] en qualité de mandataire judiciaire, et Monsieur [N] [R] en qualité de juge-commissaire.
Par courrier expédié le 14 juin 2024, la société Marcel Robbez-Masson spécialisée dans l'achat la vente la fabrication et la transformation de l'or, l'argent, le platine et autres métaux précieux, a déclaré sa créance à hauteur de 13.742,14 euros entre les mains du mandataire judiciaire concernant 10 factures de marchandises facturées et livrées en décembre 2023, janvier et février 2024.
Par un autre courrier recommandé du même jour la même société, se prévalant d'une clause de réserve de propriété des marchandises vendues ayant fait l'objet des 10 factures, a adressé à l'administrateur judiciaire une demande en acquiescement de revendication des marchandises encore en stock dans le point de vente de la société Elegance et restées impayées (partiellement pour l'une des factures).
Ce courrier a été présenté une première fois le 18 juin 2024 mais n'a pas été réclamé, de sorte qu'il a été retourné à son expéditeur le 9 juillet 2024.
Entre-temps par jugement du 13 juin 2024, le tribunal de commerce de Soissons a ordonné la cession du fonds de commerce de la SAS Elegance et par jugement du même jour publié au Bodacc le 25 juin 2024 a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire. La SELARL Evolution, prise en la personne de Maître [E] [C], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire et le tribunal a maintenu la SELARL R&D en la personne de Me [U] [F] en tant qu'administrateur judiciaire jusqu'à la signature des actes de cession du fonds de commerce et des actifs.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 7 août 2024, la société Marcel Robbez-Masson a adressé au liquidateur judiciaire la même demande de revendication de ses marchandises en stock.
Par requête du 12 août 2024, la SAS Marcel Robbez-Masson a saisi le juge-commissaire afin qu'il constate la validité de la clause de réserve de propriété grevant les marchandises vendues à la société Elegance, qu'il en tire les conséquences de droit, et qu'il ordonne la restitution desdites marchandises à la société Marcel Robbez Masson dans les meilleurs délais.
Par ordonnance en date du 5 septembre 2024, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Soissons a déclaré irrecevable la demande en revendication de la société Marcel Robbez Masson.
Par acte daté du 12 septembre 2024, la société Marcel Robbez-Masson a formé un recours devant le tribunal en application de l'article R.621-21 du code de commerce.
Par un jugement en date du 7 novembre 2024, le tribunal de commerce de Soissons :
- Déclare irrecevable la demande en revendication de la SAS Marcel Robbez-Masson
- Condamne la SAS Marcel Robbez Masson à payer à la SELARL Evolution en la personne de Maître [E] [C] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Elegance une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne la SAS Marcel Robbez Masson aux dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 117,49 euros.
Par une déclaration d'appel en date du 20 novembre 2024, la SAS Marcel Robbez-Masson a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Soissons.
Dans son troisième jeu de conclusions en date du 14 mai 2025, la société Marcel Robbez-Masson demande à la cour d'appel d'Amiens de:
A titre principal,
Vu les pièces produites, les articles 455 et 458 du code de procédure civile, les articles R.621-4, R.641-1, R.641-31, R.641-13, R.624-13, L.624-9 du code de commerce,
- Prononcer la nullité du jugement entrepris.
Subsidiairement,
- Infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a :
' Déclaré irrecevable la demande en revendication de la SAS Marcel Robbez Masson ;
' Condamné la SAS Marcel Robbez Masson à payer à la SELARL Evolution en la personne de Maître [E] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Elegance une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamné la SAS Marcel Robbez Masson aux dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 117,49 euros.
En tout état de cause, statuer à nouveau sur les demandes de la SAS Marcel Robbez-Masson, savoir :
- Juger valable la clause de réserve de propriété grevant les marchandises (bijoux) vendues par la société Marcel Robbez-Masson à la Société Elegance SAS, marchandises présentes en nature dans le point de vente de la Société Elegance SAS ;
- Ordonner à la SELARL Evolution, ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société par actions simplifiées Elegance SAS, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 819 656 000 de restituer à la société Marcel Robbez-Masson dans les meilleurs délais, les marchandises (bijoux) présentes en nature dans le point de vente de la Société Elegance SAS ;
Sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du trentième jour de la signification à partir de l'arrêt à intervenir.
- Dans le cas où les marchandises (bijoux), propriété de la société Marcel Robbez-Masson, objet de cette demande en revendication, auraient été incluses dans le plan de cession des actifs de la société Elegance SAS , adopté durant le délai de revendication, ordonner à la SELARL Evolution, ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société par actions simplifiées Elegance SAS, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 819 656 000, de mettre en 'uvre toutes les diligences aux fins de leur restitution ou la restitution de leur prix à la société Marcel Robbez Masson.
Sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du trentième jour de la signification à partir de l'arrêt à intervenir.
- Condamner la SELARL Evolution, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société par actions simplifiées Elegance SAS, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 819 656 000, aux dépens et à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeter toutes les demandes et conclusions de la SELARL Evolution.
Dans son deuxième jeu de conclusions en date du 20 mai 2025, la SELARL Evolution demande à la cour d'appel d'Amiens de :
Vu les dispositions des articles 455, 458 et 700 du code de procédure civile, les dispositions de l'article 2223 du code civil, les dispositions des articles R.621-4, R.641-1, R.641-31, R.641-13, R.624-13, R.661-1, L.624- 9, L.641-9 du code de commerce,
- Débouter, l'appelante de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions ;
- Confirmer en son intégralité la décision querellée, en ce qu'elle a rejeté les exceptions de nullité opposées et déclaré la société Marcel Robbez-Masson irrecevable en l'ensemble de ses demandes fins et prétentions ;
- Condamner la société Marcel Robbez-Masson à payer à la liquidation judiciaire la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens.
La cour a communiqué la procédure au Ministère public le 26 février 2025.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande d'annulation du jugement entrepris :
L'appelante soulève la nullité du jugement entrepris pour défaut de motivation du rejet de sa demande d'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire.
L'intimée réplique que le tribunal a bien répondu en indiquant que la demande de nullité de l'ordonnance fondée sur les articles 455 et 458 était inopérante puisque la procédure était transmise au fond au tribunal par l'effet dévolutif.
Devant le premier juge la société Marcel Robbez-Masson avait soulevé à titre principal la nullité de l'ordonnance du juge-commissaire, subsidiairement en avait poursuivi la réformation en contestant la validité de la clause de réserve de propriété et avait demandé que soit ordonné en conséquence à la société Elegance prise en la personne de son liquidateur de lui restituer les marchandises présentes en nature dans le point de vente et dans le cas où les marchandises auraient été incluses dans le plan de cession des actifs de la société, adopté durant le délai de revendication, ordonner au liquidateur judiciaire de mettre en oeuvre toutes les diligences aux fins de restitution de leur prix.
La cour constate qu'en réalité le premier juge a omis de statuer sur la demande de nullité de l'ordonnance dans le dispositif du jugement entrepris.
Cependant une omission de statuer ne constituant pas une cause de nullité du jugement, il y a donc lieu de rejeter cette demande, étant observé que l'appelante ne sollicite plus en appel l'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire.
Sur la recevabilité de l'action en revendication devant le juge-commissaire :
La société Marcel Robbez Masson critique le jugement du tribunal de commerce de Soissons en ce qu'il n'a pas tenu compte de sa demande amiable en acquiescement de revendication valablement adressée à l'administrateur judiciaire dans le respect du délai de trois mois prévu par l'article L.624-9 du code de commerce. Elle fait valoir qu'il est constant en jurisprudence, notamment selon un arrêt de la Cour de cassation du 21 octobre 2020 (n°19-15.685), que lorsqu'une procédure de redressement judiciaire est convertie en liquidation judiciaire, la demande en revendication déjà adressée à l'administrateur judiciaire dans les délais reste valable. Il n'est pas exigé du créancier revendiquant qu'il réitère sa demande auprès du liquidateur nouvellement désigné. En l'espèce, la SAS Marcel Robbez Masson a adressé sa demande en acquiescement de revendication à l'administrateur judiciaire par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 juin 2024, soit dans le délai de trois mois prévu à l'article L.624-9 du code de commerce.
Or, à cette date, la société ignorait que la procédure avait été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 13 juin 2024, ce jugement n'ayant été publié au BODACC que le 25 juin 2024.
Dès lors, la fin des fonctions de l'administrateur judiciaire n'était pas opposable à la SAS au moment de l'envoi de son courrier. L'appelant ajoute qu'il appartenait à l'administrateur judiciaire de faire preuve de diligence en allant chercher le courrier recommandé qui lui avait été adressé, et de le transmettre au liquidateur nouvellement désigné.
L'administrateur a manqué à ses obligations en laissant le pli revenir à l'expéditeur sans l'avoir retiré. Dans ces conditions, la société ne saurait être tenue responsable du défaut de transmission de sa demande.
L'intimée soutient que le juge-commissaire a bien tenu compte de la procédure applicable, en rappelant dans son ordonnance que la saisine préalable de l'organe compétent est une condition préalable obligatoire à la recevabilité de la demande de revendication par application de l'article R.624-13 et que la demande de revendication amiable devait être adressée au liquidateur judiciaire seul habile à la recevoir par application de l'article R.641-31 du code de commerce après jugement de conversion du 13 juin 2024 opposable aux créanciers dès son prononcé. Elle fait valoir que la bonne foi de l'appelante est sans effet en matière de procédure collective et que l'argument selon lequel la publication au BODACC était nécessaire pour rendre la liquidation opposable est juridiquement erroné, l'exécution étant de plein droit dès le prononcé du jugement. Elle conteste également la tentative de suspension du délai légal sur la base d'une prétendue impossibilité d'agir (article 2234 du code civil), considérant que les informations étaient accessibles, donc que la force majeure n'est pas caractérisée.
La cour rappelle qu'aux termes de l'article L.624-9 du code de commerce, "La revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure."
et qu'aux termes de l'article L.624-16 alinéa 2 du code de commerce, "Peuvent également être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l'être dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties."
Aux termes de l'article L.624-17 du même code, "L'administrateur avec l'accord du débiteur ou à défaut le débiteur après accord du mandataire judiciaire peut acquiescer à la demande en revendication ou en restitution d'un bien visé à la présente section. A défaut d'accord ou en cas de contestation, la demande est portée devant le juge-commissaire qui statue sur le sort du contrat, au vu des observations du créancier, du débiteur et du mandataire de justice saisi."
Il résulte de l'article R.624-13 du même code que la demande en revendication doit être adressée dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'administrateur s'il en a été désigné ou, à défaut, au débiteur. Le demandeur en adresse une copie au mandataire judiciaire.
A défaut d'acquiescement dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire, au plus tard dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse.
Avant de statuer, le juge-commissaire recueille les observations des parties intéressées. La demande en revendication emporte de plein droit demande en restitution.
Il est établi que la procédure amiable préliminaire devant l'administrateur judiciaire désigné, ou à défaut le débiteur, contitue un préalable obligatoire à l'engagement de l'action en revendication qui relève de la seule compétence du juge-commissaire, de sorte que l'action en revendication est irrecevable lorsque cette procédure n'a pas été respectée (Com 2 oct 2001 n°98-22.304).
La cour constate qu'en l'espèce la société Marcel Robbez-Masson a adressé une première demande de revendication amiable à l'administrateur judiciaire le 14 juin 2024 soit dans le délai de trois mois à compter du 21 avril 2024 date de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective au Bodacc, si bien que cette demande est régulièrement formée, nonobstant le jugement de conversion en liquidation judiciaire du 13 juin 2024, publié au Bodacc le 25 juin 2024, qui a expressément maintenu la SELARL R&D en la personne de Me [U] [F] en tant qu'administrateur judiciaire jusqu'à la signature des actes de cession du fonds de commerce et des actifs, l'article R.641-31 du code de commerce désignant le liquidateur comme destinatire de la requête en revendication amiable ne trouvant donc pas à s'appliquer dans ce cas.
Par ailleurs, le fait que la société Marcel Robbez-Masson n'en ait pas avisé le mandataire judiciaire est indifférent sur la recevabilité de l'action, ce dernier n'ayant pas à prendre position sur la revendication dans l'hypothèse d'une procédure de redressement judiciaire comportant la désignation d'un administreur, comme c'était le cas en l'espèce (Com 3 oct 2018).
Enfin, la société Marcel Robbez-Masson a introduit l'action en revendication devant le juge-commissaire le 12 août 2024, soit dans le délai d'un mois après l'écoulement du délai de réponse d'un mois de l'administrateur, ce délai de réponse débutant le 9 juillet 2024 soit au retour de la lettre recommandée non réclamée valant défaut d'acquiescement de sa part.
Dès lors, l'action en revendication des marchandises est recevable et le jugement entrepris doit être réformé de ce chef.
Sur le bien-fondé de l'action en revendication des marchandises (bijoux):
La cour rappelle qu'il appartient au revendiquant d'établir que la marchandise revendiquée se trouve, à l'ouverture de la procédure collective, en nature entre les mains du débiteur; la condition d'existence en nature s'entend de la conservation de la marchandise dans son état initial. (Com 11 juin 2014- n°12-14.84).
La preuve peut être rapportée par tous moyens.
Lorsque des ventes successives de marchandises identiques ont été conclues entre les mêmes parties, fût-ce en exécution d'une convention exclusive d'approvisionnement, dont la violation n'est pas alléguée, et que l'acheteur est mis en redressement judiciaire sans avoir réglé la totalité des sommes dues au vendeur, la revendication exercée par celui-ci ne peut être accueillie que s'il est établi que les fournitures retrouvées en possession du débiteur sont celles dont il n'a pas réglé le prix (Com 5 oct 1993).
Il s'avère impossible de revendiquer des marchandises ayant fait l'objet d'une revente, dès lors qu'elles ne se trouvent plus, du seul fait de cette revente, en nature dans le patrimoine du débiteur. (Com 3 novembre 2015, n°13-26.811).
Il est également admis que les biens vendus sous clause de réserve de propriété ne sont pas indisponibles et peuvent faire l'objet d'une intégration dans un plan de cession, à charge pour l'administrateur judiciaire d'affecter le prix au paiement de la créance du vendeur. (Com 4 janvier 2000, n°96-18.638).
En l'espèce la société Marcel Robbez-Masson formule une demande générale de restitution par la société Elegance des marchandises (bijoux) présentes en nature dans le point de vente de la société Elegance.
Or elle ne démontre pas que les bijoux présents en nature dans le point de vente de la société Elegance au jour de la procédure d'ouverture de la procédure collective correspondaient à ceux qu'elle avait vendus et livrés sans en être payée.
Si elle produit aux débats devant la présente cour 7 factures (dont une réglée en partie) pour un montant total de 11.818,48 euros (sur les 10 visées dans sa demande d'acquiescement) établies entre le 18 décembre 2023 et le 9 février 2024, sur lesquelles figure une clause de réserve de propriété, ainsi que 8 bons de livraison signés par le débiteur, à des dates proches des factures, cependant elle ne justifie pas que tout ou partie des marchandises impayées qu'elle revendique se sont retrouvées en nature dans le stock du magasin au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.
Dès lors il y a lieu de la débouter de sa demande de ce chef, ainsi que de la demande subsidiaire de restitution du prix de vente des marchandises qui auraient été vendues dans le cadre d'un plan de cession, qui ne peut prospérer qu'à la même condition de démontrer que les marchandises qu'elle revendique étaient encore en stock au jour du jugement d'ouverture.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
L'appelante succombant à la présente procédure en supportera les dépens et les frais hors dépens, en première instance comme en appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant contradictoirement et par arrêt rendu publiquement par mise à disposition au greffe,
Dit n'y avoir lieu à annuler le jugement entrepris,
Infirme le jugement entrepris excepté des chefs des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile et,
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la SAS Marcel Robbez-Masson de ses demandes de revendication des marchandises vendues et du prix de cession,
La condamne à verser à la SELARL Evolution ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Elegance, 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens d'appel.
Le Greffier, La Présidente,
N°
S.A.S. MARCEL ROBBEZ-MASSON
C/
S.E.L.A.R.L. EVOLUTION
Copie exécutoire
le 25 Septembre 2025
à
Me Le Roy
Me Mangel
VD
COUR D'APPEL D'AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 25 SEPTEMBRE 2025
N° RG 25/00405 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JIH4
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE SOISSONS DU 07 NOVEMBRE 2024 (référence dossier N° RG 24002148)
APRES COMMUNICATION DU DOSSIER ET AVIS DE LA DATE D'AUDIENCE AU MINISTERE PUBLIC
EN PRESENCE DU REPRESENTANT DE MADAME LE PROCUREUR GENERAL
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. MARCEL ROBBEZ-MASSON Prise en la personne de son Président agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocat au barreau D'AMIENS, substitué par Me Hélène CAMIER, avocat au barreau d'AMIENS
ET :
INTIMEE
S.E.L.A.R.L. EVOLUTION représentée par Maître [E] [C], es-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS ELEGANCE (RCS [Localité 5] N°819 656 000) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Frédéric MANGEL de la SELARL MANGEL AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN
***
DEBATS :
A l'audience publique du 22 Mai 2025 devant :
Mme Odile GREVIN, présidente de chambre,
Mme Florence MATHIEU, présidente de chambre,
et Mme Valérie DUBAELE, conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 Septembre 2025.
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 804 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Madame Elise DHEILLY
MINISTERE PUBLIC : Mme Clélie GIBALDO, substitute générale
PRONONCE :
Le 25 Septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Madame Elise DHEILLY, Greffière.
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DECISION
Par jugement du tribunal de commerce de Soissons en date du 11 avril 2024, publié au Bodacc le 21 avril 2024, la SAS Elegance, exploitant un commerce de bijouterie horlogerie sous l'enseigne La guilde des orfèvres, a été placée en redressement judiciaire à la demande de la SELARL Evolution ès qualités de mandataire ad hoc, le représentant légal de l'entreprise étant décédé sans nouvelle nomination par les associés. Ce jugement a désigné la SELARL représentée par Maître [U] [F] en qualité d'administrateur judiciaire, la SELARL Evolution représentée par Maître [E] [C] en qualité de mandataire judiciaire, et Monsieur [N] [R] en qualité de juge-commissaire.
Par courrier expédié le 14 juin 2024, la société Marcel Robbez-Masson spécialisée dans l'achat la vente la fabrication et la transformation de l'or, l'argent, le platine et autres métaux précieux, a déclaré sa créance à hauteur de 13.742,14 euros entre les mains du mandataire judiciaire concernant 10 factures de marchandises facturées et livrées en décembre 2023, janvier et février 2024.
Par un autre courrier recommandé du même jour la même société, se prévalant d'une clause de réserve de propriété des marchandises vendues ayant fait l'objet des 10 factures, a adressé à l'administrateur judiciaire une demande en acquiescement de revendication des marchandises encore en stock dans le point de vente de la société Elegance et restées impayées (partiellement pour l'une des factures).
Ce courrier a été présenté une première fois le 18 juin 2024 mais n'a pas été réclamé, de sorte qu'il a été retourné à son expéditeur le 9 juillet 2024.
Entre-temps par jugement du 13 juin 2024, le tribunal de commerce de Soissons a ordonné la cession du fonds de commerce de la SAS Elegance et par jugement du même jour publié au Bodacc le 25 juin 2024 a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire. La SELARL Evolution, prise en la personne de Maître [E] [C], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire et le tribunal a maintenu la SELARL R&D en la personne de Me [U] [F] en tant qu'administrateur judiciaire jusqu'à la signature des actes de cession du fonds de commerce et des actifs.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 7 août 2024, la société Marcel Robbez-Masson a adressé au liquidateur judiciaire la même demande de revendication de ses marchandises en stock.
Par requête du 12 août 2024, la SAS Marcel Robbez-Masson a saisi le juge-commissaire afin qu'il constate la validité de la clause de réserve de propriété grevant les marchandises vendues à la société Elegance, qu'il en tire les conséquences de droit, et qu'il ordonne la restitution desdites marchandises à la société Marcel Robbez Masson dans les meilleurs délais.
Par ordonnance en date du 5 septembre 2024, le juge-commissaire du tribunal de commerce de Soissons a déclaré irrecevable la demande en revendication de la société Marcel Robbez Masson.
Par acte daté du 12 septembre 2024, la société Marcel Robbez-Masson a formé un recours devant le tribunal en application de l'article R.621-21 du code de commerce.
Par un jugement en date du 7 novembre 2024, le tribunal de commerce de Soissons :
- Déclare irrecevable la demande en revendication de la SAS Marcel Robbez-Masson
- Condamne la SAS Marcel Robbez Masson à payer à la SELARL Evolution en la personne de Maître [E] [C] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Elegance une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Condamne la SAS Marcel Robbez Masson aux dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 117,49 euros.
Par une déclaration d'appel en date du 20 novembre 2024, la SAS Marcel Robbez-Masson a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Soissons.
Dans son troisième jeu de conclusions en date du 14 mai 2025, la société Marcel Robbez-Masson demande à la cour d'appel d'Amiens de:
A titre principal,
Vu les pièces produites, les articles 455 et 458 du code de procédure civile, les articles R.621-4, R.641-1, R.641-31, R.641-13, R.624-13, L.624-9 du code de commerce,
- Prononcer la nullité du jugement entrepris.
Subsidiairement,
- Infirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a :
' Déclaré irrecevable la demande en revendication de la SAS Marcel Robbez Masson ;
' Condamné la SAS Marcel Robbez Masson à payer à la SELARL Evolution en la personne de Maître [E] [C] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Elegance une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' Condamné la SAS Marcel Robbez Masson aux dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 117,49 euros.
En tout état de cause, statuer à nouveau sur les demandes de la SAS Marcel Robbez-Masson, savoir :
- Juger valable la clause de réserve de propriété grevant les marchandises (bijoux) vendues par la société Marcel Robbez-Masson à la Société Elegance SAS, marchandises présentes en nature dans le point de vente de la Société Elegance SAS ;
- Ordonner à la SELARL Evolution, ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société par actions simplifiées Elegance SAS, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 819 656 000 de restituer à la société Marcel Robbez-Masson dans les meilleurs délais, les marchandises (bijoux) présentes en nature dans le point de vente de la Société Elegance SAS ;
Sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du trentième jour de la signification à partir de l'arrêt à intervenir.
- Dans le cas où les marchandises (bijoux), propriété de la société Marcel Robbez-Masson, objet de cette demande en revendication, auraient été incluses dans le plan de cession des actifs de la société Elegance SAS , adopté durant le délai de revendication, ordonner à la SELARL Evolution, ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société par actions simplifiées Elegance SAS, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 819 656 000, de mettre en 'uvre toutes les diligences aux fins de leur restitution ou la restitution de leur prix à la société Marcel Robbez Masson.
Sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du trentième jour de la signification à partir de l'arrêt à intervenir.
- Condamner la SELARL Evolution, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société par actions simplifiées Elegance SAS, immatriculée au RCS de [Localité 5] sous le numéro 819 656 000, aux dépens et à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejeter toutes les demandes et conclusions de la SELARL Evolution.
Dans son deuxième jeu de conclusions en date du 20 mai 2025, la SELARL Evolution demande à la cour d'appel d'Amiens de :
Vu les dispositions des articles 455, 458 et 700 du code de procédure civile, les dispositions de l'article 2223 du code civil, les dispositions des articles R.621-4, R.641-1, R.641-31, R.641-13, R.624-13, R.661-1, L.624- 9, L.641-9 du code de commerce,
- Débouter, l'appelante de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions ;
- Confirmer en son intégralité la décision querellée, en ce qu'elle a rejeté les exceptions de nullité opposées et déclaré la société Marcel Robbez-Masson irrecevable en l'ensemble de ses demandes fins et prétentions ;
- Condamner la société Marcel Robbez-Masson à payer à la liquidation judiciaire la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens.
La cour a communiqué la procédure au Ministère public le 26 février 2025.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 mai 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande d'annulation du jugement entrepris :
L'appelante soulève la nullité du jugement entrepris pour défaut de motivation du rejet de sa demande d'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire.
L'intimée réplique que le tribunal a bien répondu en indiquant que la demande de nullité de l'ordonnance fondée sur les articles 455 et 458 était inopérante puisque la procédure était transmise au fond au tribunal par l'effet dévolutif.
Devant le premier juge la société Marcel Robbez-Masson avait soulevé à titre principal la nullité de l'ordonnance du juge-commissaire, subsidiairement en avait poursuivi la réformation en contestant la validité de la clause de réserve de propriété et avait demandé que soit ordonné en conséquence à la société Elegance prise en la personne de son liquidateur de lui restituer les marchandises présentes en nature dans le point de vente et dans le cas où les marchandises auraient été incluses dans le plan de cession des actifs de la société, adopté durant le délai de revendication, ordonner au liquidateur judiciaire de mettre en oeuvre toutes les diligences aux fins de restitution de leur prix.
La cour constate qu'en réalité le premier juge a omis de statuer sur la demande de nullité de l'ordonnance dans le dispositif du jugement entrepris.
Cependant une omission de statuer ne constituant pas une cause de nullité du jugement, il y a donc lieu de rejeter cette demande, étant observé que l'appelante ne sollicite plus en appel l'annulation de l'ordonnance du juge-commissaire.
Sur la recevabilité de l'action en revendication devant le juge-commissaire :
La société Marcel Robbez Masson critique le jugement du tribunal de commerce de Soissons en ce qu'il n'a pas tenu compte de sa demande amiable en acquiescement de revendication valablement adressée à l'administrateur judiciaire dans le respect du délai de trois mois prévu par l'article L.624-9 du code de commerce. Elle fait valoir qu'il est constant en jurisprudence, notamment selon un arrêt de la Cour de cassation du 21 octobre 2020 (n°19-15.685), que lorsqu'une procédure de redressement judiciaire est convertie en liquidation judiciaire, la demande en revendication déjà adressée à l'administrateur judiciaire dans les délais reste valable. Il n'est pas exigé du créancier revendiquant qu'il réitère sa demande auprès du liquidateur nouvellement désigné. En l'espèce, la SAS Marcel Robbez Masson a adressé sa demande en acquiescement de revendication à l'administrateur judiciaire par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 14 juin 2024, soit dans le délai de trois mois prévu à l'article L.624-9 du code de commerce.
Or, à cette date, la société ignorait que la procédure avait été convertie en liquidation judiciaire par un jugement du 13 juin 2024, ce jugement n'ayant été publié au BODACC que le 25 juin 2024.
Dès lors, la fin des fonctions de l'administrateur judiciaire n'était pas opposable à la SAS au moment de l'envoi de son courrier. L'appelant ajoute qu'il appartenait à l'administrateur judiciaire de faire preuve de diligence en allant chercher le courrier recommandé qui lui avait été adressé, et de le transmettre au liquidateur nouvellement désigné.
L'administrateur a manqué à ses obligations en laissant le pli revenir à l'expéditeur sans l'avoir retiré. Dans ces conditions, la société ne saurait être tenue responsable du défaut de transmission de sa demande.
L'intimée soutient que le juge-commissaire a bien tenu compte de la procédure applicable, en rappelant dans son ordonnance que la saisine préalable de l'organe compétent est une condition préalable obligatoire à la recevabilité de la demande de revendication par application de l'article R.624-13 et que la demande de revendication amiable devait être adressée au liquidateur judiciaire seul habile à la recevoir par application de l'article R.641-31 du code de commerce après jugement de conversion du 13 juin 2024 opposable aux créanciers dès son prononcé. Elle fait valoir que la bonne foi de l'appelante est sans effet en matière de procédure collective et que l'argument selon lequel la publication au BODACC était nécessaire pour rendre la liquidation opposable est juridiquement erroné, l'exécution étant de plein droit dès le prononcé du jugement. Elle conteste également la tentative de suspension du délai légal sur la base d'une prétendue impossibilité d'agir (article 2234 du code civil), considérant que les informations étaient accessibles, donc que la force majeure n'est pas caractérisée.
La cour rappelle qu'aux termes de l'article L.624-9 du code de commerce, "La revendication des meubles ne peut être exercée que dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure."
et qu'aux termes de l'article L.624-16 alinéa 2 du code de commerce, "Peuvent également être revendiqués, s'ils se retrouvent en nature au moment de l'ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété. Cette clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison. Elle peut l'être dans un écrit régissant un ensemble d'opérations commerciales convenues entre les parties."
Aux termes de l'article L.624-17 du même code, "L'administrateur avec l'accord du débiteur ou à défaut le débiteur après accord du mandataire judiciaire peut acquiescer à la demande en revendication ou en restitution d'un bien visé à la présente section. A défaut d'accord ou en cas de contestation, la demande est portée devant le juge-commissaire qui statue sur le sort du contrat, au vu des observations du créancier, du débiteur et du mandataire de justice saisi."
Il résulte de l'article R.624-13 du même code que la demande en revendication doit être adressée dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'administrateur s'il en a été désigné ou, à défaut, au débiteur. Le demandeur en adresse une copie au mandataire judiciaire.
A défaut d'acquiescement dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande, le demandeur doit, sous peine de forclusion, saisir le juge-commissaire, au plus tard dans un délai d'un mois à compter de l'expiration du délai de réponse.
Avant de statuer, le juge-commissaire recueille les observations des parties intéressées. La demande en revendication emporte de plein droit demande en restitution.
Il est établi que la procédure amiable préliminaire devant l'administrateur judiciaire désigné, ou à défaut le débiteur, contitue un préalable obligatoire à l'engagement de l'action en revendication qui relève de la seule compétence du juge-commissaire, de sorte que l'action en revendication est irrecevable lorsque cette procédure n'a pas été respectée (Com 2 oct 2001 n°98-22.304).
La cour constate qu'en l'espèce la société Marcel Robbez-Masson a adressé une première demande de revendication amiable à l'administrateur judiciaire le 14 juin 2024 soit dans le délai de trois mois à compter du 21 avril 2024 date de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective au Bodacc, si bien que cette demande est régulièrement formée, nonobstant le jugement de conversion en liquidation judiciaire du 13 juin 2024, publié au Bodacc le 25 juin 2024, qui a expressément maintenu la SELARL R&D en la personne de Me [U] [F] en tant qu'administrateur judiciaire jusqu'à la signature des actes de cession du fonds de commerce et des actifs, l'article R.641-31 du code de commerce désignant le liquidateur comme destinatire de la requête en revendication amiable ne trouvant donc pas à s'appliquer dans ce cas.
Par ailleurs, le fait que la société Marcel Robbez-Masson n'en ait pas avisé le mandataire judiciaire est indifférent sur la recevabilité de l'action, ce dernier n'ayant pas à prendre position sur la revendication dans l'hypothèse d'une procédure de redressement judiciaire comportant la désignation d'un administreur, comme c'était le cas en l'espèce (Com 3 oct 2018).
Enfin, la société Marcel Robbez-Masson a introduit l'action en revendication devant le juge-commissaire le 12 août 2024, soit dans le délai d'un mois après l'écoulement du délai de réponse d'un mois de l'administrateur, ce délai de réponse débutant le 9 juillet 2024 soit au retour de la lettre recommandée non réclamée valant défaut d'acquiescement de sa part.
Dès lors, l'action en revendication des marchandises est recevable et le jugement entrepris doit être réformé de ce chef.
Sur le bien-fondé de l'action en revendication des marchandises (bijoux):
La cour rappelle qu'il appartient au revendiquant d'établir que la marchandise revendiquée se trouve, à l'ouverture de la procédure collective, en nature entre les mains du débiteur; la condition d'existence en nature s'entend de la conservation de la marchandise dans son état initial. (Com 11 juin 2014- n°12-14.84).
La preuve peut être rapportée par tous moyens.
Lorsque des ventes successives de marchandises identiques ont été conclues entre les mêmes parties, fût-ce en exécution d'une convention exclusive d'approvisionnement, dont la violation n'est pas alléguée, et que l'acheteur est mis en redressement judiciaire sans avoir réglé la totalité des sommes dues au vendeur, la revendication exercée par celui-ci ne peut être accueillie que s'il est établi que les fournitures retrouvées en possession du débiteur sont celles dont il n'a pas réglé le prix (Com 5 oct 1993).
Il s'avère impossible de revendiquer des marchandises ayant fait l'objet d'une revente, dès lors qu'elles ne se trouvent plus, du seul fait de cette revente, en nature dans le patrimoine du débiteur. (Com 3 novembre 2015, n°13-26.811).
Il est également admis que les biens vendus sous clause de réserve de propriété ne sont pas indisponibles et peuvent faire l'objet d'une intégration dans un plan de cession, à charge pour l'administrateur judiciaire d'affecter le prix au paiement de la créance du vendeur. (Com 4 janvier 2000, n°96-18.638).
En l'espèce la société Marcel Robbez-Masson formule une demande générale de restitution par la société Elegance des marchandises (bijoux) présentes en nature dans le point de vente de la société Elegance.
Or elle ne démontre pas que les bijoux présents en nature dans le point de vente de la société Elegance au jour de la procédure d'ouverture de la procédure collective correspondaient à ceux qu'elle avait vendus et livrés sans en être payée.
Si elle produit aux débats devant la présente cour 7 factures (dont une réglée en partie) pour un montant total de 11.818,48 euros (sur les 10 visées dans sa demande d'acquiescement) établies entre le 18 décembre 2023 et le 9 février 2024, sur lesquelles figure une clause de réserve de propriété, ainsi que 8 bons de livraison signés par le débiteur, à des dates proches des factures, cependant elle ne justifie pas que tout ou partie des marchandises impayées qu'elle revendique se sont retrouvées en nature dans le stock du magasin au jour de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire.
Dès lors il y a lieu de la débouter de sa demande de ce chef, ainsi que de la demande subsidiaire de restitution du prix de vente des marchandises qui auraient été vendues dans le cadre d'un plan de cession, qui ne peut prospérer qu'à la même condition de démontrer que les marchandises qu'elle revendique étaient encore en stock au jour du jugement d'ouverture.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
L'appelante succombant à la présente procédure en supportera les dépens et les frais hors dépens, en première instance comme en appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant contradictoirement et par arrêt rendu publiquement par mise à disposition au greffe,
Dit n'y avoir lieu à annuler le jugement entrepris,
Infirme le jugement entrepris excepté des chefs des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile et,
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la SAS Marcel Robbez-Masson de ses demandes de revendication des marchandises vendues et du prix de cession,
La condamne à verser à la SELARL Evolution ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Elegance, 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens d'appel.
Le Greffier, La Présidente,