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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 25 septembre 2025, n° 22/08228

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

WSN Developpement (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Soudry, Mme Ranoux-Julien

Avocats :

Me Cazottes, SCP GRV Associes

T. com. Paris, du 15 déc. 2021

15 décembre 2021

RÉPUBLIQUE FRAN'AISE

AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2025

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/08228 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFWXD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mars 2022 - Tribunal de Commerce de Paris - RG n° 2020037413

APPELANTE

S.E.L.A.S. ETUDE [Z], prise en la personne de Maître [P] [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SF Management, immatriculée au R.C.S. de Paris sous le numéro 414 528 844, dont le siège social est [Adresse 1], désigné à cette fonction par jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 décembre 2021

immatriculée au R.C.S. de Paris sous le numéro 840 214 191

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée de Me Xavier Cazottes, avocat au barreau de Paris, toque : D0473

INTIMÉE

S.A.S. WSN DEVELOPPEMENT, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au R.C.S. de Paris sous le numéro 410 589 337

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Vincent Ribaut de la SCP GRV Associes, avocat au barreau de Paris, toque : L0010

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Juin 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Nathalie RENARD, présidente de la chambre 5-5

Mme Christine SOUDRY, conseillère

Mme Marilyn RANOUX-JULIEN, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Marilyn RANOUX-JULIEN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : M. Maxime MARTINEZ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie RENARD, présidente de la chambre 5-5 et par Mme Sonia JHALLI, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire, présent lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

La société WSN Développement (ci-après « WSN ») intervient dans l'organisation d'événements et de manifestations commerciales professionnelles dans le secteur de la mode.

Elle organise notamment le salon international leader de la mode féminine en Europe « Who's Next », qui se tient deux fois par an, en janvier et septembre, à [Localité 6].

La société SF Management, dirigée par Mme [R], est une société ayant pour objet l'organisation de salons professionnels « textile et accessoires ».

Elle a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 8 janvier 2019, la Selars Etude [Z] en la personne de Me [Z] étant désignée mandataire judiciaire.

Aux termes d'un contrat de licence du 15 avril 2002, Mme [R], MM. [T] et [B], copropriétaires chacun à hauteur de 33% de la marque « Fame » ont conclu avec la société WSN un contrat de licence exclusif, à titre gratuit et pour une durée de cinq ans, en vue de créer un espace particulier de prêt à porter au sein du salon Who's Next.

Le 1er juillet 2002 Mme [R] et la société WSN ont conclu un « protocole d'accord » (ci-après le « contrat Fame ») donnant mission à Mme [R] de :

« - Animer et développer le salon Fame,

- Commercialiser le salon auprès des exposants,

- Assurer la sélection des exposants du salon,

- Et plus généralement d'apporter son expérience et ses relations dans le domaine de l'organisation de ce type de salon. »

Par contrat du 15 juin 2006, la société WSN a racheté les droits de MM. [T] et [B] sur la marque Fame, rendant la société WSN propriétaire à hauteur des deux tiers de la marque, et Mme [R], d'un tiers. Un contrat de licence exclusive a été conclu avec la société WSN le 20 juin 2006 pour une durée d'un an tacitement renouvelable.

Par avenant du 1er septembre 2006, l'accord a été prorogé pour 10 ans, avec tacite reconduction pour des périodes de 2 ans, faute de dénonciation 3 mois avant l'échéance anniversaire.

Le 8 septembre 2006, les parties ont convenu que la société SF Management se substituerait à Mme [R] dans ses missions d'animation commerciale du salon Fame.

Le 28 novembre 2011, les sociétés SF Management et WSN ont conclu un « protocole d'accord » (ci-après le contrat Private and Fresh) d'une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2012 donnant mission à la société SF Management de :

« - Animer et développer les secteurs « Private » et « Fresh » du salon Who's Next ainsi que les salons [Localité 6] sur Mode Atelier et Atmosphère ;

- Commercialiser ces secteurs auprès des exposants,

- Assurer la sélection des exposants du salon. »

Des désaccords sont survenus entre les sociétés SF Management et WSN concernant l'exécution des contrats.

Les parties ont conclu un protocole transactionnel le 3 juillet 2014, prévoyant :

- la révocation du contrat « Private and Fresh »,

- le versement par la société WSN à la société SF Management d'une indemnité de 1 136 318 euros,

- l'adoption du principe selon lequel les modifications des paramètres relatifs au salon Fame (emplacement, scénographie, etc) feront l'objet d'une concertation préalable entre les parties et seront soumises à leur accord conjoint, sans qu'aucune d'entre elles ne puisse refuser de donner son accord « de façon déraisonnable et sans motif légitime ».

Par courrier recommandé du 15 juin 2020, la société SF Management a informé la société WSN qu'elle prenait acte de la rupture du contrat d'agence commerciale Fame aux torts de cette dernière, en lui réclamant une indemnité à hauteur de 1 850 544,89 euros.

Contestant l'existence d'un contrat d'agence commerciale, la société WSN a, par acte du 27 août 2020, assigné la société SF Management devant le tribunal de commerce de Paris en indemnisation pour rupture brutale et fautive des relations commerciales établies.

Par jugement du 14 mars 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

Dit que la société SF Management n'était pas fondée à revendiquer l'application du statut d'agence commerciale ;

Pris acte de l'échéance du protocole d'accord au 31 août 2020 ;

Dit que la relation entre les parties présentait bien le caractère d'une relation commerciale établie et que la rupture n'avait pas été brutale ;

Condamné la société SF Management à payer à la société WSN la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Condamné la société SF Management à payer à la société WSN la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

Condamné la société SF Management aux dépens.

Par déclaration du 22 avril 2022, la société Etude [Z], en sa qualité de mandataire de la société SF Management, a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- Dit que la société SF Management n'était pas fondée à revendiquer l'application du statut d'agence commerciale ;

- Condamné la société SF Management au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

- Condamné la société SF Management au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Rejeté les demandes de la société SF Management visant :

A titre principal, à condamner la société WSN au paiement de la somme de 1 850 544,89 euros à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agence commercial conclu le 1er juillet 2002, soit trois années de commissions brutes, à la suite d'une prise d'acte de la rupture dudit contrat par la société SF Management en raison des fautes commises par la société WSN ;

A titre subsidiaire, à condamner la société WSN au paiement de la somme de 1 850 544,89 euros à titre d'indemnité de rupture du mandat d'intérêt commun conclu le 1er juillet 2002, soit trois années de commissions brutes, à la suite d'une prise d'acte de la rupture dudit contrat par la société SF Management en raison des fautes commises par la société WSN ;

En tout état de cause, à constater l'acquisition de la résiliation automatique du contrat de licence de marque du 15 avril 2002 du fait que Mme [R] ne participe plus à l'animation du salon Fame.

Par ses dernières conclusions notifiées le 11 juillet 2023, la Selas Etude [Z] en sa qualité de mandataire de la société [Z] Management demande, au visa des articles 134-1 et suivants du code de commerce, de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, de :

Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 mars 2022 en ce qu'il a :

Dit que la société SF Management n'était pas fondée à revendiquer l'application du statut d'agence commerciale ;

Condamné la société SF Management au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

Condamné la société SF Management au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejeté les demandes de la société SF Management visant :

- à titre principal, à condamner la société WSN au paiement de la somme de 1 850 544,89 euros à titre d'indemnité de rupture du contrat d'agence commercial conclu le 1er juillet 2002, soit trois années de commissions brutes, à la suite d'une prise d'acte de la rupture dudit contrat par la société SF Management en raison des fautes commises par la société WSN ;

- à titre subsidiaire, à condamner la société WSN au paiement de la somme de 1 850 544,89 euros à titre d'indemnité de rupture du mandat d'intérêt commun conclu le 1er juillet 2002, soit trois années de commissions brutes, à la suite d'une prise d'acte de la rupture dudit contrat par la société SF Management en raison des fautes commises par la société WSN ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

Condamner la société WSN à payer à la société Etude [Z] en sa qualité de mandataire judiciaire de la société SF Management, agent commercial, la somme de 1 850 544,89 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice subi, en raison des fautes commises par la société WSN au préjudice de la société SF Management dans l'exécution du contrat d'agent commercial conclu entre elles le 1er juillet 2002 ;

A titre subsidiaire,

Condamner la société WSN à payer à la société Etude [Z] en sa qualité de mandataire judiciaire de la société SF Management, mandataire d'intérêt commun, la somme de 1 850 544,89 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice subi, en raison des fautes commises par la société WSN au préjudice de la société SF Management dans l'exécution du mandat d'intérêt commun conclu entre elles le 1er juillet 2002 ;

En tout état de cause,

Débouter la société WSN de toutes ses demandes, fins et conclusions et plus généralement de son appel incident ;

Condamner la société WSN au paiement des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil ;

Ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Condamner la société WSN à payer à la société Etude [Z] ès-qualité de mandataire judiciaire de la société SF Management la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 15 avril 2024, la société WSN demande, au visa de l'article 1104 du code civil, des articles L134-1 et L442-1 II du code de commerce, de :

Dire tant irrecevable qu'infondé l'appel de la Selas Etude [Z] ;

Confirmer le jugement rendu le 14 mars 2022 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

- Dit que la société SF Management n'était pas fondée à revendiquer l'application du statut d'agence commerciale ;

- Dit que la relation entre les parties présentait bien le caractère d'une relation commerciale établie ;

- Condamné la société SF Management pour préjudice moral au profit de la société WSN ;

- Condamné la société SF Management à payer à la société WSN la somme de

5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Débouté la société SF Management de ses demandes plus amples et contraires ; et condamné la société SF Management aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe.

Recevoir la société WSN en son appel incident et l'y déclarant bien fondée ;

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- Pris acte de l'échéance de l'accord de partenariat au 31 août 2020 ;

- Estimé que la rupture des relations commerciales établies n'était pas brutale et rejeté les prétentions financières de la société WSN sur ce fondement ;

- Fixé à la somme de 50 000 euros seulement la condamnation de la société SF Management à indemniser la société WSN de son préjudice moral ;

Statuant à nouveau :

Juger que la rupture notifiée par la société SF Management à la société WSN, de leurs relations commerciales établies, intervenue à effet immédiat le 15 juin 2020, est brutale et fautive de la part de la société SF Management ;

Juger que la brutalité de la rupture notifiée par la société SF Management à la société WSN a causé à cette dernière un préjudice financier, ainsi qu'un préjudice moral, au titre de l'atteinte à son image et à sa réputation dont elle est fondée à réclamer réparation ;

En conséquence :

Juger que la société SF Management sera tenue de payer à la société WSN :

' la somme de 1 940 386 euros en réparation de son préjudice financier, au titre de la rupture brutale ;

' la somme de 500 000 euros au titre de la rupture brutale en réparation de son préjudice moral ;

Dès lors :

Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SF Management, la créance de la société WSN au titre de la rupture brutale, à la somme de 1 940 386 euros en réparation de son préjudice financier ;

Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SF Management la créance de la société WSN au titre de la rupture brutale, à la somme de 500 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

À titre subsidiaire, si par impossible la cour devait reconnaitre le statut d'agent commercial ou la qualité de mandataire d'intérêt commun à la société SF Management ;

Juger que la société SF Management est seule à l'initiative de la rupture du « protocole d'accord » conclu le 1er juillet 2002 ;

Juger, pour les motifs qui précèdent, et au visa de l'article L134-13 du code de commerce que la société WSN n'a, en tout état de cause, commis aucun manquement dans l'exécution du « protocole d'accord » conclu le 1er juillet 2002 et qu'au contraire la rupture à l'initiative de la société SF Management est gravement fautive de son fait, et donc exclusive de toutes indemnités ;

Débouter l'appelante de toutes ses demandes, fins et conclusions, et plus généralement de son appel ;

En tout état de cause :

Juger que la société SF Management sera tenue de payer à la société WSN la somme de 20 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dès lors :

Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SF Management la créance de la société WSN, au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à la somme de 20 000 euros ;

Condamner l'appelante aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Ribaut.

La société WSN a, par courrier du 14 juin 2022, déclaré une créance à hauteur de 2 520 000 euros auprès du liquidateur de la société SF Management.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2025.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

LA COUR

Sur la nature du contrat

La société SF Management soutient que :

- La qualité d'agent commercial de la société SF Management ressort tant des contrats conclus avec la société WSN que de son activité. Elle a, aux termes des contrats, reçu pour mission de rechercher des clients en vue de la conclusion de contrats pour le compte de la société WSN, et de négocier avec eux les modalités de location des stands. Elle agissait au nom et pour le compte de la société WSN. Elle accomplissait des actes positifs de représentation de la société WSN en qualité de mandataire.

- Le fait qu'elle ait eu une mission d'animation n'exclut pas l'application du statut d'agent commercial. Ses activités relevant stricto du statut d'agent commercial ont été prépondérantes : à titre principal, elle sélectionnait les marques et commercialisait le salon auprès des exposants.

- Elle était indépendante dans l'organisation de son travail et son mode de rémunération, qui résultait de l'application d'un pourcentage sur le chiffre d'affaires généré par son activité, relève de l'agence commerciale.

- Elle n'a jamais renoncé à revendiquer son statut d'agent commercial, cette renonciation devant être expresse et écrite. Le fait qu'elle ne soit pas inscrite au registre des agents commerciaux n'empêche pas sa qualification d'agent commercial.

- Les missions des agents commerciaux internationaux de la société WSN étaient différentes.

- Le placement en redressement judiciaire de la société SF Management a fait l'objet des publications requises par la réglementation et elle a soutenu devant les organes de la procédure collective son statut d'agence commerciale.

- A titre subsidiaire, la relation commerciale est celle d'un mandataire d'intérêt commun ce qui entraine les mêmes conséquences indemnitaires que celles fixées par le régime légal de l'agent commercial.

La société WSN Développement réplique que :

- la relation contractuelle qu'elle entretenait avec la société SF Management ne répond pas aux critères de l'agence commerciale ni de celle d'un mandataire d'intérêt commun. Il s'agissait d'un accord de partenariat.

- Dans le litige quasi-identique concernant une autre société de Mme [R], la société By So, le tribunal de commerce a rejeté ses demandes indemnitaires au titre d'un contrat d'agence commerciale sans qu'elle ne relève appel du jugement : elle a acquiescé à cette décision et à ses motifs. S'agissant du contrat « Private and Fresh » la société SF Management a conclu un protocole d'accord mentionnant dans son préambule que la société WSN contestait la qualification d'agence commerciale à la relation.

- L'argumentation de la société SF Management selon laquelle la relation est une relation d'agence commerciale est en contradiction avec celle soutenue à l'occasion de l'établissement de son plan de redressement, qui évoque un accord de partenariat. Dans le jugement du tribunal de commerce arrêtant le plan de la société SF Management, ou dans les pièces produites par celle-ci dans le cadre de cette procédure, il n'est pas revendiqué, ni fait mention du statut d'agent commercial dans sa relation avec la société WSN.

- Il n'a jamais été stipulé que la société SF Management agissait en qualité d'agent commercial, que ce soit dans le protocole d'accord du 1er juillet 2002, dans les avenants n°1 et 2 qui lui ont succédé, dans le cadre du protocole d'accord transactionnel du 3 juillet 2014 ou dans le cadre de la procédure collective de la société SF Management.

- L'objet social de la société SF Management ne prévoit pas qu'elle exerce une activité d'agent commercial et elle n'est pas inscrite au registre spécial des agents commerciaux. Mme [R] se présentait comme cofondatrice de Fame, dont elle était associée à 33%, cette qualité étant incompatible avec celle d'agent commercial.

- La société SF Management ne rapporte pas la preuve d'avoir été la mandataire de la société WSN et avoir accompli des actes juridiques à son nom et pour son compte. Elle ne justifie pas de frais ni de bons de commande passés au nom et pour le compte de la société WSN et ne négociait pas les tarifs avec les exposants.

- la société WSN, qui dispose déjà d'agents commerciaux à l'étranger, ne rémunérait pas la société SF Management selon les commissionnements propres à l'agence commerciale. La société SF Management était rémunérée pour une prestation globale et non pour la simple commercialisation des stands.

***

L'article L.134-1 du code de commerce dispose que 'l'agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux' et qu'il 'peut être une personne physique ou une personne morale.'

L'agent commercial agit au nom et pour le compte de son mandant, il est un mandataire d'intérêt commun.

Pour être qualifiée d'agent commercial, la personne concernée doit avoir la qualité d'intermédiaire indépendant, être liée contractuellement de façon permanente à son commettant, disposer du pouvoir de négocier, et éventuellement de conclure, des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de celui-ci.

Par un arrêt du 4 juin 2020 (Trendsetteuse, C-828/18), la CJUE a dit pour droit que l'article 1, paragraphe 2, de la directive 86/653 doit être interprété en ce sens qu'une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d'agent commercial, au sens de cette disposition.

Il en résulte que doit désormais être qualifié d'agent commercial le mandataire, personne physique ou morale qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d'industriels, de commerçants ou d'autres agents commerciaux, quoiqu'il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services.

Ainsi il importe peu que l'agent commercial ne conclue pas lui-même les contrats qu'il est chargé de négocier. En outre, la mission de négociation ne s'entend pas exclusivement du pouvoir de modifier les prix des produits ou services mais consiste à faire en sorte que l'offre du mandant reçoive une acceptation du client, ce qui peut être caractérisé par le démarchage de la clientèle, l'orientation de son choix en fonction de ses besoins, sa

fidélisation par des actions commerciales ou encore la valorisation du produit.

En l'espèce, il est constant que le protocole d'accord du 1er juillet 2002 ou ses avenants ne mentionnent pas que les relations entre les parties relèvent d'un contrat d'agence commerciale. L'application de ce statut a en outre été contesté par la société WSN dans le protocole transactionnel du 3 juillet 2014. La société SF Management n'est pas inscrite au registre des agents commerciaux, et son objet social, qui mentionne « l'organisation de salons professionnels » ne désigne pas précisément l'activité d'agent commercial.

Toutefois, il est de principe que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leurs conventions, mais des conditions de fait dans lesquelles l'activité est effectivement exercée, et elle n'est pas subordonnée à l'inscription sur le registre spécial qui est une mesure de police professionnelle.

Le fait que Mme [R] n'ait pas fait appel d'un jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 juin 2019 l'ayant déboutée de sa demande de reconnaissance du statut d'agent commercial est indifférent au cas d'espèce, ce litige se rapportant à l'activité d'une société distincte, By So, sur un autre salon « Paris sur mode ».

Les pièces produites aux débats démontrent que les tâches principales de la société SF Management consistaient à apporter de nouveaux clients au commettant et à développer les opérations avec les clients existants. La société SF Management justifie en effet par de nombreux courriels qu'elle engageait des actions d'information et de conseil ainsi que des discussions avec la clientèle, de nature à favoriser la conclusion de l'opération commerciale pour le compte du commettant, s'agissant notamment de la sélection des exposants, de l'attribution des stands et de la surface accordée.

Ainsi, dans un courriel du 11 septembre 2018, le directeur de la marque Nathalie Chaize lui écrit : « Bonjour [A], je reviens vers toi car j'envisage de revenir sur le salon avec la marque Nathalie Chaize (') maintenant que nous avons restructuré la marque nous avons besoin de retrouver de la visibilité pour aller chercher de nouveaux clients (') dans l'attente de ton retour ». Dans un courriel du 22 novembre 2018, un client, M. [E], lui écrit : « Bonsoir [A], merci encore d'être venue jusqu'à moi ce matin. Comme convenu le point sur les marques du showroom Kissandfly : Lad dip, le même stand qu'en septembre conviendrait parfaitement (') Atelier Français de Conception : même surface si tu peux la remettre en long c'est beaucoup mieux ; Louise Micha : même stand, même surface, impeccable ; Blune : même stand, même surface, impeccable ». Mme [R] répond dans un courriel du 6 décembre 2019 à un exposant souhaitant un placement précis « Nous sommes en hall 4, vous êtes placé en îlot comme septembre sur 54m2 près de Melles Léon&Harper, [N] [J] etc ». Le 17 décembre, elle est destinataire d'un courriel relayant la demande d'un client d'obtenir gratuitement une seconde cabine. Elle propose dans un courriel du 10 janvier 2020 une surface supplémentaire à un exposant : « Je peux vous offrir un m2 vous seriez d'accord ' ».

La société SF Management produit également plusieurs courriels démontrant qu'elle disposait de la faculté de négocier les prix des prestations vendues peu important que la société WSN intervienne dans le processus de négociation en validant ses propositions de remise. Ainsi, dans des courriels du 6 mars 2018 et 10 janvier 2020, Mme [R] est interrogée pour savoir si elle serait d'accord pour accorder une remise exceptionnelle suite à la difficulté d'inscription d'un client ou l'échelonnement de la facture d'une exposante. Le 9 janvier 2019, une exposante lui écrit : » Hello [A] (') je me permets de te demander une précision car j'ai un doute sur ce que nous avions convenu pour le règlement du stand. En septembre dernier, tu nous as accordé une remise pour un stand de 30m2 au prix de 22m2 avec un angle offert. », ce à quoi Mme [U] répond : « effectivement l'angle est offert ».

Le fait que la société SF Management agisse pour le compte de la société WSN résulte également des termes du protocole d'accord signé entre la société WSN et Mme [U] le 1er juillet 2002, modifié par deux avenants de septembre 2006, selon lequel la société SF Management est chargée « par la société WSN » de « promouvoir, d'animer et de commercialiser le salon Fame ».

D'autre part, les pièces versées aux débats (pièces 54, 55, 56 de la société Etude [Z]) démontrent que la société SF Management prenait des commandes et concluait des contrats de prestations de service pour le compte de la société WSN, en qualité de mandataire, selon le processus suivant : après avoir été retenus par la société SF Management, les exposants recevait une confirmation de leur demande par un courriel de la société WSN les informant que leur « demande de participation pour la prochaine participation de Fame a été validée », le nom de Mme [U] y apparaissant en qualité de « account manager » (chargée de clientèle). Il est donc démontré que la société SF Management agissait pour le compte de la société WSN qu'elle avait le pouvoir de représenter.

Par ailleurs, le fait que les courriels de « rebooking » (prospection de la clientèle ayant déjà réservé un stand la saison précédente) mentionnent, outre la signature de Mme [U], celle d'une collaboratrice de la société WSN ne démontre pas que la société SF Management ne bénéficiait pas de l'indépendance requise pour être agent commercial, alors qu'au contraire, celle-ci apparaît avoir bénéficié d'une totale latitude dans l'organisation de son travail.

S'agissant de la rémunération de la société SF Management, le protocole d'accord à effet du 1er juillet 2002 et ses avenants stipulent le versement « d'honoraires HT de 15% du chiffre d'affaires facturé et encaissé pour cet espace ».

Il n'est pas contesté qu'une partie de la rémunération de la société SF Management était issue de la commercialisation des espaces Fame par les agents commerciaux internationaux de la société WSN. Est notamment produit le contrat d'agence commerciale conclu entre les sociétés WSN et Fidancia le 5 mars 2006 pour la recherche de prospects en Espagne et au Portugal. La société WSN verse également aux débats un document intitulé « rémunération SF Management Management pour l'espace Fame » (pièce n°20), non critiqué par la société SF Management, selon lequel, en 2019, sur les 353 marques attribuées au secteur Fame ayant donné lieu à une rémunération en faveur de la société SF Management, 88 d'entre elles ont également donné lieu à un commissionnement d'un agent étranger, soit 25%.

Toutefois, cette rémunération sur le chiffre d'affaires de l'espace Fame est cohérente au regard des tâches complémentaires confiées à la société SF Management par la société WSN (Animer et développer le salon Fame, assurer la sélection des exposants du salon, apporter son expérience et ses relations).

La rémunération de la société SF Management apparaît conforme aux dispositions de l'article L. 134-5 du code de commerce qui dispose que l'agent commercial a droit à une rémunération raisonnable qui tient compte de tous les éléments qui ont trait à l'opération. Le fait que cette rémunération ait été fonction du chiffre d'affaires réalisé sur l'espace Fame, et non pas déterminée par le seul chiffre d'affaires généré par les prospects de la société SF Management, n'est donc pas de nature à entraver la reconnaissance d'un statut d'agence commerciale.

Contrairement à l'affirmation de la société WSN, si la société SF Management s'est vue également confiée certaines tâches logistiques et organisationnelles (choix du hall dans lequel est placé l'espace Fame, scénographie, disposition des exposants dans l'espace), ces missions n'ont manifestement pas constitué son activité principale. Il résulte des pièces produites que la commercialisation des espaces et la sélection des exposants constituaient des tâches prépondérantes.

Enfin, le fait que [A] [U] ait été co-propriétaire de la marque Fame et que le contrat de licence ait stipulé son caractère intuitu personae n'exclut pas, comme le soutient la société WSN, la reconnaissance du statut d'agence commerciale. En effet, d'une part, Mme [R] n'était détentrice de la marque Fame qu'à hauteur d'un tiers, les deux autres tiers étant détenus par la société WSN elle-même, et d'autre part, l'exploitation de la marque était consubstantielle au salon Who's Next, dont la société WSN avait l'entière maîtrise. La cour relève que Mme [R] a obtenu, aux termes du contrat de cession à la société WSN de ses parts sur la marque Fame intervenu le 30 juin 2022, la somme de 10 000 euros, laquelle apparaît dérisoire au regard du chiffre d'affaires obtenu par la société WSN sur l'espace Fame en septembre 2022, soit la somme de 1 388 249,26 euros (pièce 60 WSN).

Au vu de ces éléments, il est établi que la société SF Management prospectait de façon autonome des clients en vue de conclure des contrats de mise à disposition d'emplacements réservés à l'intérieur de l'espace Fame du salon Who's Next au nom et pour le compte de la société WSN, en disposant d'un pouvoir de négociation sur le contenu des commandes. Elle agissait de façon permanente en qualité de mandataire de la société WSN.

La preuve est donc rapportée qu'elle agissait pour le compte de la société WSN dans le cadre d'un contrat d'agence commerciale. Le jugement sera infirmé en ce sens.

Sur la résiliation unilatérale du contrat d'agent commercial :

La société SF Management soutient que :

- Son courrier constatant la résiliation du contrat d'agence commerciale n'est pas constitutif d'une fraude dans le cadre du placement en redressement judiciaire de la société SF Management, qui a fait l'objet des publications requises par la réglementation. La société SF Management a soutenu devant les organes de la procédure collective son statut d'agence commerciale.

- A partir de l'année 2019, elle n'était plus en mesure d'assurer la sélection des exposants du salon et de commercialiser les espaces, la société WSN souhaitant lui ôter toute visibilité et l'empêcher d'exécuter son mandat. Elle a été mise à l'écart des informations importantes.

- Ces fautes n'ont pas permis la société SF Management d'exécuter normalement sa mission de sorte que la rupture du contrat, dénuée de toute fraude de sa part, est imputable à la société WSN.

- La rupture du contrat d'agence commerciale par la société WSN ouvre droit pour la société SF Management au paiement d'une indemnité de fin de contrat.

La société WSN réplique que :

- la rupture du contrat est intervenue à l'initiative de la société SF Management sans qu'elle ne démontre l'inexécution par la société WSN de ses obligations contractuelles, les manquements allégués sont infondés ou dépourvus d'une gravité suffisante.

- La lettre de prise d'acte de rupture du contrat d'agent commercial est une ruse visant à tromper le tribunal de commerce ayant statué sur le plan de redressement, les créanciers l'ayant accepté et le procureur de la République ayant émis un avis favorable. Cette lettre est intervenue alors que la société SF Management lui avait caché l'existence de la procédure collective. Elle n'a jamais revendiqué ni évoqué son statut d'agent commercial devant les organes de la procédure collective.

- La société WSN pouvait procéder à la simplification du processus de sélection qui résulte de la modification d'un logiciel. Il est légitime pour la société WSN de maîtriser et coordonner son processus d'inscription. La société SF Management ne disposait d'aucune clause d'exclusivité et elle est restée impliquée dans le processus.

- La visibilité et l'identité de l'espace Fame relèvent exclusivement de la stratégie et de la politique de la société WSN, ces prérogatives étant étrangères à la société SF Management. La société SF Management n'est ni salariée, ni agent, ni cliente de la société WSN, elle ne peut donc lui reprocher de ne pas figurer sur le site web du salon Who's Next, ou encore d'être exclue des communications adressées par WSN à ses agents ou clients. La société SF Management et Mme [R] étaient en communication directe avec les services de la société WSN, notamment par Mme [L], salariée dédiée à cette fin. La société SF Management disposait d'informations suffisantes.

- La société SF Management a fait preuve de mauvaise foi dans l'exécution du contrat. Son comportement s'est révélé conflictuel et procédurier en revendiquant indument le statut d'agent commercial.

L'article L. 134-4 du code de commerce prévoit que :

"Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l'intérêt commun des parties.

Les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information.

L'agent commercial doit exécuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat."

La gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre partie y mettre fin de façon unilatérale à ses risques et périls, dès lors que la faute revêt un degré de gravité suffisant pour justifier la rupture.

En l'espèce, la rupture entre les parties est intervenue à la suite d'un courrier de la société SF Management du 15 juin 2020 ayant pour objet « contrat d'agent commercial-prise d'acte de la rupture ». Dans cette lettre de 16 pages, la société SF Management reproche notamment à la société WSN d'avoir pris des mesures visant à :

« - Evincer [A] [U] et SF Management Développement de leurs liens avec les exposants,

- Enlever toute substance aux contrats conclus entre les sociétés SF Management Développement et WSN Développement,

- Enlever toute spécificité au salon Fame et le rendre moins visible. »

Elle y soutient que, du fait de la société WSN, « SF Management n'est plus en mesure d'assurer la sélection des exposants du salon et de commercialiser le salon auprès des exposants », et que la société WSN souhaite « gommer la spécificité du salon Fame » et ôter « toute visibilité à [A] [U] et à SF Management ». Elle reproche également à la société WSN de la « mettre à l'écart de toutes les décisions et informations dont certaines impactent de manière importante le salon Fame » et déplore « un manque de concertation ».

La société SF Management concluait son courrier en proposant à la société WSN de continuer d'assurer, si cette dernière le souhaitait et malgré la résiliation du contrat, des prestations à son profit en vue du salon à venir.

Il est constant qu'aux termes du protocole d'accord du 1er juillet 2002 et de ses avenants, l'une des quatre missions confiées à la société SF Management était « d'assurer la sélection des candidats ».

Or, la société SF Management justifie qu'elle a été en grande partie évincée de ce processus puisqu'aux termes d'un courriel adressé par la société WSN le 5 décembre 2019 à ses agents, a été formulée la prescription suivante : « pour toute demande du Fame (anciens Who's Next et nouveaux exposants) merci de ne pas passer directement par [A] [U]. Nous devons recevoir pour toute demande : fiche ID et lookbook (même pour les anciens). Ils passeront alors en comité de sélection puis en validation par [A] [U]. »

Il en résulte que la société SF Management n'était plus en mesure d'assurer sa mission de sélection mais seulement de valider ou d'invalider celle faite par le comité de sélection de la société WSN. L'affirmation de la société WSN selon laquelle la modification du processus de sélection aurait pour seule origine la mise en place d'un nouveau logiciel n'est pas démontrée. La société WNS ne justifie pas davantage avoir invité Mme [R] aux réunions du comité de sélection, ni qu'elle ait été rendue destinataire de ses comptes-rendus, ce que cette dernière conteste.

La société SF Management justifie par ailleurs par la production des captures d'écran (pièce 25) qu'à compter de juillet 2019, le site internet dédié au salon Who's Next (https ://whosnext.com) a largement occulté l'espace Fame du salon. Dans un courrier adressé à la société WSN le 31 juillet 2019, la société SF Managemen a écrit à ce titre : « Au terme de la consultation du site internet https ://whosnext.com, le Fame a totalement disparu. Il n'y ait fait référence qu'une fois et encore de manière extrêmement marginale. Lorsqu'on clique sur les marques qui ont été sélectionnées pour le Fame, il est simplement indiqué « Hall 1 » sans aucune autre référence (https ://whosnext.com/fr/brands). La matérialisation du salon Fame a disparu sur le plan du salon. »

Il est également fait totalement abstraction du salon Fame et de la société SF Management dans le courriel qu'adresse la société WSN le 23 avril 2020 à ses agents commerciaux internationaux, ayant pour objet « réorganisation commerciale » : la société SF Management n'y est pas mentionnée parmi les interlocuteurs (account manager) à contacter pour les exposants du salon Who's Next.

Par ailleurs, la société SF Management a été informée par un courriel de la société WSN du 8 avril 2020 que la scénographie du salon Fame était désormais dévolue à une personne tierce (« concernant la scénographie, je vous confirme que c'est [G] qui est missionné sur l'ensemble des halls de Who's Next et qui tiendra de ce fait la scénographie du Fame. ») contrevenant en cela au protocole d'accord du 3 juillet 2014 qui stipulait que la scénographie de cet espace était décidée d'un commun accord.

Enfin, il résulte des échanges de courriels entre les sociétés SF Management et WSN quant à la tenue du salon à la rentrée 2020, période de crise sanitaire marquée par l'incertitude de la poursuite des activités économiques, que la société SF Management n'a pas été rendue destinataires d'informations suffisantes pour lui permettre d'assurer l'animation commerciale de son portefeuille client de façon adaptée et en temps utiles, notamment sur les aspects financiers et la politique de remboursement en cas d'annulation. Dans le courriel du 7 mai 2020, la société SF Management déplorait ainsi : « certains clients m'ont appelé pour me demander des explications et précisions sur la venue des acheteurs et des modalités de paiement que j'étais bien en peine de leur donner car j'avais le même niveau d'information qu'eux. Je n'ai été en mesure que de les écouter et de leur indiquer que je reviendrai vers eux ».

Il est ainsi démontré que la société WSN a progressivement évincé la société SF Management d'une part substantielle de ses missions, en ne la mettant plus en mesure d'exercer son mandat, ce qui la rend responsable de la rupture. La résiliation du contrat est donc intervenue aux torts de la société WSN le 15 juin 2020, date à laquelle la société SF Management en a pris acte, sans qu'aucune preuve de fraude dans le cadre de la procédure collective ne soit rapportée.

La demande de la société WSN visant à voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SF Management, au titre d'une rupture brutale des relations commerciales établies, la somme de 1 940 386 euros en réparation de son préjudice financier doit en conséquence être rejetée.

Par substitution de motifs, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de rupture

L'article L 134-12 du code de commerce, dont les dispositions sont d'ordre public, indique qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi.

Il a été retenu que la rupture du contrat d'agence commerciale conclu entre la société WSN et la société SF Management est imputable à la première. Le droit à indemnité de rupture de la société WSN est donc acquis.

L'indemnité de rupture est destinée à réparer le préjudice subi par l'agent du fait de la perte pour l'avenir des revenus tirés de l'exploitation de la clientèle commune.

En l'espèce, compte tenu de la durée de la mission d'agence commerciale qui a débuté en 2006, soit 14 années, et de l'absence de toute faute de l'agent, il convient de fixer l'indemnité de rupture à deux années de commissions.

Il est établi que la société SF Management a perçu au titre de son activité pour la société WSN les sommes de 587 391,10 euros en 2017, 636 854,25 euros en 2018 et 626 299,54 en 2019, soit une moyenne annuelle de 616 848,30 euros. Ces chiffres ne sont pas contestés par la société WSN.

Dans ces conditions, le montant de l'indemnité de rupture mise à la charge de la société WSN s'élève à la somme de 1 233 696,60 euros (616 848,30 x 2).

Il convient de condamner la société WSN au paiement de cette somme.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

Le point de départ des intérêts des créances indemnitaires sera fixé au 4 juin 2021, date des conclusions devant le tribunal de commerce formant la demande d'indemnité, en application de l'article 1231-7 du code civil.

Les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil à compter du 4 juin 2021, date de la demande.

Sur la demande de la société WSN en indemnisation de son préjudice moral

La société WSN soutient que :

- La jurisprudence est constante sur le fait qu'un préjudice moral puisse s'inférer du caractère brutal de la rupture d'une relation commerciale établie, ce qui justifie l'indemnisation de son préjudice d'image et de réputation. La société SF Management a communiqué massivement au travers de communiqués de presses et de courriels à l'ensemble de son carnet d'adresse y compris les exposants et partenaires. La privation brutale de l'exploitation de la marque Fame pendant deux ans a généré une baisse substantielle de son chiffre d'affaires et a « torpillé » sa réputation et son image.

La société SF Management réplique :

- Elle a fait tout son possible pour que la rupture du contrat n'ait pas de conséquence sur la commercialisation du salon Fame. Sa communication était objective et modérée et elle n'a pris aucune initiative ni d'attache directement avec les exposants hormis le communiqué de presse. Elle n'a causé aucun préjudice à la société WSN.

En l'espèce, il a été démontré que la rupture du contrat d'agence commerciale résultait du comportement fautif de la société WSN. La société WSN ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice allégué au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Au demeurant, le communiqué de presse diffusé en juin 2020 par la société SF Management indique qu' » à la suite de divergences de points de vue avec WSN Développement, [A] [R] arrête la sélection des marques, l'animation et la commercialisation du salon Fame dont elle était co-fondatrice et qui se tient chaque saison sur le salon Who's Next depuis 2001 ». Ces propos reflètent la situation objective dans laquelle les parties se trouvaient alors, et n'apparaissent pas constitutifs d'une faute. Aucune pièce ne démontre que les exposants et partenaires de la société WSN aient été rendus directement destinataires de propos dénigrants de la part de la société SF Management ou de Mme [R].

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a alloué à la société WSN la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice moral. La demande de la société WSN visant à fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SF Management au titre de la rupture brutale la somme de 500 000 euros en réparation de son préjudice moral sera rejetée.

Sur les demandes accessoires :

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société SF Management aux dépens et à payer à la société WSN la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société WSN, qui succombe, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande que la société WSN soit condamnée à payer à la société Etude [Z] en qualité de mandataire de la société SF Management, la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de la société WSN sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 14 mars 2022 sauf en ce qu'il a débouté la société WSN Développement de sa demande indemnitaire pour préjudice financier au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies ;

Y ajoutant et statuant à nouveau des chefs infirmés :

Rejette la demande de la société WSN Développement visant à voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société SF Management, une créance au titre de la rupture brutale à hauteur de 500 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Condamne la société WSN Développement à payer à la société Etude [Z] en sa qualité de mandataire de la société SF Management la somme de 1 233 696,60 euros à titre d'indemnité compensatrice de la cessation du contrat d'agence commerciale ;

Dit que cette somme portera intérêts légaux à compter du 4 juin 2021 ;

Dit que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil à compter du 4 juin 2021 ;

Condamne la société WSN Développement aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société WSN à payer à la société Etude [Z] en sa qualité de mandataire de la société SF Management la somme de 25 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de la société WSN Développement au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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