CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 25 septembre 2025, n° 22/00816
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Afd Conseils (SAS), Phd Consulting & Partners (SAS)
Défendeur :
Deltacad (SCOP SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Soudry, Mme Ranoux-Julien
Avocats :
Me De la Taille, Me Domain, Me Lê Dai
EXPOSÉ DU LITIGE
Les sociétés PHD consulting & partners (ci-après dénommée PHD) et AFD Conseils (ci-après dénommée AFD), toutes deux dirigées par M. [I], ont pour activité la fourniture de prestations de conseils et de services en matière de vente et de marketing.
La société Deltacad est une société spécialisée dans la conception, la réalisation et la commercialisation de produits informatiques à destination d'entreprises ou d'organismes publics. Dans ce cadre, elle développe des logiciels qu'elle commercialise avec un certain nombre de services associés. Elle a notamment développé un progiciel de modélisation 3D dénommé « 4DMU/GPURE » permettant d'automatiser le traitement et l'optimisation de la maquette numérique pour les différentes applications de l'entreprise cliente.
Le 2 août 2012, la société Deltacad a conclu avec la société PHD un « contrat de distribution » ayant pour objet de définir les conditions et modalités de commercialisation des produits de la société Deltacad par la société PHD. Il concède à la société PHD le droit non exclusif de distribuer le progiciel GPure V3 et ses différentes gammes ainsi que les services associés au sein d'un territoire comprenant la France, l'Europe, l'Amérique et l'Asie.
De janvier à juin 2017, M. [I] est intervenu dans le cadre de la négociation d'un accord entre la société Deltacad et la société Epic Games International (ci-après société Epic).
Le 20 juin 2017, ces négociations ont abouti à la conclusion d'un contrat de licence du progiciel GPure et de fourniture d'accès aux « codes source » entre la société Deltacad et la société Epic.
Le 1er novembre 2017, la société Deltacad a conclu avec la société AFD un « contrat de distribution » ayant pour objet de définir les conditions et modalités de commercialisation des produits de la société Deltacad. Il concède à la société AFD le droit non exclusif de distribuer le progiciel GPure gamme 4DMU, composé de deux produits : 4DMU GPure et 4DMU Explorer ainsi que ses différentes versions et des services associés au sein d'un territoire comprenant la France, l'Europe, l'Amérique et l'Asie.
Par deux lettres recommandées du 27 août 2019, la société Deltacad a informé d'une part, la société PHD et d'autre part, la société AFD, d'un changement important de sa politique de distribution du progiciel Gpure/4DMU en raison de la cession de sa propriété à une société tierce et de l'interdiction de poursuivre sa commercialisation ainsi que celle des services associés à de nouveaux clients.
Par lettre recommandée du 28 octobre 2019, la société PHD a, par l'intermédiaire de ses conseils, mis en demeure la société Deltacad de l'indemniser du préjudice subi en raison de la rupture immédiate et sans préavis du contrat conclu. Elle a revendiqué, sur le fondement du statut des agents commerciaux, le paiement d'une indemnité de préavis de 56.136 euros et d'une indemnité de cessation du contrat d'un montant de 224.544 euros.
Par lettre recommandée du 28 octobre 2019, la société AFD a, par l'intermédiaire de ses conseils, mis en demeure la société Deltacad de l'indemniser du préjudice subi en raison de la rupture immédiate et sans préavis du contrat conclu. Elle a revendiqué, sur le fondement du statut des agents commerciaux, le paiement d'une indemnité de préavis de 44.334 euros et d'une indemnité de cessation du contrat d'un montant de 177.337 euros. Elle a également sollicité le paiement d'une commission d'un million d'euros au titre de la cession du progiciel 4DMU/GPure à la société Epic en soutenant être à l'origine de l'apport de ce client à la société Deltacad.
Par lettres recommandées du 28 novembre 2019 adressées à la société PHD d'une part, et à la société AFD d'autre part, la société Deltacad a contesté avoir rompu les contrats de distribution, rappelant que la cession de la propriété du progiciel Gpure/4DMU n'impactait aucunement les licences déjà concédées et la possibilité de renouveler ces licences et que les services de la société Deltacad pouvaient continuer à être commercialisés. Elle a également reproché certains manquements aux sociétés PHD et AFD dans l'exécution de leurs obligations. Elle a dénié être redevable d'une commission à la société AFD au titre de la cession du progiciel GPure/4DMU.
Par lettres recommandées du 27 janvier 2020 adressées à la société PHD d'une part, et à la société AFD d'autre part, la société Deltacad a dénié les griefs qui lui étaient opposés dans le cadre de l'exécution des contrats les liant.
Le 19 février 2020, la société AFD a transmis à la société Deltacad une facture d'acompte sur commission d'un montant de 1.000.000 euros HT, soit 1.200.000 euros TTC, au titre de la cession des droits de propriété du progiciel GPure/4DMU à la société Epic.
Par lettre du 27 février 2020, la société Deltacad a dénié être redevable d'une telle somme.
Par lettre recommandée du 4 mars 2020, la société Deltacad a informé la société PHD de la résiliation du contrat du 2 août 2012 les liant en invoquant divers griefs.
Par lettre recommandée du 4 mars 2020, la société Deltacad a informé la société AFD de la résiliation du contrat du 1er novembre 2017 les liant en invoquant divers griefs.
Par lettres recommandées du 30 avril 2020, les sociétés PHD et AFD ont contesté les griefs reprochés par la société Deltacad et estimé que la rupture des relations, datée du 27 août 2019, lui était imputable.
La société PHD a revendiqué, sur le fondement du statut des agents commerciaux, le paiement d'une indemnité de cessation du contrat d'un montant de 80.792 euros et sur le fondement de la rupture brutale du contrat, une indemnité de préavis de 26.930 euros.
La société AFD a réclamé, sur le fondement du statut des agents commerciaux, le paiement d'une indemnité de cessation du contrat d'un montant de 2.141.336 euros sur le fondement du statut des agents commerciaux, d'une indemnité de 267.667 euros sur le fondement de la rupture brutale du contrat, et une commission d'un montant de 1.200.000 euros TTC au titre de la cession des droits sur le progiciel 4DMU/GPure sur le fondement du contrat du 1er novembre 2017.
Par lettres recommandées du 2 juillet 2020 adressées à la société PHD d'une part, et à la société AFD d'autre part, la société Deltacad a dénié être redevable des sommes réclamées, contesté les griefs opposés et attribué la rupture des contrats à ses cocontractantes.
Par acte du 20 juillet 2020, les sociétés AFD et PHD ont assigné la société Deltacad devant le tribunal de commerce de Lille Métropole en paiement d'indemnités de fin de contrat, d'indemnités de préavis et de la facture n°202002-33 du 19 février 2020.
Par jugement du 14 décembre 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a:
- Dit et jugé que la cession par la société Deltacad de ses droits de propriété intellectuelle sur le progiciel 4DMU/Gpure n'était pas couverte par le contrat de distribution de la société AFD ;
En conséquence,
- Débouté la société AFD de sa demande de condamnation de la société Deltacad à lui verser :
La somme de 1 200 000 euros TTC, outre intérêts au taux légal, à compter du 2 mars 2020 ;
La somme de 40 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement ;
La somme de 5 000 euros au titre de l'indemnisation complémentaire de l'article
L. 441-10 du code de commerce ;
- Dit et jugé que les contrats de distribution conclus respectivement le 1er novembre 2017 et le 2 août 2012 par les sociétés AFD et PHD avec la société Deltacad relevaient du statut du contrat d'agent commercial au sens des dispositions de l'article L.134-1 du code de commerce ;
- Débouté les sociétés AFD et PHD de leur demande de voir constater le caractère unilatéral et fautif de la rupture des contrats de distribution conclus respectivement le 1er novembre 2017 et le 2 août 2012 à l'initiative de la société Deltacad par ses courriers du 27 août 2019 ;
- Dit et jugé que la résiliation des contrats de distribution est intervenue le 4 mars 2020 ;
- Dit et jugé que le caractère fautif du comportement des sociétés AFD et PHD et le degré de gravité des fautes, invoqués par la société Deltacad pour qualifier la résiliation des contrats de distribution, n'étaient pas établis ;
- Condamné la société Deltacad à payer la somme de 30 938,57 euros à la société PHD et la somme de 7 964,00 euros à la société AFD au titre des indemnités de résiliation des contrats de distribution ;
- Débouté les sociétés AFD et PHD de leur demande de condamnation de la société Deltacad à les indemniser au titre de la rupture brutale des relations et du préavis non respecté ;
- Condamné la société Deltacad à payer à la société AFD et à la société PHD la somme de 7.500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit et jugé qu'il n'y avait pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la décision ;
- Condamné la société Deltacad à la prise en charge des frais et dépens.
Par déclaration du 5 janvier 2022, les sociétés AFD et PHD ont interjeté appel du jugement en ce qu'il a :
- Dit et jugé que la cession par la société Deltacad consistait en une cession de ses droits de propriété intellectuelle sur le progiciel 4DMU/Gpure et qu'à ce titre elle n'était pas couverte par le contrat de distribution de la société AFD ;
En conséquence :
- Débouté la société AFD de sa demande de condamnation de la société Deltacad à lui verser 1.200.000 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2020, 40 euros de frais de recouvrement, 5.000 euros au titre de l'article L441-10 du code de commerce ;
- Débouté les sociétés AFD et PHD de leur demande de voir constater le caractère unilatéral et fautif de la rupture des contrats de distribution conclus les 1er novembre 2017 et 2 août 2012 ;
- Dit et jugé que la résiliation des contrats de distribution était intervenue le 4 mars 2020 ;
- Débouté les sociétés AFD et PHD de leur demande de condamnation de la société Deltacad à les indemniser au titre de la rupture brutale des relations et du préavis non respecté ;
- Implicitement débouté les sociétés AFD et PHD du surplus de leurs demandes.
Prétentions et moyens des parties
Par leurs dernières conclusions notifiées le 14 janvier 2025, les sociétés AFD et PHD demandent, au visa des articles 1103 et 1221 du code civil, des articles L.134-1 et suivants, L.441-10 et L.442-1, II du code de commerce, de :
Infirmer le jugement en ce qu'il a :
' Dit et jugé que la cession par la société Deltacad consistait en une cession de ses droits de propriété intellectuelle sur le progiciel 4DMU/Gpure et qu'à ce titre elle n'était pas couverte par le contrat de distribution de la société AFD, en conséquence :
' Débouté la société AFD de sa demande de condamnation de la société Deltacad à lui verser les sommes de 1.200.000 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 2 mars 2020, 40 euros de frais de recouvrement, 5 000 euros au titre de l'article L441-10 du code de commerce ;
' Débouté les sociétés AFD et PHD de leur demande de voir constater le caractère unilatéral et fautif de la rupture des contrats de distribution conclus les 1er novembre 2017 et 2 août 2012 ;
' Dit et jugé que la résiliation des contrats de distribution était intervenue le 4 mars 2020 ;
' Débouté les sociétés AFD et PHD de leur demande de condamnation de la société Deltacad à les indemniser au titre de la rupture brutale des relations et du préavis non respecté ;
' Implicitement débouté les sociétés AFD et PHD du surplus de leurs demandes ;
Et statuant à nouveau,
- Déclarer la société AFD et la société PHD recevables et bien fondées en toutes leurs demandes, fins, moyens et prétentions ;
- Débouter la société Deltacad de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Sur le recouvrement de la facture :
- Condamner la société Deltacad à verser à la société AFD les sommes suivantes :
' 1.200.000 euros toutes taxes comprises, outre les intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2020,
' 40 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
' 5.000 euros, à parfaire au jour du délibéré, au titre de l'indemnisation complémentaire de l'article L441-10 du code de commerce,
Sur l'indemnité de fin de contrat :
- Condamner la société Deltacad à verser à la société AFD la somme de 2.141.336 euros en réparation du préjudice subi ;
- Condamner la société Deltacad à verser à la société « AFD » la somme de 76 632,4 euros en réparation du préjudice subi ;
A titre subsidiaire,
- Condamner la société Deltacad à verser à la société AFD la somme de 1 069 189 euros au titre de l'indemnité de rupture contractuelle ;
- Condamner la société Deltacad à verser à la société PHD la somme de 48 106,33 euros au titre de l'indemnité de rupture contractuelle ;
Sur l'indemnité au titre du préavis non respecté,
- Condamner la société Deltacad à verser à la société AFD la somme de 267 547,3 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ;
- Condamner la société Deltacad à verser à la société PHD la somme de 25 544,24 euros au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ;
- Condamner la société Deltacad à verser à la société AFD la somme de 178 364,8 euros en réparation du préjudice subi au titre de la rupture sans préavis de son contrat d'agent commercial ;
- Condamner la société Deltacad à verser à la société PHD la somme de 9 579,09 euros en réparation du préjudice subi au titre de la rupture sans préavis de son contrat d'agent commercial ;
En tout état de cause,
- Condamner la société Deltacad à payer la société AFD et à la société PHD la somme de 20.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ;
- Condamner la société Deltacad aux entiers dépens de la procédure.
Par ses dernières conclusions notifiées le 5 avril 2023, la société Deltacad demande, au visa de l'article 1103 du code civil, de :
- Débouter la société PHD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Débouter la société AFD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Confirmer le jugement en ce qu'il a :
* Débouté les sociétés PHD et AFD de leur demande de voir constater le caractère unilatéral et fautif de la rupture des contrats de distribution conclus respectivement le 2 août 2012 et le 1er novembre 2017, à l'initiative de la société Deltacad par ses courriers du 27 août 2019 ;
* Dit et jugé que la résiliation des contrats de distribution était intervenue le 4 mars 2020 ;
* Débouté les sociétés PHD et AFD de leur demande de condamnation de la société Deltacad à les indemniser au titre de la rupture brutale des relations commerciales et du préavis non respecté ;
* Débouté la société AFD de sa demande de condamnation de la société Deltacad à lui verser :
- la somme de 1 200 000 euros, outre les intérêts de retard, au titre de la facture impayée
- la somme de 40 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement
- la somme de 5 000 euros à titre de l'indemnisation complémentaire de l'article L441-10 du code de commerce ;
- Déclarer la société Deltacad recevable et bien fondée en son appel incident ;
Y faisant droit,
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
* Dit et jugé que le caractère fautif du comportement des sociétés AFD et PHD et le degré de gravité des fautes, invoqués par la société Deltacad pour qualifier la résiliation des contrats de distribution, n'étaient pas établis ;
* Condamné la société Deltacad à payer la somme de 30 938,57 euros à la société PHD et 7.964 euros à la société AFD au titre des indemnités de résiliation des contrats de distribution;
* Condamné la société Deltacad à payer la société PHD et à la société AFD la somme de 7.500 euros chacune sur le fondement de de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
- Débouter les sociétés PHD et AFD de leurs demandes respectives d'indemnités au titre de la résiliation des contrats de distribution ;
A titre très subsidiaire, si la cour devait confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la faute grave invoquée pour la résiliation des contrats de distribution n'était pas établie,
- Confirmer le quantum des indemnités susmentionnées accordées par le tribunal respectivement aux sociétés PHD et AFD au titre de l'indemnité de fin de contrat ;
Y ajoutant,
- Condamner in solidum la société PHD et la société AFD à verser à la société Deltacad la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et pour l'appel ;
- Condamner in solidum la société PHD et la société AFD aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 6 février 2025.
La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'application du statut des agents commerciaux
Les sociétés PHD et AFD revendiquent l'application du statut des agents commerciaux bien que les contrats les liant à la société Deltacad soient intitulés « contrats de distribution ».
L'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée.
Les juges ne peuvent se fonder sur les seules stipulations du contrat conclu par les parties pour qualifier leur relation de contrat d'agent commercial.
Il résulte de l'article L. 134-1 du code de commerce que trois conditions sont nécessaires pour qu'une personne puisse être qualifiée d'agent commercial :
- avoir la qualité d'intermédiaire indépendant ;
- être liée contractuellement de façon permanente à son commettant ;
- disposer du pouvoir de négocier la vente ou l'achat de marchandises, la location de biens ou la fourniture de prestations de services pour le commettant, ou de négocier et conclure ces opérations au nom et pour le compte de celui-ci.
Doit être qualifié d'agent commercial le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux.
Ainsi il importe peu que l'agent commercial ne conclue pas lui-même les contrats qu'il est chargé de négocier. En outre, la mission de négociation ne s'entend pas exclusivement du pouvoir de modifier les prix des produits ou services mais consiste à faire en sorte que l'offre du mandant reçoive une acceptation du client, ce qui peut être caractérisé par le démarchage de la clientèle, l'orientation de son choix en fonction de ses besoins, sa fidélisation par des actions commerciales ou encore la valorisation du produit.
En l'espèce, le contrat du 2 août 2012 conclu entre la société Deltacad et la société PHD d'une part, et le contrat du 1er novembre 2017 conclu entre la société Deltacad et la société AFD d'autre part, sont tous deux intitulés « contrat de distribution » et sont rédigés en termes similaires.
Le préambule des contrats précise que : « La société Deltacad a pour objectif de développer son activité commerciale en vendant ses produits et services au travers d'un réseau de distribution et en particulier à l'international.
La Société (PHD/AFD) bénéficie d'une expérience, d'un savoir-faire et de contacts particuliers pour la distribution de ce type de produits et activités en France et à l'international, et a souhaité, en conséquence, pouvoir distribuer la suite logicielle (GPure/4DMU) et les services associés.
Ce Contrat est conclu par Deltacad en considération de la personne et des expériences professionnelles de « M. (') [I] » qui doit être fortement impliqué dans la réalisation des actions prévues dans celui-ci.
Le présent accord définit les conditions selon lesquelles la société PHD/AFD pourra commercialiser les produits et services tels que décrits à l'annexe I et désignés par la suite dans ce document par « Progiciel(s) » ainsi que les Services associés. »
A l'article 1er, intitulé « Droits », il est stipulé que :
« Deltacad concède au Partenaire le droit non exclusif de distribuer les progiciels et les services associés au sein du territoire tel que défini en annexe 1 (') et pour une période telle que définie à l'article 4.
Des extensions, nouvelles gammes, versions des progiciels et des services associés décrits à l'annexe 1 pourront être proposées par Deltacad et seront acceptées par le Partenaire. Elles seront régies par les dispositions du présent contrat.
Deltacad se réserve le droit de confier ultérieurement la vente de tous autres produits ou services au Partenaire qui devra l'accepter préalablement.
Le Partenaire agira en tant que contractant indépendant et ne pourra en aucun cas être assimilé à un agent ou représentant de Deltacad.
Deltacad se réserve le droit de commercialiser en direct ou de faire commercialiser par des tiers les progiciels et les services associés sur le territoire.
Le présent accord ne porte cession ou licence au profit du Partenaire d'aucun droit afférent à la propriété du nom commercial ou de la marque des progiciels. Deltacad se réserve expressément tous droits de propriété et d'exploitation relatifs à ces éléments incorporels. »
L'article 2, intitulé « Obligations et missions du partenaire », prévoit que :
« (') Le partenaire a comme principales missions :
- La distribution en direct des progiciels et services associés (recherche de prospects, négociation, conclusion des contrats, réalisés directement auprès des clients finaux),
- La recherche de distributeurs et la mise en place de contrats de distribution principalement à l'international. La conclusion de ces accords de sous-distribution et/ou de partenariats ne pourra être effectuée sans l'accord préalable et écrit de Deltacad qui s'engage à analyser la demande dans les meilleurs délais,
- L'animation et le suivi du réseau des « sous-distributeurs » ou partenaires qu'il aura mis en place,
- La proposition des évolutions souhaitables sur les progiciels ainsi que sur les documents marketing et commerciaux associés, permettant d'optimiser leurs commercialisations.
Le Partenaire s'engage à transmettre mensuellement un compte-rendu d'activités et un prévisionnel des ventes des douze mois suivants.
(')
Sauf accord écrit préalable, le Partenaire prendra en charge l'ensemble des opérations commerciales destinées à promouvoir les ventes du progiciel telle que actions marketing, prospection commerciale, qu'il jugera nécessaire d'entreprendre.
Aucune modification du contrat de licence fourni par Deltacad avec le progiciel ne sera acceptée par le partenaire sans l'accord préalable et écrit de Deltacad.
(') ».
L'article 3 relatif aux obligations de la société Deltacad indique que :
« Deltacad autorise le Partenaire, pendant toute la durée des présentes, à utiliser tous les noms de produits, logos et marques des progiciels définis à l'annexe 1 dont il est propriétaire ou pour lesquels il est titulaire d'une licence, et qui seraient nécessaires au Partenaire pour l'exécution du présent contrat. Cette utilisation cessera immédiatement à l'expiration des présentes quelle qu'en soit la cause. Le Partenaire s'engage à n'utiliser les noms, logos et marques que pour la distribution des progiciels et dans des conditions qui ne portent pas atteinte aux droits de Deltacad ou de ses Partenaires.
Deltacad s'engage à former le personnel du Partenaire en charge de l'action commerciale et technico-commerciale pour assurer la diffusion du progiciel dans de bonnes conditions.
Deltacad pourra apporter son soutien technique au Partenaire lors des opérations avant-vente telles que les démonstrations, benchmarks, support en phase d'évaluation, salons.
Deltacad mettra, pendant toute la durée du présent contrat, à la disposition du Partenaire une licence de démonstration du progiciel.
Deltacad accusera réception de toute commande du progiciel, émise par le Partenaire et expédiera le progiciel acheté ainsi que les clefs d'activation à l'adresse indiquée sur la commande dans un délai maximum de cinq (5) jours ouvrés. Deltacad se réserve cependant le droit de refuser toute commande, contrat de maintenance ou de services ne respectant pas les conditions standard. Ce refus sera stipulé par écrit au Partenaire.
Sauf convention contraire expresse, les contrats de maintenance et de support des progiciels seront gérés par le Partenaire et seront signés directement entre Deltacad et le Client final. »
L'article 5 relatif aux conditions financières diffère selon que le contrat a été conclu avec la société PHD ou la société AFD.
Pour le contrat conclu avec la société PHD, il stipule que :
« Pour chaque prestation vendue (concession de Licence. Services, ...), le Partenaire recevra la commande du Client Final ou de ses Intermédiaires et commandera à Deltacad la prestation vendue, déduction faite de la remise accordée au Partenaire et décrite ci-après.
Le taux de remise variera en fonction du chiffre d'affaires généré par le Partenaire pour Deltacad et calculé pour une période d'un an sur l'année fiscale de Deltacad (du 1er juillet au 30 juin).
Jusqu'à 2 000 0000 Euros HT : remise de 20%
De 2 000 000 à 3 000 000 Euros HT : remise de 15%
De 3 000 000 a 4 000 000 Euros HT: remise de 10%
De 4 000 000 Euros HT à au-delà : remise de 10%
La remise est appliquée sur la « marge nette » pour Deltacad, c'est à dire le montant payé par le Client final après déduction :
Des remises ou commissions des autres intermédiaires (distributeurs, apporteurs d'affaires, ...)
Des achats des composants logiciels externes et/ou des matériels revendus avec les progiciels et Services (exemple : librairie d'import de fichiers CAO natifs)
Des achats de prestations de services externes (exemple : sous-traitance d'une partie des travaux)
Des frais annexes payés par Deltacad et refacturés au client final ou aux intermédiaires (exemple : frais de déplacements, hébergements).
Sur les « ventes indirectes » réalisées par des intermédiaires (distributeurs, apporteurs d'affaires...) faisant elles-mêmes l'objet de remises ou commissions, la remise accordée au Partenaire sera éventuellement écrêtée pour que le total des remises ou commissions ne dépasse pas un taux maximum de 52% calculée sur la « marge nette » pour Deltacad.
Sur les ventes de prestations de Services, les taux de remises définis ci-dessus s'appliqueront si la différence entre le « prix interne » de Deltacad défini à l'annexe 2, et le prix de vente au client permet de couvrir la remise. Dans le cas contraire, la remise du Partenaire sera écrêtée pour qu'une fois déduite, le montant perçu par Deltacad ne puisse pas descendre en-dessous du prix interne de Deltacad avec toutefois un plancher minimum de 5% pour le taux de remise.
Les tarifs du progiciel et des Services associés joints en annexe 2 peuvent être modifiés par Deltacad avec un préavis défini à l'annexe 2.
Pour chaque prestation vendue, le Partenaire fera parvenir à Deltacad sa commande des progiciels et Services associés, accompagnée de la copie de la commande du Client Final ou de son Intermédiaire. Deltacad émettra une facture, qui sera payée par le Partenaire, au plus tard le dernier jour du mois du paiement du Client final ou de son Intermédiaire.
Un montant forfaitaire de 1 500 euros HT par mois sera versé par Deltacad au Partenaire pour la participation aux frais de lancement et de promotion des progiciels et Services associés de Deltacad pendant les trois (3) premières années du présent contrat.
Les frais de déplacements du Partenaire dans le cadre du présent contrat seront pris en charge par Deltacad après accord préalable et écrit de celle-ci.
Dans le cas particulier où le Client final ou un intermédiaire souhaiterait commander directement à Deltacad. les progiciels ou les Services associés, alors le Partenaire percevra une commission sur l'affaire apportée, équivalente au montant de la remise accordée à l'opération s'il l'avait traitée en tant que Distributeur. »
L'article 5 du contrat conclu avec la société AFD stipule que :
« Pour chaque prestation vendue (concession de Licence. Services, ...), le Partenaire recevra la commande du Client Final ou de ses Intermédiaires et commandera à Deltacad la prestation vendue, déduction faite de la remise accordée au Partenaire et décrite ci-après.
Le taux de remise sera de 20% sur la « marge nette » sauf conditions particulières définies à l'annexe 1.
La remise est appliquée sur la « marge nette » pour Deltacad, c'est à dire le montant payé par le Client final après déduction :
Des remises ou commissions des autres intermédiaires (distributeurs, apporteurs d'affaires, ...)
Des achats des composants logiciels externes et/ou des matériels revendus avec les progiciels et Services (exemple : librairie d'import de fichiers CAO natifs)
Des achats de prestations de services externes (exemple : sous-traitance d'une partie des travaux)
Des frais annexes payés par Deltacad et refacturés ou non, au client final ou aux Intermédiaires (exemple : frais de déplacements, hébergements, matériels/logiciels spécifiques, ...).
Sur les « ventes indirectes » réalisées par des intermédiaires (distributeurs, apporteurs d'affaires...) faisant elles-mêmes l'objet de remises ou commissions, la remise accordée au Partenaire sera éventuellement écrêtée pour que le total des remises ou commissions ne dépasse pas un taux maximum de 52% calculée sur la « marge nette » pour Deltacad.
Les tarifs du progiciel et des Services associés joints en annexe 2 peuvent être modifiés par Deltacad avec un préavis défini à l'annexe 1.
Pour chaque prestation vendue, le Partenaire fera parvenir à Deltacad sa commande des progiciels et Services associes, accompagnée de la copie de la commande du Client Final ou de son intermédiaire. Deltacad émettra une facture, qui sera payée par le Partenaire, au plus tard le dernier jour du mois du paiement du Client 'nal ou de son Intermédiaire.
Les frais de déplacements du Partenaire dans le cadre du présent contrat seront pris en charge par Deltacad après accord préalable et écrit de celle-ci, et remboursés sur justificatifs.
Dans le cas particulier où le Client final ou un intermédiaire souhaiterait commander directement à Deltacad, les progiciels ou les Services associes, alors le Partenaire percevra une commission sur l'affaire apportée, équivalente au montant de la remise accordée à l'opération s'il l'avait traitée en tant que Distributeur. »
Les annexes 1 et 2, respectivement relatives à la liste des produits et services associés faisant l'objet du contrat et aux tarifs, diffèrent selon que le contrat a été conclu avec la société PHD ou la société AFD.
L'annexe 1 relative au contrat conclu avec PHD définit au paragraphe 1.1 la liste des Progiciels commercialisés, soit : « Le Produit GPure constitué de ses différentes gammes et versions à la date de signature du présent contrat ». Il est stipulé à ce paragraphe que la société Deltacad pourra faire évoluer librement ces différentes gammes et versions.
Le paragraphe 1.2 liste « les services associés » : maintenance annuelle des progiciels, support et assistance téléphonique, installation des progiciels sur le site du client, formation aux progiciels, réalisation de scripts permettant d'automatiser le fonctionnement des progiciels, développement d'applications dédiées et/ou couplant les progiciels entre eux ou aux logiciels du client, développement, au sein des progiciels, d'évolutions et/ou de nouvelles fonctionnalités spécifiques au client.
Le paragraphe 1.3 prévoit que le territoire pour la distribution des progiciels et des services associés confiée au partenaire est la France, l'Europe, l'Amérique et l'Asie et pourra évoluer en concertation avec le Partenaire.
L'annexe 2 définit la liste des prix des progiciels et services associés. Il est prévu que la société Deltacad pourra faire évoluer librement ces différents tarifs en avertissant le partenaire avec un préavis de 30 jours et que le partenaire utilisera le tarif défini dans l'annexe et ne pourra ni accepter ni proposer de remise supérieure à 10% sauf accord préalable écrit de la société Deltacad.
L'annexe 1 relative au contrat conclu avec la société AFD précise, au paragraphe 1.1, la liste des Progiciels, à savoir : « La gamme 4DMU Suite (') actuellement composée de deux produits : 4DMU Gpure et 4DMU Explorer constitués chacun de différentes versions », et stipule que la société Deltacad pourra faire évoluer librement ces différentes gammes et versions.
Les paragraphes 1.2 et 1.3 listent respectivement « les services associés » : maintenance annuelle des progiciels, support et assistance téléphonique, installation des progiciels sur le site du Client, formation aux progiciels et « les autres prestations de services » : réalisation de scripts permettant d'automatiser le fonctionnement des Progiciels, développement d'applications dédiées et/ou couplant les progiciels entre eux ou aux logiciels du Client, développement, au sein des progiciels, d'évolutions et/ou de nouvelles fonctionnalités spécifiques au client, développement et maintenance de logiciels techniques, prestations de conseil et/ou de formation dans le domaine des logiciels techniques.
Le paragraphe 1.5 définit la liste des prix des progiciels et services associés et conditions particulières. Il est prévu que la société Deltacad pourra faire évoluer librement ces différents tarifs en avertissant le partenaire avec un préavis de 30 jours et que le partenaire utilisera les prix catalogue définis dans la version la plus à jour du document annexé et ne pourra pas accepter ni proposer de remise supérieure à 20%, pour les services associés et à 10% pour les prestations de services, sous réserve de respecter certaines conditions spécifiées.
Le paragraphe 1.8 prévoit que le territoire pour la distribution des progiciels et des services associés confiée au partenaire est la France, l'Europe, l'Amérique et l'Asie et pourra évoluer en concertation avec le Partenaire.
Ainsi, concernant les licences d'utilisation des progiciels définis aux contrats et les services associés hors contrats de maintenance, le contrat était en principe conclu entre la société PHD ou AFD et le client final, parfois par l'intermédiaire d'un autre distributeur ou partenaire, aux conditions tarifaires édictées par la société Deltacad, et d'autres fois directement entre le client final et la société Deltacad grâce à l'intermédiation des sociétés PHD et AFD. La rémunération des sociétés PHD et AFD, définie en pourcentage de la marge nette réalisée par la société Deltacad, était prélevée sur le prix revenant à la société Deltacad.
Concernant les contrats de maintenance et de support des progiciels, ils étaient conclus directement entre la société Deltacad et le client final et les sociétés PHD et AFD agissaient comme mandataires pour leur négociation et leur gestion.
Par ailleurs, les sociétés PHD et AFD devaient rechercher des distributeurs ou partenaires à l'international et animer le réseau ainsi mis en place.
Les documents versés aux débats (pièces 50 et 76 de la société Deltacad, pièces 21, 28 des sociétés PHD et AFD) ainsi que les écritures des parties établissent que les sociétés PHD et AFD avaient un rôle important de recherche de nouveaux clients pour l'achat de licence d'utilisation des progiciels commercialisés par la société Deltacad ainsi que pour la fourniture des services associés proposés par celle-ci.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, pour une grande partie des missions dévolues par la société Deltacad, les sociétés PHD et AFD agissaient en qualité d'intermédiaires indépendants, étant liées contractuellement de façon permanente à la société Deltacad, commettant, et disposaient du pouvoir de négocier la vente de contrats de licence et la fourniture de prestations de services. Le statut d'agent commercial est donc applicable aux sociétés PHD et AFD dans leurs relations avec la société Deltacad. Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la demande de la société AFD en paiement par de la facture F-202002-33 d'un montant de 1.200.000 euros
La société AFD revendique le paiement de la facture F-202002-33 correspondant à un acompte sur commission relativement au dossier Epic. Elle explique qu'au mois d'août 2018, la société Deltacad est entrée en pourparlers avec le groupe Epic, une cliente apportée par elle, pour conclure une importante opération de distribution. Elle affirme avoir été évincée des négociations engagées avec le groupe Epic concernant cette opération bien qu'elle ait alors rappelé son droit à commission sur celle-ci. Elle ajoute avoir été informée le 27 août 2019 de la cession par la société Deltacad de ses droits de propriété sur le progiciel GPure/4DMU. Elle fait valoir que malgré une sommation de communiquer le contrat conclu, la société Deltacad s'y est opposée. Elle soutient que son droit à commission sur cette opération conclue avec le groupe Epic est tiré de l'article L. 134-6 alinéa 1er du code de commerce, applicable de plein droit dès lors que le contrat du 1er novembre 2017 la liant à la société Deltacad ne l'écarte pas. Elle invoque également l'article 5 du contrat du 1er novembre 2017. Elle affirme que ce contrat vise toute opération de distribution du progiciel 4DMU/GPure. Elle relève qu'il importe peu que l'opération conclue avec le groupe Epic porte sur la cession de la propriété intellectuelle de tous les droits ayant trait au progiciel ou sur une concession exclusive de licences. Elle considère que l'opération conclue entre le groupe Epic et la société Deltacad porte sur un prix d'au moins 5.000.000 d'euros sur lequel elle a droit à une commission de 20%.
La société Deltacad s'oppose à cette demande en paiement. Elle réplique que le contrat du 1er novembre 2017 ne prévoit aucun droit à commission au profit de la société AFD en cas de cession des droits de propriété intellectuelle sur le progiciel Gpure/4DMU. Elle fait valoir que les opérations de distribution visées par le contrat portaient sur des licences d'utilisation du progiciel et sur des services associés et qu'elle restait alors propriétaire des droits sur le progiciel. Elle souligne que l'opération litigieuse a porté sur la cession des droits de propriété intellectuelle sur le progiciel 4DMU/GPure. Elle précise que malgré la cession, le cessionnaire lui a consenti le droit de continuer à distribuer des licences d'utilisation aux clients existants pendant 15 ans. Elle dénie avoir, lors d'une opération précédente, cédé à la société Epic, la propriété des codes source et explique avoir seulement fourni l'accès aux codes source en en conservant la propriété. Elle fait encore valoir que la société Epic est le seul client apporté par la société AFD et non les autres entités du même groupe. Elle ajoute qu'en raison d'une clause confidentialité la liant au cessionnaire, elle n'est pas en mesure de communiquer le contrat litigieux mentionnant l'identité de l'acquéreur et le prix d'acquisition.
Par courrier du 27 aout 2019 adressé à la société AFD et par courriel du même jour adressé à M. [I], la société Deltacad les a informés d'un changement important de la politique de distribution du progiciel Gpure/4DMU en précisant qu'elle avait cédé à une tierce partie « le produit Gpure (4DMU) ». Elle a précisé que : l'« une des conséquences naturelles de cette cession est que nous ne sommes plus autorisés à poursuivre la commercialisation de Gpure (4DMU) que ce soit directement ou via nos distributeurs.
Cela étant, nous avons pu obtenir pour AFD et nous-même le droit de poursuivre pleinement l'activité GPure/4DMU auprès des clients existants et ce pour une durée de 15 ans, ce qui nous semble suffisant pour proposer d'ici-là un produit de nouvelle génération. Ceci inclut la concession de nouvelles licences, le renouvellement des maintenances, la vente de services sur le produit. »
Les parties s'opposent sur la nature de l'opération conclue par la société Deltacad et sur le droit à rémunération de la société AFD au titre de cette opération.
L'article L. 134-6 alinéa 1er du code de commerce dispose que :
« Pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d'agence, l'agent commercial a droit à la commission définie à l'article L. 134-5 lorsqu'elle a été conclue grâce à son intervention ou lorsque l'opération a été conclue avec un tiers dont il a obtenu antérieurement la clientèle pour des opérations du même genre. »
L'article 5 du contrat du 1er novembre 2017 prévoit que :
« Pour chaque prestation vendue (concession de Licence. Services, ...), le Partenaire recevra la commande du Client Final ou de ses Intermédiaires et commandera à Deltacad la prestation vendue, déduction faite de la remise accordée au Partenaire et décrite ci-après.
Le taux de remise sera de 20% sur la « marge nette » sauf conditions particulières définies à l'annexe 1. (') ».
Il résulte des termes mêmes du contrat du 1er novembre 2017 que la société AFD n'avait pas pour mission de commercialiser les droits de propriété afférents au progiciel ni même n'avait mission ou encore le pouvoir de concéder une licence exclusive sur le progiciel.
L'article 1er prévoit ainsi que « Deltacad concède au Partenaire le droit non exclusif de distribuer les progiciels et les services associés (')
Le présent accord ne porte cession ou licence au profit du Partenaire d'aucun droit afférent à la propriété du nom commercial ou de la marque des progiciels. Deltacad se réserve expressément tous droits de propriété et d'exploitation relatifs à ces éléments incorporels. »
La liste des prix relatifs aux produits commercialisés annexée au contrat ne fait état d'aucune cession de droits de propriété intellectuelle ou de concession d'une licence exclusive mais uniquement de licence d'utilisation.
Ainsi, contrairement à ce qu'affirme la société AFD, toute opération de distribution « au sens large » portant sur le progiciel n'ouvrait pas droit à commission à son profit. En outre, il ressort de l'accord conclu le 20 juin 2017 entre la société Deltacad et la société Epic, produit aux débats, qu'il a porté sur la concession d'une licence du progiciel GPure ainsi que sur la fourniture d'accès aux « codes source » et en aucun cas sur la cession des codes source.
En conséquence, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que l'opération conclue avec un tiers non identifié le 27 août 2019 n'ouvrait pas droit à commission au profit de la société AFD. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société AFD de sa demande de condamnation de la société Deltacad à lui verser les sommes de 1 200 000 euros TTC, outre intérêts, 40 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et 5.000 euros à titre d'indemnisation complémentaire.
Sur la date et sur l'imputation de la rupture
Les sociétés PHD et AFD sollicitent l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la rupture des contrats avait eu lieu le 4 mars 2020 et non le 27 août 2019. Elles considèrent qu'en cédant la propriété des droits intellectuels sur le progiciel GPure/4DMU, la société Deltacad a rompu unilatéralement les contrats les liant. Elles affirment que la modification unilatérale d'un élément essentiel du contrat d'agent commercial imposée par le mandant s'analyse en une résiliation dissimulée. Elles ajoutent que quand bien même la société Deltacad aurait obtenu du cessionnaire le droit de poursuivre la commercialisation du progiciel et des services associés aux clients déjà existants, leur mission principale consistait à développer la clientèle. Elles ajoutent que le droit de poursuivre la commercialisation du progiciel aux clients existants ne concernait que la société AFD et non la société PHD. Elles font valoir que le retrait du progiciel 4DMU/GPure du catalogue des produits, seul produit qu'elles avaient pour mission de distribuer, sans faire parallèlement de proposition concrète pour remplacer ce retrait constitue une modification unilatérale des contrats emportant leur résiliation à l'initiative du mandant. Elles ajoutent que le développement d'une nouvelle clientèle générait à leur profit des commissions pour toute la durée des contrats souscrits et réduisaient ainsi leurs droits à rémunération.
La société Deltacad demande la confirmation du jugement en ce qu'il a retenu la date du 4 mars 2020 comme date de résiliation des contrats. Elle fait valoir que malgré la cession du progiciel, la société AFD conservait la possibilité d'augmenter le volume de licences concédées ou de services souscrits au profit des clients existants ainsi que de démarcher, au sein des grands groupes déjà clients, des départements ne bénéficiant pas encore de licences ou de services. Elle relève qu'au moment de la cession, l'essentiel de l'activité de la société PHD n'était pas dédiée au progiciel GPure/4DMU et que l'essentiel de l'activité de la société AFD était liée aux clients existants. Elle affirme que les contrats ont reçu exécution jusqu'au 4 mars 2020, date à laquelle elle a été contrainte de les résilier en raison de manquements graves imputables à ses cocontractantes. Elle ajoute que les sociétés PHD et AFD ont refusé les propositions qu'elle leur a faites.
L'article L. 134-4 du code de commerce dispose que :
« Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties. »
Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.
L'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat. »
Par ailleurs, l'article L 134-16 du code de commerce dispose que : « est réputée non écrite toute clause ou convention contraire aux dispositions des articles (') L 134-12 et L 134-13 du code de commerce.
L'article L 134-12 du code de commerce prévoit qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.
Selon les sociétés PHD et AFD, la société Deltacad, en cédant ses droits de propriété intellectuelle sur le progiciel Gpure/4DMU, serait à l'origine de la résiliation des contrats des 2 août 2012 et 1er novembre 2017.
Concernant le contrat conclu avec la société PHD
Il est versé aux débats un courrier de la société Deltacad à la société PHD du 27 août 2019 rédigé ainsi qu'il suit :
« Objet : Changement important de la politique de distribution GPure / 4DMU
Cher [B],
Nous vous informons que Deltacad a cédé la propriété de GPure (4DMU) à un tiers le 27 août 2019. En effet, malgré le réseau de distribution international en place depuis plusieurs années, les ventes ne génèrent pas assez de revenus par rapport aux investissements de R&D et investissements commerciaux sur le produit.
En conséquence, les technologies GPure ne sont plus disponibles à la vente, et Deltacad ne peut plus octroyer de licences pour de nouveaux distributeurs ou clients. De plus, toutes communications, notamment à travers le site internet ou d'autres médias concernant GPure doivent être retirées en conséquence.
Pour précision :
Toute licence préexistante demeure valide et renouvelable, et Deltacad s'engage à soutenir cette clientèle et tout problème qui pourrait surgir, tout besoin qui pourrait naître ou toute aide qui pourrait être demandée. Ainsi aucun client ne sera négativement impacté par ce changement.
Les ventes concernant les services DeltaMesh et Deltacad peuvent continuer.
Deltacad prévoit de commercialiser un nouveau produit visant des marchés similaires pour 2020/21, qui résulte de nos dernières avancées en recherches et développement, pour laquelle une distribution internationale est prévue.
Nous sommes disponibles pour toute information complémentaire et prévoyons de revenir vers vous pour discuter de ce potentiel nouveau marché, et comment nous pourrions travailler ensemble pour le traiter. »
Il est relevé que :
- le contrat conclu le 2 août 2012 avec la société PHD portait sur le progiciel GPure V3 et ses différentes gammes ainsi que les services associés et sur aucun autre produits ou services ;
- l'article 1er de ce contrat dispose que : « Des extensions, nouvelles gammes, versions des progiciels et des services associés décrits à l'annexe 1 pourront être proposées par Deltacad et seront acceptées par le Partenaire. Elles seront régies par les dispositions du présent contrat.
Deltacad se réserve le droit de confier ultérieurement la vente de tous autres produits ou services au Partenaire qui devra l'accepter préalablement. »
- selon l'article 2, le partenaire a comme principales missions, la distribution en direct des progiciels et services associés (recherche de prospects, négociation, conclusion des contrats, réalisés directement auprès des clients finaux),
- aux termes du contrat, la société PHD est rémunérée sur un pourcentage de la marge nette réalisée par la société Deltacad sur les opérations conclues avec la société PHD ou par son intermédiaire ;
- la société Deltacad ne rapporte la preuve d'aucun accord intervenu avec la société PHD pour modifier l'objet du contrat notamment en vue de la commercialisation d'autres produits que le progiciel GPure V3 et ses différentes gammes ainsi que les services associés ;
- l'attestation produite par le dirigeant de la société Deltacad en pièce 76 ne démontre pas l'absence de nouveaux clients apportés par la société PHD ni même le fait que son activité portait sur d'autres produits que ceux prévus au contrat ;
- la société Deltacad ne démontre pas avoir proposé à la société PHD de commercialiser un produit équivalent en remplacement du progiciel GPure ; les courriers versés aux débats n'évoquent que de futurs produits faisant encore l'objet de recherche et développement.
Il en résulte que par la cession du 27 août 2019 de ses droits de propriété intellectuelle sur le progiciel, dont la commercialisation était l'objet du contrat du 2 août 2012, la société Deltacad n'a plus mis son agent commercial en mesure d'exécuter son mandat. Il importe peu à cet égard que la société PHD ait continué à exécuter temporairement ce contrat, espérant que la commercialisation d'un produit équivalent lui serait confiée par la société Deltacad, ce qui n'est pas advenu. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a considéré que la rupture du contrat d'agence commerciale datait du 4 mars 2020, alors que la résiliation est intervenue le 27 août 2019 à l'initiative de la société Deltacad.
Concernant le contrat conclu avec la société AFD
Il est versé aux débats un courrier de la société Deltacad à la société ADF du 27 août 2019 rédigé ainsi qu'il suit :
« Bonjour [B],
Comme tu l'auras certainement compris via 1'email du 27 août 2019 (« Important change in GPure / 4DMU distribution policy », à PHD Consulting), DeltaCAD a cédé à une tierce partie le produit GPure (4DMU).
Une des conséquences naturelles de cette cession est que nous ne sommes plus autorisés à poursuivre la commercialisation de GPure (4DMU) que ce soit directement ou via nos distributeurs.
Cela étant, nous avons pu obtenir pour AFD Conseils et nous-même le droit de poursuivre pleinement l'activité GPure / 4DMU auprès des clients existants et ce pour une durée de 15 ans, ce qui nous semble suffisant pour proposer d'ici-là un produit de nouvelle génération. Ceci inclut la concession de nouvelles licences, le renouvellement des maintenances, la vente de services sur le produit.
Les autres aspects du contrat de distribution qui nous lie restent inchangés (vente DeltaMESH, vente de prestation de service, ...).
Comme discuté au printemps, ceci s'inscrit dans le cadre de la volonté de Deltacad de recentrer les efforts commerciaux et investissements à venir sur des objectifs à forte valeur ajoutée et économiquement rentables, la commercialisation GPure / 4DMU l'étant difficilement, notamment en raison des coûts trop élevés des phases prospectives et avant-vente (avec des benchmarks qui se transforment trop souvent en véritables projets de développement, généralement sans être capable d'amortir ces investissements). Ainsi, focaliser l'effort sur le développement et le maintien du business chez les clients actuels limitera ces pertes et permettra de rentabiliser à terme les investissements passés dans GPure et 4DMU.
Egalement, toujours dans le cadre de cette stratégie, nous prévoyons (comme indiqué dans l'email précédent) de lancer la distribution plus ambitieuse de solutions algorithmiques nouvelles et / ou basées sur DeltaMESH (et ses divers composants / déclinaisons) avec plus de valeur ajoutée et de spécificité, pour développer ce marché de niche sur lequel nous sommes déjà positionnés (notamment avec DeltaMESH) avec des projets plus rentables et plus rapidement.
Je te propose de faire un point sur ceci dès début septembre si tu es disponible à ce moment-là. En attendant, n'hésite pas à me contacter ou nous faire part de tes remarques ou questions. Nous formaliserons ces changements dans la foulée. »
Il est relevé que :
- le contrat conclu le 1er novembre 2017 avec la société AFD portait le progiciel GPure gamme 4DMU, composé de deux produits : 4DMU GPure et 4DMU Explorer ainsi que ses différentes versions et des services associés ;
- l'article 1er de ce contrat dispose que : « Des extensions, nouvelles gammes, versions des progiciels et des services associés décrits à l'annexe 1 pourront être proposées par Deltacad et seront acceptées par le Partenaire. Elles seront régies par les dispositions du présent contrat.
Deltacad se réserve le droit de confier ultérieurement la vente de tous autres produits ou services au Partenaire qui devra l'accepter préalablement. »
- selon l'article 2, le partenaire a comme principales missions, la distribution en direct des progiciels et services associés (recherche de prospects, négociation, conclusion des contrats, réalisés directement auprès des clients finaux),
- aux termes du contrat, la société AFD est rémunérée sur un pourcentage de la marge nette réalisée par la société Deltacad sur les opérations conclues avec la société AFD ou par son intermédiaire ;
- la société Deltacad ne rapporte la preuve d'aucun accord intervenu avec la société AFD pour modifier l'objet du contrat notamment en vue de la commercialisation d'autres produits que le progiciel GPure/4DMU et ses différentes gammes ainsi que les services associés ;
- l'attestation produite par le dirigeant de la société Deltacad en pièce 76 ne démontre pas la part réduite de nouveaux clients apportés par la société AFD ni même le fait que son activité portait sur d'autres produits que ceux prévus au contrat ;
- la société Deltacad ne démontre pas avoir proposé à la société AFD de commercialiser un produit équivalent en remplacement du progiciel GPure ; les courriers versés aux débats n'évoquent que de futurs produits faisant encore l'objet de recherche et développement.
Il en résulte que par la cession du 27 août 2019 de ses droits de propriété intellectuelle sur le progiciel, dont la commercialisation était l'objet du contrat du 1er novembre 2017, la société Deltacad n'a plus mis son agent commercial en mesure d'exécuter son mandat. Il importe peu à cet égard que la société AFD ait continué à exécuter temporairement ce contrat, espérant que la commercialisation d'un produit équivalent lui serait confiée par la société Deltacad, ce qui n'est pas advenu. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a considéré que la rupture du contrat d'agence commerciale datait du 4 mars 2020, alors que la résiliation est intervenue le 27 août 2019 à l'initiative de la société Deltacad.
Sur l'indemnisation
Sur l'indemnité de cessation du contrat d'agent commercial
Sur le principe
L'article L 134-12 du code de commerce, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; qu'il perd toutefois le droit à réparation s'il n'a pas notifié au mandant, dans un délai d'un an à compter de la cessation du contrat, qu'il entend faire valoir ses droits ; et que ses ayants droit bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l'agent.
L'article L134-13 précise toutefois que la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due dans les cas suivants :
1° La cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ;
2° La cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée ;
3° Selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d'agence.
Par principe, lorsque le mandant est à l'initiative de la rupture, l'agent commercial a droit à réparation sauf si la rupture est causée par une faute grave qu'il a commise antérieurement à la rupture et invoquée par le mandant comme justifiant cette rupture.
La rupture des contrats étant imputable à la société Deltacad et aucune faute commise antérieurement au 27 août 2019 n'ayant été invoquée par le mandat comme justifiant cette rupture, les sociétés PHD et AFD ne peuvent être privées de leur droit à réparation.
Sur le quantum
La société PHD réclame la condamnation de la société Deltacad à lui verser la somme de 76 632,4 euros à titre d'indemnité de fin de contrat et à titre subsidiaire, la somme de 48 106,33 euros au titre de l'indemnité de rupture contractuelle.
La société AFD demande la condamnation de la société Deltacad à lui payer la somme de 2.141.336 euros à titre d'indemnité de fin de contrat et à titre subsidiaire, la somme de 1.069.189 euros au titre de l'indemnité de rupture contractuelle.
Les sociétés PHD et AFD réclament une indemnisation à concurrence de deux années de commissions avec pour assiette la seule année 2019. A défaut, elles demandent que l'assiette prennent en compte, pour la société PHD, les trois dernières années d'activité, et pour la société AFD, les deux années d'exécution du contrat. A titre subsidiaire, elles demandent l'application du contrat prévoyant une année de commissions.
La société Deltacad revendique la confirmation du jugement en ce qu'il a fait application de l'article 12 des contrats.
L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune. Son quantum n'étant pas réglementé, il convient de fixer son montant en fonction des circonstances spécifiques de la cause.
L'article 12 des contrats du 2 août 2012 et du 1er novembre 2017 stipule que :
« La résiliation du contrat par Deltacad, sauf si celle-ci est liée à la cession du contrat, à une faute grave du partenaire ou à l'application de l'article 11 ci-dessus (force majeure), donnera droit au partenaire à une indemnité de fin de contrat, équivalente à un an de remises ou commissions perçues par le partenaire de la part de Deltacad au cours de la période de douze (12) mois précédent la cessation du contrat. Dans ce cas, la rémunération des opérations intervenant dans une période de 6 mois après la fin du contrat et telle que décrite ci-dessus, ne s'appliquera pas et ne viendra pas s'ajouter à l'application de cette clause. »
Si la clause d'évaluation a priori de l'indemnisation d'un agent commercial en cas de cessation de ses relations avec le mandant n'est pas valable dans la mesure où elle a un caractère forfaitaire, il n'en est pas de même de la clause qui permet à l'agent d'obtenir, en cas de rupture, une indemnité compensatrice du préjudice subi égale ou supérieure à ce préjudice.
Sur le préjudice de la société PHD
Il résulte des débats et pièces versées aux débats (attestations de l'expert-comptable de la société PHD) que la relation contractuelle entre les sociétés Deltacad et PHD a duré sept ans et a généré les rémunérations suivantes :
- 84.130,55 euros HT en 2017,
- 62.045,29 euros HT en 2018,
- 38.316,35 euros HT en 2019,
- 12.846,19 euros HT jusqu'au mois de mai 2020.
Eu égard à la date de résiliation du contrat le 27 août 2019 et à l'activité réduite à compter de cette date, les années 2020 et 2019 ne peuvent servir d'assiette au calcul de l'indemnité de cessation. La moyenne des deux années complètes (2018 et 2017) correspond à un total de 73.087,92 euros (84.130,55 euros en 2017+ 62.045,29 euros en 2018). Eu égard à la durée des relations entre les parties, il n'y a pas lieu de limiter à douze mois de commissions l'indemnisation de la société PHD. Il ne sera donc pas fait application de l'article 12 du contrat dans la mesure où il ne permet pas une réparation intégrale du préjudice subi.
En conséquence, l'indemnité de cessation du contrat d'agence commerciale sera fixée à la somme de 76.632,40 euros conformément à la demande de la société PHD. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur le préjudice de la société AFD
Il résulte des débats et pièces versées aux débats (attestations de l'expert-comptable de la société PHD) que la relation contractuelle entre les sociétés Deltacad et AFD a duré moins de deux ans et a généré les rémunérations suivantes :
- 58.560 euros HT pour le mois de décembre 2017,
- 94.369,60 euros HT en 2018,
- 70.189,60 euros HT en 2019,
- 1.006.315 euros HT jusqu'au mois de février 2020 incluant la facture d'un million d'euros sur l'opération Epic dont la demande en paiement a été rejetée ci-dessus.
Eu égard à la date de résiliation du contrat le 27 août 2019 et à l'activité réduite à compter de cette date, les années 2020 et 2019 ne peuvent servir d'assiette au calcul de l'indemnité de cessation. La seule année complète est l'année 2018 et correspond à un total de 94.369,60 euros. Eu égard à la durée des relations entre les parties, il y a lieu de limiter à douze mois de commissions l'indemnisation de la société ADF. Dans la mesure où l'article 12 du contrat exclut tout cumul de l'indemnité de fin de contrat et de l'indemnité de préavis, il n'en est pas fait application, ne permettant pas une réparation intégrale du préjudice subi.
En conséquence, l'indemnité de cessation du contrat d'agence commerciale sera fixée à la somme de 94.369,60 euros. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.
Sur l'indemnité de préavis
Les sociétés AFD et PHD soutiennent qu'aucun préavis n'a été observé par la société Deltacad avant la rupture. Elles considèrent que compte tenu de la durée des relations commerciales établies avec les requérantes, la société Deltacad aurait dû respecter un préavis de huit mois avec la société PHD et de trois mois avec la société AFD.
Elles soutiennent que ces préjudices doivent être réparés sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales.
A titre subsidiaire, elle revendique une indemnité de rupture en application du statut d'agent commercial.
La société Deltacad réplique que tant le grief d'une prétendue rupture unilatérale et fautive des contrats que celui de la brutalité de cette rupture sont sans fondement. Elle fait valoir que l'application du statut de l'agent commercial est exclusive de toute demande d'indemnisation sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies. Elle ajoute que la rupture des contrats étant liée à la faute grave des sociétés PHD et AFD, elles ne peuvent prétendre à une indemnité de préavis sur le fondement de l'article L. 134-11 du code de commerce. En tout état de cause, elle fait valoir que les sociétés PHD et AFD ont continué leur activité jusqu'aux mois de novembre et décembre 2019 et ont perçu des commissions jusqu'en 2020.
Les agents commerciaux ont droit, en cas de rupture brutale de leur contrat, à une indemnité spécifique compensatrice de préavis, prévue à l'article L. 134-11 du code de commerce, qui s'ajoute le cas échéant à l'indemnité de fin de contrat prévue à l'article
L. 134-12 du code de commerce de sorte que cette règle spéciale exclut l'application de l'article L. 442-1, II du code de commerce sur la brusque rupture d'une relation commerciale établie.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation des sociétés PHD et AFD sur le fondement de l'article L. 442-1, II du code de commerce.
L'article L. 134-11 du code de commerce prévoit que lorsque le contrat d'agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. La durée du préavis est d'un mois pour la première année du contrat, de deux mois pour la deuxième année commencée, de trois mois par la troisième année commencée et les années suivantes.
Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque le contrat prend fin en raison d'une faute grave de l'une des parties ou de la survenance d'un cas de force majeure.
Sur l'indemnité de préavis de la société PHD
La société PHD demande la condamnation de la société Deltacad à lui verser la somme de 9 579,09 euros en réparation du préjudice subi au titre de la rupture sans préavis de son contrat d'agent commercial, correspondant à trois mois de préavis et à une marge brute de 3.193,03 euros par mois.
Il résulte des attestations de l'expert-comptable versées aux débats que la société PHD a reçu un total 18.271, 98 euros de commissions entre les mois de septembre 2019 et mai 2020 de sorte qu'un préavis a bien été observé à son égard et qu'elle n'a subi aucun préjudice constitué d'une insuffisance de préavis puisque les sommes versées sont supérieures à celles réclamées. La demande de ce chef sera rejetée et le jugement sera informé sur ce point.
Sur l'indemnité de préavis de la société AFD
La société AFD demande la condamnation de la société Deltacad à lui verser la somme de 178 364,8 euros en réparation du préjudice subi au titre de la rupture sans préavis de son contrat d'agent commercial, correspondant à deux mois de préavis et à une marge brute 89.182,42 euros par mois.
La marge brute sur laquelle la société AFD calcule son préjudice tient compte de la facture d'un million d'euros pour laquelle la demande en paiement a été refusée. Il ne sera donc pas tenu compte de cette facture. Il ressort de ce qui précède que la seule année complète pour laquelle la société AFD a été l'agent commercial de la société Deltacad est l'année 2018 et correspond à un total de 94.369,60 euros, soit 7.864,13 euros par mois. Eu égard à la durée des relations, la société AFD devait effectuer un préavis de deux mois. Ainsi la société AFD aurait dû percevoir des commissions d'un montant de 15.728,26 euros pour deux mois de préavis. Il résulte des attestations de l'expert-comptable versées aux débats que la société PHD a reçu un total 8.315 euros de commissions entre les mois de septembre 2019 et janvier 2020 de sorte qu'un préavis a bien été observé à son égard. Néanmoins le montant des sommes perçus au titre de ce préavis est inférieur aux sommes qu'elle aurait dû percevoir. Il conviendra ainsi d'allouer à la société AFD une somme de 7.413,26 euros (15 728,26 ' 8 315) au titre du préjudice subi en raison de l'insuffisance de préavis. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Deltacad succombe à l'instance d'appel. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées. La société Deltacad supportera les dépens d'appel et sera condamnée à payer aux sociétés PHD et AFD la somme de 4.000 euros à chacune au titre des frais irrépétibles exposés en appel. La demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile par la société Deltacad sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté les sociétés AFD et PHD de leur demande de voir constater le caractère unilatéral et fautif de la rupture des contrats de distribution conclus respectivement le 1er novembre 2017 et le 2 août 2012 à l'initiative de la société Deltacad par ses courriers du 27 août 2019, dit et jugé que la résiliation des contrats de distribution était intervenue le 4 mars 2020 et condamné la société Deltacad à payer la somme de 30 938,57 euros à la société PHD et la somme de 7 964,00 euros à la société AFD au titre des indemnités de résiliation des contrats de distribution ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que la rupture du contrat du 2 août 2012 conclu entre la société Deltacad et la société PHD est intervenue le 27 août 2019 et est imputable à la société Deltacad ;
Dit que la rupture du contrat du 1er novembre 2017 conclu entre la société Deltacad et la société AFD est intervenue le 27 août 2019 et est imputable à la société Deltacad ;
Condamne la société Deltacad à payer à la société PHD une indemnité de cessation du contrat d'agence commerciale d'un montant de 76.632,40 euros ;
Condamne la société Deltacad à payer à la société PHD une indemnité de cessation du contrat d'agence commerciale d'un montant de 94.369,60 euros ;
Rejette la demande d'indemnité de préavis de la société PHD sur le fondement de l'article L. 134-11 du code de commerce ;
Condamne la société Deltacad à payer à la société AFD la somme de 7.413,26 euros au titre du préjudice subi en raison de l'insuffisance de préavis sur le fondement de l'article L. 134-11 du code de commerce ;
Condamne la société Deltacad à payer aux sociétés PHD et AFD la somme de 4.000 euros à chacune au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
Rejette la demande de la société Deltacad au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Deltacad aux dépens de l'instance d'appel.