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Décisions

CA Angers, ch. a - com., 23 septembre 2025, n° 24/01901

ANGERS

Arrêt

Autre

CA Angers n° 24/01901

23 septembre 2025

COUR D'APPEL

D'[Localité 10]

CHAMBRE A - COMMERCIALE

JC/CG

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 24/01901 - N° Portalis DBVP-V-B7I-FMRH

Arrêt du 02 Octobre 2024 Cour de Cassation de [Localité 26] n° H22-23.554

Arrêt du 20 Septembre 2022 Cour d'Appel de POITIERS RG n°21/2065

Jugement du 22 Juin 2021 TC de [Localité 25] RG N°21/525

ARRET DU 23 SEPTEMBRE 2025

APPELANT ET DEMANDEUR AU RENVOI :

Monsieur [C] [F]

né le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 16] (92)

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représenté par Me Marie VERRANDO, substituant Me Inès RUBINEL de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocats postulants au barreau d'ANGERS - N° du dossier 246778 et par Me Anthony BENOIST, substituant Me Benjamin ENOS, avocats plaidants au barreau de PARIS

INTIMES ET DEFENDEURS AU RENVOI :

S.E.L.A.R.L. [S] [O] ' [22], prise en la personne de Me [S] [O], pris en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la Sté [14]

[Adresse 7]

[Localité 9]

Représentée par Me Anne Sophie FINOCCHIARO de la SELAS FIDAL, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier ANG02014 et par Me Audrey MOUNEAU-LALLEMENT, substituant Me Nicolas DUFLOS, avocats plaidants au barreau de POITIERS

MINISTERE PUBLIC, pris en la personne de M. Le Procureur Général, près la Cour d'Appel d'ANGERS

Cour d'Appel - Parquet Général [Adresse 28]

[Localité 5]

Représenté par M. Hervé DREVARD, Avocat Général, près la Cour d'Appel d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 27 Mai 2025 à 14 H00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, Présidente de Chambre et devant M. CHAPPERT, Conseiller, qui a été préalablement entendu en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

M. CHAPPERT, conseiller

Mme GANDAIS, conseillère

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

Ministère Public : L'affaire a été communiquée au Ministère Public, représenté par M. Hervé DREVARD, avocat général, qui a fait connaître son avis.

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 23 septembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

~~~~

FAITS ET PROCÉDURE :

M. [C] [F] a été l'actionnaire unique et le président de la SAS [14], constituée le 4 février 2014 et immatriculée le 18 février 2014. La SAS [14] avait son siège social à [Localité 25] (Deux-[Localité 29]) et elle avait pour objet 'la conception, le développement, la commercialisation de progiciels, ainsi que la fourniture de toutes prestations associées, telles maintenance, assistance et conseil'. M. [F] explique que son activité était la récupération de données clients pour leur permettre de changer de logiciel professionnel et qu'il avait des clients uniquement institutionnels.

Le 2 février 2018, M. [F] a créé une autre société, la SAS [12], avec un siège social à [Localité 19] (Vendée) et ayant pour activité 'l'audit, le conseil et l'ingénierie logicielle sur les aspects réglementaires, le respect de conformité interne ou externe, la gouvernance notamment sur les données personnelles telles que décrites par le règlement [27]'.

Le 9 février 2018, M. [F] a déposé une déclaration de cessation des paiements auprès du tribunal de commerce de Niort pour le compte de la SAS [14].

Par un jugement du 16 février 2018, le tribunal de commerce de Niort a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SAS [14], en désignant la SELARL [S] [O] [1], prise en la personne de M. [S] [O], en qualité de liquidateur judiciaire et fixant la date de cessation des paiements au 31 janvier 2018.

Par une lettre du 24 octobre 2019, la SELARL [S] [O] [1], ès qualités, a demandé à M. [F] de rembourser un compte courant débiteur de 38 700,91 euros. M. [F] s'y est opposé par une lettre du 6 novembre 2019 en faisant notamment valoir des frais de déplacement non pris en comptabilité (14 310,20 euros), des frais de logement ou d'indemnité (2 880 euros) ainsi qu'une rémunération complémentaire ou prime (21 590 euros), en renvoyant à un procès-verbal de décisions de l'associé unique du 2 février 2018.

Par un acte d'huissier du 2 février 2020, la SELARL [S] [O] [1], ès qualités, a fait assigner M. [F] devant le tribunal de commerce de Niort pour obtenir sa condamnation à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur d'une somme de 90 150,91 euros et, en l'état de ses dernières conclusions, aux fins de prononcer à son encontre une mesure de faillite personnelle.

Par un jugement du 22 juin 2021, le tribunal de commerce de Niort a :

- condamné M. [F] à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 37 700 euros et à verser cette somme entre les mains de M. [O], en sa qualité de liquidateur de la SAS [14],

- rejeté la demande de prononcé de faillite personnelle,

- débouté les parties de toutes demandes ou conclusions contraires, différentes ou amples,

- condamné M. [F] à payer à M. [O], en sa qualité de liquidateur de la SAS [14], une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement,

Les premiers juges ont écarté l'une des fautes reprochées, consistant pour M. [F] à s'être versé une double rémunération, en tant que gérant mais également comme salarié. Ils ont en revanche retenu les autres fautes de gestion au titre du détournement d'actif (versement d'une rémunération excessive au regard d'une prime de 21 590,51 euros prélevée le 14 décembre 2017 alors que la société ne se portait pas bien) et de l'existence d'un compte courant débiteur (après avoir considéré que, pour l'essentiel, M. [F] ne rapportait pas la preuve des rémunérations, frais et prêts qu'il estimait pouvoir compenser avec le solde débiteur).

M. [F] et le procureur de la république du tribunal de grande instance de Niort ont chacun interjeté appel de ce jugement et, par un arrêt du 20 septembre 2022, la cour d'appel de Poitiers a :

- infirmé le jugement en ce qu'il a :

* condamné M. [F] à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 37 700 euros et à verser cette somme entre les mains de Maître [S] [O] en qualités de liquidateur de la société [14],

* rejeté la demande de prononcé de faillite personnelle,

- confirmé le jugement pour le surplus,

statuant à nouveau des chefs infirmés,

- dit que M. [F] a commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société [14],

- condamné M. [F] à payer à la SELARL [S] [O] [1], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS [14], la somme de 80 000 euros au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif,

- prononcé à l'encontre de M. [F] une faillite personnelle pour une durée de 10 ans,

- dit que la décision sera signifiée dans les quinze jours de sa date à la diligence du greffier de la cour d'appel à M. [F], personne sanctionnée,

- dit que conformément à l'article R. 653-3 du code de commerce, l'acte de notification du jugement mentionnera que la procédure pour obtenir le relèvement de ces sanctions est régie par les articles L. 653-11 et R. 653-4 du code de commerce,

- dit que conformément aux articles 768, 5° et R. 66 du code de procédure pénale, une fiche à destination du casier judiciaire, constatant le présent arrêt, sera dressée par le greffier de la juridiction dans les quinze jours qui suivent celui où la décision sera devenue définitive,

- dit que conformément aux articles R. 653-3 et R. 621-8 du code de commerce, le présent arrêt sera mentionné au Registre du Commerce et des Sociétés, qu'un avis de l'arrêt sera adressé pour insertion au Bulletin des annonces civiles et commerciales et que le même avis sera publié dans un journal d'annonces légales du lieu où le débiteur a son siège ou son adresse professionnelle et, le cas échéant, ses établissements secondaires, dans les quinze jours de la date du jugement,

- dit que l'arrêt sera adressé par le greffier aux personnes mentionnées à l'article R. 621-7, à savoir aux mandataires de justice désignés, au procureur de la République, au trésorier-payeur général du département dans lequel le débiteur a son siège et à celui du département où se trouve le principal établissement,

y ajoutant,

- condamné M. [F] aux dépens de l'instance d'appel,

- condamné M. [F] à payer à la SELARL [S] [O] [1], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS [14], la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de M. [F] sur ce fondement.

La cour d'appel a retenu l'ensemble des fautes de gestion reprochées à M. [F] au titre du versement de salaires excessifs, d'un détournement de la trésorerie par le virement d'une somme de 25 200 euros quelques jours avant le dépôt de la déclaration d'état de cessation des paiements, du remboursement de frais sans justificatif comptable, de l'usage des fonds de la société pour régler des dettes personnelles de pensions alimentaires, de l'existence d'un solde de compte courant débiteur de 28 148,26 euros et de la poursuite de l'exploitation en dépit de dettes fiscales et sociales importantes et anciennes. Elle a en conséquence condamné M. [F] au paiement de la somme de 80 000 euros au regard d'une insuffisance d'actif de 105 186,92 euros, outre une mesure de faillite personnelle.

M. [F] s'est pourvu en cassation et, par un arrêt du 2 octobre 2024, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt du 20 septembre 2022. La Cour de cassation a reproché à la cour d'appel, au visa des articles 16 et 422 du code de procédure civile, de s'être référée dans sa décision aux conclusions du parquet général, appelant principal, pour condamner M. [F] au titre de la responsabilité pour insuffisance d'actif et prononcer à son encontre une faillite personnelle, sans préciser si M. [F] avait reçu notification des conclusions écrites du ministère public et avait pu y répondre utilement.

M. [F] a saisi la cour d'appel d'Angers, juridiction de renvoi, par une déclaration reçue au greffe le 8 novembre 2024 (RG n° 24/1901), intimant la SELARL [S] [O] [1], ès qualités, et le ministère public. La SELARL [S] [O] [1], ès qualités, a également saisi la cour d'appel d'Angers par une déclaration reçue au greffe le 10 janvier 2025 (RG n° 25/53), intimant M. [F] et le ministère public. La jonction des deux instances a été prononcée par une ordonnance du 20 mars 2025, sous le RG n° 24/1901.

Les parties ont conclu et une ordonnance du 26 mai 2025 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par des dernières conclusions (n° 2) remises au greffe par la voie électronique le 9 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [F] demande à la cour :

- de le recevoir en sa saisine, la dire bien fondée et y faisant droit,

- d'infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions critiquées restant en cause ensuite de la cassation intervenue et particulièrement en ce qu'il :

* l'a condamné à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 37 700 euros et à verser cette somme entre les mains de M. [O], en sa qualité de liquidateur de la SAS [14],

* l'a débouté de toutes demandes ou conclusions contraires, différentes ou plus amples,

* l'a condamné à payer à M. [O], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS [14], une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

* a ordonné l'exécution provisoire de ce jugement,

et statuant à nouveau,

- de constater qu'aucune des fautes de gestion lui étant reprochées n'est matériellement constituée,

- de constater qu'en tout état de cause il n'a commis aucune faute de gestion sciemment,

- de constater au surplus que la prétendue faute de gestion relative à sa double rémunération a été rejetée par le tribunal de commerce de Niort en première instance,

en conséquence,

- débouter la SELARL [S] [O], ès qualités, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner la SELARL [S] [O], ès qualités, à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles, outre les dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.

Par des dernières conclusions (n° 2) remises au greffe par la voie électronique le 12 mai 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SELARL [S] [O] [2], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS [14], demande à la cour :

- de joindre les instances RG n° 24/01901 et RG n° 25/00053,

- d'écarter des débats les conclusions d'appelant n° 2 de M. [F] en date du 9 mai 2015 ainsi que ses pièces 13 à 22 pour violation du contradictoire,

- de la déclarer ès qualités recevable en son appel,

- de rejeter l'exception d'irrecevabilité présentée par M. [F],

- de déclarer M. [F] mal fondé en son appel, l'en débouter,

- de la déclarer ès qualités bien fondée en son appel,

- de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Niort en date du 22 juin 2021 mais seulement en ce qu'il a jugé que M. [F] a engagé sa responsabilité pour insuffisance d'actif,

- pour le surplus, de réformer le jugement en ce qu'il a limité la condamnation à la somme de 37 700 euros et rejeté la demande de prononcé de faillite personnelle,

et statuant à nouveau,

- de condamner M. [F] à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 80 000 euros et à payer ladite somme entre ses mains ès qualités,

- de prononcer une mesure de faillite personnelle à l'encontre de M. [F] pour une durée de dix ans ;

en tout état de cause,

- de débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- de condamner M. [F] à lui payer, ès qualités, la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par des dernières conclusions simplifiées, qui ont été communiquées aux parties par la voie électronique le 7 mai 2025, le ministère public, représenté par le magistrat délégué par M. le procureur général près la cour d'appel d'Angers, s'en tenant aux moyens et prétentions exposés et développés dans les conclusions du ministère public près la cour d'appel de Poitiers en date du 16 septembre 2021, dont une copie est jointe, demande à la cour :

- d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Niort du 22 juin 2021,

- de dire que l'ensemble des fautes de gestion reprochées par le liquidateur à M. [F] sont constituées,

- de condamner M. [F] à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de la somme de 90 150,91 euros,

- de prononcer à l'encontre de M. [F] une mesure de faillite personnelle pour une durée de 10 ans.

MOTIFS DE LA DECISION :

M. [F] et la SELARL [S] [O] - [21], ès qualités, ont chacun saisi la cour d'appel d'Angers, désignée cour de renvoi. Les instances ont été enregistrées sous les références RG n° 24/1901 et RG n° 25/53 respectivement. Il a déjà été procédé à la jonction de ces deux instances par une ordonnance du 20 mars 2025. La demande de jonction formulée par la SELARL [S] [O] - [21], ès qualités, est donc sans objet.

Il est précisé que, contrairement à ce qu'il avait fait devant la cour d'appel de Poitiers, M. [F] ne formule aucune prétention relative à la nullité de l'assignation du 2 février 2021.

- sur le respect du principe du contradictoire :

La SELARL [S] [O] [1], ès qualités, reproche à M. [U] d'avoir conclu tardivement, le 9 mai 2025, plus de deux mois après qu'elle-même a remis ses conclusions (3 mars 2025), en modifiant substantiellement son argumentation, en faisant passer ses écritures de 26 pages à 33 pages et en produisant 10 nouvelles pièces, alors même que la clôture était annoncée pour le 12 mai 2025. Il y voit une méconnaissance du principe du contradictoire et il demande en conséquence d'écarter les conclusions notifiées le 9 mai 2025 ainsi que les pièces adverses n° 13 à n° 22.

Le déroulement de l'instruction de l'affaire, tel qu'il est rappelé par la SELARL [S] [O] [1], ès qualités, est exact. Pour autant, l'ordonnance de clôture initialement prévue au 12 mai 2025 a fait l'objet d'un report, précisément à la demande du liquidateur judiciaire, au 26 mai 2025 et par une décision notifiée aux parties le 13 mai 2025. Ce report a ainsi permis à la SELARL [S] [O] [1], ès qualités, de prendre connaissance des nouveaux développements et des nouvelles pièces de M. [F], ainsi que d'y répondre par des conclusions notifiées le 12 mai 2025.

Dans ces circonstances, le principe du contradictoire s'est trouvé suffisamment respecté et la demande d'écarter les conclusions n° 2 de M. [F] ainsi que les nouvelles pièces qu'il a communiquées à cette occasion sera écartée.

- sur la recevabilité de la demande de prononcé d'une faillite personnelle :

M. [F] soulève, au visa des articles 122, 124 et 564 du code de procédure civile, l'irrecevabilité de la demande par la SELARL [S] [O] [1], ès qualités, tendant à prononcer une mesure de faillite personnelle à son encontre comme étant nouvelle puisqu'elle n'a pas figuré dans l'assignation du 2 février 2021 et qu'elle a été présentée par le liquidateur judiciaire dans ses conclusions d'appelant pour la première fois.

L'intimée fait toutefois exactement valoir que cette fin de non-recevoir n'est pas reprise par M. [F] dans le dispositif de ses dernières conclusions. Or, il ressort de l'article 954 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. La cour n'est donc, en l'espèce, pas saisie de la fin de non-recevoir développée par M. [F] dans le corps de ses écritures.

- sur la condamnation au titre de l'insuffisance d'actif :

Aux termes de l'article L. 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

(a) sur le principe de proportionnalité :

Devant le tribunal de commerce, la SELARL [S] [O] [1], ès qualités, a reproché plusieurs fautes de gestion à M. [F]. Les premiers juges ont écarté l'une des fautes invoquées, en estimant que le fait pour M. [F] de se verser une double rémunération, en tant que dirigeant et salarié, ne pouvait pas s'analyser comme un détournement de l'actif social. A partir de là, M. [F] affirme que le tribunal de commerce ne pouvait que rejeter l'entière action en responsabilité pour insuffisance d'actif, en conséquence du principe de proportionnalité.

Ce faisant, M. [F] méconnaît le sens du principe de proportionnalité. Celui-ci veut en effet que les juridictions du fond, après avoir caractérisé une ou plusieurs fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif, disposent d'un pouvoir souverain pour moduler le montant de la condamnation, voire pour décider de ne prononcer aucune sanction. Il en résulte effectivement que, si les juridictions du fond retiennent plusieurs fautes pour justifier la condamnation qu'elles prononcent, le caractère non fondé de l'une d'elle suffit à entraîner la cassation de l'arrêt de la cour d'appel.

Le principe de proportionnalité ne fait donc pas obstacle, comme le prétend l'appelant, à ce que le tribunal de commerce ait en l'espèce retenu la responsabilité de M. [F] au titre de l'insuffisance d'action bien qu'il ait rejeté l'une des fautes qui lui étaient reprochées par le liquidateur judiciaire, pour ne fonder sa condamnation que sur celles qu'il a estimées caractérisées. Aucune infirmation n'est encourue de ce fait. Il ne fait pas non obstacle à ce que la cour d'appel, saisie du litige par l'effet dévolutif et qui dispose du même pouvoir souverain d'appréciation, confirme la condamnation même après avoir écarté l'une des fautes de gestion invoquées par l'intimée et dès lors que l'une seulement de ces fautes remplit les conditions de l'article L. 651-2 du code de commerce.

(b) sur l'insuffisance d'actif :

L'action en insuffisance d'actif suppose de caractériser une insuffisance d'actif et celle-ci représente le montant maximum du préjudice auquel la condamnation du dirigeant peut être envisagée. L'insuffisance d'actif correspond à la différence entre, d'une part, le montant du passif admis en ce qu'il est relatif aux créances antérieures au jugement d'ouverture et, d'autre part, l'ensemble des réalisations d'actifs et des sommes encaissées ou recouvrées par le liquidateur judiciaire.

Les premiers juges ont considéré que l'insuffisance d'actifs de la liquidation de la SAS [14] s'élevait à la somme de 105 486,92 euros, en se fondant sur la liste des créances déclarées produite par le liquidateur judiciaire.

M. [F] ne discute pas ce montant devant la cour d'appel. De son côté, le liquidateur judiciaire fait exactement valoir qu'il convient toutefois d'en retrancher le montant des réalisations intervenues pour un montant total de 300 euros. De ce fait, l'insuffisance d'actif s'établit à la somme de (105 486,92 - 300) 105 186,92 euros.

(c) sur les fautes de gestion :

Comme en première instance, le liquidateur judiciaire et le ministère public reprochent plusieurs fautes de gestion à M. [F]. La preuve de ces fautes de gestion, qui doivent avoir été commises avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire et dépasser la simple négligence, leur incombe et il convient de les examiner successivement.

(c-1) sur la gestion irrégulière et fautive de dettes fiscales et sociales anciennes et importantes :

Le liquidateur judiciaire reproche à M. [F], d'une part, une mauvaise gestion des obligations sociales et fiscales. Pour l'intimée, la SAS [14] a en effet, dès son premier exercice, accumulé des dettes fiscales et sociales sans justification et, au contraire, alors que sa situation en début d'activité était bénéficiaire puisqu'elle a été soumise au paiement de l'impôt sur les sociétés.

Le fait pour le dirigeant de se soustraire à ses obligations fiscales et sociales, notamment en s'abstenant de régler les impositions et les cotisations sociales, est en effet constitutif d'une faute de gestion. C'est exclusivement ce que reproche la SELARL [S] [O] [1], ès qualités, si bien que les développements de l'appelant concernant les conditions de la poursuite et de la constitution du délit de fraude fiscale sont inopérants.

La SAS [14] a été immatriculée le 10 février 2014, avec un début d'activité au 1er janvier 2014. Or, il ressort de l'état des créances déclarées l'existence d'un passif social à la fois important (57 603,73 euros, soit plus de 54 % du passif total) et ancien :

- 15 165 euros au titre de l'impôt sur les sociétés 2014 et 2015,

- 1 795 euros au titre de la cotisation foncière des entreprises 2015 à 2018,

- 21 835 euros au titre de cotisations [30] 2014 à 2016,

M. [F] se défend d'avoir intentionnellement cherché à se soustraire au paiement de l'impôt en faisant valoir, d'une part, que la situation comptable de la SAS [13] à ses débuts n'était pas florissante. Mais il ne produit en ce sens qu'un simple extrait du compte bancaire de la société, qui révèle certes un solde débiteur de 3 231,66 euros au 31 décembre 2014 mais qui est insuffisant pour appréhender complètement la situation de la société et confirmer ainsi l'existence de difficultés financières qui l'auraient placée, dès l'origine, dans l'impossibilité de s'acquitter de ses obligations fiscales mais aussi sociales. Au contraire, l'assujettissement de la SAS [14] au paiement de l'impôt sur les sociétés implique que celle-ci dégageait des bénéfices, comme le souligne à juste titre de liquidateur judiciaire.

D'autre part, M. [F] indique qu'il a tenté de régler amiablement les dettes fiscales. Il produit en ce sens une lettre de la [15] du 19 octobre 2017, qui mentionne effectivement l'existence d'un plan de règlement échelonné des dettes fiscales et sociales du 18 janvier 2017. Cette lettre ne permet toutefois pas de déterminer l'étendue du passif fiscal et social concerné par le plan de remboursement. Surtout, le liquidateur judiciaire fait exactement observer que l'accord dont se prévaut M. [F] a été obtenu tardivement, alors que les dettes s'étaient accumulées depuis trois années, et qu'il a été dénoncé en raison du non-règlement d'une échéance et de l'aggravation du passif tant fiscal que social. Malgré cette dénonciation, M. [F] a poursuivi l'exploitation jusqu'au dépôt de sa déclaration de cessation des paiements (9 février 2018), auquel il s'est résolu, d'après les termes du procès-verbal des décisions de l'associé unique du 2 février 2018, en raison notamment de ce que 'la pression fiscale est insoutenable (encore un avis à tiers détenteur en janvier par le Trésor public de [Localité 25])' et de ce que 'la pression des organismes sociaux est insoutenable'.

Il en résulte M. [F] n'a pas réglé les impôts et les cotisations sociales, dont il ne prétend pas avoir ignoré qu'il s'imposaient à la SAS [14], depuis le début de l'activité et sans raison valable. Ce faisant, M. [F] a commis, non pas une simple négligence mais une faute de gestion qui a contribué à l'insuffisance d'actif, puisque précisément les dettes fiscales et sociales, dont le recouvrement forcé l'a déterminé à déposer la déclaration de cessation des paiements, demeurent au passif pour la somme totale de 57 603,73 euros.

(c-2) sur les détournements de l'actif social :

D'autre part, le liquidateur judiciaire et le ministère public reprochent à M. [F] divers détournements qui ont abouti à un compte-courant d'actionnaire débiteur ainsi qu'à la cessation des paiements. De fait, l'édition du grand-livre général sur la période du 1er janvier 2017 au 26 février 2018 fait apparaître que M. [F] a disposé de deux comptes-courants, qui étaient créditeurs de 8 800,76 euros (compte n° 4550) et de 5 052,65 euros (compte n° 4551) au 1er janvier 2017. Les prélèvements enregistrés sur le premier entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2017 ont abouti à ce que le solde du compte-courant présente un solde débiteur de 38 700,91 euros au 31 décembre 2017, tandis que le second est demeuré créditeur de 5 052,65 euros à la même date. Comme l'ont relevé les premiers juges, l'un des principaux points débattus concerne les prélèvements qui ont été effectués sur le compte-courant au titre des salaires et des remboursements de frais, dont le liquidateur judiciaire et le ministère public entendent démontrer qu'ils constituent des détournements d'actif et qu'ils sont la cause principale du solde débiteur du compte-courant de M. [F].

(c-2-1) sur les prélèvements au titre de salaires :

La SELARL [S] [O] [1], ès qualités, relève que le grand-livre général ne fait état que d'une rémunération brute mensuelle de 500 euros, d'une rémunération annuelle brute de 5 500 euros et d'une rémunération nette mensuelle de 372,56 euros, soit un montant total annuel de 4 471,34 euros qui se retrouve précisément au crédit du compte-courant n° 4550. Or, le liquidateur judiciaire relève que des prélèvements intitulés 'salaires' ont été effectués par M. [F] sur le compte bancaire de la SAS [14] pour un montant cumulé de 10 400 euros entre le 6 mars 2017 et le 10 novembre 2017, outre deux virements de (22 000 + 3 200) 25 200 euros enregistrés le 14 décembre 2017. Il en déduit que ces sommes, qui ont été enregistrées en débit du compte-courant d'actionnaire n° 4550, sont sans rapport avec les sommes déclarées par la société et que, nonobstant l'intitulé que M. [F] leur a donné, elles ne constituent pas des rémunérations et qu'elles sont injustifiées.

Pour le ministère public, la prime de 25'200 euros versée le 14 décembre 2012, alors que la situation financière de la SAS [14] était compromise et que M. [F] s'était déjà versé une rémunération mensuelle de 1 572,73 euros sur 11 mois au cours de l'année 2017, représente un complément de salaire qui n'était pas supportable par la trésorerie de la société. Il fait en outre valoir que la somme de 38 950 euros, dont l'inscription en comptabilité atteste qu'elle a bien été versée à M. [F], a été réglée sans contrat de travail justifiant d'une fonction salariée distincte de celle de dirigeant.

De son côté, M. [F] affirme, à partir du relevé bancaire de la société, qu'il a n'a perçu qu'une somme totale de 42 500 euros, dont 28 189,80 euros seulement au titre de sa rémunération, de telle sorte que sa rémunération mensuelle moyenne de 2 349,15 euros ne peut pas être considérée comme excessive. Il ajoute qu'il ne se versait pas de rémunération chaque mois et qu'aucun détournement d'actif ne lui est d'ailleurs reproché sur les mois auxquels le compte bancaire de la société était débiteur. Il se défend de toute double rémunération, en faisant valoir qu'il n'a jamais effectivement perçu la somme de 4 471,34 euros mais il approuve néanmoins les premiers juges d'avoir considéré qu'il pouvait percevoir un salaire distinct de sa rémunération de dirigeant, ayant été l'associé unique et le seul productif de la société.

Les relevés du compte bancaire de la SAS [14] confirment que celui-ci a prélevé à son profit les sommes :

- de 2 200 euros, le 6 mars 2017, avec un intitulé 'salaires et frais'

- de 1 500 euros, le 30 mars 2017, avec un intitulé 'salaires et frais'

- de 700 euros, le 12 juin 2017, avec un intitulé 'salaires avril mai 2017'

- de 2 500 euros, le 6 juillet 2017, avec un intitulé 'salaires et frais'

- de 1 500 euros, le 4 août 2017, avec un intitulé 'salaires et remboursement de frais'

- de 1 000 euros, le 14 septembre 2017, avec un intitulé 'salaires et frais',

- de 1 000 euros, le 10 novembre 2017, avec un intitulé 'salaires et frais septembre 2017'

- de 22 000 euros, le 14 décembre 2017, avec un intitulé 'salaires et frais 2017'

- de 3 200 euros, le 14 décembre 2017, avec un intitulé 'salaires et frais 2017'

soit une somme totale de 35 600 euros. Ces différentes sommes ont toutes été inscrites en comptabilité au débit du compte-courant d'actionnaire de M. [F] à titre de 'salaires' ou de 'salaires et frais' (virement du 10 novembre 2017).

L'argumentation des parties consiste à savoir si ces sommes peuvent être considérées comme étant la rémunération de M. [F], comme celui-ci l'affirme, ou si elles ne peuvent pas recevoir cette qualification, comme le soutient le liquidateur judiciaire. Sur ce point, l'appelant ne peut pas prétendre tirer de la partie des dernières conclusions déposées en première instance par la SELARL [S] [O] - [21], ès qualités :

"Le concluant est d'ailleurs on ne peut plus d'accord avec M. [F] qui relève, non sans mal que : "Ainsi, les postes "salaire" exposés aux termes du compte courant d'actionnaire de M. [F] n'y ont rien à faire". Ils n'y ont effectivement rien à y faire et M. [F] a manifestement tenu une comptabilité irrégulière' ce qui constitue une faute de gestion" (page 7)

un quelconque aveu judiciaire de la part de l'intimée de ce que les sommes litigieuses constituent des salaires et qu'elles n'avaient pas à apparaître au compte-courant d'actionnaire, puisqu'il se comprend que le liquidateur a ainsi au contraire entendu discuter la qualification de "salaire" improprement donnée aux opérations inscrites au débit du compte-courant.

L'intimée fait exactement observer que, sur la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017, la comptabilité ne fait mention que d'une rémunération brute mensuelle de 500 euros au compte de débit n° 641, ce qui correspond à une rémunération nette totale de 4 471,34 euros telle qu'elle figure au compte n° 421. Il n'est pas précisé ce que recouvre exactement cette rémunération, dont l'inscription au compte n° 641 peut tout autant représenter une rémunération de M. [F] en qualité de président ou de salarié. Les premiers juges ont, à cet égard, exactement rappelé que le président d'une société par actions peut également avoir le statut de salarié de la société, à la condition qu'il exerce des fonctions techniques distinctes de celles touchant à l'administration et à la direction de la société, ce que soutient précisément M. [F]. Il ne ressort toutefois pas clairement de l'argumentation de M. [F] que celui-ci revendique le bénéfice d'une rémunération en tant que président et de salarié, et la cour observe d'ailleurs qu'il n'est fourni aucun contrat de travail dont il aurait été fait mention au registre des décisions conformément à l'article L. 227-10 du code de commerce. Au contraire, M. [F] se défend d'avoir perçu une double rémunération et il affirme que la somme de 4 471,34 euros ne lui a pas été versée, ce en quoi il a été suivi par les premiers juges qui ont considéré que le compte n° 421 avait certes été purgé mais qu'il n'était pour autant pas démontré que la somme litigieuse avait été versée sur le compte de M. [F] en l'absence de production du compte de banque n° 512 correspondant. Il est exact qu'aucun élément ne confirme le fait que M. [F] a concrètement perçu, chaque mois, une rémunération telle qu'elle figure au compte n° 421. Il n'en reste pas moins que la somme de 4 471,34 euros a bien été portée au crédit du compte-courant d'actionnaire n° 4550 de M. [F], au 31 décembre 2017. Ce faisant, les sommes dues par la SAS [14] à M. [F] au titre de sa rémunération ont, très classiquement, été inscrites au crédit de son compte-courant d'associé afin d'alimenter la trésorerie et M. [F] ne peut donc pas prétendre ne pas avoir bénéficié de cette rémunération.

M. [F] affirme en revanche clairement que les sommes qu'il a prélevées sur le compte bancaire de la SAS [14] correspondent à sa rémunération et que, comme telles, elles ont été improprement inscrites au débit de son compte-courant d'associé plutôt qu'au compte de charges n° 641. C'est ce qu'ont considéré les premiers juges pour en conclure que la rémunération prélevée par M. [F] sur les onze premiers mois de l'année, d'un montant total de 19 750 euros, était normale au regard des revenus de la société, à la différence des prélèvements du 14 juillet 2017 (25 200 euros) dont ils ont retenu qu'ils constituaient un détournement de l'actif.

La SELARL [S] [O] [1], ès qualités, conteste cette qualification et elle reproche aux premiers juges d'avoir ainsi reconstitué une rémunération de M. [F] à partir des informations comptables alors que, d'une part, les statuts prévoient que la rémunération du président doit faire l'objet d'une décision de l'associé unique et, d'autre part, qu'elle doit donner lieu à l'établissement d'un bulletin salaire et aux déclarations sociales auprès de l'Urssaf.

Dans les sociétés par actions, les conditions de la rémunération des dirigeants est en effet librement organisée par les statuts. Les statuts de la SAS [14] ne prévoient rien de particulier et l'article 28 plus précisément visé par l'intimée est complètement étranger à la question de la rémunération du président. Certes, l'article 19 soumet à la collectivité des actionnaires toutes les décisions relatives à la rémunération du président mais il n'en va ainsi que dans l'hypothèse où la société aurait perdu son caractère unipersonnel, ce qui n'a pas été le cas. Il n'en reste pas moins que M. [F] ne justifie pas que les prélèvements mensuels résultent d'une décision de l'associé unique. Plus précisément, il n'a produit en première instance qu'un seul procès-verbal du 2 février 2018, aux termes duquel il a été décidé que 'la prime commerciale de 21'590,51 euros énoncée dans le procès-verbal du 12 décembre 2017 versée à l'associé unique doit figurer au bilan 2017 ainsi que dans les comptes de salaires et de charges de l'entreprise' (quatrième décision). Il dit produire désormais ce procès-verbal lui-même, par lequel il a effectivement été décidé de lui accorder une prime exceptionnelle d'un montant net total de 21 590,51 euros (décision unique). L'intimée y voit toutefois une tentative de M. [F] de justifier a posteriori des détournements. Elle relève en ce sens qu'il n'est pas justifié que le procès-verbal a été mentionné au registre avant celui du 2 février 2018, ce que M. [F] ne propose pas de démentir. A cela s'ajoute le fait que, d'une part, le procès-verbal produit n'est pas daté du 12 décembre 2017, comme évoqué dans le procès-verbal du 2 février 2018, mais du 19 décembre 2017, de telle sorte qu'il est en réalité postérieur au virement de la prime qu'il est supposé avoir décidée (14 décembre 2017). D'autre part, le montant de la prime exceptionnelle qu'il décide d'accorder au président (21 590,51 euros) est différent de celui qui a été effectivement prélevé sur le compte bancaire de la société (22 000 euros) et reporté en écriture au débit du compte-courant n° 4550.

D'autre part, l'intimée rappelle exactement que l'article L. 311-3 (23 °) du code de la sécurité sociale assimile les présidents de sociétés par actions simplifiées à des salariés. Or, elle fait valoir qu'il n'est pas justifié de l'établissement de bulletins de salaires, de la déclaration de ces salaires aux services fiscaux et aux organismes sociaux ou encore du paiement des cotisations y afférentes, ce à quoi M. [F] ne propose pas de réponse. Et de fait, il n'est produit aucune déclaration sociale nominative, aucun justificatif du paiement des charges patronales et des cotisations sociales sur les sommes que M. [F] affirme être des rémunérations ni aucun bulletin de paie laissant apparaître le salaire net à payer que l'appelant aurait seul pu prélever sur le compte bancaire de la société.

C'est ce qui explique que les prélèvements sur le compte bancaire de la SAS [14] ont été enregistrés au débit du compte-courant d'actionnaire et non pas au compte de charges n° 641. C'est également ce qui amène la cour à conclure que les opérations litigieuses ne peuvent pas s'analyser comme une rémunération ou comme des salaires que M. [F] se serait versés dans des conditions régulières mais qu'ils doivent au contraire être considérés comme des prélèvements injustifiés, hors toute décision régulière ou contrat de travail, en violation des obligations sociales de la SAS [14] et au détriment de la trésorerie de la société.

Les détournements d'actif sont établis et la faute de gestion est caractérisée, qui ne se réduit pas à une simple négligence au regard du caractère délibéré, répété et significatif des prélèvements.

(c-2-2) sur les détournements de la trésorerie dans les jours ayant précédé la cessation des paiements :

La SAS [14] a perçu une somme de 30 000 euros en provenance de la trésorerie du centre hospitalier de [Localité 25], portée au crédit de son compte bancaire le 13 décembre 2017. Le liquidateur judiciaire reproche à M. [F] un détournement de la trésorerie ayant consisté à effectuer, dès le lendemain, deux prélèvements de 22'000 euros et de 3 200 euros tout en sachant que la société ne disposerait d'aucune autre ressource et qu'elle était débitrice de dettes sociales et fiscales importantes. Il soutient que, ce faisant, M. [F] a vidé le compte bancaire moins de deux mois avant de déposer la déclaration de cessation des paiements (9 février 2018) et qu'il a sacrifié la SAS [14] au profit de la SAS [12], qu'il avait créée peu de temps auparavant (18 janvier 2018), qui avait la même activité et qui a récupéré ses principaux clients.

Le ministère public conclut dans le même sens.

M. [F] répond que, tout au long de l'année 2017, il ne s'est versé que des salaires modestes et irréguliers, allant jusqu'à ne se verser aucun salaire sur certains mois. Dans ce contexte, il explique qu'il a attendu que le centre hospitalier de [Localité 25] règle la somme de 37'500 euros à la SAS [14] en décembre 2017 pour se verser les rémunérations les plus importantes.

Le relevé du compte bancaire de la SAS [14] confirme que M. [F] a réalisé, à son profit, deux virements de 22 000 euros et de 3 200 euros en date du 14 décembre 2017, soit le lendemain du paiement par le centre hospitalier de [Localité 25] d'une somme de 30 000 euros. Il est indifférent que, comme le soulève l'appelant, ces virements soient intervenus avant l'ouverture de la procédure collective et que le délit de banqueroute de l'article L. 654-2 du code de commerce ne puisse pas être constitué de ce fait. Le liquidateur judiciaire, qui n'invoque au demeurant pas la constitution d'un tel délit, entend en effet uniquement démontrer que le détournement par M. [F] de la somme de 25 200 euros constitue une faute de gestion qui engage sa responsabilité civile délictuelle.

De fait, le dirigeant commet une faute de gestion lorsqu'il détourne de la société des sommes dont elle avait besoin.

Il a été précédemment démontré que les prélèvements effectués par M. [F] ne pouvaient pas être considérés comme étant une rémunération ou des salaires, de même que, s'agissant plus particulièrement du virement de 22 000 euros que M. [F] explique par le versement d'une prime exceptionnelle, des éléments empêchaient son rattachement à la décision de l'associé unique du 19 décembre 2017.

M. [F] reconnaît en tout état de cause dans ses conclusions que la situation de la SAS [14] était précaire puisqu'il écrit que la société survivait grâce aux avances qu'il lui avait consenties en comptes-courants, d'un montant total de 13 933,41 euros au 1er janvier 2017. Il indique par ailleurs que le centre hospitalier de [Localité 25] était alors le seul client de la SAS [14], dont il explique qu'elle effectuait des prestations ponctuelles pour un seul client à la fois. Enfin, il n'ignorait pas non plus que la société était débitrice d'importantes dettes fiscales et sociales, pour lesquelles un plan de remboursement avait été dénoncé moins de deux mois auparavant. Dans ce contexte, la décision de M. [F] de prélever des sommes qui ont absorbé la majeure partie des fonds encaissés en provenance de son unique client manifeste une volonté de sa part de privilégier anormalement sa situation personnelle sur celle de la société et des créanciers.

Comme le souligne l'intimée, il en est très rapidement résulté un assèchement de la trésorerie de la société. Le solde du compte bancaire est en effet demeuré créditeur de 2 297,83 euros au 29 décembre 2017, à la faveur des paiements enregistrés en provenance du centre hospitalier de [Localité 25] au cours du mois pour un montant total de 37 200 euros. Il s'est toutefois retrouvé débiteur de - 86,96 euros dès le 31 janvier 2018, date de la cessation des paiements, en raison de l'absence de tout encaissement sur le mois et en dépit des paiements conséquents dont la SAS [14] avait bénéficié le 7 décembre 2017 puis le 13 décembre 2017.

M. [F] avance que la cessation des paiements n'est en fait que la conséquence de l'absence de nouveau client. Mais il lui appartenait précisément d'anticiper la fin de la relation avec son unique client et de pourvoir à la continuité de l'activité de la SAS [14], alors que celle-ci était confrontée aux difficultés liées à une restructuration du marché de la santé et à une absence de bon de commande, comme M. [F] en a fait lui-même état en préambule du procès-verbal du 2 février 2018. Le paiement préférentiel de 25 200 euros du 14 décembre 2017 a, dans ce contexte, obéré la possibilité pour la SAS [14] de disposer du temps nécessaire pour rechercher de nouveaux clients, outre qu'il a privé les créanciers des liquidités utiles à la résorption du passif, notamment fiscal et social.

L'appelant, qui a agi ainsi alors qu'il avait parfaitement connaissance de la situation financière déjà obérée de la SAS [14] et de ce qu'elle ne tirait ses ressources que d'un seul client avec lequel sa relation contractuelle allait prochainement prendre fin, n'a pas seulement commis une négligence mais une faute de gestion.

(c-2-3) sur les prélèvements au titre des frais :

Le liquidateur judiciaire relève que les comptes bancaires de la société mentionnent des virements au profit de M. [F], au titre de remboursements de frais, pour un montant total de 9 360 euros entre le 19 avril 2017 et le 7 décembre 2017 mais que l'appelant n'a produit aucun justificatif à son comptable, qu'il tente de les justifier posteriori mais à partir d'un tableau établi par ses soins et sans fournir de ticket de péage ou de parking.

Le ministère public conclut dans le même sens, sauf à évoquer des remboursements de frais d'un montant de 14 310,20 euros.

Les extraits du compte bancaire de la SAS [14] révèlent que M. [F] a effectué des virements, en remboursement de frais :

- de 1 500 euros, le 19 avril 2017,

- de 2 200 euros, le 9 mai 2017,

- de 3 000 euros, le 8 juin 2017,

- de 200 euros, le 4 juillet 2017,

- de 2 450 euros, le 7 décembre 2017,

soit une somme totale de 9 350 euros. Ces différentes sommes ont été inscrites au débit de son compte-courant n° 4550.

M. [F] prétend rapporter la preuve de la réalité des frais qu'il dit avoir exposés, qu'il estime avoir été improprement enregistrés au débit de son compte-courant d'actionnaire et qu'il évalue à la somme totale de 14 310,20 euros. A cette fin, il n'a produit en première instance que ses notes de frais et un tableau Excel, que les premiers juges ont estimé n'être pas cohérents avec la poursuite parallèle d'une activité de production et n'être pas suffisants en l'absence de justificatif de péage, de parking ou de taxi.

Aux termes du procès-verbal du 2 février 2018, il a certes été décidé d'intégrer au bilan 2017, d'une part, les frais litigieux de 14'310,20 euros (dont 853,43 euros de péage) au bilan 2017, avec cette précision que 'la somme a été versée à l'associé unique sous forme d'avance sur frais durant l'exercice 2017" (deuxième décision), et, d'autre part, des frais de logement pour une somme de 2 880 euros. Cette décision, prise quelques jours seulement avant le dépôt de la déclaration de cessation des paiements (9 février 2018), ne rend pas moins nécessaire la démonstration de la réalité de ces frais.

M. [F] produit à cette fin de nouvelles pièces devant la cour. Il justifie, d'une part, que le contrat qui portait sur l'occupation du local du [Adresse 3] à [Localité 25] (Deux-[Localité 29]), qui constituait le siège social de la SAS [14], a été résilié par une décision 10 août 2016, ce pourquoi il ne calcule plus ses déplacements depuis cette adresse mais depuis [Localité 11] (Vendée).

Il produit, d'autre part, des copies de tickets de péage ou de métro, de stationnement. Il verse également aux débats des justificatifs de frais de restauration, de consommation de boissons, de factures d'hébergement ou encore d'achats de timbres, au regard desquels l'intimée lui reproche d'avoir fait payer à la société de nombreuses consommations d'alcool ou repas personnels sur son lieu de domicile. Mais le débat ainsi soulevé par l'intimée est vain puisqu'il s'avère que la somme de 14 310,20 euros dont M. [F] affirme qu'elle correspond aux frais qui ont justifié les prélèvements qu'il a effectués sur le compte bancaire de la SAS [14] ne recouvre en réalité que des frais kilométriques et des débours en lien avec ses déplacements (taxi, parking et péage).

La SELARL [S] [O] [1], ès qualités, fait toutefois valoir qu'il n'est pas démontré que les déplacements dont il est désormais justifié ont été réalisés dans l'intérêt de la société. De fait, l'appelant ne propose pas de répondre aux premiers juges qui ont, à juste titre, relevé que les déplacements quasi-quotidiens, à raison de 725 kilomètres par semaine (pour se limiter aux trajets en voiture) n'étaient pas conciliables avec les fonctions de production par ailleurs revendiquées par M. [F]. Il ne répond pas plus à l'intimée lorsqu'elle lui oppose que la fréquence de ces déplacements et leurs destinations ne s'expliquent pas au regard de ce que la SAS [14] avait pour unique client le centre hospitalier de [Localité 25]. Le seul exemple tiré par M. [F] d'un déplacement pour rencontrer le président du tribunal de commerce de Niort en date du 6 décembre 2017, qui est certes mentionné dans la note de frais et attesté par deux reçus de péage Chantonnay - Niort Ouest, n'est pas suffisant à cette fin, ce d'autant plus sûrement qu'aucun autre élément ne vient confirmer la tenue d'une telle rencontre. Au contraire, le liquidateur judiciaire met à juste titre en avant les six déplacements auprès de trois cabinets d'expertise comptable sur la courte période du 6 septembre 2017 au 31 octobre 2017, que M. [F] tente d'expliquer par une recherche d'un nouvel expert-comptable mais sans convaincre faute de tout autre élément à l'appui de ses seules déclarations.

La cour considère dès lors que les pièces produites par M. [F] ne suffisent pas à établir la réalité des frais qu'il dit avoir exposés dans l'intérêt de la SAS [14] et pour lesquels il dit avoir procédé, à titre de remboursements, aux prélèvements précités sur le compte bancaire de la SAS [14]. Ces prélèvements importants restent donc injustifiés, alors que la société rencontrait par ailleurs des difficultés et accusait un passif social et fiscal.

Ils sont constitutifs de détournements et d'une faute de gestion, le caractère délibéré, répété et significatif des prélèvements excluant une simple négligence.

(c-2-4) sur les virements au profit de Mme [T] :

Le compte bancaire de la SAS [14] porte la trace de deux virements effectués au profit de Mme [P] [T], au titre de 'remboursements de frais' :

- de 1 500 euros, le 6 janvier 2017,

- de 4 000 euros, le 6 février 2017,

soit une somme totale de 5 500 euros. Ils ont été enregistrés en comptabilité au débit du compte-courant n° 4550 de M. [F].

Le liquidateur judiciaire soutient qu'il n'est pas démontré que les deux paiements par virement effectués au profit de Mme [T] ont été faits dans l'intérêt de la SAS [14]. Il estime que, de ce fait, les deux virements ne sont pas justifiés et qu'ils constituent un détournement de l'actif. Il ajoute qu'en tout état de cause, le fait de procéder à des paiements en dehors de la présentation d'une facture ou de justificatifs comptables, de ne pas réclamer de facture au fournisseur et de ne pas conserver des pièces comptables relèvent d'une gestion comptable irrégulière, ce qui caractérise une faute de gestion.

Le ministère public tire également de l'absence de facture la même conclusion de l'existence d'un détournement d'actif.

Mme [T] est la présidente de la SAS [20], qui a été immatriculée le 15 mars 2016 et dont l'objet social est notamment ' la création, la valorisation et l'exploitation de manière directe ou indirecte de logiciels et sites Internet. Le développement d'outils informatiques d'assistance et d'optimisation de réseau de marketing direct'. M. [F] explique que Mme [T] est intervenue en qualité de conseillère commerciale auprès de la SAS [14] sur un projet '[24]'. Il produit certes une facture d'accompagnement marketing, d'un montant de 500 euros mais qui remonte au 9 juillet 2015 et qui n'est donc pas de nature à justifier de l'activité de Mme [T] à la date des paiements enregistrés.

L'appelant prétend qu'il n'a plus les factures correspondantes à sa disposition, ayant été dessaisi de ses droits depuis l'ouverture de la liquidation judiciaire. Mais, comme l'ont relevé les premiers juges, l'enregistrement des opérations en débit du compte-courant d'actionnaire démontre qu'il n'a manifestement pas non plus remis ces prétendues factures au comptable à l'époque du paiement.

M. [F] n'explique pas au final à quoi correspondent exactement les frais que la SAS [14] a remboursés à Mme [T], pour des montants dont la cour constate avec les premiers juges qu'ils sont sans commune mesure avec la seule facture du 9 juillet 2015 qui est produite. La cession à la SAS [20] des codes de source de logiciel, qui est intervenue dans le cadre de la liquidation judiciaire de la SAS [14], ne permet pas non plus de le savoir et elle renforce au contraire le caractère injustifié de la cession puisqu'elle présuppose que la SAS [20] avait vendu à la SAS [14] l'entièreté des droits patrimoniaux sur le logiciel ou le site Internet.

Les paiements litigieux effectués au bénéfice de Mme [T] restent donc injustifiés et, comme tels, constitutifs non pas seulement d'une négligence mais d'une faute de gestion au regard du caractère délibéré des virements réalisés sans cause.

(c-2-5) sur l'existence d'un compte-courant débiteur :

M. [F] rappelle exactement que tout associé peut consentir une avance ou un prêt à la société, qui est alors inscrit en compte-courant et dont il peut exiger le remboursement à tout instant, sauf stipulation contraire. Les articles L. 225-43 et L. 227-12 du code de commerce interdisent toutefois au président et aux dirigeants de la société par actions de se faire consentir par la société un découvert, en compte-courant ou autrement. Il en découle cette conséquence que l'existence d'un compte-courant débiteur constitue une faute de gestion.

L'extrait du grand-livre journal révèle qu'en l'espèce, le compte-courant d'actionnaire n° 4550 était débiteur à hauteur de 38 700,91 euros au 31 décembre 2017. C'est pourquoi la SELARL [S] [O] [1], ès qualités, reproche à M. [F] une faute de gestion à ce titre, le ministère public concluant également en ce sens.

L'appelant conteste ce solde débiteur. Il explique en effet avoir fait des avances en compte-courant à la SAS [14] pour une somme totale de 10 862,84 euros entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2017, qui doit être ajoutée au solde créditeur de 8 880,76 euros ayant existé au 1er janvier 2017, de telle sorte qu'il disposait d'un compte-courant créditeur de (10 862,84 + 8 880,76) 19 743,60 euros, à laquelle il entend ajouter le solde également créditeur de son second compte-courant n° 4551 (5 052,65 euros) et le montant des frais kilométriques dont il affirme avoir fait l'avance à la société (14 310,20 euros). Il estime que son compte-courant d'actionnaire lui a permis de régler des dettes personnelles, qui se limitent selon lui, d'une part, aux pensions alimentaires versées à Mme [H] [R] (7 000 euros) et, d'autre part, à une dépense de réparation de son véhicule (994,51 euros). En revanche, il soutient que les salaires, les frais et les remboursements effectués au profit de Mme [T] n'ont pas à figurer au débit de ce compte-courant et qu'en définitive, le solde demeure positif même après en avoir retranché les seules dépenses personnelles qu'il reconnaît.

Il est exact que le compte-courant n° 4550 de M. [F] était créditeur à hauteur de 8 880,76 euros au 1er janvier 2017 et que des sommes y on été inscrites au crédit jusqu'au 31 décembre 2017 pour un montant total de 10 862,84.

En revanche, il a été précédemment établi que les sommes inscrites en débit de ce compte à titre de salaires et de remboursement de frais n'étaient pas justifiées et que, de ce fait, elles devaient rester inscrites comme telles sans pouvoir être retirées ni faire l'objet d'une inscription corrélative au crédit. Il en résulte que le solde du compte-courant n° 4550 de M. [F], même à supposer qu'une compensation soit possible avec celui du compte-courant n° 4551, reste débiteur d'au moins (38 700,91 - 5 052,65) 33 648,26 euros.

La faute de gestion est caractérisée, l'importance des prélèvements injustifiés et intervenus tout au long de l'année excluant la simple négligence.

(c-2-6) sur le paiement des pensions alimentaires :

Le compte bancaire de la SAS [14] porte trace de virements effectués au profit de Mme [R] :

- le 6 janvier 2017, pour 1 020 euros,

- le 7 février 2017, pour 1 020 euros,

- le 7 mars 2017, pour 1 020 euros,

- le 4 août 2017, pour 1 020 euros,

- le 14 septembre 2017, pour 1 120 euros,

- le 7 décembre 2017, pour 1 800 euros,

soit un montant total de 7 000 euros. Ces virements ont été reportés en comptabilité au dédit du compte-courant d'actionnaire n° 4550.

M. [F] reconnaît la réalité de ces virements, qu'il explique correspondre au paiement d'une pension alimentaire. Il soutient néanmoins avoir pu procéder à ces dépenses personnelles en utilisant son compte-courant d'actionnaire, dont il estime qu'il était créditeur à son profit.

Comme l'ont exactement rappelé les premiers juges, un compte-courant d'associé ne peut permettre de payer les dépenses personnelles qu'à la condition qu'il soit créditeur. Or, il a été démontré que le compte-courant de M. [F] était en réalité débiteur. Il en a été ainsi à compter du 6 mars 2017 ou, en admettant la compensation avec le solde du compte n° 4551, à compter du 19 avril 2017. Les paiements effectués par l'appelant après cette date aboutissent dès lors à ce que qu'il ait fait usage des biens de la société comme des siens propres, ce que lui reproche précisément l'intimée.

M. [F] explique par sa situation personnelle ce qu'il qualifie lui-même comme une maladresse de versement de la pension alimentaire, ayant fait l'objet d'une convocation au commissariat de [Localité 25] pour un problème de non-paiement de son obligation alimentaire et voulant éviter une nouvelle convocation. Mais la convocation, dont il justifie, remonte au 20 avril 2016 et l'absence de production du procès-verbal d'audition empêche d'en savoir davantage sur les motifs exacts de la plainte ou même simplement de vérifier l'identité de son auteur. En tout état de cause, une telle convocation n'est pas de nature à justifier ou à amoindrir la gravité du procédé que M. [F] reconnaît incidemment avoir délibérément mis en oeuvre et les détournements d'actif qui en sont résultés au cours de la période considérée. L'hypothèse d'une simple négligence est donc écartée et la faute de gestion est caractérisée.

(d) sur le lien de causalité :

Pour le liquidateur judiciaire, les fautes de gestion commises par M. [F] ont privé la SAS [14] de la trésorerie qui lui était nécessaire pour faire face à ses charges, de telle sorte à générer un passif social important, ainsi que de tout actif disponible puisque le compte bancaire était débiteur au jour de l'ouverture de la procédure collective et que l'actif n'a pu être réalisé qu'à hauteur d'une somme de 300 euros seulement.

Chaque faute de gestion n'engage la responsabilité du dirigeant qu'autant qu'il est démontré qu'elle a contribué à l'insuffisance d'actif.

Le non-paiement des cotisations sociales et des impôts, dont une partie est due depuis les débuts de l'activité de la SAS [14], amène à ce qu'ils se retrouvent désormais au passif de la liquidation judiciaire pour une somme de 57 603,73 euros.

Les différents prélèvements effectués par M. [F] au titre de prétendus salaires et remboursements de frais, à son profit ou au profit de Mme [T], ainsi que les paiements de la pension alimentaire ont privé la SAS [14] de la trésorerie nécessaire pour faire face à ses dettes. L'appelant fait certes observer que les détournements qui lui sont reprochés au titre des salaires ne sont intervenus qu'au cours des mois où le solde du compte bancaire de la SAS [14] le permettait. Les extraits du compte bancaire de la société confirment qu'il a procédé aux virements, la plupart du temps, dans les jours qui ont suivi l'encaissement de paiements de la part des clients de la société et, en tout état de cause, alors que le solde était créditeur. Mais il n'en reste pas moins que la société rencontrait déjà des difficultés à l'époque des opérations litigieuses et qu'elle accusait un passif notamment social et fiscal ancien, que les prélèvements effectués par M. [F] n'ont pas permis de régler et qui demeure au passif de la liquidation judiciaire.

Le prélèvement du 14 décembre 2017 de la somme totale de 25 200 euros a, en dernier lieu, asséché la trésorerie de la SAS [14], dont le compte bancaire s'est retrouvé débiteur dès le 31 janvier 2018 (- 86,96 euros) et encore au jour de l'ouverture de la procédure collective (une créance de 426,96 euros ayant été déclarée, hors agios), privant ainsi la société placée en liquidation judiciaire de fonds utiles au remboursement de ses dettes.

La constitution d'un compte-courant débiteur démontre enfin, dans le même sens, que M. [F] a privilégié l'usage des biens de la société à des dépenses personnelles et qu'il a, ce faisant, soustrait l'actif au gage de ses légitimes créanciers qui demeurent à ce jour impayés.

Le lien de chacune des fautes caractérisées avec la constitution de l'insuffisance d'actif est ainsi établi, qui justifie en conséquence la condamnation de M. [F] à ce titre.

(e) sur le montant de la condamnation :

Les premiers juges, après avoir considéré que les détournements d'actifs avaient conduit notamment à rendre le compte-courant d'associé débiteur, ont condamné M. [F] au paiement de la somme de 37'700 euros correspondant au montant de la rémunération qu'ils ont qualifiée d'excessive (25 200 euros), des frais de Mme [T] (5 500 euros) et de la pension alimentaire (7 000 euros).

Le liquidateur demande que cette condamnation soit portée à la somme de 80 000 euros en faisant valoir que les détournements de M. [F] s'élèvent à la somme totale de 57 460 euros et qu'il a laissé le passif s'accumuler jusqu'à atteindre 195 486,92 euros, dont 57 603,73 euros de dettes fiscales et sociales. Il demande qu'il soit tenu compte de l'enrichissement personnel de M. [F], de l'ancienneté des dettes fiscales et du caractère délibéré de la soustraction de la société à ses obligations fiscales et sociales, de l'organisation volontaire de la cessation des paiements et des tentatives du débiteur de régulariser a posteriori ses détournements.

De son côté, le ministère public demande une condamnation à hauteur de la somme de 90'150,91 euros, qu'il dit correspondre au montant total des pertes de la société tel qu'il a été quantifié par le liquidateur judiciaire.

Comme le rappelle exactement le liquidateur judiciaire, le dirigeant peut être condamné au paiement de tout ou partie de l'insuffisance d'actif, dès lors qu'une faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif est retenue à son encontre. Il n'est alors pas nécessaire de rechercher la proportion dans laquelle chaque faute de gestion a contribué à l'insuffisance d'actifs et le montant de la condamnation est apprécié souverainement, indépendamment du préjudice subi par les créanciers de la société.

Plusieurs fautes de gestion ont en l'espèce été caractérisées à l'encontre de M. [F], consistant en des détournements des actifs de la SAS [14] qui lui ont permis d'appréhender directement les liquidités de la société, d'utiliser les fonds de cette dernière pour régler des dettes personnelles (Mme [R]) ou de les transférer à un tiers (Mme [T]).

Les fautes de gestion ne peuvent par ailleurs qu'être replacées dans le contexte de la création concomitante par M. [F] d'une autre société, la SAS [12], immatriculée le 2 février 2018 avec un début d'activité au 18 janvier 2018. L'appelant fait certes observer que l'objet social de la SAS [12] n'est pas le même que celui de la SAS [14] et que les deux sociétés n'ont pas le même siège social. Ce dernier point est inexact puisque les statuts initiaux de la SAS [12], tels qu'ils sont produits par l'intimée (pièce n° 3), fixent le siège social de la société à [Localité 11] (Vendée), qui était le dernier lieu d'établissement de la SAS [14]. Il s'avère par ailleurs que les deux sociétés, si elles n'ont effectivement pas le même objet social, ont néanmoins exercé dans le même secteur d'activité, qu'il s'agisse de la migration de données informatiques ou de la mise en conformité de données informatiques avec le Règlement général sur la protection des données. Enfin, comme le souligne l'intimée, certains des clients de la SAS [14] (centre hospitalier de [Localité 25], centre hospitalier de [Localité 23]) se retrouvent dans la clientèle de la SAS [12]. La preuve d'un détournement de l'activité de la SAS [14] vers la SAS [12] n'est pas formellement établie mais ces éléments suffisent à tout le moins à considérer que, comme le lui reproche l'intimée, M. [F] a abandonné la SAS [14], qu'il a vidée de sa trésorerie aux dépens de ses créanciers et jusqu'à la placer en état de cessation des paiements, pour se concentrer sur la gestion de sa nouvelle société.

Le procès-verbal des décision de l'associé unique du 2 mars 2018, précédant de quelques jours seulement le dépôt de la déclaration des paiements, s'inscrit dans cette même démarche, M. [F] tentant d'y justifier a posteriori l'intégration au dernier bilan de prétendus frais de déplacement (14 310,20 euros), frais de logement (2 880 euros) et d'une prime commerciale (21 590,51 euros), tout en ayant au préalable fait le constat d'une pression des dettes fiscales et sociales devenue insoutenable.

La gravité des fautes et les conséquences qu'elles ont eues pour la SAS [14], dont l'activité s'est arrêtée brutalement en laissant de nombreux créanciers, notamment sociaux et fiscaux, impayés et sans aucune perspective de récupérer quelque actif significatif que ce soit, justifient que M. [F] soit condamné au paiement d'une somme de 80 000 euros de dommages-intérêts, le jugement étant infirmé en ce sens.

- sur la faillite personnelle :

Les premiers juges ont écarté toute faillite personnelle en considérant que les fautes de gestion commises par M. [F] étaient déjà suffisamment sanctionnées par sa condamnation pécuniaire et qu'une faillite personnelle mettrait en péril la nouvelle société qu'il avait créée.

La SELARL [S] [O] [1], ès qualités, reproche aux premiers juges d'avoir ainsi statué alors que l'action en responsabilité pour insuffisance d'actifs a un objet distinct de celui de la faillite personnelle, laquelle tend à protéger l'ordre public économique. Elle reproche à M. [F] d'avoir usé des actifs de la SAS [14] comme des siens propres, dans son intérêt personnel et au détriment de la société, autant de fautes qu'elle considère entrer dans les prévisions de l'article L. 653-4 1°, 3° et 5° du code de commerce. Elle ajoute que M. [F] a été le gérant d'une autre société - la SARL [17] - qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire avec clôture pour insuffisance d'actif, que la SAS [12] est elle-même en difficultés et qu'en dernier lieu, M. [F] n'en est d'ailleurs plus le dirigeant. Elle conclut, comme le ministère public, à la nécessité d'une faillite personnelle d'une durée de dix années.

M. [F] s'oppose à une telle condamnation en faisant valoir une gestion exemplaire et florissante de la SAS [12], ainsi qu'à une simple expérience malheureuse comme gérant de la SARL [18], de laquelle il considère qu'il ne peut pas être retiré la preuve d'une prétendue incapacité de gestion de sa part.

Il ressort de l'article L. 653-4 du code de commerce que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel il a été relevé notamment qu'il avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres, qu'il a fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ou encore qu'il a détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale. L'article L. 653-11 du même code précise que la faillite personnelle ne peut pas être prononcée pour une durée de plus de quinze ans.

La faillite personnelle est une sanction ayant le caractère d'une punition, facultative et qui tend à écarter les personnes incompétentes ou malhonnêtes de la vie des affaires. En cela, elle diffère de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, dont l'objet est de réparer le préjudice subi par la collectivité des créanciers.

M. [F] a, en l'espèce, détourné l'actif bancaire de la SAS [14] et employé les fonds de cette dernière à des fins personnelles et contraires à l'intérêt de celle-ci en effectuant à son profit des virements à titre de 'salaires' ou de 'remboursements de frais' injustifiés, privant ainsi la société de la trésorerie nécessaire au paiement de ses dettes, notamment fiscales et sociales, jusqu'à la conduire à la cessation des paiements au regard de l'importance des sommes distraites. En constituant un solde débiteur de compte-courant d'actionnaire, il a également disposé des biens de la SAS [14] comme des siens propres et ce, afin de régler des dépenses de pensions alimentaires qui lui étaient personnelles. Ce faisant, l'appelant s'est effectivement rendu coupable des faits sanctionnés à l'article L. 653-4 1°, 3° et 5°, comme le lui reproche le liquidateur judiciaire.

Cependant, le prononcé d'une faillite personnelle est laissé à l'appréciation souveraine des juges du fond et il apparaît nécessaire à cette fin d'examiner la situation de M. [F] depuis la liquidation judiciaire de la SAS [14], comme l'y invite d'ailleurs la SELARL [S] [O] [1], ès qualités.

L'appelant ne se prévaut pas de sa situation personnelle, sur laquelle il n'apporte au demeurant aucune précision ni aucun justificatif.

Il s'avère qu'il a continué à s'engager dans des fonctions de dirigeant de sociétés, après la liquidation judiciaire de la SAS [14]. La SELARL [S] [O] [1], ès qualités, démontre ainsi qu'il a été, d'une part, gérant de la SARL 2010 et agissant dans le secteur des travaux d'isolation, a fait l'objet d'une liquidation judiciaire simplifiée le 3 juillet 2020 qui a été clôturée pour insuffisance d'actif par un jugement du 23 mars 2021. Il ne peut toutefois pas être tiré des seuls éléments produits par l'intimée de conclusion quant au rôle de M. [F] dans la liquidation judiciaire de cette société, dont il n'a finalement assuré la gérance que pendant moins d'un mois.

D'autre part, M. [F] a été le président de la SAS [12], qu'il a créée à une date contemporaine de la liquidation judiciaire de la SAS [14] et dans les conditions qui ont été décrites précédemment. Le liquidateur judiciaire entend tirer argument du mauvais résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2020 (- 62 585 euros, contre + 31 187 euros au 31 décembre 2019). Mais un tel chiffre n'est pas représentatif en le replaçant dans le contexte lié à la crise sanitaire. L'absence de détail du compte d'exploitation empêche en tout état de cause d'apprécier plus précisément les raisons de la brusque chute du résultat. De son côté, l'appelant justifie que la SAS [12] a été soumise à une vérification générale de comptabilité sur une période du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2022, sans qu'aucune rectification ne lui soit notifiée à l'issue. Enfin, il est exact que M. [F] n'est plus le président de la SAS [12] depuis sa démission du 29 décembre 2022 et que la crainte qu'une faillite personnelle déstabilise cette société, qui avait motivé les premiers juges, n'existe donc plus. Mais il en résulte tout autant que M. [F], aujourd'hui âgé de 58 ans, n'est plus dirigeant d'aucune société et qu'en l'absence de toute difficulté démontrée depuis la liquidation de la SAS [14], il y a maintenant plus de sept ans, la cour estime qu'il n'est pas nécessaire de l'écarter de la direction, de la gestion de l'administration ou du contrôle de toute activité indépendante et de toute personne morale.

En conséquence de quoi, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de prononcé d'une faillite personnelle à l'encontre de M. [F].

- sur les demandes accessoires :

Le jugement est confirmé dans ses dispositions ayant statué sur les frais irrépétibles et les dépens.

M. [F], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SELARL [S] [O] [1], ès qualités, une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Dit que la demande de jonction présentée par la SELARL [S] [O] [1], ès qualités, est sans objet ;

Rejette la demande de la SELARL [S] [O] [1], ès qualités, d'écarter les conclusions n° 2 notifiées par M. [F] le 9 mai 2025 et ses pièces n° 13 à n° 22 ;

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné M. [F] au paiement de la somme de 37 700 euros au titre de la contribution à l'insuffisance d'actif ;

statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne M. [F] à verser à la SELARL [S] [O] [1], ès qualités, la somme de 80 000 euros au titre de la contribution à l'insuffisance d'actif de la SAS [14] ;

Déboute M. [F] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [F] à verser à la SELARL [S] [O] [1], ès qualités, une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Condamne M. [F] aux dépens d'appel.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,

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