CA Saint-Denis de la Réunion, ch. civ. tgi, 26 septembre 2025, n° 24/00002
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Arrêt
Autre
ARRÊT N° 25 /
PF
R.G : N° RG 24/00002 - N° Portalis DBWB-V-B7I-GAEU
[W]
[L]
C/
[H] ÉPOUSE [F]
RG 1ERE INSTANCE : 21/01202
COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2025
Chambre civile TGI
Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ST-DENIS en date du 28 NOVEMBRE 2023 RG n° 21/01202 suivant déclaration d'appel en date du 29 DECEMBRE 2023
APPELANTS :
Monsieur [G] [W]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentant : Me Betty VAILLANT de la SELARL BETTY VAILLANT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
Madame [R] [L]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentant : Me Betty VAILLANT de la SELARL BETTY VAILLANT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMEE :
Madame [T] [O] [M] [Z] [H] ÉPOUSE [F]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentant : Me Amandine JAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
CLOTURE LE : 27 février 2025
DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Avril 2025 devant Patrick CHEVRIER, Président de chambre et Pauline FLAUSS, Conseillère, assistée de Véronique FONTAINE, Greffière
Le président a indiqué que l'audience sera tenue en double rapporteur. Les parties ne s'y sont pas opposées.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries. Le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé le 11 juillet 2025 par mise à disposition au greffe.Ce dernier a été prorogé au 26 septembre 2025.
Greffier lors des débats : Mme Véronique FONTAINE, Greffier.
Greffier lors de la mise a disposition : Malika STURM, Greffier placé
ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 26 Septembre 2025.
* * *
LA COUR
Par acte introductif d'instance du 12 août 2020, M. et Mme [W] ont assigné Mme [T] [H], épouse [F], devant le tribunal judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion afin de voir déclarer parfaite la vente immobilière de la maison située [Adresse 2] - pour le prix de 355.000 euros, conclue par offre acceptée du 4 juin 2020, et d'obtenir réparation des préjudices subis du fait du refus qu'elle leur a opposé de réitérer la vente devant notaire.
Après renvoi de l'affaire devant le tribunal judiciaire de Saint Denis, ce dernier a, par jugement du 28 novembre 2023':
- Débouté les époux [W] de l'ensemble de leurs demandes ;
- Débouté Mme [H] de ses demandes reconventionnelles ;
- Rejeté les demandes de paiement de sommes au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile ;
- Laissé les dépens à la charge des époux [W].
Par déclaration au greffe de la cour du 29 décembre 2023, les époux [W] ont formé appel du jugement précité.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 février 2025.
Aux termes de leurs dernières conclusions d'appelant déposées le 29 novembre 2024, les époux [W] demandent à la cour de':
«'Déclarer recevable et bien fondé leur appel ;
Infirmer le jugement du Tribunal de Saint-Denis du 28/11/2023 en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes, rejeté leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du CPC et laissé à leur charge les dépens
Statuant à nouveau,
Déclarer la vente parfaite du bien immobilier situé [Adresse 3] cadastré section CE n° [Cadastre 1] pour une contenance de onze ares et treize centiares leur ayant été consentie par Mme [H] moyennant le prix de 355.000 € (trois cent cinquante-cinq mille euros).
Condamner Mme [H] à régulariser l'acte authentique de vente par devant Me [B] [A] notaire à [Localité 8] dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement à venir sous astreinte de 1.000 € par jour de retard.
Dire qu'à l'expiration de ces délais, et 8 jours après une sommation du notaire adressée à la venderesse d'avoir à se présenter en son étude (ou par procuration), pour régulariser l'acte authentique, il sera dressé un procès-verbal de carence par ledit notaire et que le tout sera annexé au jugement à venir et déposé au rang des minutes de Me [B] [A] et publié au Bureau des Hypothèques de [Localité 9] et fera office d'acte de vente.
Dire qu'en cas d'empêchement de Me [B] [A], il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance sur requête.
Condamner Mme [H] à leur payer la somme de 10.000 € de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 7 août 2020 ;
La débouter de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions et notamment de sa demande de dommages et intérêts
A titre subsidiaire, si par impossible la Cour venait à ne pas déclarer parfaite la vente,
Dire que la responsabilité de la rupture des pourparlers incombe à Mme [H]';
Condamner Mme [H] à leur payer la somme de 10'000 € de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 7 août 2020 ;
En tout état de cause,
Condamner Mme [H] à leur payer la somme de 4'000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ;
Condamner Mme [H] aux entiers dépens ;'»
***
Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée déposées le 14 janvier 2025, Mme [H] demande à la cour de':
«La déclarer recevable et fondée en ses demandes ;
Débouter les époux [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Infirmer les dispositions le jugement en date du 28 novembre 2023, dont appel incident, rendu par le Tribunal judiciaire de St Denis, en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles et rejeté les demandes de paiement de sommes au titre de l'article 700 du CPC.
Statuant à nouveau,
Condamner les époux [W] au paiement à son profit de la somme 40.000€, sauf à parfaire, à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices;
Condamner les époux [W] à lui verser la somme de 4.000 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, au titre de la procédure de première instance ;
Confirmer les autres dispositions du jugement en date du 28 novembre 2023 rendu par le Tribunal judiciaire de St Denis ;
En tout état de cause,
Condamner les époux [W] à lui verser la somme de 4.000 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens au titre de l'instance d'appel.'»
***
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur le caractère parfait de la vente au 4 juin 2020
Les époux [W] soutiennent que par l'acceptation sans condition autre que soit prévu un dépôt de garantie au compromis de vente notarié devant être signé, la vente du bien litigieux à la somme de 355.000 euros était parfaite, la volonté des parties s'étant accordées sur les éléments essentiels de la vente. Ils affirment que, dans l'intervalle entre l'accord intervenu et la signature du compromis, Mme [H] a informé son notaire de l'existence d'une offre concurrente dont elle étudiait la solidité financière, qu'elle a porté à leur connaissance l'existence d'une procédure judiciaire sur des troubles de voisinage, qu'elle a multiplié les demandes de compléments au projet de compromis, notamment au titre de la contenance du terrain et de paragraphes concernant la clause de substitution pour finalement refuser la signature du compromis invoquant tardivement l'absence de surpression de la clause elle-même, éléments démontrant sa mauvaise foi à ne pas vouloir donner suite à son engagement. Ils soulignent que Mme [H] n'a jamais indiqué qu'elle ne souhaitait pas de clause de substitution, laquelle ne figure pas dans le mandat et que Mme [H] a d'ailleurs admis que les modalités de financement du bien n'étaient pas déterminantes pour elle. Ils affirment que le montage de financement du bien avec substitution de la banque devant ensuite leur revendre avec une marge ne comporte aucune problématique d'exécution. Ils indiquent que s'ils ont par ailleurs acquis un autre bien immobilier pour établir leur résidence principale, cet élément est sans emport sur le fait qu'ils considéraient parfaite la vente du 4 juin 2020.
Mme [H] conteste la rencontre des consentements au 4 juin 2020 puisque les modalités de financement étaient essentielles pour elle et que ce point a fait l'objet de débats lorsqu'elle a été informée du procédé particulier d'achat jusqu'au dernier état de la rédaction du compromis. Elle rappelle en outre qu'une substitution d'une partie à un engagement doit faire l'objet d'un accord préalable du co-contractant et qu'elle n'était pas informée de l'identité de la banque pressentie pour se substituer aux époux [W] dans le cadre d'un financement de type murabaha. Elle souligne que ces modalités de financement étaient déterminantes pour les époux [W] mais que ces derniers ne lui ont jamais transmis les informations nécessaires à l'obtention de son consentement sur ce point, toujours en cours de négociations précontractuelles.
Sur ce,
Vu les articles 1102, 1103, 1104 et 1582 du code civil;
A titre liminaire, la cour relève qu'il résulte des écritures et pièces produites par les parties que l'opération de «'financement islamique de type murabaha'» suppose pour une vente de bien entre deux personnes vendeur et "acheteur" un transfert préalable de la propriété du bien à un financier, lequel revend ensuite ce dernier avec différé de paiement pour un montant supérieur à "l'acheteur".
Ainsi, suivant ce procédé, il existe deux ventes successives du bien: le vendeur transfère la propriété du bien contre paiement au financier, lequel retransfère ensuite la propriété du bien à "l'acheteur".
Il s'ensuit que, dans ce type d'opération, le vendeur ne contracte pas avec "l'acheteur" définitif du bien mais avec le financier.
En l'espèce, le souhait des époux [W] de recourir à ce mode de financement pour l'acquisition du bien de Mme [H] a conduit à l'insertion d'une clause de substitution au projet de compromis de vente notarié pour permettre au financier de se substituer aux époux [W] lors de la réitération de l'acte.
Il est admis par les appelants que le recours au mode de financement précité constitue pour eux une condition substantielle de l'acquisition du bien litigieux (p. 13/15 conclusions époux [W]: "cette clause de substitution était déterminante pour les époux [W] dont la faisabilité de l'opération dépendait").
Par ailleurs, Mme [H] est fondée à soutenir qu'elle a donné son accord pour vendre son bien immobilier aux époux [W], mais que, par application de l'article 1216 du code civil, la substitution d'un autre acquéreur aux époux [W] ne pouvait intervenir qu'avec son accord.
Il se déduit de ce qui précède que, quand bien même la possibilité de substitution des époux [W], acquéreurs, n'avait été expressément exprimée comme une condition substantielle, tant par les acquéreurs que par la venderesse, jusqu'à la signature d'un compromis notarié, celle-ci l'était nécessairement de par sa nature même.
Aussi, le courriel du 4 juin 2020 par lequel Mme [H] a accepté l'offre des époux [W] pour acquérir le bien sur la base de 355.000 euros ne peut être regardée comme un accord parfait des volontés sur la vente puisque, compte tenu du mode de financement voulu par les époux [W] et déterminant pour eux, ceux-ci ne pouvaient être co-contractants de Mme [H] pour la vente à venir, et peu important qu'à terme, les époux [W] aient pu effectivement acquérir la propriété du bien par revente du financier, acquéreur devant être substitué aux époux [W] dans la vente projetée avec Mme [H] et tiers non-mentionné à l'offre des époux.
L'argument des époux [W] suivant lequel la vente avec un financier présentait de meilleures garanties pour Mme [H] est en outre indifférent au raisonnement.
De plus, il ne peut être déduit du seul silence gardé par Mme [H] suite à l'envoi de la première version du compromis de vente à signer devant notaire comportant la clause de substitution qu'elle aurait acquiescé à la modification de co-contractant et l'absence de toute démarche manifestant expressément sa volonté d'acceptation.
Le jugement ayant rejeté la demande principale des époux [W] tendant à déclarer parfaite la vente du 4 juin 2020 et à en ordonner l'exécution forcée doit ainsi être confirmé.
Sur la rupture fautive des pourparlers
Les époux [W] font valoir que les multiples demandes de modification du projet de compromis émanant de Mme [H], conjuguées au fait qu'elle disposait d'une autre offre d'acquisition et qu'elle n'a pas fait état de son opposition à la clause de substitution dans la première version du compromis communiqué le 26 juin 2020, sont la preuve de ce que son objectif final était de ne pas contracter et de ce qu'elle a tiré prétexte de ce qu'ils refusent la suppression de la clause de substitution pour rompre abusivement les pourparlers. Ils estiment avoir été privés pendant cette période de poursuivre l'achat d'autres biens et d'avoir acheté en hâte un autre bien ne répondant pas à leur critère géographique, alors qu'ils avaient quitté leur précédent logement.
Mme [H] soutient que la preuve d'une faute de sa part et d'un préjudice moral en lien ne sont pas apportés par les époux [W]. Elle relève que les époux [W] ont signé une promesse de vente de leur nouvelle résidence deux semaines après avoir rompu les pourparlers avec elle, le 12 août 2020. Elle dénonce comme purement mensongère l'allégation suivant laquelle elle entendait vendre à un promoteur à un prix plus élevé. Elle rappelle qu'elle dispose du libre choix de contracter avec qui elle le souhaite, qu'elle a toujours été de bonne foi et qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir abusivement rompu les pourparlers pour ne pas avoir accepté de nouvelles conditions. Elle énonce qu'elle est profane en matière financière et qu'elle pouvait légitimement s'interroger sur l'opération de murabaha et de demander des compléments d'information - qu'elle n'a pas obtenus- avant de s'engager.
Sur ce,
Vu les articles 1112 et 1240 du code civil;
Il résulte de ce qui précède que la mauvaise foi de Mme [H] ne peut se déduire de son refus d'accepter la modification d'une condition essentielle du contrat à savoir, la substitution de son cocontractant et l'intimée est fondée à rappeler qu'elle dispose de la pleine liberté contractuelle de contracter avec le co-contractant de son choix, énoncée à l'article 1102 du code civil.
Le grief tiré de ce qu'elle a feint son ignorance sur le mécanisme financier qui lui était proposé pour le refuser repose sur des affirmations non démontrées - le seul fait que le mari de Mme [H] ait été directeur financier par le passé ne permettant d'apporter cette preuve- et le fait que ce mode de financement était avantageux à la venderesse est sans emport sur sa liberté d'accepter ou de refuser une substitution de co-contractant.
En outre, le fait que Mme [H] ait successivement demandé des modifications du compromis pour y introduire la mention d'une précédente procédure de troubles du voisinage ou l'absence de bornage de la parcelle sont des précisions s'attachant à des éléments établis qui ne peuvent être regardées en soi comme visant à dissuader les acquéreurs de procéder à l'achat alors même que Mme [H] énonce justement que ces mentions permettent une plus grande transparence sur la situation du bien.
Enfin, l'affirmation suivant laquelle Mme [H] voulait se dédire de son engagement envers les époux [W] n'est pas étayée, alors même qu'il résulte des pièces de procédure qu'à plusieurs reprises après l'accord de principe du 4 juin 2020 précité Mme [H] a réaffirmé sa volonté de vendre aux époux [W] et qu'à ce jour, il n'est ni allégué ni démontré que le bien de Mme [H] ait été vendu.
Les époux [W] échouant à démontrer la mauvaise foi de Mme [H] dans les négociations des modalités de financement et l'existence d'une rupture des pourparlers lui étant imputable, le jugement ayant rejeté la demande indemnitaire des époux [W] doit être confirmé.
Sur la demande indemnitaire de Mme [H]
Mme [H] fait valoir qu'elle n'a pas été à l'origine de la rupture des pourparlers, qu'elle est restée vainement en l'attente d'éléments complémentaires sur les modalités l'opération de financement voulue par les époux [W] et que ce sont ces derniers qui y ont mis un terme en l'assignant. Elle souligne le ton désobligeant des conclusions des époux [W] et les fausses intentions qu'ils lui prêtent; elle indique que les époux [W], qui ont acquis leur résidence principale peu de temps après avoir rompu les négociations pour l'achat de son bien, n'ont pas d'intérêt à poursuivre la vente forcée et que l'introduction de la présente procédure bloque la vente au profit des tiers.
Pour s'opposer à la demande de dommages-intérêts reconventionnelle de l'intimée, les époux [W] contestent avoir bloqué Mme [H] dans la vente de son bien, aucune malveillance ne guidant la délivrance de leur assignation et rappellent qu'ils n'ont pas fait publier cette dernière de sorte que le vente pouvait être poursuivie aux risques et périls de cette dernière. Ils indiquent que le certificat médical produit par Mme [H] ne démontre ni leur faute, ni le préjudice en lien allégué par Mme [H].
Sur ce,
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile, ensemble l'article 1240;
Pour caractériser l'abus de procédure des époux [W], Mme [H] se fonde notamment sur le fait que les époux [W] aient acquis un autre bien pour le même usage que celui auquel elle destinait le sien, à savoir, une résidence principale. Néanmoins, comme l'indiquent les époux [W], Mme [H] ne peut présumer du fait que ceux-ci ont dès lors définitivement abandonné le souhait de voir établir leur résidence dans le bien qu'elle détient toujours.
En outre, le fait que la rupture des négociations ne soit pas imputable à Mme [H] n'implique pas, en soi, le caractère abusif de la délivrance de l'assignation en vente forcée, la stratégie procédurale des époux [W] ayant pu être guidée par le ressenti des époux [W] que Mme [H] multiplierait les demandes pour voir entraver les négociations alors que, comme l'a relevé le premier juge, la première version de l'acte notarié prévoyant une clause de substitution a été adressé à Mme [H] le 26 juin 2020 et elle ne s'y est définitivement opposée qu'au 6 août 2020.
Par ailleurs, comme l'indiquent les époux [W], il n'est pas établi que la présente action ait donné lieu à publication, de sorte que même si celle-ci crée une incertitude pour Mme [H] quant à la vente du bien, toute vente à un tiers n'est pas juridiquement empêchée durant le cours de la présente instance.
Enfin, Mme [H] ne conclut pas au caractère manifestement voué à l'échec des prétentions des époux [W] même s'il est possible de s'interroger sur la contradiction potentielle à obtenir une décision judiciaire constatant le caractère parfait de la vente intervenue entre eux et Mme [H] tout en affirmant une volonté de recourir à un mécanisme de financement impliquant qu'ils ne soient pas co-contractants de Mme [H] à l'acte de vente.
En conséquence de ce qui précède, l'abus allégué par Mme [H] est insuffisamment caractérisé.
Le jugement ayant rejeté sa demande indemnitaire à ce titre sera confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile;
Les époux [W], qui succombent, supporteront les dépens.
L'équité commande en outre de les condamner à verser à Mme [H] la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'appel et de réformer le jugement ayant rejeté la demande au même titre de Mme [H] pour condamner les appelants à lui verser la somme de 2.000 euros de frais irrépétibles en première instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement en dernier ressort,
- Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de frais irrépétibles de Mme [H], épouse [F] ;
- L'infirme dans cette mesure ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Condamne in solidum Mme [L] épouse [W] et M. [W] à verser à Mme [H], épouse [F], la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;
- Condamne in solidum Mme [L] épouse [W] et M. [W] à verser à Mme [H], épouse [F], la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- Condamne in solidum Mme [L] épouse [W] et M. [W] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame Pauline FLAUSS, conseillère à la Cour d'Appel de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION,le président étant empêché, et par Malika STURM, greffière placée à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE P/ LE PRÉSIDENT
PF
R.G : N° RG 24/00002 - N° Portalis DBWB-V-B7I-GAEU
[W]
[L]
C/
[H] ÉPOUSE [F]
RG 1ERE INSTANCE : 21/01202
COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS
ARRÊT DU 26 SEPTEMBRE 2025
Chambre civile TGI
Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE ST-DENIS en date du 28 NOVEMBRE 2023 RG n° 21/01202 suivant déclaration d'appel en date du 29 DECEMBRE 2023
APPELANTS :
Monsieur [G] [W]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentant : Me Betty VAILLANT de la SELARL BETTY VAILLANT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
Madame [R] [L]
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentant : Me Betty VAILLANT de la SELARL BETTY VAILLANT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION
INTIMEE :
Madame [T] [O] [M] [Z] [H] ÉPOUSE [F]
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentant : Me Amandine JAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
CLOTURE LE : 27 février 2025
DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 11 Avril 2025 devant Patrick CHEVRIER, Président de chambre et Pauline FLAUSS, Conseillère, assistée de Véronique FONTAINE, Greffière
Le président a indiqué que l'audience sera tenue en double rapporteur. Les parties ne s'y sont pas opposées.
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Monsieur Patrick CHEVRIER, Président de chambre
Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère
Conseiller : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère
Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries. Le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé le 11 juillet 2025 par mise à disposition au greffe.Ce dernier a été prorogé au 26 septembre 2025.
Greffier lors des débats : Mme Véronique FONTAINE, Greffier.
Greffier lors de la mise a disposition : Malika STURM, Greffier placé
ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 26 Septembre 2025.
* * *
LA COUR
Par acte introductif d'instance du 12 août 2020, M. et Mme [W] ont assigné Mme [T] [H], épouse [F], devant le tribunal judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion afin de voir déclarer parfaite la vente immobilière de la maison située [Adresse 2] - pour le prix de 355.000 euros, conclue par offre acceptée du 4 juin 2020, et d'obtenir réparation des préjudices subis du fait du refus qu'elle leur a opposé de réitérer la vente devant notaire.
Après renvoi de l'affaire devant le tribunal judiciaire de Saint Denis, ce dernier a, par jugement du 28 novembre 2023':
- Débouté les époux [W] de l'ensemble de leurs demandes ;
- Débouté Mme [H] de ses demandes reconventionnelles ;
- Rejeté les demandes de paiement de sommes au titre de l'article 700 du Code de Procédure civile ;
- Laissé les dépens à la charge des époux [W].
Par déclaration au greffe de la cour du 29 décembre 2023, les époux [W] ont formé appel du jugement précité.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 27 février 2025.
Aux termes de leurs dernières conclusions d'appelant déposées le 29 novembre 2024, les époux [W] demandent à la cour de':
«'Déclarer recevable et bien fondé leur appel ;
Infirmer le jugement du Tribunal de Saint-Denis du 28/11/2023 en ce qu'il les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes, rejeté leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du CPC et laissé à leur charge les dépens
Statuant à nouveau,
Déclarer la vente parfaite du bien immobilier situé [Adresse 3] cadastré section CE n° [Cadastre 1] pour une contenance de onze ares et treize centiares leur ayant été consentie par Mme [H] moyennant le prix de 355.000 € (trois cent cinquante-cinq mille euros).
Condamner Mme [H] à régulariser l'acte authentique de vente par devant Me [B] [A] notaire à [Localité 8] dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement à venir sous astreinte de 1.000 € par jour de retard.
Dire qu'à l'expiration de ces délais, et 8 jours après une sommation du notaire adressée à la venderesse d'avoir à se présenter en son étude (ou par procuration), pour régulariser l'acte authentique, il sera dressé un procès-verbal de carence par ledit notaire et que le tout sera annexé au jugement à venir et déposé au rang des minutes de Me [B] [A] et publié au Bureau des Hypothèques de [Localité 9] et fera office d'acte de vente.
Dire qu'en cas d'empêchement de Me [B] [A], il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance sur requête.
Condamner Mme [H] à leur payer la somme de 10.000 € de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 7 août 2020 ;
La débouter de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions et notamment de sa demande de dommages et intérêts
A titre subsidiaire, si par impossible la Cour venait à ne pas déclarer parfaite la vente,
Dire que la responsabilité de la rupture des pourparlers incombe à Mme [H]';
Condamner Mme [H] à leur payer la somme de 10'000 € de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 7 août 2020 ;
En tout état de cause,
Condamner Mme [H] à leur payer la somme de 4'000 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC ;
Condamner Mme [H] aux entiers dépens ;'»
***
Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée déposées le 14 janvier 2025, Mme [H] demande à la cour de':
«La déclarer recevable et fondée en ses demandes ;
Débouter les époux [W] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
Infirmer les dispositions le jugement en date du 28 novembre 2023, dont appel incident, rendu par le Tribunal judiciaire de St Denis, en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes reconventionnelles et rejeté les demandes de paiement de sommes au titre de l'article 700 du CPC.
Statuant à nouveau,
Condamner les époux [W] au paiement à son profit de la somme 40.000€, sauf à parfaire, à titre de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices;
Condamner les époux [W] à lui verser la somme de 4.000 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, au titre de la procédure de première instance ;
Confirmer les autres dispositions du jugement en date du 28 novembre 2023 rendu par le Tribunal judiciaire de St Denis ;
En tout état de cause,
Condamner les époux [W] à lui verser la somme de 4.000 €, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens au titre de l'instance d'appel.'»
***
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées, figurant au dossier de la procédure, auxquelles il est expressément référé en application de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur le caractère parfait de la vente au 4 juin 2020
Les époux [W] soutiennent que par l'acceptation sans condition autre que soit prévu un dépôt de garantie au compromis de vente notarié devant être signé, la vente du bien litigieux à la somme de 355.000 euros était parfaite, la volonté des parties s'étant accordées sur les éléments essentiels de la vente. Ils affirment que, dans l'intervalle entre l'accord intervenu et la signature du compromis, Mme [H] a informé son notaire de l'existence d'une offre concurrente dont elle étudiait la solidité financière, qu'elle a porté à leur connaissance l'existence d'une procédure judiciaire sur des troubles de voisinage, qu'elle a multiplié les demandes de compléments au projet de compromis, notamment au titre de la contenance du terrain et de paragraphes concernant la clause de substitution pour finalement refuser la signature du compromis invoquant tardivement l'absence de surpression de la clause elle-même, éléments démontrant sa mauvaise foi à ne pas vouloir donner suite à son engagement. Ils soulignent que Mme [H] n'a jamais indiqué qu'elle ne souhaitait pas de clause de substitution, laquelle ne figure pas dans le mandat et que Mme [H] a d'ailleurs admis que les modalités de financement du bien n'étaient pas déterminantes pour elle. Ils affirment que le montage de financement du bien avec substitution de la banque devant ensuite leur revendre avec une marge ne comporte aucune problématique d'exécution. Ils indiquent que s'ils ont par ailleurs acquis un autre bien immobilier pour établir leur résidence principale, cet élément est sans emport sur le fait qu'ils considéraient parfaite la vente du 4 juin 2020.
Mme [H] conteste la rencontre des consentements au 4 juin 2020 puisque les modalités de financement étaient essentielles pour elle et que ce point a fait l'objet de débats lorsqu'elle a été informée du procédé particulier d'achat jusqu'au dernier état de la rédaction du compromis. Elle rappelle en outre qu'une substitution d'une partie à un engagement doit faire l'objet d'un accord préalable du co-contractant et qu'elle n'était pas informée de l'identité de la banque pressentie pour se substituer aux époux [W] dans le cadre d'un financement de type murabaha. Elle souligne que ces modalités de financement étaient déterminantes pour les époux [W] mais que ces derniers ne lui ont jamais transmis les informations nécessaires à l'obtention de son consentement sur ce point, toujours en cours de négociations précontractuelles.
Sur ce,
Vu les articles 1102, 1103, 1104 et 1582 du code civil;
A titre liminaire, la cour relève qu'il résulte des écritures et pièces produites par les parties que l'opération de «'financement islamique de type murabaha'» suppose pour une vente de bien entre deux personnes vendeur et "acheteur" un transfert préalable de la propriété du bien à un financier, lequel revend ensuite ce dernier avec différé de paiement pour un montant supérieur à "l'acheteur".
Ainsi, suivant ce procédé, il existe deux ventes successives du bien: le vendeur transfère la propriété du bien contre paiement au financier, lequel retransfère ensuite la propriété du bien à "l'acheteur".
Il s'ensuit que, dans ce type d'opération, le vendeur ne contracte pas avec "l'acheteur" définitif du bien mais avec le financier.
En l'espèce, le souhait des époux [W] de recourir à ce mode de financement pour l'acquisition du bien de Mme [H] a conduit à l'insertion d'une clause de substitution au projet de compromis de vente notarié pour permettre au financier de se substituer aux époux [W] lors de la réitération de l'acte.
Il est admis par les appelants que le recours au mode de financement précité constitue pour eux une condition substantielle de l'acquisition du bien litigieux (p. 13/15 conclusions époux [W]: "cette clause de substitution était déterminante pour les époux [W] dont la faisabilité de l'opération dépendait").
Par ailleurs, Mme [H] est fondée à soutenir qu'elle a donné son accord pour vendre son bien immobilier aux époux [W], mais que, par application de l'article 1216 du code civil, la substitution d'un autre acquéreur aux époux [W] ne pouvait intervenir qu'avec son accord.
Il se déduit de ce qui précède que, quand bien même la possibilité de substitution des époux [W], acquéreurs, n'avait été expressément exprimée comme une condition substantielle, tant par les acquéreurs que par la venderesse, jusqu'à la signature d'un compromis notarié, celle-ci l'était nécessairement de par sa nature même.
Aussi, le courriel du 4 juin 2020 par lequel Mme [H] a accepté l'offre des époux [W] pour acquérir le bien sur la base de 355.000 euros ne peut être regardée comme un accord parfait des volontés sur la vente puisque, compte tenu du mode de financement voulu par les époux [W] et déterminant pour eux, ceux-ci ne pouvaient être co-contractants de Mme [H] pour la vente à venir, et peu important qu'à terme, les époux [W] aient pu effectivement acquérir la propriété du bien par revente du financier, acquéreur devant être substitué aux époux [W] dans la vente projetée avec Mme [H] et tiers non-mentionné à l'offre des époux.
L'argument des époux [W] suivant lequel la vente avec un financier présentait de meilleures garanties pour Mme [H] est en outre indifférent au raisonnement.
De plus, il ne peut être déduit du seul silence gardé par Mme [H] suite à l'envoi de la première version du compromis de vente à signer devant notaire comportant la clause de substitution qu'elle aurait acquiescé à la modification de co-contractant et l'absence de toute démarche manifestant expressément sa volonté d'acceptation.
Le jugement ayant rejeté la demande principale des époux [W] tendant à déclarer parfaite la vente du 4 juin 2020 et à en ordonner l'exécution forcée doit ainsi être confirmé.
Sur la rupture fautive des pourparlers
Les époux [W] font valoir que les multiples demandes de modification du projet de compromis émanant de Mme [H], conjuguées au fait qu'elle disposait d'une autre offre d'acquisition et qu'elle n'a pas fait état de son opposition à la clause de substitution dans la première version du compromis communiqué le 26 juin 2020, sont la preuve de ce que son objectif final était de ne pas contracter et de ce qu'elle a tiré prétexte de ce qu'ils refusent la suppression de la clause de substitution pour rompre abusivement les pourparlers. Ils estiment avoir été privés pendant cette période de poursuivre l'achat d'autres biens et d'avoir acheté en hâte un autre bien ne répondant pas à leur critère géographique, alors qu'ils avaient quitté leur précédent logement.
Mme [H] soutient que la preuve d'une faute de sa part et d'un préjudice moral en lien ne sont pas apportés par les époux [W]. Elle relève que les époux [W] ont signé une promesse de vente de leur nouvelle résidence deux semaines après avoir rompu les pourparlers avec elle, le 12 août 2020. Elle dénonce comme purement mensongère l'allégation suivant laquelle elle entendait vendre à un promoteur à un prix plus élevé. Elle rappelle qu'elle dispose du libre choix de contracter avec qui elle le souhaite, qu'elle a toujours été de bonne foi et qu'il ne peut lui être fait grief d'avoir abusivement rompu les pourparlers pour ne pas avoir accepté de nouvelles conditions. Elle énonce qu'elle est profane en matière financière et qu'elle pouvait légitimement s'interroger sur l'opération de murabaha et de demander des compléments d'information - qu'elle n'a pas obtenus- avant de s'engager.
Sur ce,
Vu les articles 1112 et 1240 du code civil;
Il résulte de ce qui précède que la mauvaise foi de Mme [H] ne peut se déduire de son refus d'accepter la modification d'une condition essentielle du contrat à savoir, la substitution de son cocontractant et l'intimée est fondée à rappeler qu'elle dispose de la pleine liberté contractuelle de contracter avec le co-contractant de son choix, énoncée à l'article 1102 du code civil.
Le grief tiré de ce qu'elle a feint son ignorance sur le mécanisme financier qui lui était proposé pour le refuser repose sur des affirmations non démontrées - le seul fait que le mari de Mme [H] ait été directeur financier par le passé ne permettant d'apporter cette preuve- et le fait que ce mode de financement était avantageux à la venderesse est sans emport sur sa liberté d'accepter ou de refuser une substitution de co-contractant.
En outre, le fait que Mme [H] ait successivement demandé des modifications du compromis pour y introduire la mention d'une précédente procédure de troubles du voisinage ou l'absence de bornage de la parcelle sont des précisions s'attachant à des éléments établis qui ne peuvent être regardées en soi comme visant à dissuader les acquéreurs de procéder à l'achat alors même que Mme [H] énonce justement que ces mentions permettent une plus grande transparence sur la situation du bien.
Enfin, l'affirmation suivant laquelle Mme [H] voulait se dédire de son engagement envers les époux [W] n'est pas étayée, alors même qu'il résulte des pièces de procédure qu'à plusieurs reprises après l'accord de principe du 4 juin 2020 précité Mme [H] a réaffirmé sa volonté de vendre aux époux [W] et qu'à ce jour, il n'est ni allégué ni démontré que le bien de Mme [H] ait été vendu.
Les époux [W] échouant à démontrer la mauvaise foi de Mme [H] dans les négociations des modalités de financement et l'existence d'une rupture des pourparlers lui étant imputable, le jugement ayant rejeté la demande indemnitaire des époux [W] doit être confirmé.
Sur la demande indemnitaire de Mme [H]
Mme [H] fait valoir qu'elle n'a pas été à l'origine de la rupture des pourparlers, qu'elle est restée vainement en l'attente d'éléments complémentaires sur les modalités l'opération de financement voulue par les époux [W] et que ce sont ces derniers qui y ont mis un terme en l'assignant. Elle souligne le ton désobligeant des conclusions des époux [W] et les fausses intentions qu'ils lui prêtent; elle indique que les époux [W], qui ont acquis leur résidence principale peu de temps après avoir rompu les négociations pour l'achat de son bien, n'ont pas d'intérêt à poursuivre la vente forcée et que l'introduction de la présente procédure bloque la vente au profit des tiers.
Pour s'opposer à la demande de dommages-intérêts reconventionnelle de l'intimée, les époux [W] contestent avoir bloqué Mme [H] dans la vente de son bien, aucune malveillance ne guidant la délivrance de leur assignation et rappellent qu'ils n'ont pas fait publier cette dernière de sorte que le vente pouvait être poursuivie aux risques et périls de cette dernière. Ils indiquent que le certificat médical produit par Mme [H] ne démontre ni leur faute, ni le préjudice en lien allégué par Mme [H].
Sur ce,
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile, ensemble l'article 1240;
Pour caractériser l'abus de procédure des époux [W], Mme [H] se fonde notamment sur le fait que les époux [W] aient acquis un autre bien pour le même usage que celui auquel elle destinait le sien, à savoir, une résidence principale. Néanmoins, comme l'indiquent les époux [W], Mme [H] ne peut présumer du fait que ceux-ci ont dès lors définitivement abandonné le souhait de voir établir leur résidence dans le bien qu'elle détient toujours.
En outre, le fait que la rupture des négociations ne soit pas imputable à Mme [H] n'implique pas, en soi, le caractère abusif de la délivrance de l'assignation en vente forcée, la stratégie procédurale des époux [W] ayant pu être guidée par le ressenti des époux [W] que Mme [H] multiplierait les demandes pour voir entraver les négociations alors que, comme l'a relevé le premier juge, la première version de l'acte notarié prévoyant une clause de substitution a été adressé à Mme [H] le 26 juin 2020 et elle ne s'y est définitivement opposée qu'au 6 août 2020.
Par ailleurs, comme l'indiquent les époux [W], il n'est pas établi que la présente action ait donné lieu à publication, de sorte que même si celle-ci crée une incertitude pour Mme [H] quant à la vente du bien, toute vente à un tiers n'est pas juridiquement empêchée durant le cours de la présente instance.
Enfin, Mme [H] ne conclut pas au caractère manifestement voué à l'échec des prétentions des époux [W] même s'il est possible de s'interroger sur la contradiction potentielle à obtenir une décision judiciaire constatant le caractère parfait de la vente intervenue entre eux et Mme [H] tout en affirmant une volonté de recourir à un mécanisme de financement impliquant qu'ils ne soient pas co-contractants de Mme [H] à l'acte de vente.
En conséquence de ce qui précède, l'abus allégué par Mme [H] est insuffisamment caractérisé.
Le jugement ayant rejeté sa demande indemnitaire à ce titre sera confirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile;
Les époux [W], qui succombent, supporteront les dépens.
L'équité commande en outre de les condamner à verser à Mme [H] la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de l'appel et de réformer le jugement ayant rejeté la demande au même titre de Mme [H] pour condamner les appelants à lui verser la somme de 2.000 euros de frais irrépétibles en première instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement en dernier ressort,
- Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de frais irrépétibles de Mme [H], épouse [F] ;
- L'infirme dans cette mesure ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- Condamne in solidum Mme [L] épouse [W] et M. [W] à verser à Mme [H], épouse [F], la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;
- Condamne in solidum Mme [L] épouse [W] et M. [W] à verser à Mme [H], épouse [F], la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
- Condamne in solidum Mme [L] épouse [W] et M. [W] aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Madame Pauline FLAUSS, conseillère à la Cour d'Appel de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION,le président étant empêché, et par Malika STURM, greffière placée à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE P/ LE PRÉSIDENT