CA Angers, ch. a - com., 23 septembre 2025, n° 24/01870
ANGERS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
D'[Localité 9]
CHAMBRE A - COMMERCIALE
CC/AF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 24/01870 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FMPH
Jugement du 22 Octobre 2024
Président du TC du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 2024006363
ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2025
APPELANT :
Monsieur [I] [F]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 10] (72)
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 246805 et par Me Cristina CORGAS, avocat plaidant au barreau de RENNES
INTIMES :
Monsieur [M] [B]
né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 10] (72)
[Adresse 5]
[Localité 8]
S.A.S. HOLDING [B] FINANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
S.A.S. RJV GROUP, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentés par Me Nathalie GREFFIER, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 24250 et par Me Séverine DUBREUIL, avocat plaidant au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 10 [T] 2025 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, Présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport et devant M. CHAPPERT, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
M. CHAPPERT, conseiller
Mme GANDAIS, conseillère
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 23 septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
M. [I] [F] était salarié de la société Cretot Ouest, laquelle faisait partie d'un groupe de sociétés dirigé par l'intermédiaire de la société Holding Cretot.
Le 9 juin 2006, la société (SAS) Holding [B] finance a été créée en vue de la prise de contrôle de la société Holding Cretot, par rachat de l'intégralité des actions auprès des associés. Le capital social d'un montant de 300 000 euros a été divisé initialement en 30 000 actions d'une valeur de 10 euros chacune, dont 16 500 (soit 55%) ont été attribuées à M. [M] [B], président, et le reste, soit 2 250 actions pour chacun d'eux, à six autres associés dont M. [I] [F]. La répartition des actions composant le capital social de la SAS Holding [B] finance a évolué, au gré de diverses cessions d'action réduisant peu à peu le nombre d'associés.
Au préambule des statuts de la SAS Holding [B] finance, il est dit que les actions de la société sont exclusivement réservées aux salariés et/ou mandataires sociaux du 'groupe Cretot' dans les conditions qui font l'objet d'un règlement intérieur.
Au préambule de ce règlement intérieur, les associés ont déclaré qu'ils avaient décidé de réserver la détention des actions de la société 'aux seules personnes physiques ou morales exerçant leur activité professionnelle en qualité de mandataire ou de salariés au sein du 'groupe Cretot' et qu'ils ont à ce titre accepté le principe d'une clause d'exclusion de la qualité d'associé en cas de non-respect de cette qualité', laquelle est prévue à l'article 5. La fixation du prix de cession des actions de la société en cas d'exclusion de la qualité d'associé ensuite de la perte de la qualité de salarié est prévue, de façon spécifique, à l'article 6, auquel renvoie l'article 5, à savoir, en application d'une méthode qui figure en annexe du règlement intérieur.
L'article 4 de ce règlement stipule que l'intégralité du capital social de la société doit être détenue directement par des personnes physiques salariées et ou mandataires sociaux dans les sociétés du groupe 'Cretot' et que ne peuvent être associées que les personnes qui ont été préalablement agrées par la société conformément aux dispositions de l'article 14 des statuts.
Par ailleurs, aux termes de l'article 7 de ce règlement intérieur intitulé 'convention de sortie en commun - droit de préemption sur les actions de [M] [B] au profit des autres associés',
'[M] [B], agissant en qualité de seul associé majoritaire, s'engage au cas où il déciderait de céder ou de transférer à des tiers une fraction ou la totalité des actions qu'il détient dans la société de telle sorte que sa participation devienne inférieure à 51%, à en informer les associés minoritaires par lettre recommandée avec accusé de réception au moins 90 jours avant que l'opération envisagée ne devienne définitive.
Cette lettre devra indiquer l'identité de l'acquéreur (ou du bénéficiaire de l'apport en cas d'apport en nature des titres) ainsi que l'intégralité des conditions proposées.
Pendant ce délai de 90 jours, les associés minoritaires auront la faculté à leur gré de demander à [M] [B] qui s'y oblige, soit de faire en sorte d'assurer la cession de tout ou partie des actions de la société qu'ils détiendront, dans les mêmes conditions que la cession ou le transfert de ses propres actions, soit préempter la totalité des titres dont [M] [B] envisage la cession (ou le transfert).
Dans ce cas, le prix de préemption et les conditions de règlement seront ceux proposés par l'acquéreur potentiel (ou le bénéficiaire de l'apport) et la cession devra être réalisée dans les 90 jours suivant la lettre recommandée par laquelle les bénéficiaires exercent leur droit de préemption.
(...)
Les associés minoritaires devront faire connaître leur décision à [M] [B] par lettre recommandée avec accusé de réception.
Passé ce délai de 90 jours à compter de la notification qui leur a été faite par [M] [B], l'absence de réponse de leur part vaudra renonciation à exercer la faculté de préempter les actions de [M] [B] et les associés minoritaires s'engagent dans ce cas à céder l'intégralité de leurs actions (ou autres valeurs mobilières) détenues par eux dans le capital de la société au profit du tiers acquéreur et ce aux mêmes conditions de prix et de règlement que celles dont bénéficie [M] [B].
La cession devra obligatoirement intervenir au plus tard dans les 90 jours qui suivent la date d'expiration du délai pour préempter les actions de [M] [B].
A défaut de respect de cet engagement de céder par les associés minoritaires, [M] [B] pourra acquérir, à titre de clause pénale les actions des autres associés pour un prix équivalent à 80 % de celui proposé par le tiers acquéreur, ainsi que les associés minoritaires s'y obligent dès à présent'.
Au 1er décembre 2020, le capital social de 300 000 euros a été divisé en 22 125 actions, réparti à hauteur de 17 190 actions (soit 77,70 %) pour M. [B], 2 625 actions (soit 11,86%) pour M. [I] [F], et 2 310 actions (soit 10,44%) pour M. [W] [E].
Par lettre recommandée du 10 octobre 2022, M. [B] a informé M. [F] de son intention de faire un apport de 12 060 actions qu'il détenait dans le capital de la société Holding [B] finance à la société (SAS) RJV group, de céder la pleine propriété de 5 129 de ses actions à ladite société RJV group, au prix de 496,80 euros par action (soit un prix total de 2 548 087,20 euros), payable comptant.
Dans cette lettre, M. [B] a rappelé que conformément aux dispositions de l'article 7 du règlement intérieur, M. [F] en sa qualité d'associé minoritaire de la SAS Holding [B] finance, bénéficiait d'un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la réception de cette lettre pour exercer son droit de préemption et lui faire connaître sa décision par lettre recommandée avec avis de réception ; que les associés minoritaires ont la faculté, à leur gré, soit de préempter la totalité des 17 189 actions dont il envisage le transfert ainsi qu'il est dit ci-dessus, soit de céder leurs actions aux mêmes conditions ; que passé le délai de 90 jours ci-dessus visé, en l'absence de préemption de sa part, il serait tenu de céder l'intégralité de ses actions à la société RJV group aux mêmes conditions de prix et de règlement qui lui sont octroyées, conformément à l'article 7 susvisé du règlement intérieur. (...)'
Par lettre recommandée du 12 octobre 2022, M. [E] a sollicité le transfert de ses actions dans les mêmes conditions que M. [B] à la société RJV group.
Suivant procès-verbal d'assemblée générale du 15 novembre 2022, la SAS RJV group a été agréée en qualité d'associée de la SAS Holding [B] finance, par 19 500 voix ayant voté pour, M. [F] s'étant lui opposé à cet agrément.
Par lettre recommandée du 3 janvier 2023, M. [F] a fait part à M. [B] de sa contestation du projet de cession, faisant notamment valoir que seule une personne physique pouvait être associée de la SAS Holding [B] finance, que les opérations projetées contrevenaient aux termes et à l'esprit des statuts et du règlement intérieur de ladite société, qu'il ne disposait d'aucune information sur le mode de détermination de la valeur des actions et nourrissait un fort soupçon de sous-évaluation de ces dernières par M. [B], suspectant ce dernier d'avoir pour objectif d'évincer les associés minoritaires du capital de la SAS Holding [B] finance en fixant unilatéralement le prix des actions à acheter, de façon minorée.
Par lettre recommandée du 26 janvier 2023, M. [B] lui a répondu que le préambule du règlement intérieur l'autorisait à céder ses actions à une société légalement constituée sous réserve qu'elle exerce un mandat social au sein des sociétés du groupe antérieurement à la date de transfert de ses actions. Il a ajouté que l'article 14 des statuts de la société prévoit que toute transmission d'actions est soumise à agrément préalable de la société. Ces dispositions statutaires n'imposent pas que le cessionnaire pressenti soit mandataire social ou salarié du groupe au jour de la décision d'agrément. (...) En réalité, vous entendez vous délier de vos engagements contractuels en refusant l'application de la convention de sortie en commun telle que prévue à l'article 7 du règlement intérieur. En tout état de cause, je prends acte du fait que vous n'avez pas souhaité exercer votre droit de préemption dans les délais requis.'
Par lettre du 31 janvier 2023, la SAS RJV group a informé M. [F] de son adhésion au règlement intérieur de la SAS Holding [B] finance.
Suivant procès-verbal de l'assemblée générale de la société Cretot Ouest du 3 février 2023, la société RJV group est devenue directrice générale de ladite société.
Par lettre recommandée du 10 février 2023, M. [F] a maintenu sa contestation en considérant notamment que l'application de l'article 7 du règlement intérieur envisagée par M. [B] est frauduleuse, et que sa sortie du capital de la société y compris en cas de rupture de son contrat de travail ne pourrait intervenir que si la cession de ses actions avait lieu au prix du marché, déterminé par une juste évaluation du groupe.
M. [F] a commis un expert-comptable qui a réalisé une évaluation provisoire qui conclurait au fait que le prix proposé par M. [B] serait, quelle que soit la méthode choisie, inférieur au prix réel des actions.
Les 28 février 2023 et 10 mars 2023, MM. [B] et [E] ont respectivement apporté 12 060 actions et cédé 5 129 actions à la société RJV group, et cédé 2 310 actions à ladite société, de sorte que le capital social de la SAS Holding [B] finance se trouvait réparti ainsi : 19 499 actions pour la SAS RJV group, 2 625 actions pour M. [F], 1 action pour M. [B].
Par actes d'huissier du 3 juillet 2023, M. [F] a fait assigner M. [B], la SAS Holding [B] finance et la SAS RJV group, en référé, devant le président du tribunal de commerce du Mans, aux fins d'obtenir notamment la mise sous séquestre des actions de la SAS Holding [B] finance apportées et cédées à la SAS RJV group et celle de ses propres actions, ainsi que la nomination d'un expert judiciaire afin de faire évaluer les actions de la SAS Holding [B] finance au jour de la cession des actions de M. [B] à sa holding.
Le 26 janvier 2024, M. [F] a fait délivrer aux défendeurs, par commissaire de justice, une sommation de communiquer les éléments relatifs à la méthode de valorisation des actions.
Par ordonnance de référé du 27 juin 2024, le président du tribunal de commerce du Mans a rejeté les demandes de M. [F] en l'invitant, concernant la demande d'expertise, à introduire une assignation devant lui pour statuer selon la procédure accélérée au fond en application de l'article 1843-4 du code civil et en prenant acte de ce que M. [B] s'engage à continuer à ne pas user de la faculté d'acquisition de 2 625 actions que détient M. [F] dans le capital de la société, que lui confère l'article 7 du règlement intérieur et ce, jusqu'à ce que l'expert judiciaire désigné au visa de l'article 1843-4 du code civil par un jugement statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible, rende son rapport.
Parallèlement, M. [F] qui avait saisi le conseil des prud'hommes du Mans aux fins de faire annuler une sanction disciplinaire prise à son encontre, s'est vu notifier, après entretien préalable, son licenciement de la société Cretot Ouest par lettre du 8 mars 2024 'pour cause d'insuffisance de résultat inhérente à un défaut de prospection et d'implication professionnelle de (sa) part à l'occasion de (sa) mission de vendeur VUL neufs sur le secteur de la Sarthe', décision contre laquelle il a exercé un recours devant le conseil des prud'hommes du Mans par devant lequel la conciliation a échoué. M. [F] est sorti définitivement des effectifs de la société Cretot Ouest le 27 juin 2024.
Par actes de commissaire de justice du 31 juillet 2024, M. [F] a fait assigner M. [B], la SAS Holding [B] finance et la SAS RJV group, selon la procédure accélérée au fond avec représentation obligatoire, conformément aux articles 1843-4 du code civil et 481-1 du code de procédure civile, devant le président du tribunal de commerce du Mans. En l'état de ses dernières conclusions devant ce président, M. [F] lui a demandé, s'agissant de la demande d'expertise, au vu des articles 1843-4 et 481-1 du code de procédure civile, de :
- 'nommer un expert judiciaire aux fins de valoriser les actions de la société Holding [B] finance ; plus précisément, l'expert aura pour mission de :
* déterminer la valeur des actions de la société Holding [B] finance, selon l'état du marché à la date du 28 février 2023 en application de l'article 7 du règlement intérieur d'une part ; en application de l'article 6 du règlement intérieur à la date du 27 juin 2024 d'autre part,
* se faire communiquer tous documents par les parties qui'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission et notamment les trois derniers comptes sociaux clos de la société Holding [B] finance et de ses filiales, la valorisation des stocks des sociétés filiales...
* se référer à la présente juridiction en cas de difficultés rencontrées dans l'exécution de sa mission et notamment dans la communication des pièces,
* adresser son pré rapport aux parties et leur laisser un délai d'un mois pour qu'elles puissent formuler leurs observations,
- faire injonction à M. [B] et à la société Holding [B] finance de communiquer à l'expert l'ensemble des documents qu'il jugera utile à l'accomplissement de sa mission,
- mettre les frais d'expertise à la charge de M. [B] et de la société Holding [B] finance'.
En réplique, M. [B] et les sociétés Holding [B] finance et RJV group ont sollicité du président du tribunal de commerce, au vu des articles 1843-4 du code civil et 7 du règlement intérieur, qu'in limine litis, il constate que M. [F], dans ses conclusions, conteste l'application de l'article 7 du règlement intérieur et des statuts signés par lui qui lui font obligation de céder ses titres à M. [B] à 80% du prix unitaire de 476,02 euros par action si M. [B] entendait faire jouer sa faculté de le contraindre à vendre conformément audit article 7 du règlement intérieur, qu'en conséquence, il sursoie à statuer sur la demande de désignation d'un expert au visa de l'article 1843-3 du code civil et qu'il invite M. [F] à saisir l'arbitre compétent en application de l'article 10 dudit règlement intérieur qui prévoit que 'pour toute contestation qui s'élèveraient entre les associés soussignés relativement à la validité, l'interprétation des présentes les soussignés s'engagent à soumettre leur différend à l'arbitrage', afin de trancher au fond cette contestation avant la désignation de l'expert au visa de l'article 1843-4 du code civil pour la fixation définitive du prix ; à titre subsidiaire, qu'il déclare irrecevable et mal fondé M. [F] en sa demande d'expertise au visa de l'article 1843-4 du code civil en ce que M. [F] motive sa demande comme suit : 'En effet, M. [F] pense que M. [B] a sciemment sous-évalué ses actions lors de leur transfert à la société RJV group. Il le reconnaît implicitement en arguant d'une valorisation de ses actions sur le fondement de l'article 6 du règlement intérieur, soit selon une méthode datant de 2006. Ce faisant, il pourrait racheter à M. [F] les actions que ce dernier détient dans la société Holding [B] finance pour un prix en deçà de sa valeur, sur le fondement de l'article 7 du règlement intérieur. Afin de s'en assurer, M. [F] doit pouvoir avoir accès aux documents sociaux utiles à la valorisation des actions. M. [B] se refusant à cette communication, seule une expertise judiciaire permettra de l'éclairer. Si sa thèse se confirmait, M. [F] saisira un tribunal arbitral sur le fondement de l'article 10 du règlement intérieur et envisage : - de solliciter la nullité de la cession et de l'apport des actions de M. [B], - partant, ce dernier ne pourrait se prévaloir de l'article 7 du règlement intérieur d'une part ; M. [F] pourrait prétendre à rester associé de la société Holding [B] finance et aurait la liberté de vendre ses actions à un tiers à leur valeur', cette demande devant être qualifiée de demande d'expertise in futurum, dont M. [F] a été débouté par ordonnance du 27 juin 2024 revêtue de l'autorité de la chose jugée, et non comme une expertise au visa de l'article 1843-4 du code civil qui a pour objet, en présence de contestation sur le prix des actions, de le faire définitivement fixer par un expert. Ils ont considéré que si, par extraordinaire, le président ne sursoyait pas à statuer et faisait droit à la demande d'expertise au visa de l'article 1843-4 du code civil, il convenait de revenir sur la mission de l'expert en application de l'article 7 du règlement intérieur et de donner mission à l'expert de - déterminer le prix définitif de cession des actions de la société Holding [B] finance à la date du 10 octobre 2022 date à laquelle M. [B] a, en application de l'article 7 du règlement intérieur, adressé la lettre recommandée à M. [F] prévoyant un droit de sortie conjoint ou de préemption, sur la base des comptes de référence arrêtés au 31 décembre 2021 et prix auquel M. [B] et M. [E] ont cédé leur action à la société RJV group, - dire que l'expert pourra se faire remettre tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission, - dire que l'expert adressera son pré rapport aux parties et leur laissera un délai de deux mois pour qu'elles puissent formuler leurs observations avant de rendre son rapport définitif. S'agissant de la désignation de l'expert au visa de l'article 1843-4 du code civil, au titre de l'article 5 renvoyant à l'article 6 du règlement intérieur, ils ont demandé du président du tribunal de commerce qu'il prenne acte qu'ils ne sont pas opposés à la demande de M. [F] quant à la mission à donner à l'expert.
Par jugement du 22 octobre 2024, le président du tribunal de commerce du Mans, au vu de l'assignation en procédure accélérée au fond, et au vu des articles 876-1 et 481-1 du code de procédure civile, 1843-4 du code civil, 122 du code de procédure civile, a
- déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer en vertu du principe selon lequel 'nul ne peut se contredire au détriment d'autrui',
- rejeté la demande de sursis à statuer au motif que M. [F] ne soulève aucune demande sur le fond du dossier,
- nommé comme expert judiciaire aux fins de valoriser les actions de la société Holding [B] finance, M. [O] [T],
l'expert aura pour mission :
* se faire communiquer tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission et notamment les trois derniers comptes sociaux clos de la société Holding [B] finance et de ses filiales, la valorisation des stocks des sociétés filiales...,
* se référer à la juridiction en cas de difficultés rencontrées dans l'exécution de sa mission et notamment dans la communication des pièces,
* déterminer le prix définitif de cession des 2 625 actions que détient M. [F] dans le capital de la société Holding [B] finance à la date du 27 juin 2024, et ce, en application de l'article 5 et conformément à la méthode de valorisation prévue à l'article 6 du règlement intérieur ;
- ordonné que les honoraires de l'expert soient supportés par moitié par M. [F] d'une part et d'autre part, par M. [B], la société Holding [B] finance et RJV group,
- fixé à 1 500 euros TTC par partie, soit au total 3 000 euros TTC, le montant de la provision sur les frais et honoraires de l'expert à consigner au greffe de ce tribunal dans un délai d'un mois suivant la notification du présent jugement, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile,
- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera constaté que la désignation de l'expert sera caduque (article 271 du code de procédure civile),
- dit que l'expert pourra se faire remettre tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission,
- demandé à l'expert d'adresser son pré- rapport aux parties et de leur laisser un délai de deux mois pour qu'elles puissent formuler leurs observations avant de rendre son rapport définitif,
- dit que ce pré-rapport devra être adressé aux parties avant le 28 février 2025,
- dit que le rapport définitif de l'expert devra être déposé au greffe du tribunal de céans avant le 30 juin 2025,
- dit qu'en cas de refus ou d'empêchement, l'expert commis sera remplacé sur simple ordonnance sur requête aux frais des deux parties par moitié,
- dit que le juge délégué aux expertises du tribunal suivra l'exécution de la présente expertise,
- rejeté la demande d'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens d'instance de M. [F],
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [F] aux entiers dépens de l'instance,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Par déclaration du 5 novembre 2024, M. [F] a relevé appel nullité/réformation de ce jugement en ce qu'il a nommé comme expert judiciaire aux fins de valoriser les actions de la société Holding [B] finance, M. [O] [T], jugé que l'expert aura pour mission :* se faire communiquer tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission et notamment les trois derniers comptes sociaux clos de la société Holding [B] finance et de ses filiales, la valorisation des stocks des sociétés filiales..., * se référer à la présente juridiction en cas de difficultés rencontrées dans l'exécution de sa mission et notamment dans la communication des pièces, * déterminer le prix définitif de cession des 2 625 actions que détient M. [F] dans le capital de la société Holding [B] finance à la date du 27 juin 2024, et ce, en application de l'article 5 et conformément à la méthode de valorisation prévue à l'article 6 du règlement intérieur ; ordonné que les honoraires de l'expert soient supportés par moitié par lui-même d'une part et d'autre part, par M. [B], la société Holding [B] finance et RJV group, fixé à 1 500 euros TTC par partie, soit au total 3 000 euros TTC, le montant de la provision sur les frais et honoraires de l'expert à consigner au greffe de ce tribunal dans un délai d'un mois suivant la notification du présent jugement, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile, dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera constaté que la désignation de l'expert sera caduque (article 271 du code de procédure civile), dit que l'expert pourra se faire remettre tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission, demandé à l'expert d'adresser son pré rapport aux parties et de leur laisser un délai de deux mois pour qu'elles puissent formuler leurs observations avant de rendre son rapport définitif, dit que ce pré-rapport devra être adressé aux parties avant le 28 février 2025, dit que le rapport définitif de l'expert devra être déposé au greffe du tribunal de céans avant le 30 juin 2025, dit qu'en cas de refus ou d'empêchement, l'expert commis sera remplacé sur simple ordonnance sur requête aux frais des deux parties par moitié, dit que le juge délégué aux expertises du tribunal suivra l'exécution de la présente expertise, rejeté sa demande tendant à voir condamner M. [B] et la société RJV group à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, l'a condamné aux entiers dépens de l'instance, l'a débouté de toutes ses autres demandes ; intimant la SAS Holding [B] finance, M. [B] et la SAS RJV group.
En cours de procédure d'appel, le 14 novembre 2024, M. [F] a déposé au greffe du tribunal de commerce du Mans une requête en rectification d'erreur matérielle du jugement du 24 octobre 2024.
Les intimés ont constitué le même avocat le 22 novembre 2024.
Le 3 février 2025, M. [F] a signifié des conclusions d'appel nullité.
Les intimés ont conclu au fond.
Une ordonnance du 26 mai 2025 a clôturé l'instruction de l'affaire, conformément à l'avis d'orientation fixation de l'affaire à bref adressé aux parties le 27 mars 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [F] demande à la cour de :
vu les articles 1843-4 du code civil,
- le recevoir en son appel, le dire bien fondé et y faisant droit,
- juger que le président du tribunal de commerce du Mans a commis un excès de pouvoir,
- annuler le jugement du 22 octobre 2024, pour excès de pouvoir, en ce qu'il a :
* nomme comme expert judiciaire aux fins de valoriser les actions de la société Holding [B] finance, M. [O] [T],
* juge que : l'expert aura pour mission :
o) se faire communiquer tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission et notamment les trois derniers comptes sociaux clos de la société Holding [B] finance et de ses filiales, la valorisation des stocks des sociétés filiales...,
o) se référer à la présente juridiction en cas de difficultés rencontrées dans l'exécution de sa mission et notamment dans la communication des pièces,
o) déterminer le prix définitif de cession des 2 625 actions que détient M. [F] dans le capital de la société Holding [B] finance à la date du 27 juin 2024, et ce, en application de l'article 5 et conformément à la méthode de valorisation prévue à l'article 6 du règlement intérieur ;
* ordonne que les honoraires de l'expert soient supportés par moitié par lui-même d'une part et d'autre part, par M. [B], la société Holding [B] finance et RJV group,
* fixe à 1 500 euros TTC par partie, soit au total 3 000 euros TTC, le montant de la provision sur les frais et honoraires de l'expert à consigner au greffe de ce tribunal dans un délai d'un mois suivant la notification du présent jugement, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile,
* dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera constaté que la désignation de l'expert sera caduque (article 271 du code de procédure civile),
* dit que l'expert pourra se faire remettre tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission,
* demande à l'expert d'adresser son pré rapport aux parties et de leur laisser un délai de deux mois pour qu'elles puissent formuler leurs observations avant de rendre son rapport définitif,
* dit que ce pré-rapport devra être adressé aux parties avant le 28 février 2025,
* dit que le rapport définitif de l'expert devra être déposé au greffe du tribunal de céans avant le 30 juin 2025,
* dit qu'en cas de refus ou d'empêchement, l'expert commis sera remplacé sur simple ordonnance sur requête aux frais des deux parties par moitié ;
pour le surplus,
et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,
- inviter les parties à mieux se pourvoir,
- condamner M. [B] et la société RJV group à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens, avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
La SAS Holding [B] finance, M. [B] et la SAS RJV group demandent à la cour de :
vu l'article 546 du code de procédure civile,
vu l'article 1843-4 du code civil,
vu l'article 269 du code de procédure civile,
in limine litis : sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir,
- faire droit à la fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir opposée à M. [F] par eux-mêmes, le jugement du 22 octobre 2024 dont appel ayant fait droit aux demandes de M. [F], à savoir :
'déterminer la valeur des actions de la société Holding [B] finance, selon l'état du marché à la date du 28 février 2023 en application de l'article 7 du règlement intérieur d'une part ; en application de l'article 6 du règlement intérieur à la date du 27 juin 2024 d'autre part
se faire communiquer tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission et notamment les trois derniers comptes sociaux clos de la société Holding [B] finance et de ses filiales, la valorisation des stocks des sociétés filiales...
se référer à la présente juridiction en cas de difficultés rencontrées dans l'exécution de sa mission et notamment dans la communication des pièces,
adresser son pré rapport aux parties et leur laisser un délai d'un mois pour qu'elles puissent formuler leurs observations,
faire injonction à M. [B] et à la société Holding [B] finance de communiquer à l'expert l'ensemble des documents qu'il jugera utile à l'accomplissement de sa mission,
mettre les frais d'expertise à la charge de M. [B] et de la société Holding [B] finance' ;
au fond,
- déclarer irrecevable et à tout le moins mal fondé M. [F] en sa demande d'appel nullité du jugement du 22 octobre 2024 pour excès de pouvoir alors que c'est M. [F] qui a demandé au président du tribunal de commerce de 'mettre les frais d'expertise à la charge de M. [B] et la société Holding [B] finance',
- déclarer irrecevable et à tout le moins mal fondé M. [F] en sa demande d'appel nullité du jugement du 22 octobre 2024 pour excès de pouvoir en ce que M. [F] ne démontre pas en quoi la référence dans le dispositif du jugement à l'article 269 du code de procédure civile constituerait un excès de pouvoir,
- déclarer irrecevable et à tout le moins mal fondé M. [F] en sa demande d'appel nullité du jugement du 22 octobre 2024 ce dont atteste le dépôt postérieur à son appel d'une requête en rectification d'erreur matérielle dudit jugement,
en tout état de cause,
- rejeter la demande d'article 700 du code de procédure civile de M. [F],
- condamner M. [F] aux dépens d'appel.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 3 février 2025 pour M. [F],
- le 1er avril 2025 pour M. [B], la SAS Holding [B] finance et la SAS RJV group.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel nullité
Pour soulever un défaut d'intérêt de l'appelant à faire appel en invoquant les dispositions de l'article 546 du code de procédure civile en déclarant que le premier juge a fait droit aux demandes de M. [F], les intimés considèrent que les griefs invoqués par l'appelant à l'appui de son appel nullité portent sur la détermination de la partie devant avoir la charge des frais d'expertise.
Mais en reprochant au président du tribunal de commerce, après avoir rappelé les pouvoirs du président du tribunal en la matière, d'avoir nommé M. [T] en qualité d'expert judiciaire et de lui avoir assigné une mission type d'expertise judiciaire, allant même jusqu'à fonder sa mission sur les dispositions propres à l'expertise judiciaire (articles 269 et suivants du CPC), force est de constater que l'appelant ne limite pas ses griefs à la seule application de l'article 269 du code de procédure civile.
Et si M. [F] qualifiait l'expert dont il demandait la désignation d'expert judiciaire et demandait à mettre les frais d'expertise à la charge de M. [B] et de la société Holding [B] finance, il demandait néanmoins que la mission de l'expert porte sur la détermination de la valeur des actions de la société Holding [B] finance, selon l'état du marché à la date du 28 février 2023 en application de l'article 7 du règlement intérieur, d'une part, et en application de l'article 6 du règlement intérieur à la date du 27 juin 2024, d'autre part. Or, la mission donnée à l'expert par le président du tribunal est de 'déterminer le prix définitif de cession des 2625 actions que détient M. [F] dans le capital de la société Holding [B] finance à la date du 27 juin 2024, et ce, en application de l'article 5 et conformément à la méthode de valorisation prévue à l'article 6 du règlement intérieur'.
N'ayant pas obtenu que la mission confiée à l'expert porte sur la détermination de la valeur des actions de la société Holding [B] finance selon l'état du marché à la date du 28 février 2023 'en application de l'article 7 du règlement intérieur', lequel ne renvoie pas à la méthode spécifique de l'article 6 qui doit s'appliquer en cas d'exclusion de la qualité d'associé ensuite de la perte de la qualité de salarié par renvoi l'article 5, M. [F] a un intérêt à faire appel.
Par ailleurs, le dépôt d'une requête en rectification d'erreur matérielle du jugement attaqué ne fait pas obstacle à la recevabilité de l'appel formé antérieurement qui n'est pas strictement limité à la rectification d'une erreur matérielle contenue dans le jugement.
Sur l'excès de pouvoir du premier juge
La décision du président du tribunal commerce désignant un expert en application de l'article 1843-4 du code civil est sans recours possible à l'exception d'un appel-nullité en cas d'excès de pouvoir du juge.
Aux termes de l'article 1843-4 II. ' Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur ne soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa. L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.
Dans ce cas, l'expert n'intervenant pas dans le cadre d'une expertise judiciaire mais dans celui d'un dispositif particulier lui conférant le pouvoir de déterminer lui-même la valeur des parts, les dispositions du code de procédure civile régissant l'expertise ne sont pas applicables.
Ainsi que le rappelle exactement M. [F],
- le pouvoir du président saisi sur le fondement de l'article 1843-4 se limite à la nomination d'un expert ; il n'a pas à s'interroger sur la nécessité et l'opportunité de l'expertise en dehors de la vérification des conditions de fond prévues au texte,
- il appartient à l'expert seul de définir sa mission. Le juge n'a pas à fixer des règles d'évaluation, notamment la date à laquelle l'expert doit se situer ni les méthodes d'évaluation qu'il doit suivre, étant précisé que l'expert doit appliquer, quand elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur des titres sociaux arrêtées par les parties dans les statuts, un règlement intérieur ou toute convention les liant et doit, en outre, le cas échéant, rechercher leur commune intention.
- la désignation d'un juge chargé du contrôle de l'expertise est exclue,
- il n'y a pas lieu de fixer le montant de la provision ou de fixer la date à laquelle l'expert devra déposer son rapport.
Dès lors, le premier juge n'aurait pas dû :
- déterminer la mission de l'expert en indiquant que le prix définitif de cession des 2625 actions que détient M. [F] dans le capital de la société Holding [B] Finance devra être déterminé à la date du 27 juin 2024 et, en application de l'article 5, conformément à la méthode de valorisation prévue à l'article 6 du règlement intérieur. Outre qu'il fixait la date d'évaluation et déterminait la méthode à suivre, ce qu'il n'avait pas le pouvoir de faire, le président du tribunal a restreint la méthode d'évaluation à laquelle l'expert devra se soumettre à celle prévue à l'article 6 du règlement, écartant ainsi la détermination de la valeur des actions de la société Holding [B] finance en fonction d'une autre méthode alors qu'il lui était indiqué que M. [B] disposait potentiellement de deux voies pour acheter les actions de M. [F], celle prévue à l'article 7 du règlement intérieur et celle prévue à l'article 5. Ce faisant, il a lui-même limité la méthode d'évaluation en retenant celle prévue dans l'un des cas de cession (celui prévu par la clause d'exclusion de l'article 5) et ce, sans retenir que les conditions de fond de désignation d'un expert en cas de cession d'actions intervenant en application de l'article 7 n'étaient pas remplies, ce qui n'était pas soutenu par les défendeurs, le désaccord des intéressés sur la valeur des droits sociaux étant par ailleurs constant. Ainsi, en imposant la seule méthode prévue à l'article 6 du règlement intérieur, le jugement est affecté, en outre, soit d'un défaut de motif, soit d'une modification de l'objet du litige (en considérant que M. [F] aurait admis que la cession ne pourrait avoir lieu que selon les conditions fixées à l'article 6), soit d'un excès de pouvoir du juge en statuant sur une question de fond, celle du cadre juridique dans lequel intervenait la cession projetée.
- ni désigner l'expert comme étant un expert judiciaire, ni appliquer le régime procédural des expertises judiciaires en fixant une provision sur les frais et honoraires de l'expert, en prévoyant le dépôt au greffe du rapport d'expertise et en désignant un magistrat chargé du contrôle de l'expertise.
Ce n'est donc pas seulement, contrairement à ce qui est soutenu par les intimés, sur le renvoi à l'article 269 du code de procédure civile quant à la fixation d'une provision à valoir sur la rémunération de l'expert, que porte l'excès de pouvoir du premier juge.
Dans le cadre d'un appel-nullité, la cour ne peut qu'annuler la décision pour excès de pouvoir, sans pouvoir y substituer sa propre décision, en l'absence d'effet dévolutif opéré par l'appel dès lors que seul le président du tribunal de commerce a compétence pour nommer un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil.
Le jugement sera donc purement et simplement annulé sauf en ses dispositions qui précèdent la désignation de l'expert, lesquelles ne sont pas attaquées.
Les intimés, qui succombent en appel, seront condamnés aux dépens d'appel.
Les dépens de première instance seront laissés à la charge de M. [F] qui a lui-même qualifié l'expert dont il demandait la désignation, d'expert judiciaire et dont il a défini la mission qu'il souhaitait lui voir confiée en spécifiant notamment la date d'évaluation à laquelle l'expert devait se placer, et en demandant au juge de condamner les parties adverses aux frais d'expertise, alimentant ainsi une confusion avec une expertise judiciaire.
Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe
Déclare recevable l'appel nullité exercé par M. [F].
Annule le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer en vertu du principe selon lequel 'nul ne peut se contredire au détriment d'autrui', et rejeté la demande de sursis à statuer au motif que M. [F] ne soulève aucune demande sur le fond du dossier.
Rejette les demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [F] aux dépens de première instance.
Condamne M. [B], la SAS Holding [B] finance et la SAS RJV group aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
D'[Localité 9]
CHAMBRE A - COMMERCIALE
CC/AF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 24/01870 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FMPH
Jugement du 22 Octobre 2024
Président du TC du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 2024006363
ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2025
APPELANT :
Monsieur [I] [F]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 10] (72)
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 246805 et par Me Cristina CORGAS, avocat plaidant au barreau de RENNES
INTIMES :
Monsieur [M] [B]
né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 10] (72)
[Adresse 5]
[Localité 8]
S.A.S. HOLDING [B] FINANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
S.A.S. RJV GROUP, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentés par Me Nathalie GREFFIER, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 24250 et par Me Séverine DUBREUIL, avocat plaidant au barreau du MANS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 10 [T] 2025 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, Présidente de chambre qui a été préalablement entendue en son rapport et devant M. CHAPPERT, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
M. CHAPPERT, conseiller
Mme GANDAIS, conseillère
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 23 septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [I] [F] était salarié de la société Cretot Ouest, laquelle faisait partie d'un groupe de sociétés dirigé par l'intermédiaire de la société Holding Cretot.
Le 9 juin 2006, la société (SAS) Holding [B] finance a été créée en vue de la prise de contrôle de la société Holding Cretot, par rachat de l'intégralité des actions auprès des associés. Le capital social d'un montant de 300 000 euros a été divisé initialement en 30 000 actions d'une valeur de 10 euros chacune, dont 16 500 (soit 55%) ont été attribuées à M. [M] [B], président, et le reste, soit 2 250 actions pour chacun d'eux, à six autres associés dont M. [I] [F]. La répartition des actions composant le capital social de la SAS Holding [B] finance a évolué, au gré de diverses cessions d'action réduisant peu à peu le nombre d'associés.
Au préambule des statuts de la SAS Holding [B] finance, il est dit que les actions de la société sont exclusivement réservées aux salariés et/ou mandataires sociaux du 'groupe Cretot' dans les conditions qui font l'objet d'un règlement intérieur.
Au préambule de ce règlement intérieur, les associés ont déclaré qu'ils avaient décidé de réserver la détention des actions de la société 'aux seules personnes physiques ou morales exerçant leur activité professionnelle en qualité de mandataire ou de salariés au sein du 'groupe Cretot' et qu'ils ont à ce titre accepté le principe d'une clause d'exclusion de la qualité d'associé en cas de non-respect de cette qualité', laquelle est prévue à l'article 5. La fixation du prix de cession des actions de la société en cas d'exclusion de la qualité d'associé ensuite de la perte de la qualité de salarié est prévue, de façon spécifique, à l'article 6, auquel renvoie l'article 5, à savoir, en application d'une méthode qui figure en annexe du règlement intérieur.
L'article 4 de ce règlement stipule que l'intégralité du capital social de la société doit être détenue directement par des personnes physiques salariées et ou mandataires sociaux dans les sociétés du groupe 'Cretot' et que ne peuvent être associées que les personnes qui ont été préalablement agrées par la société conformément aux dispositions de l'article 14 des statuts.
Par ailleurs, aux termes de l'article 7 de ce règlement intérieur intitulé 'convention de sortie en commun - droit de préemption sur les actions de [M] [B] au profit des autres associés',
'[M] [B], agissant en qualité de seul associé majoritaire, s'engage au cas où il déciderait de céder ou de transférer à des tiers une fraction ou la totalité des actions qu'il détient dans la société de telle sorte que sa participation devienne inférieure à 51%, à en informer les associés minoritaires par lettre recommandée avec accusé de réception au moins 90 jours avant que l'opération envisagée ne devienne définitive.
Cette lettre devra indiquer l'identité de l'acquéreur (ou du bénéficiaire de l'apport en cas d'apport en nature des titres) ainsi que l'intégralité des conditions proposées.
Pendant ce délai de 90 jours, les associés minoritaires auront la faculté à leur gré de demander à [M] [B] qui s'y oblige, soit de faire en sorte d'assurer la cession de tout ou partie des actions de la société qu'ils détiendront, dans les mêmes conditions que la cession ou le transfert de ses propres actions, soit préempter la totalité des titres dont [M] [B] envisage la cession (ou le transfert).
Dans ce cas, le prix de préemption et les conditions de règlement seront ceux proposés par l'acquéreur potentiel (ou le bénéficiaire de l'apport) et la cession devra être réalisée dans les 90 jours suivant la lettre recommandée par laquelle les bénéficiaires exercent leur droit de préemption.
(...)
Les associés minoritaires devront faire connaître leur décision à [M] [B] par lettre recommandée avec accusé de réception.
Passé ce délai de 90 jours à compter de la notification qui leur a été faite par [M] [B], l'absence de réponse de leur part vaudra renonciation à exercer la faculté de préempter les actions de [M] [B] et les associés minoritaires s'engagent dans ce cas à céder l'intégralité de leurs actions (ou autres valeurs mobilières) détenues par eux dans le capital de la société au profit du tiers acquéreur et ce aux mêmes conditions de prix et de règlement que celles dont bénéficie [M] [B].
La cession devra obligatoirement intervenir au plus tard dans les 90 jours qui suivent la date d'expiration du délai pour préempter les actions de [M] [B].
A défaut de respect de cet engagement de céder par les associés minoritaires, [M] [B] pourra acquérir, à titre de clause pénale les actions des autres associés pour un prix équivalent à 80 % de celui proposé par le tiers acquéreur, ainsi que les associés minoritaires s'y obligent dès à présent'.
Au 1er décembre 2020, le capital social de 300 000 euros a été divisé en 22 125 actions, réparti à hauteur de 17 190 actions (soit 77,70 %) pour M. [B], 2 625 actions (soit 11,86%) pour M. [I] [F], et 2 310 actions (soit 10,44%) pour M. [W] [E].
Par lettre recommandée du 10 octobre 2022, M. [B] a informé M. [F] de son intention de faire un apport de 12 060 actions qu'il détenait dans le capital de la société Holding [B] finance à la société (SAS) RJV group, de céder la pleine propriété de 5 129 de ses actions à ladite société RJV group, au prix de 496,80 euros par action (soit un prix total de 2 548 087,20 euros), payable comptant.
Dans cette lettre, M. [B] a rappelé que conformément aux dispositions de l'article 7 du règlement intérieur, M. [F] en sa qualité d'associé minoritaire de la SAS Holding [B] finance, bénéficiait d'un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de la réception de cette lettre pour exercer son droit de préemption et lui faire connaître sa décision par lettre recommandée avec avis de réception ; que les associés minoritaires ont la faculté, à leur gré, soit de préempter la totalité des 17 189 actions dont il envisage le transfert ainsi qu'il est dit ci-dessus, soit de céder leurs actions aux mêmes conditions ; que passé le délai de 90 jours ci-dessus visé, en l'absence de préemption de sa part, il serait tenu de céder l'intégralité de ses actions à la société RJV group aux mêmes conditions de prix et de règlement qui lui sont octroyées, conformément à l'article 7 susvisé du règlement intérieur. (...)'
Par lettre recommandée du 12 octobre 2022, M. [E] a sollicité le transfert de ses actions dans les mêmes conditions que M. [B] à la société RJV group.
Suivant procès-verbal d'assemblée générale du 15 novembre 2022, la SAS RJV group a été agréée en qualité d'associée de la SAS Holding [B] finance, par 19 500 voix ayant voté pour, M. [F] s'étant lui opposé à cet agrément.
Par lettre recommandée du 3 janvier 2023, M. [F] a fait part à M. [B] de sa contestation du projet de cession, faisant notamment valoir que seule une personne physique pouvait être associée de la SAS Holding [B] finance, que les opérations projetées contrevenaient aux termes et à l'esprit des statuts et du règlement intérieur de ladite société, qu'il ne disposait d'aucune information sur le mode de détermination de la valeur des actions et nourrissait un fort soupçon de sous-évaluation de ces dernières par M. [B], suspectant ce dernier d'avoir pour objectif d'évincer les associés minoritaires du capital de la SAS Holding [B] finance en fixant unilatéralement le prix des actions à acheter, de façon minorée.
Par lettre recommandée du 26 janvier 2023, M. [B] lui a répondu que le préambule du règlement intérieur l'autorisait à céder ses actions à une société légalement constituée sous réserve qu'elle exerce un mandat social au sein des sociétés du groupe antérieurement à la date de transfert de ses actions. Il a ajouté que l'article 14 des statuts de la société prévoit que toute transmission d'actions est soumise à agrément préalable de la société. Ces dispositions statutaires n'imposent pas que le cessionnaire pressenti soit mandataire social ou salarié du groupe au jour de la décision d'agrément. (...) En réalité, vous entendez vous délier de vos engagements contractuels en refusant l'application de la convention de sortie en commun telle que prévue à l'article 7 du règlement intérieur. En tout état de cause, je prends acte du fait que vous n'avez pas souhaité exercer votre droit de préemption dans les délais requis.'
Par lettre du 31 janvier 2023, la SAS RJV group a informé M. [F] de son adhésion au règlement intérieur de la SAS Holding [B] finance.
Suivant procès-verbal de l'assemblée générale de la société Cretot Ouest du 3 février 2023, la société RJV group est devenue directrice générale de ladite société.
Par lettre recommandée du 10 février 2023, M. [F] a maintenu sa contestation en considérant notamment que l'application de l'article 7 du règlement intérieur envisagée par M. [B] est frauduleuse, et que sa sortie du capital de la société y compris en cas de rupture de son contrat de travail ne pourrait intervenir que si la cession de ses actions avait lieu au prix du marché, déterminé par une juste évaluation du groupe.
M. [F] a commis un expert-comptable qui a réalisé une évaluation provisoire qui conclurait au fait que le prix proposé par M. [B] serait, quelle que soit la méthode choisie, inférieur au prix réel des actions.
Les 28 février 2023 et 10 mars 2023, MM. [B] et [E] ont respectivement apporté 12 060 actions et cédé 5 129 actions à la société RJV group, et cédé 2 310 actions à ladite société, de sorte que le capital social de la SAS Holding [B] finance se trouvait réparti ainsi : 19 499 actions pour la SAS RJV group, 2 625 actions pour M. [F], 1 action pour M. [B].
Par actes d'huissier du 3 juillet 2023, M. [F] a fait assigner M. [B], la SAS Holding [B] finance et la SAS RJV group, en référé, devant le président du tribunal de commerce du Mans, aux fins d'obtenir notamment la mise sous séquestre des actions de la SAS Holding [B] finance apportées et cédées à la SAS RJV group et celle de ses propres actions, ainsi que la nomination d'un expert judiciaire afin de faire évaluer les actions de la SAS Holding [B] finance au jour de la cession des actions de M. [B] à sa holding.
Le 26 janvier 2024, M. [F] a fait délivrer aux défendeurs, par commissaire de justice, une sommation de communiquer les éléments relatifs à la méthode de valorisation des actions.
Par ordonnance de référé du 27 juin 2024, le président du tribunal de commerce du Mans a rejeté les demandes de M. [F] en l'invitant, concernant la demande d'expertise, à introduire une assignation devant lui pour statuer selon la procédure accélérée au fond en application de l'article 1843-4 du code civil et en prenant acte de ce que M. [B] s'engage à continuer à ne pas user de la faculté d'acquisition de 2 625 actions que détient M. [F] dans le capital de la société, que lui confère l'article 7 du règlement intérieur et ce, jusqu'à ce que l'expert judiciaire désigné au visa de l'article 1843-4 du code civil par un jugement statuant selon la procédure accélérée au fond et sans recours possible, rende son rapport.
Parallèlement, M. [F] qui avait saisi le conseil des prud'hommes du Mans aux fins de faire annuler une sanction disciplinaire prise à son encontre, s'est vu notifier, après entretien préalable, son licenciement de la société Cretot Ouest par lettre du 8 mars 2024 'pour cause d'insuffisance de résultat inhérente à un défaut de prospection et d'implication professionnelle de (sa) part à l'occasion de (sa) mission de vendeur VUL neufs sur le secteur de la Sarthe', décision contre laquelle il a exercé un recours devant le conseil des prud'hommes du Mans par devant lequel la conciliation a échoué. M. [F] est sorti définitivement des effectifs de la société Cretot Ouest le 27 juin 2024.
Par actes de commissaire de justice du 31 juillet 2024, M. [F] a fait assigner M. [B], la SAS Holding [B] finance et la SAS RJV group, selon la procédure accélérée au fond avec représentation obligatoire, conformément aux articles 1843-4 du code civil et 481-1 du code de procédure civile, devant le président du tribunal de commerce du Mans. En l'état de ses dernières conclusions devant ce président, M. [F] lui a demandé, s'agissant de la demande d'expertise, au vu des articles 1843-4 et 481-1 du code de procédure civile, de :
- 'nommer un expert judiciaire aux fins de valoriser les actions de la société Holding [B] finance ; plus précisément, l'expert aura pour mission de :
* déterminer la valeur des actions de la société Holding [B] finance, selon l'état du marché à la date du 28 février 2023 en application de l'article 7 du règlement intérieur d'une part ; en application de l'article 6 du règlement intérieur à la date du 27 juin 2024 d'autre part,
* se faire communiquer tous documents par les parties qui'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission et notamment les trois derniers comptes sociaux clos de la société Holding [B] finance et de ses filiales, la valorisation des stocks des sociétés filiales...
* se référer à la présente juridiction en cas de difficultés rencontrées dans l'exécution de sa mission et notamment dans la communication des pièces,
* adresser son pré rapport aux parties et leur laisser un délai d'un mois pour qu'elles puissent formuler leurs observations,
- faire injonction à M. [B] et à la société Holding [B] finance de communiquer à l'expert l'ensemble des documents qu'il jugera utile à l'accomplissement de sa mission,
- mettre les frais d'expertise à la charge de M. [B] et de la société Holding [B] finance'.
En réplique, M. [B] et les sociétés Holding [B] finance et RJV group ont sollicité du président du tribunal de commerce, au vu des articles 1843-4 du code civil et 7 du règlement intérieur, qu'in limine litis, il constate que M. [F], dans ses conclusions, conteste l'application de l'article 7 du règlement intérieur et des statuts signés par lui qui lui font obligation de céder ses titres à M. [B] à 80% du prix unitaire de 476,02 euros par action si M. [B] entendait faire jouer sa faculté de le contraindre à vendre conformément audit article 7 du règlement intérieur, qu'en conséquence, il sursoie à statuer sur la demande de désignation d'un expert au visa de l'article 1843-3 du code civil et qu'il invite M. [F] à saisir l'arbitre compétent en application de l'article 10 dudit règlement intérieur qui prévoit que 'pour toute contestation qui s'élèveraient entre les associés soussignés relativement à la validité, l'interprétation des présentes les soussignés s'engagent à soumettre leur différend à l'arbitrage', afin de trancher au fond cette contestation avant la désignation de l'expert au visa de l'article 1843-4 du code civil pour la fixation définitive du prix ; à titre subsidiaire, qu'il déclare irrecevable et mal fondé M. [F] en sa demande d'expertise au visa de l'article 1843-4 du code civil en ce que M. [F] motive sa demande comme suit : 'En effet, M. [F] pense que M. [B] a sciemment sous-évalué ses actions lors de leur transfert à la société RJV group. Il le reconnaît implicitement en arguant d'une valorisation de ses actions sur le fondement de l'article 6 du règlement intérieur, soit selon une méthode datant de 2006. Ce faisant, il pourrait racheter à M. [F] les actions que ce dernier détient dans la société Holding [B] finance pour un prix en deçà de sa valeur, sur le fondement de l'article 7 du règlement intérieur. Afin de s'en assurer, M. [F] doit pouvoir avoir accès aux documents sociaux utiles à la valorisation des actions. M. [B] se refusant à cette communication, seule une expertise judiciaire permettra de l'éclairer. Si sa thèse se confirmait, M. [F] saisira un tribunal arbitral sur le fondement de l'article 10 du règlement intérieur et envisage : - de solliciter la nullité de la cession et de l'apport des actions de M. [B], - partant, ce dernier ne pourrait se prévaloir de l'article 7 du règlement intérieur d'une part ; M. [F] pourrait prétendre à rester associé de la société Holding [B] finance et aurait la liberté de vendre ses actions à un tiers à leur valeur', cette demande devant être qualifiée de demande d'expertise in futurum, dont M. [F] a été débouté par ordonnance du 27 juin 2024 revêtue de l'autorité de la chose jugée, et non comme une expertise au visa de l'article 1843-4 du code civil qui a pour objet, en présence de contestation sur le prix des actions, de le faire définitivement fixer par un expert. Ils ont considéré que si, par extraordinaire, le président ne sursoyait pas à statuer et faisait droit à la demande d'expertise au visa de l'article 1843-4 du code civil, il convenait de revenir sur la mission de l'expert en application de l'article 7 du règlement intérieur et de donner mission à l'expert de - déterminer le prix définitif de cession des actions de la société Holding [B] finance à la date du 10 octobre 2022 date à laquelle M. [B] a, en application de l'article 7 du règlement intérieur, adressé la lettre recommandée à M. [F] prévoyant un droit de sortie conjoint ou de préemption, sur la base des comptes de référence arrêtés au 31 décembre 2021 et prix auquel M. [B] et M. [E] ont cédé leur action à la société RJV group, - dire que l'expert pourra se faire remettre tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission, - dire que l'expert adressera son pré rapport aux parties et leur laissera un délai de deux mois pour qu'elles puissent formuler leurs observations avant de rendre son rapport définitif. S'agissant de la désignation de l'expert au visa de l'article 1843-4 du code civil, au titre de l'article 5 renvoyant à l'article 6 du règlement intérieur, ils ont demandé du président du tribunal de commerce qu'il prenne acte qu'ils ne sont pas opposés à la demande de M. [F] quant à la mission à donner à l'expert.
Par jugement du 22 octobre 2024, le président du tribunal de commerce du Mans, au vu de l'assignation en procédure accélérée au fond, et au vu des articles 876-1 et 481-1 du code de procédure civile, 1843-4 du code civil, 122 du code de procédure civile, a
- déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer en vertu du principe selon lequel 'nul ne peut se contredire au détriment d'autrui',
- rejeté la demande de sursis à statuer au motif que M. [F] ne soulève aucune demande sur le fond du dossier,
- nommé comme expert judiciaire aux fins de valoriser les actions de la société Holding [B] finance, M. [O] [T],
l'expert aura pour mission :
* se faire communiquer tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission et notamment les trois derniers comptes sociaux clos de la société Holding [B] finance et de ses filiales, la valorisation des stocks des sociétés filiales...,
* se référer à la juridiction en cas de difficultés rencontrées dans l'exécution de sa mission et notamment dans la communication des pièces,
* déterminer le prix définitif de cession des 2 625 actions que détient M. [F] dans le capital de la société Holding [B] finance à la date du 27 juin 2024, et ce, en application de l'article 5 et conformément à la méthode de valorisation prévue à l'article 6 du règlement intérieur ;
- ordonné que les honoraires de l'expert soient supportés par moitié par M. [F] d'une part et d'autre part, par M. [B], la société Holding [B] finance et RJV group,
- fixé à 1 500 euros TTC par partie, soit au total 3 000 euros TTC, le montant de la provision sur les frais et honoraires de l'expert à consigner au greffe de ce tribunal dans un délai d'un mois suivant la notification du présent jugement, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile,
- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera constaté que la désignation de l'expert sera caduque (article 271 du code de procédure civile),
- dit que l'expert pourra se faire remettre tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission,
- demandé à l'expert d'adresser son pré- rapport aux parties et de leur laisser un délai de deux mois pour qu'elles puissent formuler leurs observations avant de rendre son rapport définitif,
- dit que ce pré-rapport devra être adressé aux parties avant le 28 février 2025,
- dit que le rapport définitif de l'expert devra être déposé au greffe du tribunal de céans avant le 30 juin 2025,
- dit qu'en cas de refus ou d'empêchement, l'expert commis sera remplacé sur simple ordonnance sur requête aux frais des deux parties par moitié,
- dit que le juge délégué aux expertises du tribunal suivra l'exécution de la présente expertise,
- rejeté la demande d'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens d'instance de M. [F],
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [F] aux entiers dépens de l'instance,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Par déclaration du 5 novembre 2024, M. [F] a relevé appel nullité/réformation de ce jugement en ce qu'il a nommé comme expert judiciaire aux fins de valoriser les actions de la société Holding [B] finance, M. [O] [T], jugé que l'expert aura pour mission :* se faire communiquer tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission et notamment les trois derniers comptes sociaux clos de la société Holding [B] finance et de ses filiales, la valorisation des stocks des sociétés filiales..., * se référer à la présente juridiction en cas de difficultés rencontrées dans l'exécution de sa mission et notamment dans la communication des pièces, * déterminer le prix définitif de cession des 2 625 actions que détient M. [F] dans le capital de la société Holding [B] finance à la date du 27 juin 2024, et ce, en application de l'article 5 et conformément à la méthode de valorisation prévue à l'article 6 du règlement intérieur ; ordonné que les honoraires de l'expert soient supportés par moitié par lui-même d'une part et d'autre part, par M. [B], la société Holding [B] finance et RJV group, fixé à 1 500 euros TTC par partie, soit au total 3 000 euros TTC, le montant de la provision sur les frais et honoraires de l'expert à consigner au greffe de ce tribunal dans un délai d'un mois suivant la notification du présent jugement, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile, dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera constaté que la désignation de l'expert sera caduque (article 271 du code de procédure civile), dit que l'expert pourra se faire remettre tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission, demandé à l'expert d'adresser son pré rapport aux parties et de leur laisser un délai de deux mois pour qu'elles puissent formuler leurs observations avant de rendre son rapport définitif, dit que ce pré-rapport devra être adressé aux parties avant le 28 février 2025, dit que le rapport définitif de l'expert devra être déposé au greffe du tribunal de céans avant le 30 juin 2025, dit qu'en cas de refus ou d'empêchement, l'expert commis sera remplacé sur simple ordonnance sur requête aux frais des deux parties par moitié, dit que le juge délégué aux expertises du tribunal suivra l'exécution de la présente expertise, rejeté sa demande tendant à voir condamner M. [B] et la société RJV group à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, l'a condamné aux entiers dépens de l'instance, l'a débouté de toutes ses autres demandes ; intimant la SAS Holding [B] finance, M. [B] et la SAS RJV group.
En cours de procédure d'appel, le 14 novembre 2024, M. [F] a déposé au greffe du tribunal de commerce du Mans une requête en rectification d'erreur matérielle du jugement du 24 octobre 2024.
Les intimés ont constitué le même avocat le 22 novembre 2024.
Le 3 février 2025, M. [F] a signifié des conclusions d'appel nullité.
Les intimés ont conclu au fond.
Une ordonnance du 26 mai 2025 a clôturé l'instruction de l'affaire, conformément à l'avis d'orientation fixation de l'affaire à bref adressé aux parties le 27 mars 2025.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
M. [F] demande à la cour de :
vu les articles 1843-4 du code civil,
- le recevoir en son appel, le dire bien fondé et y faisant droit,
- juger que le président du tribunal de commerce du Mans a commis un excès de pouvoir,
- annuler le jugement du 22 octobre 2024, pour excès de pouvoir, en ce qu'il a :
* nomme comme expert judiciaire aux fins de valoriser les actions de la société Holding [B] finance, M. [O] [T],
* juge que : l'expert aura pour mission :
o) se faire communiquer tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission et notamment les trois derniers comptes sociaux clos de la société Holding [B] finance et de ses filiales, la valorisation des stocks des sociétés filiales...,
o) se référer à la présente juridiction en cas de difficultés rencontrées dans l'exécution de sa mission et notamment dans la communication des pièces,
o) déterminer le prix définitif de cession des 2 625 actions que détient M. [F] dans le capital de la société Holding [B] finance à la date du 27 juin 2024, et ce, en application de l'article 5 et conformément à la méthode de valorisation prévue à l'article 6 du règlement intérieur ;
* ordonne que les honoraires de l'expert soient supportés par moitié par lui-même d'une part et d'autre part, par M. [B], la société Holding [B] finance et RJV group,
* fixe à 1 500 euros TTC par partie, soit au total 3 000 euros TTC, le montant de la provision sur les frais et honoraires de l'expert à consigner au greffe de ce tribunal dans un délai d'un mois suivant la notification du présent jugement, par application des dispositions de l'article 269 du code de procédure civile,
* dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera constaté que la désignation de l'expert sera caduque (article 271 du code de procédure civile),
* dit que l'expert pourra se faire remettre tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission,
* demande à l'expert d'adresser son pré rapport aux parties et de leur laisser un délai de deux mois pour qu'elles puissent formuler leurs observations avant de rendre son rapport définitif,
* dit que ce pré-rapport devra être adressé aux parties avant le 28 février 2025,
* dit que le rapport définitif de l'expert devra être déposé au greffe du tribunal de céans avant le 30 juin 2025,
* dit qu'en cas de refus ou d'empêchement, l'expert commis sera remplacé sur simple ordonnance sur requête aux frais des deux parties par moitié ;
pour le surplus,
et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse mal fondée,
- inviter les parties à mieux se pourvoir,
- condamner M. [B] et la société RJV group à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens, avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
La SAS Holding [B] finance, M. [B] et la SAS RJV group demandent à la cour de :
vu l'article 546 du code de procédure civile,
vu l'article 1843-4 du code civil,
vu l'article 269 du code de procédure civile,
in limine litis : sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir,
- faire droit à la fin de non-recevoir pour défaut d'intérêt à agir opposée à M. [F] par eux-mêmes, le jugement du 22 octobre 2024 dont appel ayant fait droit aux demandes de M. [F], à savoir :
'déterminer la valeur des actions de la société Holding [B] finance, selon l'état du marché à la date du 28 février 2023 en application de l'article 7 du règlement intérieur d'une part ; en application de l'article 6 du règlement intérieur à la date du 27 juin 2024 d'autre part
se faire communiquer tous documents par les parties qu'il jugera utiles aux fins de remplir sa mission et notamment les trois derniers comptes sociaux clos de la société Holding [B] finance et de ses filiales, la valorisation des stocks des sociétés filiales...
se référer à la présente juridiction en cas de difficultés rencontrées dans l'exécution de sa mission et notamment dans la communication des pièces,
adresser son pré rapport aux parties et leur laisser un délai d'un mois pour qu'elles puissent formuler leurs observations,
faire injonction à M. [B] et à la société Holding [B] finance de communiquer à l'expert l'ensemble des documents qu'il jugera utile à l'accomplissement de sa mission,
mettre les frais d'expertise à la charge de M. [B] et de la société Holding [B] finance' ;
au fond,
- déclarer irrecevable et à tout le moins mal fondé M. [F] en sa demande d'appel nullité du jugement du 22 octobre 2024 pour excès de pouvoir alors que c'est M. [F] qui a demandé au président du tribunal de commerce de 'mettre les frais d'expertise à la charge de M. [B] et la société Holding [B] finance',
- déclarer irrecevable et à tout le moins mal fondé M. [F] en sa demande d'appel nullité du jugement du 22 octobre 2024 pour excès de pouvoir en ce que M. [F] ne démontre pas en quoi la référence dans le dispositif du jugement à l'article 269 du code de procédure civile constituerait un excès de pouvoir,
- déclarer irrecevable et à tout le moins mal fondé M. [F] en sa demande d'appel nullité du jugement du 22 octobre 2024 ce dont atteste le dépôt postérieur à son appel d'une requête en rectification d'erreur matérielle dudit jugement,
en tout état de cause,
- rejeter la demande d'article 700 du code de procédure civile de M. [F],
- condamner M. [F] aux dépens d'appel.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :
- le 3 février 2025 pour M. [F],
- le 1er avril 2025 pour M. [B], la SAS Holding [B] finance et la SAS RJV group.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l'appel nullité
Pour soulever un défaut d'intérêt de l'appelant à faire appel en invoquant les dispositions de l'article 546 du code de procédure civile en déclarant que le premier juge a fait droit aux demandes de M. [F], les intimés considèrent que les griefs invoqués par l'appelant à l'appui de son appel nullité portent sur la détermination de la partie devant avoir la charge des frais d'expertise.
Mais en reprochant au président du tribunal de commerce, après avoir rappelé les pouvoirs du président du tribunal en la matière, d'avoir nommé M. [T] en qualité d'expert judiciaire et de lui avoir assigné une mission type d'expertise judiciaire, allant même jusqu'à fonder sa mission sur les dispositions propres à l'expertise judiciaire (articles 269 et suivants du CPC), force est de constater que l'appelant ne limite pas ses griefs à la seule application de l'article 269 du code de procédure civile.
Et si M. [F] qualifiait l'expert dont il demandait la désignation d'expert judiciaire et demandait à mettre les frais d'expertise à la charge de M. [B] et de la société Holding [B] finance, il demandait néanmoins que la mission de l'expert porte sur la détermination de la valeur des actions de la société Holding [B] finance, selon l'état du marché à la date du 28 février 2023 en application de l'article 7 du règlement intérieur, d'une part, et en application de l'article 6 du règlement intérieur à la date du 27 juin 2024, d'autre part. Or, la mission donnée à l'expert par le président du tribunal est de 'déterminer le prix définitif de cession des 2625 actions que détient M. [F] dans le capital de la société Holding [B] finance à la date du 27 juin 2024, et ce, en application de l'article 5 et conformément à la méthode de valorisation prévue à l'article 6 du règlement intérieur'.
N'ayant pas obtenu que la mission confiée à l'expert porte sur la détermination de la valeur des actions de la société Holding [B] finance selon l'état du marché à la date du 28 février 2023 'en application de l'article 7 du règlement intérieur', lequel ne renvoie pas à la méthode spécifique de l'article 6 qui doit s'appliquer en cas d'exclusion de la qualité d'associé ensuite de la perte de la qualité de salarié par renvoi l'article 5, M. [F] a un intérêt à faire appel.
Par ailleurs, le dépôt d'une requête en rectification d'erreur matérielle du jugement attaqué ne fait pas obstacle à la recevabilité de l'appel formé antérieurement qui n'est pas strictement limité à la rectification d'une erreur matérielle contenue dans le jugement.
Sur l'excès de pouvoir du premier juge
La décision du président du tribunal commerce désignant un expert en application de l'article 1843-4 du code civil est sans recours possible à l'exception d'un appel-nullité en cas d'excès de pouvoir du juge.
Aux termes de l'article 1843-4 II. ' Dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur ne soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa. L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.
Dans ce cas, l'expert n'intervenant pas dans le cadre d'une expertise judiciaire mais dans celui d'un dispositif particulier lui conférant le pouvoir de déterminer lui-même la valeur des parts, les dispositions du code de procédure civile régissant l'expertise ne sont pas applicables.
Ainsi que le rappelle exactement M. [F],
- le pouvoir du président saisi sur le fondement de l'article 1843-4 se limite à la nomination d'un expert ; il n'a pas à s'interroger sur la nécessité et l'opportunité de l'expertise en dehors de la vérification des conditions de fond prévues au texte,
- il appartient à l'expert seul de définir sa mission. Le juge n'a pas à fixer des règles d'évaluation, notamment la date à laquelle l'expert doit se situer ni les méthodes d'évaluation qu'il doit suivre, étant précisé que l'expert doit appliquer, quand elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur des titres sociaux arrêtées par les parties dans les statuts, un règlement intérieur ou toute convention les liant et doit, en outre, le cas échéant, rechercher leur commune intention.
- la désignation d'un juge chargé du contrôle de l'expertise est exclue,
- il n'y a pas lieu de fixer le montant de la provision ou de fixer la date à laquelle l'expert devra déposer son rapport.
Dès lors, le premier juge n'aurait pas dû :
- déterminer la mission de l'expert en indiquant que le prix définitif de cession des 2625 actions que détient M. [F] dans le capital de la société Holding [B] Finance devra être déterminé à la date du 27 juin 2024 et, en application de l'article 5, conformément à la méthode de valorisation prévue à l'article 6 du règlement intérieur. Outre qu'il fixait la date d'évaluation et déterminait la méthode à suivre, ce qu'il n'avait pas le pouvoir de faire, le président du tribunal a restreint la méthode d'évaluation à laquelle l'expert devra se soumettre à celle prévue à l'article 6 du règlement, écartant ainsi la détermination de la valeur des actions de la société Holding [B] finance en fonction d'une autre méthode alors qu'il lui était indiqué que M. [B] disposait potentiellement de deux voies pour acheter les actions de M. [F], celle prévue à l'article 7 du règlement intérieur et celle prévue à l'article 5. Ce faisant, il a lui-même limité la méthode d'évaluation en retenant celle prévue dans l'un des cas de cession (celui prévu par la clause d'exclusion de l'article 5) et ce, sans retenir que les conditions de fond de désignation d'un expert en cas de cession d'actions intervenant en application de l'article 7 n'étaient pas remplies, ce qui n'était pas soutenu par les défendeurs, le désaccord des intéressés sur la valeur des droits sociaux étant par ailleurs constant. Ainsi, en imposant la seule méthode prévue à l'article 6 du règlement intérieur, le jugement est affecté, en outre, soit d'un défaut de motif, soit d'une modification de l'objet du litige (en considérant que M. [F] aurait admis que la cession ne pourrait avoir lieu que selon les conditions fixées à l'article 6), soit d'un excès de pouvoir du juge en statuant sur une question de fond, celle du cadre juridique dans lequel intervenait la cession projetée.
- ni désigner l'expert comme étant un expert judiciaire, ni appliquer le régime procédural des expertises judiciaires en fixant une provision sur les frais et honoraires de l'expert, en prévoyant le dépôt au greffe du rapport d'expertise et en désignant un magistrat chargé du contrôle de l'expertise.
Ce n'est donc pas seulement, contrairement à ce qui est soutenu par les intimés, sur le renvoi à l'article 269 du code de procédure civile quant à la fixation d'une provision à valoir sur la rémunération de l'expert, que porte l'excès de pouvoir du premier juge.
Dans le cadre d'un appel-nullité, la cour ne peut qu'annuler la décision pour excès de pouvoir, sans pouvoir y substituer sa propre décision, en l'absence d'effet dévolutif opéré par l'appel dès lors que seul le président du tribunal de commerce a compétence pour nommer un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil.
Le jugement sera donc purement et simplement annulé sauf en ses dispositions qui précèdent la désignation de l'expert, lesquelles ne sont pas attaquées.
Les intimés, qui succombent en appel, seront condamnés aux dépens d'appel.
Les dépens de première instance seront laissés à la charge de M. [F] qui a lui-même qualifié l'expert dont il demandait la désignation, d'expert judiciaire et dont il a défini la mission qu'il souhaitait lui voir confiée en spécifiant notamment la date d'évaluation à laquelle l'expert devait se placer, et en demandant au juge de condamner les parties adverses aux frais d'expertise, alimentant ainsi une confusion avec une expertise judiciaire.
Il n'y a pas lieu d'allouer d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe
Déclare recevable l'appel nullité exercé par M. [F].
Annule le jugement entrepris sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer en vertu du principe selon lequel 'nul ne peut se contredire au détriment d'autrui', et rejeté la demande de sursis à statuer au motif que M. [F] ne soulève aucune demande sur le fond du dossier.
Rejette les demandes d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. [F] aux dépens de première instance.
Condamne M. [B], la SAS Holding [B] finance et la SAS RJV group aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,