CA Grenoble, ch. com., 25 septembre 2025, n° 24/01749
GRENOBLE
Arrêt
Autre
N° RG 24/01749 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MHVQ
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL DEJEAN-PRESTAIL
Me Maxime ARBET
Me Laurent MAGUET
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 25 SEPTEMBRE 2025
Appel d'un jugement (N° RG 23/00486)
rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 8]
en date du 19 mars 2024
suivant déclaration d'appel du 30 avril 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. H.E.R.P. immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de LYON sous le numéro 751 216 656, représentée son gérant en exercice, Monsieur [L] [E], domicilié en cette qualité audit
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Sophie PRESTAIL de la SELARL DEJEAN-PRESTAIL, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉS :
Mme [N] [P] épouse [B]
née le 03 Novembre 1966 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
M. [O] [B]
né le 08 Septembre 1964 à [Localité 9]
[Adresse 7]
[Localité 5]
représentés par Me Maxime ARBET, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Thomas COURADE, avocat au barreau de LYON,
S.C.I. AUTO TIGNIEU inscrite au RCS de [Localité 11] sous le numéro 337 936 256, prise en la personne de son représentant légal en exercice.
[Adresse 10]
[Localité 4]
représentée par Me Laurent MAGUET de la SCP MAGUET & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 juin 2025, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour
Faits et procédure :
1. Par acte sous seing privé en date du 22 juillet 2015, la Sci Auto Tignieu a donné à bail commercial à la Sarl RC Auto un local dans un tènement immobilier sis à Tignieu Jameyzieu. Le contrat de bail a pris effet au 1er août 2015 moyennant un loyer mensuel de 1.000 euros HT soit 1.200 euros TTC. La Sarl Herp, [N] [P] épouse [B] et [O] [B] ont signé un acte intitulé "engagement de caution solidaire" au titre du règlement des loyers, charges, taxes, impôts, indemnités d'occupation, réparations locatives et tous intérêts, indemnités et frais éventuels de procédure au titre du bail consenti à la Sarl RC Auto.
2. Le 30 juin 2021, un incendie détruisait partiellement les locaux objet du bail. Par jugement du tribunal de commerce de Vienne du 30 août 2022, la Sarl RC Auto a été placée en liquidation judiciaire.
3. Considérant que des loyers sont demeurés impayés par la société RC Auto depuis le 1er septembre 2021, la Sci Auto Tignieu a assigné devant le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu la Sarl Herp, [N] [P] épouse [B] et [O] [B] en leur qualité de cautions solidaires afin de les voir condamnés à lui verser le solde des loyers impayés.
4. Par jugement du 19 mars 2024, le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu a :
- rejeté les demandes formées par la Sci Auto Tignieu à l'encontre de [O] [B] et de [N] [P] épouse [B] ;
- condamné la Sarl Herp à payer à la Sci Auto Tignieu la somme de 18.730,77 euros au titre des loyers impayés par la Sarl RC Auto du 1er septembre 2021 au 8 septembre 2022 ;
- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire ;
- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la Sarl Herp aux dépens ;
- rappelé que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de plein droit.
5. La Sarl Herp a interjeté appel de cette décision le 30 avril 2024 en ce qu'elle a :
- condamné la Sarl Herp à payer à la Sci Auto Tignieu la somme de 18.730,77 euros au titre des loyers impayés par la Sarl RC Auto du 1er septembre 2021 au 8 septembre 2022 ;
- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire ;
- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la Sarl Herp aux dépens.
6. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 15 mai 2025.
Prétentions et moyens de la Sarl Herp :
7. Selon ses conclusions n°3 remises par voie électronique le 10 mars 2025, elle demande à la cour, au visa des articles 1722, 1358, 1103, 1347-6, 2294, 2313, 1719, 1219, 2309 et 606 du code civil, de l'article L.223-18 du code de commerce, des articles 564, 565, 566 et 700 du code de procédure civile, de réformer et infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- condamné la concluante à payer à la société Sci Auto Tignieu la somme de 18.730,77 euros au titre des loyers impayés par la Sarl RC Auto du 1er septembre 2021 au 8 septembre 2022 ;
- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire;
- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jugement;
- ordonné la capitalisation des intérêts ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la concluante aux dépens.
8. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, à titre principal :
- de juger recevable la demande de nullité de l'engagement de caution régularisé par la concluante au profit de la Sci Auto Tignieu ;
- de prononcer la nullité de l'engagement de caution régularisé par la concluante au profit de la Sci Auto Tignieu ;
- de débouter la société Sci Auto Tignieu de sa demande tendant à déclarer irrecevable la demande de nullité du cautionnement de l'engagement de caution régularisé par la concluante au profit de la Sci Auto Tignieu ;
- de débouter la société Sci Auto Tignieu de sa demande de paiement de la somme de 18.730,77 euros au titre de l'engagement de caution de la concluante ainsi que des intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2023 et jusqu'au parfait paiement suivant décompte arrêté au 14 décembre 2022.
9. Elle demande, à titre subsidiaire :
- de prononcer l'extinction du cautionnement donné par la concluante au 30 juin 2021 par l'extinction de l'obligation principale en raison de la résiliation de plein droit du bail commercial à cette date ;
- de 'prononcer' que la poursuite des relations entre la société RC Auto et la société Sci Auto Tignieu, à la supposer établie, constitue un nouveau bail à compter du 1er juillet 2021 pour lequel la concluante ne s'est pas portée caution solidaire ;
- de 'prononcer' que l'engagement de caution de la concluante a cessé au jour de la résiliation du bail initial au 30 juin 2021.
10. Elle demande, à titre infiniment subsidiaire :
- de juger recevable la demande de compensation entre les loyers et le dépôt de garantie versé ;
- de débouter la société Sci Auto Tignieu de sa demande tendant à déclarer irrecevable la demande de compensation entre les loyers dus par la société RC Auto et le dépôt de garantie versé ;
- de débouter la société Sci Auto Tignieu de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la concluante en raison de l'exception d'inexécution en raison des manquements de la société bailleresse ;
- de limiter le quantum à la somme de 16.730,77 euros dans le cadre de l'opposition de l'exception de compensation.
11. Elle demande, en tout état de cause :
- de débouter la société Sci Auto Tignieu de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions d'appel ;
- de débouter toutes demandes, prétentions, fins et moyens contraires ;
- de condamner la société Sci Auto Tignieu à payer à la concluante la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société Sci Auto Tignieu aux entiers dépens de première instance et d'appel.
12. L'appelante expose :
13. - concernant la nullité de son engagement de caution, que la concluante a pour objet social l'entretien, les réparations et le remplacement des installations thermiques et sanitaires, dont les systèmes de chauffage, de climatisation, ventilation, les réseaux, ce qui est un objet distinct de celui de la société RC Auto qui porte sur la mécanique générale et la carrosserie sur véhicules légers ; que le cautionnement n'entre pas ainsi dans l'objet social de la concluante ;
14. - que le bailleur savait ainsi que cet engagement dépassait l'objet social de la concluante, qui était indiqué dans l'acte, et sur les statuts et l'extrait K-bis communiqués préalablement ;
15. - qu'il n'existe aucune communauté d'intérêt entre la concluante et la société RC Auto, puisqu'elles n'ont pas de dirigeant commun et n'entretiennent aucun lien économique, n'appartenant pas au même groupe, ne retirant aucun revenu l'une de l'autre et étant totalement indépendantes ;
16. - que la concluante n'a retiré aucune contrepartie de cet engagement ;
17. - que le cautionnement n'a ainsi pas été valablement donné par la concluante ;
18. - que si la Sci Auto Tignieu soutient que cette demande de nullité est irrecevable pour être nouvelle en cause d'appel, il résulte des articles 564 et 566 du code de procédure civile qu'elle ne tend qu'aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, à savoir faire écarter les prétentions adverses, même si leur fondement juridique est différent ; qu'il s'agit d'une prétention qui est l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, puisque le litige concerne le cautionnement de la concluante et des époux [B] ainsi que la résiliation du bail dans son ensemble ;
19. - subsidiairement, sur l'extinction du cautionnement, qu'il s'agit d'un contrat accessoire dépendant du contrat principal ; qu'il résulte de l'article 1722 du code civil que si en cours de bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; que le bail a repris cette disposition, y compris concernant une destruction partielle des locaux, de sorte que les parties n'ont pas renoncé à l'application de l'article précité ;
20. - qu'en l'espèce, l'incendie survenu le 30 juin 2021 a détruit le bâtiment donné à bail, de sorte que cette destruction a entraîné la résiliation de plein droit du bail commercial ;
21. - que si le bailleur soutient que le preneur a expressément souhaité la poursuite du bail malgré l'incendie, il ne peut soutenir que le contrat s'est poursuivi jusqu'au 8 septembre 2022 à la demande du preneur par courrier du 4 août 2021, puisque ce courrier a été adressé à la régie Gasc Battistella
qui n'est pas le bailleur alors que seules les parties peuvent déroger à l'application de l'article 1722; que la concluante n'a pas été destinataire de ce courrier, lequel ne lui est pas opposable ;
22. - que le si mandataire judiciaire du preneur a procédé à la résiliation du bail, c'est en raison du fait que ni le preneur, ni la régie Gasc Battistella n'ont communiqué le courrier relatif à la poursuite du bail ;
23. - que la demande de poursuite du bail a été adressée plus d'un mois après la résiliation de plein droit, et sous la condition d'une dispense de paiement des loyers pendant la remise en état du bien, ce que le bailleur n'a pas accepté, puisqu'il réclame les loyers postérieurs à la résiliation ; en outre, qu'en l'absence de reconstruction, le preneur n'a pu reprendre son activité, ce qui a entraîné sa liquidation judiciaire ;
24. - que le bail ayant été ainsi résilié de plein droit, puis renouvelé par le preneur seul, il s'agit d'un nouveau bail, auquel les cautions n'ont pas été parties ;
25. - subsidiairement, concernant l'exception d'inexécution, que le bail a mis à la charge du bailleur les grosses réparations visées à l'article 606 du code civil ; que suite à l'incendie ayant entièrement détruit les locaux, ceux-ci sont devenus impropres à leur usage, alors que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance en n'ayant pas engagé les grosses réparations afin de maintenir les locaux clos et couverts ;
26. - concernant la limitation de l'engagement de la caution, qu'il doit être limité à la dette du débiteur principal ; qu'en l'espèce, le bailleur a produit, en première instance, un décompte arrêté à 18.730,77 euros, ne tenant pas compte du dépôt de garantie de 2.000 euros versé par le preneur, somme devant venir en déduction des loyers réclamés ;
27. - que si le bailleur soulève l'irrecevabilité de cette demande au motif qu'elle serait nouvelle en cause d'appel, il ne s'agit que d'une exception de compensation, rattachée aux prétentions originaires, qui n'est pas ainsi nouvelle au sens des articles 564 et 566 du code de procédure civile.
Prétentions et moyens de la Sci Auto Tignieu :
28. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 22 octobre 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 1103, 1722 et 2288 et suivants du code civil, 564 et 954 du code de procédure civile, sur l'appel principal formé par la Sarl Herp :
- de juger irrecevables la demande nouvelle formulée en cause d'appel de nullité de l'engagement de caution régularisé par la société Herp au profit de la concluante et la demande nouvelle formulée en cause d'appel de compensation entre les loyers dus par la société RC Auto et le dépôt de garantie versé ;
- pour le surplus, de débouter la Sarl Herp de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions figurant dans le dispositif de ses écritures d'appel ;
- en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'appelante à payer à la concluante la somme de 18.730,77 euros au titre des loyers impayés par la Sarl RC Auto du 1er septembre 2021 au 8 septembre 2022 ; a dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jugement ; a ordonné la capitalisation des intérêts.
29. Formant appel incident, elle demande de :
- juger recevable et bien fondé l'appel incident de la concluante, et ainsi d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la concluante à l'encontre de [O] [B] et de [N] [P] épouse [B] ; a dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jugement ; a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- statuant à nouveau, de juger que les engagements de cautions solidaires régularisés par [N] [B] et [O] [B] sont parfaitement valables ;
- de juger que le bail commercial du 22 Juillet 2015 s'est poursuivi jusqu'au 8 septembre 2022 ;
- de juger qu'aucune exception d'inexécution à l'obligation de payer les loyers résultant du bail commercial du 22 Juillet 2015 ne peut valablement être opposée par les cautions solidaires ;
- de condamner ainsi solidairement avec la Sarl Herp, [N] [B] et [O] [B] à payer à la concluante la somme de 18.730,77 euros au titre de leurs engagements de caution ;
- de juger que la condamnation à intervenir portera intérêt au taux légal à compter du 16 janvier 2023, date des mises en demeures adressées par huissier de justice aux cautions solidaire, et ce jusqu'à parfait règlement ;
- de débouter [N] [B] et [O] [B] de leurs demandes de délais de paiement ;
- de débouter [N] [B] et [O] [B] de toute autre demande ;
- de condamner solidairement la Sarl Herp, [N] [B] et [O] [B] à payer à la concluante la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;
30. Concernant l'appel incident formé par les époux [B], l'intimée demande de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- en conséquence, de juger que les consorts [B] ne développent aucun moyen au soutien de cette prétention dans leurs conclusions d'appel incident; - de juger que la cour n'est donc pas saisie de cette demande d'infirmation ;
- de débouter les consorts [B] de leur demande de condamnation de la concluante à payer à chacun d'eux la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance.
31. Elle demande, en tout état de cause :
- de condamner solidairement la Sarl Herp, [N] [B] et [O] [B] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- de condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens de l'instance d'appel.
32. La Sci Auto Tignieu indique :
33. - concernant l'irrecevabilité de la demande de l'appelante concernant l'annulation de son engagement, qu'elle est nouvelle devant la cour, puisqu'en première instance, elle demandait de confirmer la résiliation du bail au 30 juin 2021 et de constater l'extinction de son engagement, et subsidiairement, opposait l'exception d'inexécution pour justifier le défaut de paiement des loyers par le preneur ; que n'ayant jamais remis en cause la validité du cautionnement, elle est ainsi irrecevable en cette demande ;
34. - sur le fond, que cet engagement est valide, puisque selon l'article L223-18, la société à responsabilité limitée est engagée, dans ses rapports avec les tiers, même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'intérêt social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que cet acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve ; ainsi, qu'une contrariété à l'intérêt social n'est pas, par elle-même, une cause de nullité (Com 12 mai 2015 n°13-28.504 et 16 octobre 2019 n°18-19.373) ; ainsi, que si l'appelante démontrait que l'engagement pris par son gérant était contraire à l'intérêt social, ce qui n'est pas établi, cela ne constituerait pas une cause de nullité du cautionnement ;
35. - qu'il appartient en effet à l'appelante de démontrer que la concluante était de mauvaise foi lors de l'engagement, d'autant qu'elle n'établit pas que les statuts et le kbis aient été remis lors de sa signature, alors que la concluante était dans l'impossibilité de savoir ce qui relevait de l'objet social ; que les mentions figurant dans l'acte rempli par le gérant, M.[T], sont insuffisantes (« profession : plomberie, chauffage, VMC, climatisation »), car n'expliquant pas que l'objet social excluait la souscription d'un cautionnement ; que la concluante, tiers de bonne foi, n'a pas à subir les décisions prises par le gérant ;
36. - subsidiairement, concernant une prétendue extinction du cautionnement, en raison de l'incendie survenu le 30 juin 2021, que l'article 1722 du code civil n'est pas d'ordre public, de sorte que les parties au bail peuvent y déroger ;
37. - que tel a été le cas puisque par courrier du 4 août 2021, le preneur a expressément sollicité la poursuite du bail malgré l'incendie, et a continué à payer les loyers de juillet et août, le premier loyer impayé étant celui du mois de septembre ;
38. - que le bail s'est ainsi poursuivi jusqu'au 8 septembre 2022, date à laquelle Me [A], mandataire judiciaire, a résilié le bail, ce qui confirme qu'il n'avait pas été résilié antérieurement du fait de l'incendie ; que la jurisprudence citée par l'appelante prévoit seulement qu'en cas de perte totale de la chose louée, le bail peut déroger au principe de la résiliation de plein droit ;
39. - que le bail n'ayant pas ainsi été résilié, les obligations des cautions ne se sont pas éteintes ;
40. - s'agissant d'une prétendue inopposabilité du renouvellement du bail à l'appelante, que cette argumentation est irrecevable devant la cour en raison du principe de la concentration des moyens, puisque l'appelante ne l'a pas développée en première instance ;
41. - sur le fond, qu'il n'y a pas eu de résiliation du bail, et ainsi aucun renouvellement ; qu'un unique bail s'est poursuivi, puisque le preneur a seulement demandé à « maintenir le bail malgré la destruction partielle du bien » ; que ce courrier a été adressé à la régie en charge de la gestion de l'immeuble, et s'est ainsi imposé au bailleur, alors qu'aucune disposition n'imposait qu'il soit communiqué à la caution ;
42. - concernant la demande plus subsidiaire fondée sur une exception d'inexécution en raison du manquement du bailleur à son obligation de délivrance, que l'incendie n'a affecté qu'une partie des locaux, alors que le preneur a renoncé à la résiliation et ainsi à opposer tout manquement à l'obligation de délivrance ;
43. - concernant l'exception de compensation, qu'elle est nouvelle et ainsi irrecevable devant la cour ;
44. - sur le fond, que cette demande est mal fondée, puisque l'objet du dépôt de garantie est de couvrir d'éventuelles réparations à effectuer après le départ du locataire, alors que tel n'a pas été le cas compte tenu de l'incendie ;
45. - concernant l'appel incident dirigé contre les époux [B], que leur cautionnement est valide, puisque la concluante n'a pas la qualité de créancier professionnel, de sorte que l'article L341-2 du code de la consommation n'a pas à s'appliquer, contrairement à l'appréciation du tribunal ; que le fait que le bail soit commercial et que le loyer soit assujetti à la TVA est sans effet sur cette qualité, puisque n'importe quelle personne physique peut donner à bail commercial un local ; que la concluante est une société civile familiale, créée par les époux [R] âgés de 76 et 73 ans à des fins successorales, les parts sociales ayant été données à leurs enfants, et afin que les loyers constituent leur pension de retraite; que si l'objet social est l'apport, l'achat, la gestion, l'administration par bail, la vente et l'échange de tout immeuble bâti, cela ne correspond qu'à l'objet classique de toute société civile immobilière, alors que l'article liminaire du code de la consommation définit comme professionnelle toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ;
46. - subsidiairement, que les engagements des époux [P] comportent les mentions exigées par l'article 341-2, les mentions manuscrites reprenant le montant maximal de l'engagement par référence au montant du loyer et de l'indice d'indexation, sa durée maximale de neuf ans, la référence à l'obligation garantie, le nom du créancier et la mention de la renonciation aux bénéfices de division et de discussion ;
47. - s'agissant de la demande de délais de paiement des époux [B], qu'ils ont bénéficié de fait de délais, alors qu'ils ne justifient pas de réelles difficultés ;
48. - concernant le point de départ des intérêts, qu'il doit être situé au 16 janvier 2023, date de la sommation de payer adressée aux cautions solidaires, et non à compter du prononcé du jugement, au regard de l'article 1231-6 du code civil ;
49. - concernant les frais irrépétibles, qu'au regard de l'objet de la concluante et de ses associés, il était équitable de lui allouer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, puisque les époux [R] ont dû engager une procédure après ne plus avoir perçu de loyers pendant plus d'un an ;
50. - concernant l'appel incident des époux [B] concernant leurs frais irrépétibles, qu'ils ne développement aucun moyen au soutien de leur demande, de sorte que la cour n'est pas saisie de cette demande au titre de l'article 954 du code de procédure civile.
Prétentions et moyens de [N] [P] épouse [B] et de [O] [B] :
51. Selon leurs conclusions n°1 remises par voie électronique le 6 janvier 2025, ils demandent à la cour, au visa des articles L.341-2 du code de la consommation en vigueur à la date de souscription des engagements de caution, 606, 1719, 1722, 1219 et 1343-5 du code civil :
- de faire droit à leur appel incident ;
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la Sci Auto Tignieu à l'encontre des concluants ;
- de l'infirmer en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- statuant à nouveau, à titre principal, de prononcer la nullité des engagements de caution régularisés par les concluants au profit de la Sci Auto Tignieu ;
- à titre subsidiaire, de débouter la société Sci Auto Tignieu de ses demandes dirigées à l'encontre des concluants du fait de la résiliation de plein droit du bail intervenue le 30 juin 2021 ;
- de débouter la société Sci Auto Tignieu de ses demandes dirigées à l'encontre des concluants, ces derniers étant bien fondés à se prévaloir d'une exception d'inexécution ;
- à titre très subsidiaire, d'accorder aux concluants les plus larges délais de paiement ;
- en tout état de cause, de rejeter toutes demandes, prétentions, fins et moyens contraires ;
- d'écarter l'exécution provisoire de droit, s'agissant de toutes condamnations éventuellement prononcées à l'encontre des concluants ;
- de condamner la société Sci Auto Tignieu à payer aux concluants la somme de 2.500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;
- de condamner la société Sci Auto Tignieu à payer aux concluants la somme de 2.500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- de condamner la Sci Auto Tignieu aux entiers dépens de première instance et d'appel.
52. Les intimés soutiennent :
53. - concernant la nullité de leur engagement, que l'article L341-2 du code de la consommation prévoit, pour les cautionnements souscrits par une personne physique au profit d'un créancier professionnel, l'apposition d'une mention manuscrite par la caution, à peine de nullité ; que la jurisprudence a donné une portée large à la notion de créancier professionnel, en le définissant comme celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale (Civ 1, 9 juillet 2009 n°08-15.910) ; que le créancier est toujours professionnel dès lors qu'il intervient dans le cadre de son activité principale, ce qui est le cas d'une société civile immobilière exerçant une activité de location de biens professionnels ; que la qualité de non professionnel d'une Sci ne s'apprécie pas au regard de la qualité de son représentant légal (Civ 3, 17 octobre 2019 n°18-18.469) ;
54. - qu'en l'espèce, l'objet social du bailleur est la gestion et la location de biens immobiliers, lesquelles constituent également son activité principale ; que c'est à l'occasion de cette activité qu'il a donné à bail les locaux professionnels en vue de l'exercice d'une activité de garage automobile, et a obtenu les cautionnements ; que le fait qu'il s'agisse d'une société familiale est sans incidence sur sa qualité de créancier professionnel, comme l'âge de ses associés ou leur situation de fortune ; que la Sci Auto Tignieu a ainsi la qualité de créancier professionnel ;
55. - qu'il en résulte que les cautions devaient apposer la mention prescrite par l'article L341-2 du code de la consommation, ce qui n'a pas été le cas comme relevé par le tribunal, de sorte que leur engagement est nul ;
56. - subsidiairement, que le bail a été résilié automatiquement le 30 juin 2021 du fait de la destruction des locaux, ainsi que prévu par l'article 1722 du code civil et le bail ;
57. - que les parties ne se sont pas mises d'accord sur la poursuite du bail, puisque le bailleur n'a jamais accepté la proposition de poursuivre le bail contre un abandon des loyers jusqu'à la réfection des locaux formulée par le preneur ; que c'est ainsi à tort que le tribunal a considéré que le preneur a expressément sollicité la poursuite du bail ;
58. - concernant l'exception d'inexécution résultant du manquement du bailleur à son obligation de délivrance, au titre des articles 1719 et 606 du code civil, obligation reprise par le bail, que l'incendie ayant détruit totalement les locaux, il les a rendus impropres à leur destination commerciale ; que le bailleur n'a pas entrepris les grosses réparations demeurées à sa charge de sorte qu'il a manqué depuis lors à son obligation de délivrance ; que les cautions, tenues à titre accessoire, sont ainsi bien fondées à opposer cette exception ;
59. - concernant la demande de délais de paiement, que la situation des concluants justifie leur octroi.
*****
60. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur la validité de l'engagement des époux [B] :
61. Sur la validité des actes de cautionnement des époux [B], le tribunal a rappelé qu'il résulte des dispositions de l'article L341-2 du code de la consommation ,dans sa version applicable au litige, que « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : En me portant caution de X dans la limite de la somme de couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de'., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X.. n'y satisfait pas lui-même ».
62. Il a indiqué qu'au sens de l'article liminaire du code de la consommation, est considéré comme professionnel « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel », et qu'en l'espèce, il est constant que l'acte de cautionnement signé par monsieur et madame [B] n'a pas repris les mentions imposées par l'article L341-2 du code de la consommation alors en vigueur.
63. Il a noté que si la Sci Auto Tignieu soutient que ces dispositions n'étaient pas applicables à l'acte souscrit par les époux [B] dès lors qu'elle ne saurait être considérée comme un professionnel, toutefois, il résulte des statuts de cette Sci qu'elle a pour objet l'apport, l'achat, la gestion, l'administration par bail ou autrement, la vente, l'échange de tous immeubles bâtis soit professionnel, commercial, industriel ou mixte et de tous terrains à bâtir et construction sur ces terrains d'immeubles soit d'habitation, professionnel, commercial ou industriel. Il en a retiré que le bail conclu avec la Sarl RC Auto, de nature commerciale, entrait bien dans le champ de son objet statutaire et ledit bail précisait d'ailleurs que le loyer était assujetti à la TVA. Il a ainsi considéré que la Sci Auto Tignieu a bien agi en qualité de professionnel et ainsi que l'acte de cautionnement signé par chacun des époux [B] aurait dû reprendre les mentions obligatoires visées à l'article L341-2 du code de la consommation.
64. Le tribunal a, en conséquence, jugé que les deux actes de cautionnement doivent être déclarés nuls et que les demandes de la Sci Auto Tignieu formées à l'encontre de chacun des époux [B] seront rejetées.
65. La cour ne peut qu'approuver ces motifs, au regard des dispositions générales de l'article L341-2 du code de la consommation dans sa rédaction existante lors de la conclusions des cautionnements, puisque le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale. Il résulte ainsi de l'extrait K-bis de la Sci Auto Tignieu que s'il s'agit effectivement d'une Sci familiale, son objet est l'achat et la gestion d'immeubles notamment à destination professionnelle. Elle a ainsi bien la qualité de créancier professionnel au regard de l'article L341-2 ancien du code de la consommation, bien qu'en la forme, il s'agisse d'une société civile.
66. Il en résulte que le jugement déféré ne peut ainsi qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées contre M. et Mme [B], puisqu'il n'est pas contesté que la mention manuscrite prévue par la loi n'a pas été apposée sur leurs actes de cautionnement. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes plus amples des parties concernant les conséquences de ces engagements, ces prétentions étant sans objet.
2) Sur la validité de l'engagement de la société Herp :
67. Concernant la recevabilité de la demande d'annulation de son cautionnement, la cour constate qu'en première instance, la société Herp a demandé de confirmer la résiliation du bail et de débouter le bailleur de sa demande en paiement. Subsidiairement, elle a opposé l'exception d'inexécution, et encore plus subsidiairement, elle a sollicité des délais de paiement. La demande d'annulation formée au titre du dépassement de son objet social est ainsi nouvelle devant la cour.
68. Selon l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel. L'article 561 ajoute que l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel.
69. Selon l'article 563, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
70. L'article 564 dispose cependant qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. L'article 565 précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
71. En la cause, la cour constate qu'en première instance, l'appelante a sollicité le débouté de la Sci Auto Tignieu. Sa prétention concernant le dépassement de son objet social tend aux mêmes fins que celles soumises à titre principal et subsidiaire au premier juge. Elle tend en outre à faire écarter les prétentions du bailleur. Cette prétention est ainsi recevable.
72. Sur le fond, il résulte de l'article L223-18 du code de commerce que dans les rapports avec les tiers, le gérant d'une société à responsabilité limitée est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. La société est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des
circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants qui résultent du présent article sont inopposables aux tiers.
73. En l'espèce, la société Herp a la forme d'une société à responsabilité limitée. Son objet social est la réalisation et l'entretien d'installations thermiques et sanitaires. Il n'est pas contesté qu'elle n'a aucun lien capitalistique ou personnel avec la société RC Auto, dont l'objet social est la mécanique et la carrosserie automobile sur véhicules légers.
74. La cour constate que seuls des extraits d'immatriculation sont produits concernant la société Herp, et non ses statuts. Son objet social, ainsi que précisé ci-dessus, ne résulte que des activités devant être mentionnés sur les extraits du registre du commerce. La société Herp ne rapporte pas ainsi la preuve que le cautionnement litigieux ait dépassé son objet social et les pouvoirs de son gérant, résultant de ses statuts, qui ne sont pas produits.
75. En outre, il résulte des dispositions précitées que la société est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. Or, en la cause, la société Herp ne démontre pas que la société Auto Tignieu a eu connaissance d'un dépassement de ses statuts. Rien n'indique que ces statuts aient été remis au bailleur.
76. Il en résulte que la société Herp est mal fondée à solliciter, pour ce motif, l'annulation de son engagement de caution.
3) Concernant la résiliation du bail et l'exception d'inexécution opposées par la société Herp :
77. S'agissant en premier lieu de la recevabilité de l'exception soulevée par la société Herp concernant le renouvellement du bail, nouvelle en cause d'appel, la cour ne peut que se référer aux motifs développés plus haut concernant la recevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel. Il en résulte que cette exception, opposée au bailleur, est recevable, bien que nouvelle.
78. Sur le fond, le tribunal a rappelé qu'il résulte des dispositions de l'article 1722 du code civil que «si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement ».
79. Le premier juge a également indiqué que le bail conclu entre la Sci Auto Tignieu et la Sarl RC Auto précisait qu'en cas de destruction ou démolition totale ou partielle de l'immeuble, le bail serait résilié purement et simplement sans indemnité.
80. Il a constaté qu'il est constant qu'un incendie a partiellement détruit l'immeuble objet du bail commercial litigieux, et que dès le 4 août 2021 , la Sarl RC Auto a indiqué à la Régie Gasc Battistella qu'elle entendait maintenir son bail malgré la destruction du bien. Ce courrier adressé à la régie en charge de la gestion de l'immeuble s'imposait au bailleur. En outre, aucune disposition légale n'imposait que celui-ci soit transmis à la caution. Il a ajouté que si le bail mentionne qu'il est résilié de plein droit après destruction ou démolition de l'immeuble loué, la Sarl RC Auto était libre d'écarter l'application de cette disposition dont elle était la seule bénéficiaire. En outre, si la Sarl RC Auto a sollicité, par ce même courrier, la suspension
des loyers jusqu'à la fin des travaux de remise en état, aucune disposition légale ou contractuelle ne lui permettait de formuler une telle demande. En effet, les dispositions de l'article 1722 du code civil ne prévoient qu'une possibilité de diminution du loyer, dispositions qui ne sont, par ailleurs, nullement reprises dans le bail commercial.
81. Enfin, le tribunal a indiqué que la Sarl Herp ne saurait invoquer l'exception d'inexécution du bailleur, alors que la Sarl RC Auto a expressément sollicité la poursuite du bail. Il ne saurait donc être reproché à la Sci Auto Tignieu de ne pas avoir respecté son obligation de délivrance alors que son preneur a, malgré la destruction partielle, considéré que celle-ci ne remettait pas en cause le bail.
82. Le premier juge en a retiré qu'il doit être considéré que la Sarl RC Auto demeurait tenue au paiement des loyers et que le cautionnement de la Sarl Herp pouvait toujours être actionné par la Sci Auto Tignieu.
83. La cour ne peut reprendre ces motifs parfaitement développés. Les exceptions que pouvait opposer le preneur ne sont pas d'ordre public, et il a ainsi pu y renoncer en sollicitant la poursuite du bail, renonçant ainsi à l'exception tenant à la perte partielle des locaux.
84. La cour ajoute en outre que selon le procès-verbal de constatation relatif aux causes de l'incendie et à l'évaluation des dommages, réalisé par l'assureur de la société RC Auto, le feu est parti de l'intérieur du véhicule d'un client qui l'avait déposé au garage. Il ne peut ainsi être fait aucun reproche au bailleur concernant l'origine de cet incendie et ainsi un manquement à son obligation de délivrance, d'autant que l'origine de l'incendie se situant dans un véhicule remis au preneur pour travaux, la responsabilité de celui-ci peut être engagée.
85. En outre, le courrier du preneur adressé le 4 août 2021 à la régie chargée par le bailleur d'administrer la location indique que sur la base de l'article 1722 du code civil, le preneur demande le maintien du bail malgré la destruction du bien. Ce courrier a été adressé à un représentant du bailleur, disposant d'un mandat de gérer la location, et il est parfaitement valable à ce titre.
86. Au demeurant, suite à l'ouverture de la procédure collective concernant la RC Auto, le mandataire judiciaire a dû résilier le bail, ce qui confirme qu'il a été maintenu à la demande du preneur. Suite à l'incendie, le preneur a poursuivi le paiement des loyers pendant deux mois, et avant qu'il sollicite la poursuite du bail malgré la destruction des locaux. Il n'y a pas eu ainsi de résiliation du bail suivi de la conclusion d'un nouveau bail qui n'aurait pas alors été cautionné par la société Herp.
87. Il en résulte que cette caution reste tenue des loyers impayés jusqu'à la résiliation du bail par le mandataire judiciaire le 8 septembre 2022.
4) Concernant l'exception de compensation :
88. Cette exception opposée par l'appelante est recevable, bien que nouvelle devant la cour, au titre de l'article 564 du code de procédure civile, qui prévoit son admission expressément.
89. S'agissant du bien fondé de cette exception, la cour ne peut que constater que pendant le bail, le preneur doit prendre soin de la chose et l'article 1733 du code civil dispose qu'il répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine.
90. Or, il a été indiqué plus haut que l'incendie a débuté dans un véhicule remis au preneur pour réparation, sur lequel il disposait ainsi d'un pouvoir de direction. Il n'est justifié ni d'un cas fortuit, ni d'une force majeure. Il en résulte que la demande de compensation entre l'arriéré locatif et le dépôt de garantie versé par le preneur ne peut qu'être rejetée.
*****
91. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris concernant le point de départ des intérêts légaux, la société Auto Tignieu ayant demandé d'abord expressément la confirmation de la décision entreprise sur ce point, de sorte qu'elle ne peut remettre en question ensuite la date du point de départ des intérêts dans son appel incident.
92. La cour précise qu'elle ne peut que débouter les époux [B] de leur demande d'écarter l'exécution provisoire, puisqu'un arrêt rendu en dernier ressort est nécessairement exécutoire, le pourvoi en cassation n'ayant pas d'effet suspensif.
93. Il est équitable de condamner l'appelante à payer à la société Auto Tignieu la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. Il est en outre équitable de laisser aux époux [B] la charge de leurs frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel, d'autant qu'ils ont été intimés par la société Herp, et non par la Sci Auto Tignieu, même si celle-ci a ensuite formé un appel incident à leur encontre.
94. La société Herp sera condamnée aux dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu l'article L341-2 (ancien) du code de la consommation, l'article L223-18 du code de commerce, les articles 1722, 1732 et 1733 du code civil, les articles 542, 561 et suivants du code de procédure civile ;
Déclare recevables mais mal fondées les exceptions opposées devant la cour par la société Herp ;
Confirme en conséquence le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant,
Déboute M. et Mme [B] de leur demande d'écarter l'exécution provisoire du présent arrêt ;
Déboute M. et Mme [B] de leur demande de condamnation formée contre la société Auto Tignieu sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et laisse à leur charge les frais occasionnés sur ce fondement en cause d'appel ;
Condamne la société Herp à payer à la Sci Auto Tignieu la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Herp aux dépens d'appel ;
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente
C4
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL DEJEAN-PRESTAIL
Me Maxime ARBET
Me Laurent MAGUET
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 25 SEPTEMBRE 2025
Appel d'un jugement (N° RG 23/00486)
rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de [Localité 8]
en date du 19 mars 2024
suivant déclaration d'appel du 30 avril 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. H.E.R.P. immatriculée au Registre du commerce et des sociétés de LYON sous le numéro 751 216 656, représentée son gérant en exercice, Monsieur [L] [E], domicilié en cette qualité audit
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Sophie PRESTAIL de la SELARL DEJEAN-PRESTAIL, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMÉS :
Mme [N] [P] épouse [B]
née le 03 Novembre 1966 à [Localité 12]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
M. [O] [B]
né le 08 Septembre 1964 à [Localité 9]
[Adresse 7]
[Localité 5]
représentés par Me Maxime ARBET, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et par Me Thomas COURADE, avocat au barreau de LYON,
S.C.I. AUTO TIGNIEU inscrite au RCS de [Localité 11] sous le numéro 337 936 256, prise en la personne de son représentant légal en exercice.
[Adresse 10]
[Localité 4]
représentée par Me Laurent MAGUET de la SCP MAGUET & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière.
DÉBATS :
A l'audience publique du 12 juin 2025, M. BRUNO, Conseiller, a été entendu en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,
Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour
Faits et procédure :
1. Par acte sous seing privé en date du 22 juillet 2015, la Sci Auto Tignieu a donné à bail commercial à la Sarl RC Auto un local dans un tènement immobilier sis à Tignieu Jameyzieu. Le contrat de bail a pris effet au 1er août 2015 moyennant un loyer mensuel de 1.000 euros HT soit 1.200 euros TTC. La Sarl Herp, [N] [P] épouse [B] et [O] [B] ont signé un acte intitulé "engagement de caution solidaire" au titre du règlement des loyers, charges, taxes, impôts, indemnités d'occupation, réparations locatives et tous intérêts, indemnités et frais éventuels de procédure au titre du bail consenti à la Sarl RC Auto.
2. Le 30 juin 2021, un incendie détruisait partiellement les locaux objet du bail. Par jugement du tribunal de commerce de Vienne du 30 août 2022, la Sarl RC Auto a été placée en liquidation judiciaire.
3. Considérant que des loyers sont demeurés impayés par la société RC Auto depuis le 1er septembre 2021, la Sci Auto Tignieu a assigné devant le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu la Sarl Herp, [N] [P] épouse [B] et [O] [B] en leur qualité de cautions solidaires afin de les voir condamnés à lui verser le solde des loyers impayés.
4. Par jugement du 19 mars 2024, le tribunal judiciaire de Bourgoin-Jallieu a :
- rejeté les demandes formées par la Sci Auto Tignieu à l'encontre de [O] [B] et de [N] [P] épouse [B] ;
- condamné la Sarl Herp à payer à la Sci Auto Tignieu la somme de 18.730,77 euros au titre des loyers impayés par la Sarl RC Auto du 1er septembre 2021 au 8 septembre 2022 ;
- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire ;
- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la Sarl Herp aux dépens ;
- rappelé que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de plein droit.
5. La Sarl Herp a interjeté appel de cette décision le 30 avril 2024 en ce qu'elle a :
- condamné la Sarl Herp à payer à la Sci Auto Tignieu la somme de 18.730,77 euros au titre des loyers impayés par la Sarl RC Auto du 1er septembre 2021 au 8 septembre 2022 ;
- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire ;
- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- ordonné la capitalisation des intérêts ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la Sarl Herp aux dépens.
6. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 15 mai 2025.
Prétentions et moyens de la Sarl Herp :
7. Selon ses conclusions n°3 remises par voie électronique le 10 mars 2025, elle demande à la cour, au visa des articles 1722, 1358, 1103, 1347-6, 2294, 2313, 1719, 1219, 2309 et 606 du code civil, de l'article L.223-18 du code de commerce, des articles 564, 565, 566 et 700 du code de procédure civile, de réformer et infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- condamné la concluante à payer à la société Sci Auto Tignieu la somme de 18.730,77 euros au titre des loyers impayés par la Sarl RC Auto du 1er septembre 2021 au 8 septembre 2022 ;
- débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire;
- dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jugement;
- ordonné la capitalisation des intérêts ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la concluante aux dépens.
8. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, à titre principal :
- de juger recevable la demande de nullité de l'engagement de caution régularisé par la concluante au profit de la Sci Auto Tignieu ;
- de prononcer la nullité de l'engagement de caution régularisé par la concluante au profit de la Sci Auto Tignieu ;
- de débouter la société Sci Auto Tignieu de sa demande tendant à déclarer irrecevable la demande de nullité du cautionnement de l'engagement de caution régularisé par la concluante au profit de la Sci Auto Tignieu ;
- de débouter la société Sci Auto Tignieu de sa demande de paiement de la somme de 18.730,77 euros au titre de l'engagement de caution de la concluante ainsi que des intérêts au taux légal à compter du 16 janvier 2023 et jusqu'au parfait paiement suivant décompte arrêté au 14 décembre 2022.
9. Elle demande, à titre subsidiaire :
- de prononcer l'extinction du cautionnement donné par la concluante au 30 juin 2021 par l'extinction de l'obligation principale en raison de la résiliation de plein droit du bail commercial à cette date ;
- de 'prononcer' que la poursuite des relations entre la société RC Auto et la société Sci Auto Tignieu, à la supposer établie, constitue un nouveau bail à compter du 1er juillet 2021 pour lequel la concluante ne s'est pas portée caution solidaire ;
- de 'prononcer' que l'engagement de caution de la concluante a cessé au jour de la résiliation du bail initial au 30 juin 2021.
10. Elle demande, à titre infiniment subsidiaire :
- de juger recevable la demande de compensation entre les loyers et le dépôt de garantie versé ;
- de débouter la société Sci Auto Tignieu de sa demande tendant à déclarer irrecevable la demande de compensation entre les loyers dus par la société RC Auto et le dépôt de garantie versé ;
- de débouter la société Sci Auto Tignieu de l'ensemble de ses demandes formulées à l'encontre de la concluante en raison de l'exception d'inexécution en raison des manquements de la société bailleresse ;
- de limiter le quantum à la somme de 16.730,77 euros dans le cadre de l'opposition de l'exception de compensation.
11. Elle demande, en tout état de cause :
- de débouter la société Sci Auto Tignieu de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions d'appel ;
- de débouter toutes demandes, prétentions, fins et moyens contraires ;
- de condamner la société Sci Auto Tignieu à payer à la concluante la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la société Sci Auto Tignieu aux entiers dépens de première instance et d'appel.
12. L'appelante expose :
13. - concernant la nullité de son engagement de caution, que la concluante a pour objet social l'entretien, les réparations et le remplacement des installations thermiques et sanitaires, dont les systèmes de chauffage, de climatisation, ventilation, les réseaux, ce qui est un objet distinct de celui de la société RC Auto qui porte sur la mécanique générale et la carrosserie sur véhicules légers ; que le cautionnement n'entre pas ainsi dans l'objet social de la concluante ;
14. - que le bailleur savait ainsi que cet engagement dépassait l'objet social de la concluante, qui était indiqué dans l'acte, et sur les statuts et l'extrait K-bis communiqués préalablement ;
15. - qu'il n'existe aucune communauté d'intérêt entre la concluante et la société RC Auto, puisqu'elles n'ont pas de dirigeant commun et n'entretiennent aucun lien économique, n'appartenant pas au même groupe, ne retirant aucun revenu l'une de l'autre et étant totalement indépendantes ;
16. - que la concluante n'a retiré aucune contrepartie de cet engagement ;
17. - que le cautionnement n'a ainsi pas été valablement donné par la concluante ;
18. - que si la Sci Auto Tignieu soutient que cette demande de nullité est irrecevable pour être nouvelle en cause d'appel, il résulte des articles 564 et 566 du code de procédure civile qu'elle ne tend qu'aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, à savoir faire écarter les prétentions adverses, même si leur fondement juridique est différent ; qu'il s'agit d'une prétention qui est l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire, puisque le litige concerne le cautionnement de la concluante et des époux [B] ainsi que la résiliation du bail dans son ensemble ;
19. - subsidiairement, sur l'extinction du cautionnement, qu'il s'agit d'un contrat accessoire dépendant du contrat principal ; qu'il résulte de l'article 1722 du code civil que si en cours de bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; que le bail a repris cette disposition, y compris concernant une destruction partielle des locaux, de sorte que les parties n'ont pas renoncé à l'application de l'article précité ;
20. - qu'en l'espèce, l'incendie survenu le 30 juin 2021 a détruit le bâtiment donné à bail, de sorte que cette destruction a entraîné la résiliation de plein droit du bail commercial ;
21. - que si le bailleur soutient que le preneur a expressément souhaité la poursuite du bail malgré l'incendie, il ne peut soutenir que le contrat s'est poursuivi jusqu'au 8 septembre 2022 à la demande du preneur par courrier du 4 août 2021, puisque ce courrier a été adressé à la régie Gasc Battistella
qui n'est pas le bailleur alors que seules les parties peuvent déroger à l'application de l'article 1722; que la concluante n'a pas été destinataire de ce courrier, lequel ne lui est pas opposable ;
22. - que le si mandataire judiciaire du preneur a procédé à la résiliation du bail, c'est en raison du fait que ni le preneur, ni la régie Gasc Battistella n'ont communiqué le courrier relatif à la poursuite du bail ;
23. - que la demande de poursuite du bail a été adressée plus d'un mois après la résiliation de plein droit, et sous la condition d'une dispense de paiement des loyers pendant la remise en état du bien, ce que le bailleur n'a pas accepté, puisqu'il réclame les loyers postérieurs à la résiliation ; en outre, qu'en l'absence de reconstruction, le preneur n'a pu reprendre son activité, ce qui a entraîné sa liquidation judiciaire ;
24. - que le bail ayant été ainsi résilié de plein droit, puis renouvelé par le preneur seul, il s'agit d'un nouveau bail, auquel les cautions n'ont pas été parties ;
25. - subsidiairement, concernant l'exception d'inexécution, que le bail a mis à la charge du bailleur les grosses réparations visées à l'article 606 du code civil ; que suite à l'incendie ayant entièrement détruit les locaux, ceux-ci sont devenus impropres à leur usage, alors que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance en n'ayant pas engagé les grosses réparations afin de maintenir les locaux clos et couverts ;
26. - concernant la limitation de l'engagement de la caution, qu'il doit être limité à la dette du débiteur principal ; qu'en l'espèce, le bailleur a produit, en première instance, un décompte arrêté à 18.730,77 euros, ne tenant pas compte du dépôt de garantie de 2.000 euros versé par le preneur, somme devant venir en déduction des loyers réclamés ;
27. - que si le bailleur soulève l'irrecevabilité de cette demande au motif qu'elle serait nouvelle en cause d'appel, il ne s'agit que d'une exception de compensation, rattachée aux prétentions originaires, qui n'est pas ainsi nouvelle au sens des articles 564 et 566 du code de procédure civile.
Prétentions et moyens de la Sci Auto Tignieu :
28. Selon ses conclusions remises par voie électronique le 22 octobre 2024, elle demande à la cour, au visa des articles 1103, 1722 et 2288 et suivants du code civil, 564 et 954 du code de procédure civile, sur l'appel principal formé par la Sarl Herp :
- de juger irrecevables la demande nouvelle formulée en cause d'appel de nullité de l'engagement de caution régularisé par la société Herp au profit de la concluante et la demande nouvelle formulée en cause d'appel de compensation entre les loyers dus par la société RC Auto et le dépôt de garantie versé ;
- pour le surplus, de débouter la Sarl Herp de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions figurant dans le dispositif de ses écritures d'appel ;
- en conséquence, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné l'appelante à payer à la concluante la somme de 18.730,77 euros au titre des loyers impayés par la Sarl RC Auto du 1er septembre 2021 au 8 septembre 2022 ; a dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jugement ; a ordonné la capitalisation des intérêts.
29. Formant appel incident, elle demande de :
- juger recevable et bien fondé l'appel incident de la concluante, et ainsi d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la concluante à l'encontre de [O] [B] et de [N] [P] épouse [B] ; a dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du jugement ; a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- statuant à nouveau, de juger que les engagements de cautions solidaires régularisés par [N] [B] et [O] [B] sont parfaitement valables ;
- de juger que le bail commercial du 22 Juillet 2015 s'est poursuivi jusqu'au 8 septembre 2022 ;
- de juger qu'aucune exception d'inexécution à l'obligation de payer les loyers résultant du bail commercial du 22 Juillet 2015 ne peut valablement être opposée par les cautions solidaires ;
- de condamner ainsi solidairement avec la Sarl Herp, [N] [B] et [O] [B] à payer à la concluante la somme de 18.730,77 euros au titre de leurs engagements de caution ;
- de juger que la condamnation à intervenir portera intérêt au taux légal à compter du 16 janvier 2023, date des mises en demeures adressées par huissier de justice aux cautions solidaire, et ce jusqu'à parfait règlement ;
- de débouter [N] [B] et [O] [B] de leurs demandes de délais de paiement ;
- de débouter [N] [B] et [O] [B] de toute autre demande ;
- de condamner solidairement la Sarl Herp, [N] [B] et [O] [B] à payer à la concluante la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;
30. Concernant l'appel incident formé par les époux [B], l'intimée demande de :
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- en conséquence, de juger que les consorts [B] ne développent aucun moyen au soutien de cette prétention dans leurs conclusions d'appel incident; - de juger que la cour n'est donc pas saisie de cette demande d'infirmation ;
- de débouter les consorts [B] de leur demande de condamnation de la concluante à payer à chacun d'eux la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance.
31. Elle demande, en tout état de cause :
- de condamner solidairement la Sarl Herp, [N] [B] et [O] [B] à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- de condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens de l'instance d'appel.
32. La Sci Auto Tignieu indique :
33. - concernant l'irrecevabilité de la demande de l'appelante concernant l'annulation de son engagement, qu'elle est nouvelle devant la cour, puisqu'en première instance, elle demandait de confirmer la résiliation du bail au 30 juin 2021 et de constater l'extinction de son engagement, et subsidiairement, opposait l'exception d'inexécution pour justifier le défaut de paiement des loyers par le preneur ; que n'ayant jamais remis en cause la validité du cautionnement, elle est ainsi irrecevable en cette demande ;
34. - sur le fond, que cet engagement est valide, puisque selon l'article L223-18, la société à responsabilité limitée est engagée, dans ses rapports avec les tiers, même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'intérêt social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que cet acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve ; ainsi, qu'une contrariété à l'intérêt social n'est pas, par elle-même, une cause de nullité (Com 12 mai 2015 n°13-28.504 et 16 octobre 2019 n°18-19.373) ; ainsi, que si l'appelante démontrait que l'engagement pris par son gérant était contraire à l'intérêt social, ce qui n'est pas établi, cela ne constituerait pas une cause de nullité du cautionnement ;
35. - qu'il appartient en effet à l'appelante de démontrer que la concluante était de mauvaise foi lors de l'engagement, d'autant qu'elle n'établit pas que les statuts et le kbis aient été remis lors de sa signature, alors que la concluante était dans l'impossibilité de savoir ce qui relevait de l'objet social ; que les mentions figurant dans l'acte rempli par le gérant, M.[T], sont insuffisantes (« profession : plomberie, chauffage, VMC, climatisation »), car n'expliquant pas que l'objet social excluait la souscription d'un cautionnement ; que la concluante, tiers de bonne foi, n'a pas à subir les décisions prises par le gérant ;
36. - subsidiairement, concernant une prétendue extinction du cautionnement, en raison de l'incendie survenu le 30 juin 2021, que l'article 1722 du code civil n'est pas d'ordre public, de sorte que les parties au bail peuvent y déroger ;
37. - que tel a été le cas puisque par courrier du 4 août 2021, le preneur a expressément sollicité la poursuite du bail malgré l'incendie, et a continué à payer les loyers de juillet et août, le premier loyer impayé étant celui du mois de septembre ;
38. - que le bail s'est ainsi poursuivi jusqu'au 8 septembre 2022, date à laquelle Me [A], mandataire judiciaire, a résilié le bail, ce qui confirme qu'il n'avait pas été résilié antérieurement du fait de l'incendie ; que la jurisprudence citée par l'appelante prévoit seulement qu'en cas de perte totale de la chose louée, le bail peut déroger au principe de la résiliation de plein droit ;
39. - que le bail n'ayant pas ainsi été résilié, les obligations des cautions ne se sont pas éteintes ;
40. - s'agissant d'une prétendue inopposabilité du renouvellement du bail à l'appelante, que cette argumentation est irrecevable devant la cour en raison du principe de la concentration des moyens, puisque l'appelante ne l'a pas développée en première instance ;
41. - sur le fond, qu'il n'y a pas eu de résiliation du bail, et ainsi aucun renouvellement ; qu'un unique bail s'est poursuivi, puisque le preneur a seulement demandé à « maintenir le bail malgré la destruction partielle du bien » ; que ce courrier a été adressé à la régie en charge de la gestion de l'immeuble, et s'est ainsi imposé au bailleur, alors qu'aucune disposition n'imposait qu'il soit communiqué à la caution ;
42. - concernant la demande plus subsidiaire fondée sur une exception d'inexécution en raison du manquement du bailleur à son obligation de délivrance, que l'incendie n'a affecté qu'une partie des locaux, alors que le preneur a renoncé à la résiliation et ainsi à opposer tout manquement à l'obligation de délivrance ;
43. - concernant l'exception de compensation, qu'elle est nouvelle et ainsi irrecevable devant la cour ;
44. - sur le fond, que cette demande est mal fondée, puisque l'objet du dépôt de garantie est de couvrir d'éventuelles réparations à effectuer après le départ du locataire, alors que tel n'a pas été le cas compte tenu de l'incendie ;
45. - concernant l'appel incident dirigé contre les époux [B], que leur cautionnement est valide, puisque la concluante n'a pas la qualité de créancier professionnel, de sorte que l'article L341-2 du code de la consommation n'a pas à s'appliquer, contrairement à l'appréciation du tribunal ; que le fait que le bail soit commercial et que le loyer soit assujetti à la TVA est sans effet sur cette qualité, puisque n'importe quelle personne physique peut donner à bail commercial un local ; que la concluante est une société civile familiale, créée par les époux [R] âgés de 76 et 73 ans à des fins successorales, les parts sociales ayant été données à leurs enfants, et afin que les loyers constituent leur pension de retraite; que si l'objet social est l'apport, l'achat, la gestion, l'administration par bail, la vente et l'échange de tout immeuble bâti, cela ne correspond qu'à l'objet classique de toute société civile immobilière, alors que l'article liminaire du code de la consommation définit comme professionnelle toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel ;
46. - subsidiairement, que les engagements des époux [P] comportent les mentions exigées par l'article 341-2, les mentions manuscrites reprenant le montant maximal de l'engagement par référence au montant du loyer et de l'indice d'indexation, sa durée maximale de neuf ans, la référence à l'obligation garantie, le nom du créancier et la mention de la renonciation aux bénéfices de division et de discussion ;
47. - s'agissant de la demande de délais de paiement des époux [B], qu'ils ont bénéficié de fait de délais, alors qu'ils ne justifient pas de réelles difficultés ;
48. - concernant le point de départ des intérêts, qu'il doit être situé au 16 janvier 2023, date de la sommation de payer adressée aux cautions solidaires, et non à compter du prononcé du jugement, au regard de l'article 1231-6 du code civil ;
49. - concernant les frais irrépétibles, qu'au regard de l'objet de la concluante et de ses associés, il était équitable de lui allouer une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, puisque les époux [R] ont dû engager une procédure après ne plus avoir perçu de loyers pendant plus d'un an ;
50. - concernant l'appel incident des époux [B] concernant leurs frais irrépétibles, qu'ils ne développement aucun moyen au soutien de leur demande, de sorte que la cour n'est pas saisie de cette demande au titre de l'article 954 du code de procédure civile.
Prétentions et moyens de [N] [P] épouse [B] et de [O] [B] :
51. Selon leurs conclusions n°1 remises par voie électronique le 6 janvier 2025, ils demandent à la cour, au visa des articles L.341-2 du code de la consommation en vigueur à la date de souscription des engagements de caution, 606, 1719, 1722, 1219 et 1343-5 du code civil :
- de faire droit à leur appel incident ;
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes formées par la Sci Auto Tignieu à l'encontre des concluants ;
- de l'infirmer en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- statuant à nouveau, à titre principal, de prononcer la nullité des engagements de caution régularisés par les concluants au profit de la Sci Auto Tignieu ;
- à titre subsidiaire, de débouter la société Sci Auto Tignieu de ses demandes dirigées à l'encontre des concluants du fait de la résiliation de plein droit du bail intervenue le 30 juin 2021 ;
- de débouter la société Sci Auto Tignieu de ses demandes dirigées à l'encontre des concluants, ces derniers étant bien fondés à se prévaloir d'une exception d'inexécution ;
- à titre très subsidiaire, d'accorder aux concluants les plus larges délais de paiement ;
- en tout état de cause, de rejeter toutes demandes, prétentions, fins et moyens contraires ;
- d'écarter l'exécution provisoire de droit, s'agissant de toutes condamnations éventuellement prononcées à l'encontre des concluants ;
- de condamner la société Sci Auto Tignieu à payer aux concluants la somme de 2.500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;
- de condamner la société Sci Auto Tignieu à payer aux concluants la somme de 2.500 euros chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- de condamner la Sci Auto Tignieu aux entiers dépens de première instance et d'appel.
52. Les intimés soutiennent :
53. - concernant la nullité de leur engagement, que l'article L341-2 du code de la consommation prévoit, pour les cautionnements souscrits par une personne physique au profit d'un créancier professionnel, l'apposition d'une mention manuscrite par la caution, à peine de nullité ; que la jurisprudence a donné une portée large à la notion de créancier professionnel, en le définissant comme celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale (Civ 1, 9 juillet 2009 n°08-15.910) ; que le créancier est toujours professionnel dès lors qu'il intervient dans le cadre de son activité principale, ce qui est le cas d'une société civile immobilière exerçant une activité de location de biens professionnels ; que la qualité de non professionnel d'une Sci ne s'apprécie pas au regard de la qualité de son représentant légal (Civ 3, 17 octobre 2019 n°18-18.469) ;
54. - qu'en l'espèce, l'objet social du bailleur est la gestion et la location de biens immobiliers, lesquelles constituent également son activité principale ; que c'est à l'occasion de cette activité qu'il a donné à bail les locaux professionnels en vue de l'exercice d'une activité de garage automobile, et a obtenu les cautionnements ; que le fait qu'il s'agisse d'une société familiale est sans incidence sur sa qualité de créancier professionnel, comme l'âge de ses associés ou leur situation de fortune ; que la Sci Auto Tignieu a ainsi la qualité de créancier professionnel ;
55. - qu'il en résulte que les cautions devaient apposer la mention prescrite par l'article L341-2 du code de la consommation, ce qui n'a pas été le cas comme relevé par le tribunal, de sorte que leur engagement est nul ;
56. - subsidiairement, que le bail a été résilié automatiquement le 30 juin 2021 du fait de la destruction des locaux, ainsi que prévu par l'article 1722 du code civil et le bail ;
57. - que les parties ne se sont pas mises d'accord sur la poursuite du bail, puisque le bailleur n'a jamais accepté la proposition de poursuivre le bail contre un abandon des loyers jusqu'à la réfection des locaux formulée par le preneur ; que c'est ainsi à tort que le tribunal a considéré que le preneur a expressément sollicité la poursuite du bail ;
58. - concernant l'exception d'inexécution résultant du manquement du bailleur à son obligation de délivrance, au titre des articles 1719 et 606 du code civil, obligation reprise par le bail, que l'incendie ayant détruit totalement les locaux, il les a rendus impropres à leur destination commerciale ; que le bailleur n'a pas entrepris les grosses réparations demeurées à sa charge de sorte qu'il a manqué depuis lors à son obligation de délivrance ; que les cautions, tenues à titre accessoire, sont ainsi bien fondées à opposer cette exception ;
59. - concernant la demande de délais de paiement, que la situation des concluants justifie leur octroi.
*****
60. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS DE LA DECISION
1) Sur la validité de l'engagement des époux [B] :
61. Sur la validité des actes de cautionnement des époux [B], le tribunal a rappelé qu'il résulte des dispositions de l'article L341-2 du code de la consommation ,dans sa version applicable au litige, que « Toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : En me portant caution de X dans la limite de la somme de couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de'., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X.. n'y satisfait pas lui-même ».
62. Il a indiqué qu'au sens de l'article liminaire du code de la consommation, est considéré comme professionnel « toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel », et qu'en l'espèce, il est constant que l'acte de cautionnement signé par monsieur et madame [B] n'a pas repris les mentions imposées par l'article L341-2 du code de la consommation alors en vigueur.
63. Il a noté que si la Sci Auto Tignieu soutient que ces dispositions n'étaient pas applicables à l'acte souscrit par les époux [B] dès lors qu'elle ne saurait être considérée comme un professionnel, toutefois, il résulte des statuts de cette Sci qu'elle a pour objet l'apport, l'achat, la gestion, l'administration par bail ou autrement, la vente, l'échange de tous immeubles bâtis soit professionnel, commercial, industriel ou mixte et de tous terrains à bâtir et construction sur ces terrains d'immeubles soit d'habitation, professionnel, commercial ou industriel. Il en a retiré que le bail conclu avec la Sarl RC Auto, de nature commerciale, entrait bien dans le champ de son objet statutaire et ledit bail précisait d'ailleurs que le loyer était assujetti à la TVA. Il a ainsi considéré que la Sci Auto Tignieu a bien agi en qualité de professionnel et ainsi que l'acte de cautionnement signé par chacun des époux [B] aurait dû reprendre les mentions obligatoires visées à l'article L341-2 du code de la consommation.
64. Le tribunal a, en conséquence, jugé que les deux actes de cautionnement doivent être déclarés nuls et que les demandes de la Sci Auto Tignieu formées à l'encontre de chacun des époux [B] seront rejetées.
65. La cour ne peut qu'approuver ces motifs, au regard des dispositions générales de l'article L341-2 du code de la consommation dans sa rédaction existante lors de la conclusions des cautionnements, puisque le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale. Il résulte ainsi de l'extrait K-bis de la Sci Auto Tignieu que s'il s'agit effectivement d'une Sci familiale, son objet est l'achat et la gestion d'immeubles notamment à destination professionnelle. Elle a ainsi bien la qualité de créancier professionnel au regard de l'article L341-2 ancien du code de la consommation, bien qu'en la forme, il s'agisse d'une société civile.
66. Il en résulte que le jugement déféré ne peut ainsi qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes formées contre M. et Mme [B], puisqu'il n'est pas contesté que la mention manuscrite prévue par la loi n'a pas été apposée sur leurs actes de cautionnement. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes plus amples des parties concernant les conséquences de ces engagements, ces prétentions étant sans objet.
2) Sur la validité de l'engagement de la société Herp :
67. Concernant la recevabilité de la demande d'annulation de son cautionnement, la cour constate qu'en première instance, la société Herp a demandé de confirmer la résiliation du bail et de débouter le bailleur de sa demande en paiement. Subsidiairement, elle a opposé l'exception d'inexécution, et encore plus subsidiairement, elle a sollicité des délais de paiement. La demande d'annulation formée au titre du dépassement de son objet social est ainsi nouvelle devant la cour.
68. Selon l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel. L'article 561 ajoute que l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel.
69. Selon l'article 563, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
70. L'article 564 dispose cependant qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. L'article 565 précise que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
71. En la cause, la cour constate qu'en première instance, l'appelante a sollicité le débouté de la Sci Auto Tignieu. Sa prétention concernant le dépassement de son objet social tend aux mêmes fins que celles soumises à titre principal et subsidiaire au premier juge. Elle tend en outre à faire écarter les prétentions du bailleur. Cette prétention est ainsi recevable.
72. Sur le fond, il résulte de l'article L223-18 du code de commerce que dans les rapports avec les tiers, le gérant d'une société à responsabilité limitée est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. La société est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des
circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants qui résultent du présent article sont inopposables aux tiers.
73. En l'espèce, la société Herp a la forme d'une société à responsabilité limitée. Son objet social est la réalisation et l'entretien d'installations thermiques et sanitaires. Il n'est pas contesté qu'elle n'a aucun lien capitalistique ou personnel avec la société RC Auto, dont l'objet social est la mécanique et la carrosserie automobile sur véhicules légers.
74. La cour constate que seuls des extraits d'immatriculation sont produits concernant la société Herp, et non ses statuts. Son objet social, ainsi que précisé ci-dessus, ne résulte que des activités devant être mentionnés sur les extraits du registre du commerce. La société Herp ne rapporte pas ainsi la preuve que le cautionnement litigieux ait dépassé son objet social et les pouvoirs de son gérant, résultant de ses statuts, qui ne sont pas produits.
75. En outre, il résulte des dispositions précitées que la société est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. Or, en la cause, la société Herp ne démontre pas que la société Auto Tignieu a eu connaissance d'un dépassement de ses statuts. Rien n'indique que ces statuts aient été remis au bailleur.
76. Il en résulte que la société Herp est mal fondée à solliciter, pour ce motif, l'annulation de son engagement de caution.
3) Concernant la résiliation du bail et l'exception d'inexécution opposées par la société Herp :
77. S'agissant en premier lieu de la recevabilité de l'exception soulevée par la société Herp concernant le renouvellement du bail, nouvelle en cause d'appel, la cour ne peut que se référer aux motifs développés plus haut concernant la recevabilité de prétentions nouvelles en cause d'appel. Il en résulte que cette exception, opposée au bailleur, est recevable, bien que nouvelle.
78. Sur le fond, le tribunal a rappelé qu'il résulte des dispositions de l'article 1722 du code civil que «si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement ».
79. Le premier juge a également indiqué que le bail conclu entre la Sci Auto Tignieu et la Sarl RC Auto précisait qu'en cas de destruction ou démolition totale ou partielle de l'immeuble, le bail serait résilié purement et simplement sans indemnité.
80. Il a constaté qu'il est constant qu'un incendie a partiellement détruit l'immeuble objet du bail commercial litigieux, et que dès le 4 août 2021 , la Sarl RC Auto a indiqué à la Régie Gasc Battistella qu'elle entendait maintenir son bail malgré la destruction du bien. Ce courrier adressé à la régie en charge de la gestion de l'immeuble s'imposait au bailleur. En outre, aucune disposition légale n'imposait que celui-ci soit transmis à la caution. Il a ajouté que si le bail mentionne qu'il est résilié de plein droit après destruction ou démolition de l'immeuble loué, la Sarl RC Auto était libre d'écarter l'application de cette disposition dont elle était la seule bénéficiaire. En outre, si la Sarl RC Auto a sollicité, par ce même courrier, la suspension
des loyers jusqu'à la fin des travaux de remise en état, aucune disposition légale ou contractuelle ne lui permettait de formuler une telle demande. En effet, les dispositions de l'article 1722 du code civil ne prévoient qu'une possibilité de diminution du loyer, dispositions qui ne sont, par ailleurs, nullement reprises dans le bail commercial.
81. Enfin, le tribunal a indiqué que la Sarl Herp ne saurait invoquer l'exception d'inexécution du bailleur, alors que la Sarl RC Auto a expressément sollicité la poursuite du bail. Il ne saurait donc être reproché à la Sci Auto Tignieu de ne pas avoir respecté son obligation de délivrance alors que son preneur a, malgré la destruction partielle, considéré que celle-ci ne remettait pas en cause le bail.
82. Le premier juge en a retiré qu'il doit être considéré que la Sarl RC Auto demeurait tenue au paiement des loyers et que le cautionnement de la Sarl Herp pouvait toujours être actionné par la Sci Auto Tignieu.
83. La cour ne peut reprendre ces motifs parfaitement développés. Les exceptions que pouvait opposer le preneur ne sont pas d'ordre public, et il a ainsi pu y renoncer en sollicitant la poursuite du bail, renonçant ainsi à l'exception tenant à la perte partielle des locaux.
84. La cour ajoute en outre que selon le procès-verbal de constatation relatif aux causes de l'incendie et à l'évaluation des dommages, réalisé par l'assureur de la société RC Auto, le feu est parti de l'intérieur du véhicule d'un client qui l'avait déposé au garage. Il ne peut ainsi être fait aucun reproche au bailleur concernant l'origine de cet incendie et ainsi un manquement à son obligation de délivrance, d'autant que l'origine de l'incendie se situant dans un véhicule remis au preneur pour travaux, la responsabilité de celui-ci peut être engagée.
85. En outre, le courrier du preneur adressé le 4 août 2021 à la régie chargée par le bailleur d'administrer la location indique que sur la base de l'article 1722 du code civil, le preneur demande le maintien du bail malgré la destruction du bien. Ce courrier a été adressé à un représentant du bailleur, disposant d'un mandat de gérer la location, et il est parfaitement valable à ce titre.
86. Au demeurant, suite à l'ouverture de la procédure collective concernant la RC Auto, le mandataire judiciaire a dû résilier le bail, ce qui confirme qu'il a été maintenu à la demande du preneur. Suite à l'incendie, le preneur a poursuivi le paiement des loyers pendant deux mois, et avant qu'il sollicite la poursuite du bail malgré la destruction des locaux. Il n'y a pas eu ainsi de résiliation du bail suivi de la conclusion d'un nouveau bail qui n'aurait pas alors été cautionné par la société Herp.
87. Il en résulte que cette caution reste tenue des loyers impayés jusqu'à la résiliation du bail par le mandataire judiciaire le 8 septembre 2022.
4) Concernant l'exception de compensation :
88. Cette exception opposée par l'appelante est recevable, bien que nouvelle devant la cour, au titre de l'article 564 du code de procédure civile, qui prévoit son admission expressément.
89. S'agissant du bien fondé de cette exception, la cour ne peut que constater que pendant le bail, le preneur doit prendre soin de la chose et l'article 1733 du code civil dispose qu'il répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine.
90. Or, il a été indiqué plus haut que l'incendie a débuté dans un véhicule remis au preneur pour réparation, sur lequel il disposait ainsi d'un pouvoir de direction. Il n'est justifié ni d'un cas fortuit, ni d'une force majeure. Il en résulte que la demande de compensation entre l'arriéré locatif et le dépôt de garantie versé par le preneur ne peut qu'être rejetée.
*****
91. En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions, y compris concernant le point de départ des intérêts légaux, la société Auto Tignieu ayant demandé d'abord expressément la confirmation de la décision entreprise sur ce point, de sorte qu'elle ne peut remettre en question ensuite la date du point de départ des intérêts dans son appel incident.
92. La cour précise qu'elle ne peut que débouter les époux [B] de leur demande d'écarter l'exécution provisoire, puisqu'un arrêt rendu en dernier ressort est nécessairement exécutoire, le pourvoi en cassation n'ayant pas d'effet suspensif.
93. Il est équitable de condamner l'appelante à payer à la société Auto Tignieu la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. Il est en outre équitable de laisser aux époux [B] la charge de leurs frais irrépétibles engagés tant en première instance qu'en cause d'appel, d'autant qu'ils ont été intimés par la société Herp, et non par la Sci Auto Tignieu, même si celle-ci a ensuite formé un appel incident à leur encontre.
94. La société Herp sera condamnée aux dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu l'article L341-2 (ancien) du code de la consommation, l'article L223-18 du code de commerce, les articles 1722, 1732 et 1733 du code civil, les articles 542, 561 et suivants du code de procédure civile ;
Déclare recevables mais mal fondées les exceptions opposées devant la cour par la société Herp ;
Confirme en conséquence le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour ;
y ajoutant,
Déboute M. et Mme [B] de leur demande d'écarter l'exécution provisoire du présent arrêt ;
Déboute M. et Mme [B] de leur demande de condamnation formée contre la société Auto Tignieu sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et laisse à leur charge les frais occasionnés sur ce fondement en cause d'appel ;
Condamne la société Herp à payer à la Sci Auto Tignieu la somme complémentaire de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Herp aux dépens d'appel ;
Signé par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente